16/04/2014

UN VOLCAN NOMMÉ TAZIEFF

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Un volcan nommé Tazieff

 

« Et le législateur de l’univers, qui est la nature. » Robespierre

 

Le 6 mai prochain, quelques personnes, en France, lèveront leur verre à la mémoire de Maximilien Robespierre, dont ce sera le 256e anniversaire de naissance.

Cinq jours plus tard – le 11 – ceux qui l’ont connu célébreront le 100e anniversaire de la naissance d’Haroun Tazieff.

Les plus jeunes d’entre nous se demanderont peut-être de qui nous parlons et pourquoi célébrer son 100e anniversaire.

Haroun Tazieff fut un homme qui eut quelque chose à voir avec les volcans et qui en fut un lui-même.

Jean Cocteau l’appelait le poète du feu.

Les gens qui se disent scientifiques et qui font de la politique ne sont pas nécessairement équipés pour savoir ce que c’est qu’un poète. L’ambition, la soif de pouvoir, la foire d’empoigne, une certaine callosité les en empêche.

À l’intention de ceux qui ne savent rien de lui, nous allons en rappeler deux ou trois choses.

Tout a commencé en Russie, à la fin du XIXe siècle, lorsqu’une jeune femme qui avait voulu devenir chimiste et qui l’était devenue – la première dans son pays – et qui était ensuite devenue aussi docteur en sciences politiques, rencontra un prince tatar qui était, lui, médecin. Elle avait pour prénom Zénitta. Le Tatar s’appelait Tazieff. Ils se marièrent, vécurent à Varsovie, qui était alors terre russe, et, le 11 mai 1914, leur naquit un fils qu’ils appelèrent Haroun. Presque aussitôt, la guerre éclata, le jeune père fut mobilisé, envoyé au front et n’en revint pas. Zenitta n’apprit sa mort qu’après la fin du carnage. Entretemps, la Révolution avait éclaté pour ainsi dire à l’intérieur de la guerre. Les temps étaient durs pour une jeune femme seule avec un enfant en bas-âge. Mère et fils vécurent dans la misère.

En 1921, la Révolution, plus ou moins triomphante mais attaquée de partout, s’amputa des troupes ukrainiennes qui l’avaient débarrassée de l’Allemagne et des armées blanches. Leur chef, Nestor Makhno, le corps percé de treize blessures, fut évacué inconscient et finit par arriver à Paris, pour y mourir douze ans plus tard dans une misère aussi noire que son drapeau. Nous avons vu, par le récit qu’en a fait Emma Goldman, que bien d’autres convulsions agitaient alors le pays. Zenitta Tazieff, de naissance aristocratique, n’était pas sûre d’y survivre : plusieurs de ses cousins, avec les débris de l’armée du général Wrangel, s’agitaient en exil. Elle et son fils de sept ans émigrèrent vers la Belgique.

C’est là que l’orphelin allait faire toutes ses études et finir par adopter la nationalité du pays.

Tout ce qu’il y a appris relève des sciences de la terre. À Gembloux, il devint ingénieur agronome. L’université de Liège le fit ingénieur géologue et ingénieur des mines. Grand sportif aussi, il fut alpiniste, fit partie d’une équipe de football bruxelloise, puis devint champion national de boxe universitaire et fut même sélectionné pour les J.O. de Berlin. C’était en 1936, Hitler étant chancelier du Reich. Zénitta lui interdit de s’y rendre : on ne fricote pas avec ces gens-là. Mais elle lui interdit aussi de rejoindre les Brigades Internationales en Espagne. Pour des raisons politiques ? Berlin, c’était sûr. Mais Madrid ? Or, il avait 22 ans, l’âge idéal pour s’affranchir de la tutelle de papa-maman et voler de ses propres ailes. Surprotection maternelle ? Abusive ? Une chose est sûre, c’est que dans une double existence plus que mouvementée, la mère n’a jamais cessé de protéger son fils et le fils sa mère.

Après la deuxième Guerre Mondiale, qui les avait vus l’un et l’autre prendre d’énormes risques, les compétences professionnelles de Tazieff ne pouvaient que le faire atterrir au Congo, pas encore ex-belge. C’est peut-être pour pouvoir remplir certaines fonctions qu’il s’était fait naturaliser (en 1936). Il fera de même plus tard, en France, avant – et sans doute aussi pour – y remplir des fonctions encore plus officielles et même y devenir secrétaire d’État de François Mitterrand.

Quoi qu’il en soit, c’est au Congo, alors qu’il prospectait, à la recherche de gisements de zinc, qu’il rencontra son premier volcan. Un tout jeune, né quasiment sous ses yeux, au point de lui devoir son nom - Kituro – qui est celui du lieu-dit le plus proche, et qui allait devenir aussi, en son honneur, celui de l’équipe de rugby à XV de Schaerbeek, banlieue de Bruxelles.

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Ce fut un coup de foudre. Le Kituro, entré en éruption le 1er mars 1948, allait cracher des flammes pendant cinq mois. La passion de Tazieff pour cette expression-là de la Terre ne tiédirait jamais.

*

Cependant, avant tout cela, il y avait eu la guerre. Haroun, mobilisé, puis fait prisonnier, n’avait pas tardé à s’évader. Celle qu’on appelait déjà « la redoutable Zenitta » n’avait pu lui interdire, alors, de se mêler de Résistance : elle en était aussi. Plus ou moins agent du Komintern, malgré ses cousins aristocrates avec lesquels elle n’avait jamais rompu et qui vivaient aussi en Belgique. C’est ainsi qu’on les vit – ou plutôt qu’on ne les vit pas – eux et elle, faire évader des mines de charbon où on les décimait, les prisonniers de guerre soviétiques. Dans leur pays, ils se seraient entretués, mais c’étaient des compatriotes. Soit dit incidemment à ceux qui ne comprennent rien au plantage des US/UE en Ukraine.

Sur un autre plan, Haroun Tazieff et la Résistance eurent une conséquence sans rapport direct avec la guerre.

Il faut, là, qu’on vous parle des Lavachery.

Jean Lavachery, militant communiste, était un enseignant avec des idées sur l’éducation des gosses. Sa femme Betty et lui avaient installé, dans l’ancienne abbaye de Maransart, une école plus ou moins expérimentale, « La Clé des Champs ». (C’était une époque à entreprises de ce genre : les parents de Laurence Olivier aussi.) Ils étaient amis avec Haroun Tazieff et sa mère.

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Jean Lavachery, capturé avec toute l’armée belge par la Wehrmacht, au terme des dix-huit jours de drôle de guerre, fut interné au diable, dans un stalag dont il ne sortit qu’à la Libération. Pendant toute la guerre, Betty fut donc seule pour faire fonctionner l’école. Qui devint un des centres de la Résistance. Zenitta Tazieff y planqua des enfants juifs et des rejetons de hauts dignitaires du Parti Communiste Français réfugiés à Moscou. Betty, qui avait, jeune fille, participé aux débuts de l’embrigadement façon Baden Powell, se mit à emmener ses gamins la nuit, allumer des feux de signalisation aux avions pondeurs d’armes et de parachutistes, sous couleur d’activités scoutes. Ce que voyaient plutôt d’un bon œil les autorités occupantes, militaristes s’il en fut. Haroun Tazieff et elle devinrent amants. Proximité quotidienne de la mort et vie jetée en dehors de règles qu’on n’eût pas transgressées en temps normaux…

En 1945, Jean Lavachery revint d’Allemagne.

Qu’on nous pardonne un petit détour par l’histoire de notre propre famille. Notre grand-père avait fait partie, du vivant de Karl Marx, d’un noyau dur de tisserands anarcho-syndicalistes, au point de recevoir, dans son galetas, la visite de Mikhaïl Bakounine et, plus tard, celle du prince Kropotkine. « Galetas » n’est pas une figure de réthorique : une seule pièce où vivaient et dormaient père, mère et dix enfants, autour d’un métier à tisser qui ne s’arrêtait jamais. D’où sortit pourtant l’embryon d’une bibliothèque municipale, aujourd’hui une des plus riches de Belgique. Jusqu’au jour où les progrès de la technologie firent des artisans des esclaves (voyez Les Temps modernes), où la bourgeoisie inventa les Partis Ouvriers, bientôt « Socialistes », pour les faire tenir tranquilles et où les anarcho-syndicalistes, requalifiés « anti-politiques » furent sommés de s’affilier à des syndicats convenables ou de dégager.

Lorsque les prisonniers survivants revinrent d’Allemagne, le « grand homme »  du PS belge était déjà si atlantiste qu’il n’allait pas tarder à devenir Secrétaire-Général de l’OTAN et notre oncle Victor – un des dix – écoeuré, fut s’inscrire au Parti Communiste. Muni de sa carte toute fraîche, il se rendit à sa première réunion de cellule, où il trouva les camarades en train de sabler la chicorée pour fêter Hiroshima. Hébété, il ne put que leur demander ce qui les prenait de se réjouir du massacre de « gens comme nous ». De bons gros rires balayèrent sa connerie car « Ouah, l’autre, eh… c’est des Japonais ! ». Il déchira sa carte, leur en jeta les morceaux à la figure et sortit en claquant la porte. La carrière de militant communiste de Victor L. est la plus brève de l’Histoire.

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Jean Lavachery et son chien Plume

Eh bien, ce sont ces gens-là qui, lorsque Jean Lavachery rentra dans ses foyers, l’excommunièrent pour n’avoir pas, selon eux, « essayé de s’évader ». Vous croyez peut-être qu’on plaisante ? Mais, non. L’histoire des PC d’Europe reste à écrire.

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Betty Lavachery-Limbosch

Les seuls qui ne rejetèrent pas le rescapé furent sa femme et Tazieff.

Qui fut alors au courant de quoi ? Nous ne savons. C’est leur affaire. Ce qui est sûr, c’est qu’en 1946, Haroun Tazieff émigrait à Paris et y épousait France, qui lui survivrait, tandis que Betty mettait au monde un petit Frédéric, aujourd’hui sosie de son père.

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Frédéric Lavachery

« Des pères, j’en ai eu deux» dit-il. C’est d’autant plus évident que, s’il s’est pris de passion dans son âge mûr pour les volcans et les sciences de la terre chers à son géniteur, c’est à celui qui lui a donné son nom et l’a élevé qu’il doit sûrement son autre passion pour l’intégrité de l’enfance, passion qui a, notamment, motivé son implication dans l’affaire Dutroux. Il a animé pendant des années le site www.dignaction.org jusqu’à la mort inopinée de son webmaster et la perte accidentelle de leurs archives, dont voici un tout petit fragment retrouvé sur le blog d’une internaute suisse : http://www.luciole.ch/UserFiles/File/Fichier%20PDF/Aout20... ,

Pour le reste – le patrimoine Tazieff – c’est une histoire d’amitié autant que de piété filiale, car autour de Frédéric se sont regroupés d’anciens collaborateurs du vulcanologue et quelques-uns de leurs disciples. Ensemble, ils  ont mis sur pied le Centre Haroun Tazieff pour les sciences de la terre : www.tazieff.fr  qu’on ne saurait trop vous conseiller d’explorer car il est riche de projets et d’ambition, et ce sont eux qui, à l’approche du centenaire, ont suggéré au fils d’écrire un livre sur son père. Celui qui sort ces jours-ci.

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 Frédéric Lavachery

Un volcan nommé Haroun Tazieff

 Paris, l’Archipel, 2 avril 2014

 263 pages

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Son intérêt ne réside pas seulement dans la relation père-fils, que l’auteur ne pouvait éluder et qu’il traite avec sobriété. L’essentiel, nous semble-t-il, réside dans sa revisitation de « l’affaire de la Soufrière » et de l‘impact qu’elle a eu sur la vie et la carrière du savant, comme d’ailleurs sur celles de plusieurs autres. Il y a là des blessures qui ne se sont jamais refermées et des passions qui ne se sont jamais éteintes. Une vague recherche dans Google suffit pour s’en persuader.

L’affaire de la Soufrière

Qu’en dire à ceux qui n’étaient pas nés ?

Qu’un jour de 1976, le volcan dit de la Soufrière, près de Saint Claude, en Guadeloupe, a donné des signes d’activité et que les autorités françaises se sont lancées dans une campagne de « protection des populations » qui a frôlé l’hystérie.

Pourquoi ?

Vraisemblablement parce qu’en 1902, le réveil d’un autre volcan, celui de la Montagne Pelée, en Martinique, avait été, par les autorités de l’époque, criminellement minimisé pour cause d’élections législatives en cours, et qu’il en était résulté la plus grande catastrophe volcanique du XXe siècle : destruction totale de la capitale Saint-Pierre et mort de 30.000 personnes. Le scandale avait été énorme.

Lorsque des fumerolles furent visibles au sommet de la Soufrière de Guadeloupe, Tazieff, dont c’était la responsabilité, revint dare dare d’Équateur observer, mesurer, évaluer, et… déclarer qu’il n’y avait pas péril, expliquant scientifiquement pourquoi. Cela ne fit pas l’affaire de son supérieur hiérarchique, dont la vulcanologie n’était pas le fort, mais qui voyait très bien en quoi un danger, réel ou supposé, pouvait « booster » sa carrière politique, pour peu qu’on sût convenablement mettre en scène l’ouverture du parapluie. Les autres politiques, claquant des dents à l’idée de répéter la bourde meurtrière du début du siècle, choisirent d’écouter le matamore plutôt que le savant et firent déplacer inutilement, pour des mois, 70.000 personnes, démettant aussi de ses fonctions, dans la foulée, celui qui refusait d’instrumentaliser la peur.

 

Werner Herzog était sur place.

Il y a tourné un film documentaire :

L’attente d’une catastrophe inévitable


La SOUFRIERE (1977) - stfr - Werner HERZOG par UGTG

 

La suite devait donner raison à Tazieff, mais le mal était fait. La justice eût voulu qu’il fût alors réintégré dans ses fonctions et Claude Allègre – car c’était lui – renvoyé planter ses choux en les comptant sur ses doigts. Mais ce n’est pas ainsi que les choses se passent dans les allées du pouvoir.

Coutumier des rodomontades à la Danton (du culot, encore du culot, toujours du culot !), l’ineffable mathématicien devait, trente ans plus tard opérer un virage à 180° et, ayant jadis monté des alarmes en baudruche, nier le réchauffement climatique, en se gaussant avec une délicatesse d’hippopotame dans une cristallerie de ceux qui attachaient le grelot pour avertir du danger. Un danger, faut-il le dire, autrement conséquent que celui d’un volcan qui se réveille.

Le 16 février 2010, il faisait paraître un ouvrage intitulé L’imposture climatique ou la fausse écologie. Le 21 avril suivant, Sylvestre Huet, journaliste à Libération, publiait à son tour L’imposteur c’est lui, démontrant, preuves à l’appui, que Claude Allègre avait dupé ses lecteurs et les medias, où il s’était beaucoup répandu.

Bien des années avant cela (1981), Tazieff avait été nommé, par François Mitterrand, commissaire à l'étude et à la prévention des catastrophes naturelles. De 1984 à 1986, toujours sous Mitterrand, il avait été le secrétaire d'État chargé de la prévention des risques technologiques et naturels majeurs dans le gouvernement Fabius, fonction supprimée lors de la cohabitation Chirac. Mais aussi qu’était-il allé faire dans cette galère ? Haroun Tazieff, dégoûté de l’écologie politique, reprit alors ses seules occupations scientifiques et ne les quitta plus.

Quant à Claude Allègre, qui avait misé sur Lionel Jospin dont il avait été un des ministres, il ne rechigna pas, plus tard, à faire des offres de service à Petit Nicolas, qui les dédaigna.

Ce bref rappel de quelques faits parce que nous avons déniché un document où l’on voit Tazieff, son ami Cousteau, Jérome Pasteur, Paul-Émile Victor et d’autres (que du beau linge !) discuter de ce fameux réchauffement climatique dont les ours polaires font aujourd’hui les premiers frais.

 

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Haroun Tazieff et le risque de réchauffement climatique

Document INA de 1979

Haroun TAZIEFF répond ici aux questions des télespectateurs qui s'inquiètent du risque de réchauffement climatique. Il explique que le risque vient de la pollution industrielle qui peut créer un effet de serre et ainsi faire monter le niveau de l'eau. Le commandant COUSTEAU s'oppose à ce point de vue en soulignant qu'il y a des correctifs comme la végétation et les océans. Haroun TAZIEFF ajoute que l'effet de serre pourrait augmenter la température de l'atmosphère de 2 ou 3 degrés d'où la fusion de la glace et la montée des eaux qui noierait toutes les côtes basses comme New York, Londres, le Havre et Nice. Jérôme PASTEUR pense que de tels propos pourraient paniquer la population. L'échelle de ces changements s'effectuerait, selon lui, sur des milllions d'années. Claude LORIUS ajoute que l'Antarctique n'a pas bougé. Paul Emile VICTOR ne dit rien.

 

 

*

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Haroun Tazieff

Histoire de volcans

Illustrations de Jean Lavachery

Brodard et Taupin – 1964

191 pages

 

 

 

La bibliographie et la filmographie complètes d'Haroun Tazieff sont si riches qu’il est impossible de tout énumérer ici. Pour une liste plus ou moins exhaustive, rien ne vaut  http://fr.wikipedia.org/wiki/Haroun_Tazieff

Voir aussi :

http://www.babelio.com/auteur/Haroun-Tazieff/49898/biblio...

Quelques liens précieux :

·  Centre Haroun Tazieff pour les sciences de la terre

·  Biographie d'Haroun Tazieff par François Le Guern, l'un de ses collaborateurs

·  Vidéo: Haroun Tazieff en 1966, il s'exprime sur son film Le volcan interdit, une archive de la Télévision suisse romande

·  Robin des volcans Long métrage documentaire autour du parcours d’Haroun Tazieff Overdub Interactive

·   À propos de la polémique de Soufrière 1976...

Rappel des faits et point de vue personnel sur les événements qui ont marqué la Guadeloupe et la communauté volcanologique  - par François Beauducel http://www.ipgp.fr/~beaudu/soufriere/forum76.html

In memoriam :

En 2008, pour le dixième anniversaire de la mort d’Haroun Tazieff, la Guinée-Bissau a émis deux timbres en son honneur : un sur fond d’Etna, l’autre sur fond de Krakatoa.

 

10. TIMBRE - Emissione-della-Guine-Bissau-del-2008-del-Vulcano-dellEtna-in-Italia-dedicata-a-Haroun-TazieffItaly.jpg11. TIMBRE - Emissione-della-Guine-Bissau-del-2008-del-Krakatau-Volcano-in-Indonesia-dedicata-a-Haroun-Tazieff.jpg

 

*

On n’a pas d’image de la terrible matriarche Zenitta Tazieff, mais on en a de ses tableaux, car, remariée avec le poète liégeois Robert Vivier, elle a fait une très honorable carrière de peintre, et ses œuvres font encore aujourd’hui l’objet de ventes publiques. En voici deux, récemment vendues par la Galerie du Pistolet d’Or :

12. Zenitta Tazieff.JPG

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Il ne reste plus à Frédéric Lavachery qu’à écrire l’histoire de sa grand-mère.

 

*

Déesse des passions et des volcans

 

Petit à-côté mythologique

Tous les biologistes le savent : sans violence, pas de vie.  Et tous les mythologues (ou presque) vous le diront : cette violence fut, pendant des millénaires, un peu partout sur la terre, l’affaire d’une déesse, celle que M. Jean Przyluski a appelée, dans un petit livre fort savant que les éditions Payot feraient bien de republier,  La Grande Déesse.  Les Grecs l’avaient, pour leur part, baptisée Aphrodite, mais elle eut des myriades de noms.

Au temps de nos ancêtres d’il y a des dizaines de milliers d’années, elle régna sur toutes les passions violentes, et partout : au ciel, sur la terre, au fond de la terre et au fond des mers, comme dans le fond des cœurs et des reins humains. Jusqu’à ce que les pères de famille, en prenant le pouvoir il y a plus ou moins dix mille ans, la fragmentent, pour l’évincer, en plusieurs dieux mâles : Zeus, qui allait régner à sa place au ciel sur la foudre, le tonnerre et les orages ; Poséidon, qui, du fond des mers, gouvernerait les tempêtes, les raz de marée et les tsunami, s’amusant aussi les jours de semaine à provoquer ou à empêcher les naufrages ; Hadès le Très-Riche qui, non content de régner sur les morts et sur les métaux précieux, lui raflerait le sceptre des tremblements de terre et des éruptions volcaniques ; Arès, amant prétendu, qui déchaînerait les guerres à sa place et, bien entendu, le petit cinquième : son fils Cupidon. Ils lui collèrent aussi, pendant qu’ils y étaient, un mari, nommé Héphaïstos, qui habitait sous l’Etna, où on l’entendait taper sur son enclume, façonnant les armes et les œuvres d’art des autres dieux de l’Olympe, dont le trident de Poséidon et le foudre de Zeus. Le philosophe Empédocle (5e s. av. J.-C.) ayant eu l’idée saugrenue de se suicider en se jetant dans son cratère, le dieu maréchal-ferrant aurait manifesté son déplaisir en rejetant une de ses sandales, devenue de bronze.

 

L’Etna : 16-17 novembre 2013

 

Soyons sérieux, revenons à notre déesse. Lorsqu’elle était reine des morts et qu’elle régnait sur les profondeurs de la terre ou des mers, elle était noire (d’où l’autre nom de son époux : le Forgeron-Noir-de-Charbon, en anglais Blacksmith). C’est elle, bien sûr, qu’on retrouve, déguisée en Vierge à l’Enfant au milieu des volcans d’Auvergne, elle à qui on offre, dans ses sanctuaires montagnards, des ex-votos de bateaux, alors qu’il n’y a pas de mer à proximité ni même de rivière navigable. Comme ici, à Rocamadour :

14. rocamadour_bateau.JPG

Elle encore qu’on priait pour échapper à la prison ou aux galères, et  à qui on venait offrir ses chaînes, quand on recouvrait la liberté, car l’amour de la liberté n’est pas une passion mineure. Ici, toujours à Rocamadour.

15. rocamadour chaînes.JPG

Ces sortes d’offrandes, dans ces sortes d’endroits, sont des preuves indiscutables de sa très haute antiquité, antérieure non seulement au christianisme mais bien plus ancienne aussi que les dieux mâles du paganisme.

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Pour l’anecdote, la « Vierge Noire » de la chapelle de Rosslyn (en Écosse) est la seule au monde qui ait conservé quelque chose de sa nature d’Aphrodite. Elle se trouve très logiquement sous terre – dans la crypte – alors que son autre Elle-même (celle qui est blanche) est vêtue et se trouve dans le sanctuaire proprement dit, en hauteur.


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Pour sa part, Notre-Dame de Cape Town, en Afrique du Sud est, certes,  noire parce que ses fidèles le sont, et de type évidemment négroïde, mais ce n’est pas la seule raison de sa noirceur, car on la prie, comme les autres, pour la fortune de mer, pour obtenir une bonne mort et pour être délivré de ses chaînes. L’église Saint-Georges, où elle se trouve, touche d’ailleurs l’ancien marché aux esclaves, et Mgr Desmond Tutu y a prêché, infatigablement, pendant des années, contre l’apartheid. La statue en soi est récente, en bois de gaïac, œuvre du sculpteur Leon Underwood.

 

 

 

*

Des hommes et des enfants

 

L’histoire des Lavachery a une suite :

Après la mort de son épouse, Jean Lavachery devait se remarier et engendrer un fils. Bien à lui, cette fois. Ce fils, Thomas Lavachery, qui n’est même pas le demi-frère de Frédéric, a repris lui aussi à son compte les passions paternelles. Non, il ne fait pas la classe aux enfants : il leur écrit des livres. Il est même devenu l’écrivain préféré des petits Belges et de pas mal de petits Français. : Bjorn le Morphir, c’est lui.

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Il est même allé jusqu’à écrire une autre histoire en collaboration avec toute une classe de 5e primaire (CM1). Le résultat – La colère des McGrégor – a trouvé un éditeur et obtenu un prix.

Mais Thomas Lavachery n’est pas que le fils de son père, il est aussi le petit-fils de son grand-père, Henri Lavachery. Lequel fut anthropologue et s’en alla, un beau jour de 1934, avec le Suisse Alfred Métraux, à l’île de Pâques, pour tenter d’en percer l’énigme. Son petit-fils y est allé après lui, sur ses traces ; il y a rencontré des Pascuans qui l’avaient connu, et il en a rapporté un film. : L’homme de Pâques.

Après quoi, bon sang ne pouvant mentir, il s’est tourné vers une autre ethnie énigmatique, une des fameuses 55 minorités chinoises dont nous vous parlions il y a peu : celle des Moso. La particularité des Moso (+ ou – 30.000 âmes vivant au bord du lac Lugu, entre le Sechuan et le Yunan) est d’être restés depuis la préhistoire la plus reculée une société purement matriarcale. Ceux qui les ont approchés disent que, chez eux, c’est le paradis sur la terre. Cela ne le restera pas longtemps. Le tourisme va bientôt n’en faire qu’une bouchée.

Internautes qui nous lisez, n’y allez pas avec vos shorts, vos tongs et vos cellulaires ! Regardez plutôt le film que Thomas Lavachery leur a consacré : Un monde sans père ni mari. (Mais pas sans oncles.)

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 Hlindi Gemu, qui est à la fois une montagne et la déesse-mère des Moso.

Et pour tout savoir sur l’écrivain-cinéaste, allez voir son blog, c’est une vraie caverne d’Ali  Baba. On y passerait des heures : http://thomaslavachery.skynetblogs.be/

 

 

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Pour conclure cette tranche de saga familiale sur Frédéric Lavachery-son-of-Tazieff :

 

Dans le cadre de ses activités liées à l’enfance, il a écrit, en 2001, avec le journaliste luxembourgeois Jean Nicolas, un livre consacré à l’affaire Dutroux.

En fait, les deux hommes ont co-signé un ouvrage dont ils ont écrit une moitié chacun, Nicolas se focalisant sur Dutroux et sa trajectoire, Lavachery s’attachant à l’examen des dysfonctionnements de la justice belge, dans cette affaire-là et dans d’autres.

Or il y a, dans sa contribution, un chapitre qui remet en question la responsabilité historique attribuée au roi Léopold III dans la débâcle de mai 1940. En abrégé, ce monarque, outrepassant peut-être ses prérogatives constitutionnelles, aurait tenté de faire obstacle à l’irrésistible ascencion de la particratie (ne pas confondre svp avec démocratie), dont nous voyons aujourd’hui les fruits merveilleux d’un bout de l’Europe à l’autre, sans parler de son noyau dur de Bruxelles. Selon l’auteur, le gouvernement belge en exil et celui de Vichy auraient, de concert, neutralisé Léopold, en lui faisant « porter le chapeau » de leur propre forfaiture, autrement dit d’une capitulation intempestive, voire préméditée.

Ceux qui les ont vécus ont conservé le souvenir des événements violents qui secouèrent la Belgique en 1950, lorsque ce roi, rentrant d’exil, voulut remonter sur son trône. Ils se souviennent certainement du referendum qui coupa le pays en deux - 51% « pour » au nord, 49% « contre » au sud - Léopold III finissant par abdiquer en faveur de son fils Baudouin pour ne pas être la cause d’une guerre civile.

Que la thèse de Frédéric Lavachery soit fondée ou infondée, elle méritait assurément un examen sérieux, sinon de la part des merdias, du moins de celle des historiens. Or, rien. Nada. Silence radio partout. Certes, les pressions lors de la sortie du livre furent telles que Flammarion le retira aussitôt de la vente. Mais où a-t-on vu que ce genre de péripétie ait jamais empêché quelqu’un de déterminé de se procurer un exemplaire de bouquin et de faire son métier ? Decline of the West…

 

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Jean Nicolas - Frédéric Lavachery

Dossier pédophilie. Le scandale de l’affaire Dutroux

 Paris, Flammarion, 2001

 361 pages

 

 

 

 

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Allez, on va se faire plaisir …

 

Invocation des matriarches Moso aux esprits totems

 

Vous avez dit paradis ?

 

* 

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Autres livres non sans rapport…

 

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Quand fiction et réalité sont jumelles.

Plonger dans l’histoire des Tazieff et des Lavachery est un peu comme piquer une tête dans un roman de Peter Temple, mais c’est bien sûr l’inverse et les romans de Peter Temple qui ressemblent à l’histoire des Tazieff et des Lavachery.

Peter Temple est un romancier australien, auteur de ce qu’il est convenu d’appeler des « polars ». Ses polars, comme ceux de bien d’autres, sont les meilleurs témoins de notre temps, souvent plus justes qu’un traité d’Histoire. Écrits en bon anglais, certains sont pourtant quasiment intraduisibles - non question de langue mais de langage – particularité qui les rend fortement exotiques, alors que tout ce qu’ils racontent pourrait se passer à Londres, à Paris, à Trifouillis-les-Oies ou à Steenokkerzeel : même société crevant de son matérialisme, même faune politicarde vendue ou soumise à chantage, mêmes affairistes aux dents qui raient les parquets, mêmes machines à tuer rescapées de plusieurs guerres, prêtes à vendre leur sang mais plutôt celui des autres, mêmes ronds-points remplaçant les carrefours partout, mêmes jeunes journalistes BCBG à la taille et aux lèvres minces, capables comme personne de présenter des JT ou de faire semblant de mettre en difficulté mais seulement jusqu’à un certain point les grands prédateurs et petits porte-coton du pouvoir. Comédie humaine que ne désavouerait pas Balzac, car il n’y a pas que la matière, il y a la manière, le style.

Quelque chose de particulier qui frappe aussi, chez Temple, c’est son obsession des relations fils-pères, pères-fils, le cas échéant pères-filles, les pères des uns s’adressant aux fils des autres pour retrouver des fils indignes disparus avec les économies paternelles, morts peut-être et pour qui on ne veut pas s’avouer qu’on s’inquiète ; les fils des autres comptant sur les pères des indignes pour lever leurs propres doutes : « mon père m’a-t-il seulement aimé un peu ou lui ai-je été indifférent ? à charge ? l’ai-je encombré ? m’a-t-il méprisé ? ». Questions qui taraudent encore à l’âge de raccrocher, quand votre femme vous a plaqué pour un autre et qu’une de vos filles meurt dans la rue d’overdose tandis que l’autre vous regarde avec un peu de commisération comme la cinquième roue de la charrette…

On le comprendra, on est ici à des années-lumière des théories du genre, des minorités folklo-persécutées, des perversions légalisées et des autres moisissures d’un monde dont on ne sait pas s’il est en train de crever ou d’accoucher de quelque chose dans la douleur. Ici, comme chez les Tazieff et les Lavachery, on est en présence d’une humanité dense, pleine de passions mais aussi de courage, une humanité tabassée par ce foutu XXe siècle, et qui s’obstine à faire comme si tout cela avait un sens.

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Peter Temple :  Black Tide

(non traduit)

Quercus Publishing, UK, 2013

355 pages

Format Kindle : 495 KB

C.D.

 

 

Pour les autres titres en anglais, voir Google ou Wikipedia

En français :

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Peter Temple

Séquelles

Gallimard, 2008

496 pages

 

 

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Peter Temple

Un monde sous surveillance

Payot-Rivages, 2010

393 pages

 

 

 

 

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Peter Temple

Vérité

Payot-Rivages, 2012

443 pages

 

 

 

 

 

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L’histoire des PC d’Europe reste à écrire…

Voici un livre d’écrivain-cinéaste, où on trouve des tas choses bien intéressantes, y compris une page de l’histoire du PCI

1948 en Italie.

Orson Welles, qui vient de se séparer de Rita Hayworth, de tourner Macbeth avec 12 dollars dans des décors en carton-pâte, qui a des tas de projets, pas d’argent, beaucoup de dettes et que le FBI prend pour un rouge, donc surveille, débarque à Rome. Il vient y tourner, comme acteur, un film alimentaire, Black Magic, qui s’appellera en français Les aventures de Cagliostro.

C’est l’occasion, pour l’auteur, tout en faisant vivre à Welles une aventure qui tient du thriller et du roman d’espionnage, de brosser un tableau puissant et rigoureusement vrai de son pays à la croisée des chemins : Cinecitta est un camp de réfugiés, le Vatican pratique l’évasion des capitaux contre une honnête commission double – une pour faire bouillir la marmite, l’autre pour financer la lutte contre le communisme -, les dignitaires du fascisme non exfiltrés aux USA sont recyclés démocrates chrétiens sans changer de bureau (pour quoi faire ?), les vrais malfrats-faux résistants de tout poil se livrent aux magouilles les plus vertigineuses, la bourgeoisie s’adonne aux mêmes perversions qu’avant, les enfants font du marché noir, Al Capone est là, plus vrai que nature, pas du tout décidé à adopter profil bas, le pays n’en finit pas de panser ses plaies et s’apprête à voter communiste en masse aux élections prévues pour le 18 avril, les premières depuis la chute de Mussolini.

Ce dernier détail ne plaît pas du tout aux Américains, qui font en sorte qu’il n’en soit rien. Certes, Victoria Nuland ne va pas venir distribuer des petit-beurres comme elle l’a fait place Maidan, elle n’est pas née, mais Tyrone Power, qui l’est, vient distribuer des rations de lait en poudre et des pâtes made in USA. Des enfants estropiés sont sélectionnés pour aller réciter un compliment au président Truman, qui les recevra à la Maison  Blanche. On amène même une vache du Texas pour célébrer l’amitié italo-américaine. L’empire est là, tel qu’en lui-même. Il n’a pas, depuis, changé d’un iota son modus operandi.

L’entretien Welles–Togliatti dans une petite trattoria vaut à lui seul un livre d’histoire ou deux. Le candide Orson et un autre protagoniste apportent au chef du PC de quoi faire, des élections qui viennent, un irrésistible raz-de-marée. Togliatti demande.

-       Et quand allons-nous enfin voir des films de John Ford, M. Welles ?

-       Euh.. je n’en sais rien, et Le voleur de bicyclettes ?

-       Oui, mais Hollywood, c’est quand même autre chose. C’est Hollywood qu’ils veulent.

(De fait, à Rome, Citizen Kane tiendra trois jours à l’affiche. Ninotchka, film de propagande anti-communiste, y restera trois mois.)

Et de finir par expliquer que, non, ils ne va pas se servir de ce qu’on lui offre, et que, non, les communistes  ne vont pas gagner les élections, ils vont s’arranger pour les perdre de justesse, et s’assurer ainsi un poids certain dans l’opposition…

-       Mais pourquoi ???

-       Z’avez vu les Grecs ? Les Américains sont déterminés. Si nous gagnions les élections, il y aurait un bain de sang. Je ne veux pas d’un bain de sang.

Aux chiottes les Grecs ! La foule qui y croit et qui éclate de bonheur malgré sa misère – c’est le printemps – ne se doute de rien. Elle lui élèverait même des statues à Palmiro, si elle en avait les moyens.

Il faut lire ce livre. D’histoire autant que de fiction. L’auteur réussit en prime un très beau portrait d’Orson Welles.

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Davide Ferrario

Black Magic

Traduit de l’italien par Sophie Bajard

Rivages Thriller, 2002

408 pages

 

 

 

Au fait, sait-on que Welles a eu, de ses trois mariages, trois filles légitimes, et, hors mariage, un fils qu’il n’a jamais reconnu ? L’aînée, qui gagne sa vie en écrivant des ouvrages pédagogiques pour les enfants, lui a consacré un livre .

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Christopher Welles Feder

In My Father’s Shadow : A Daughter Remembers Orson Welles

Algonquin Books, 2009

304 pages

Inédit en français.

 

 

D’où il ressort qu’il est aussi difficile d’être la fille légitime d’un génie que d’être le fils non reconnu d’un savant hors normes. Ou, comme l’a dit quelqu’un :

« Ignore your children and they will be obsessed with you for life »Alain de Botton

 

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Mis en ligne le 16 avril 2014

 

 

 

16:51 Écrit par Theroigne dans Actualité, Général, Loisirs, Musique, Web | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

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