16/02/2015

GUERRE & PAIX - IMBÉCILES ET VASSAUX - ROMANCIERS MERCENAIRES

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Guerre & Paix

Imbéciles et vassaux

Romanciers mercenaires

 

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Le problème de Moscou ? Traiter avec des imbéciles et des vassaux

Finian Cunningham – Strategic Culture Foundation- Sakeritalia

 

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10 février 2015

La Russie se trouve face à un dilemme. Comment arriver à un accord de paix – en évitant l’extension d’un terrible conflit – quand on doit, pour ce faire,  communiquer avec des imbéciles et des vassaux? Nous entendons par là, respectivement, les dirigeants américains et européens.

Le problème quand on essaie de dialoguer avec des imbéciles, c’est qu’ils sont tout simplement incapables d’envisager autre chose que ce qui leur sert d’obtuse réalité. Ils sont atteints de dissonance cognitive et ils en sont fiers. De fait, plus sa  dissonance cognitive est grande, plus l’imbécile se voit louer pour sa fermeté. On ne peut pas réveiller les imbéciles : leur stupide vision du monde est imperméable à toute autre espèce de perspective que la leur, quand bien même elle serait cent fois plus juste que la leur. Ils souffrent d’ailleurs d’une aversion viscérale pour toute correction susceptible de remédier à leur imbécilité.

L’autre problème, quand il s’agit de traiter avec des vassaux, c’est qu’ils n’ont pas le pouvoir de peser sur les événements – même lorsqu’il leur reste quelque minuscule velléité de penser indépendamment et quelque capacité à reconnaître une alternative plus intéressante,  si on leur en propose une.

C’est là le double problème que doit affronter la Russie, lorsqu’elle négocie avec Washington et ses alliés européens sur le conflit ukrainien.

Dans son discours de Munich, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a déploré l’absence, chez les Européens, de la moindre tentative d’opposition à la vandalisation systématique de l’ordre international par Washington. Lavrov a été durement attaqué et ridiculisé pour avoir osé dire ce qui crève les yeux, et plus encore pour avoir étayé son propos d’arguments logiques et de preuves historiques.

Pour les imbéciles américains, les affirmations impudentes et les accusations à l’emporte-pièce sont des arguments rationnels. Ils suivent les mots d’ordre de leur propagande comme si on leur avait mis un anneau dans le nez. L’idée d’en douter ne les effleure jamais. Ils en sont même fiers.… Dieu bénisse l’Amérique !

Le président américain Barack Obama, qui devrait être l’un des hommes politiques les plus avisés de son pays ne réussit à rien concevoir au-delà de la camisole de force imposée par la « narrative » selon laquelle, et ce sans la moindre bribe de preuve, dans le conflit ukrainien, « tout est de la faute des Russes ».

À la Maison Blanche, cette semaine, avec la chancelière allemande à ses côtés, Obama a déclaré qu’il envisageait d’envoyer des armes létales au régime de Kiev pour « soutenir la défense de l’Ukraine contre l’agression séparatiste ».  Il a aussi accusé la Russie d’alimenter le conflit et de vouloir violer l’intégrité territoriale de l’Ukraine à la pointe du fusil.

Voyons maintenant la vérité. Les Ukrainiens d’origine ethnique russe sont massacrés dans leurs maisons, leurs caves, leurs écoles et leurs rues par le régime pro-occidental de Kiev. Ce régime, avec le soutien de l’Occident, a déclenché, il y a dix mois, dans l’est de l’Ukraine, une guerre insensée qui a déjà fait plus de 5.500 morts et plus d’un million de réfugiés. Et Obama, qu’aucune effronterie n’arrête, dénonce ces violences comme « agressions des séparatistes » et  envoie des armes plus meurtrières encore aux vrais agresseurs.

Si, d’Obama, on descend l’échelle politique, cela ne fait qu’empirer. Le vice-président Joe Biden a déclaré, à la conférence sur la sécurité de Munich la semaine dernière, que « les Ukrainiens ont le droit de se défendre »* et que, donc, les États-Unis doivent leur fournir une aide militaire afin qu’ils puissent « faire face à l’agression russe ».

Qu’en est-il, Monsieur Biden, du droit des Ukrainiens d’ethnie russe à se défendre ? En sont-ils exclus ? Ne sont-ils pas des Ukrainiens, eux aussi ? À moins qu’étant ethniquement russes, ils ne soient, à vos yeux, des Untermensch qui ne comptent pas ? 

Le diplomate de plus haut grade aux États-unis, John Kerry, une personne qui devrait être instruite, polyglotte et cosmopolite, s’en va clabaudant les mêmes accusations infondées et irrationnelles à l’encontre de la Russie. Il n’a pas honte d’affirmer qu’elle est « la plus grande menace qui soit pour l’Ukraine ». Et il veut, lui aussi, envoyer des armes à l’Ukraine, pour « donner une leçon à la Russie ».

Il en va de même pour Ashton Carter, le nouveau secrétaire à la Défense. Idem pour Michèle Flournoy, qui devrait devenir secrétaire à la Défense après lui, si Hillary Clinton gagne l’élection de 2016. Idem pour Bobby Jindal, un des candidats républicains favoris à la présidentielle. Idem pour le responsable de la politique extérieure des Républicains, Bob Corker. Idem pour le général Martin Dempsey, chef d’état-major interarmes des États-Unis. Idem pour les membres de l’establishment de la politique étrangère US, notamment à l’Institut Brookings et au Conseil de l’Atlantique. Idem pour les comités de rédaction des grands médias américains dont le New York Times et le Washington Post. Tous répètent à l’infini, infatigablement, leur mantra : le conflit ukrainien est dû à l’agression russe et fournir des armes au régime de Kiev est la meilleure idée qu’on puisse avoir pour promouvoir la paix. Tous régurgitent la même banale parodie d’histoire, qui peint le président russe Vladimir Poutine en « dictateur du milieu du XXe siècle », affligé de la même pulsion « expansionniste » qu’Adolf Hitler ou Benito Mussolini. (Sans le moindre signe qu’ils aient jamais compris ou même su que le fascisme du milieu du XXe siècle ne fut rien d’autre qu’une stratégie secrète élaborée par les puissances capitalistes occidentales pour attaquer l’Union soviétique, et que cette stratégie s’est soldée, rien qu’en Russie, par 30 millions de morts. Politique, faut-il le dire, qui ne fait que se poursuivre aujourd’hui sous les espèces du soutien américain au régime néo-nazi de Kiev, dans le but évident de déstabiliser la Russie.)

La chose la plus effrayante à propos des imbéciles américains, c’est qu’il ne leur vient même pas à l’idée qu’on pourrait leur avoir bourré le crâne. Ce sont des clones orwelliens qui croient que la guerre, c’est la paix, que l’esclavage, c’est la liberté, et qu’il n’y a de vérité que celle qu’on vous a matraquée.

Les politiciens américains qui ont participé à la Conférence sur la sécurité de Munich ont traité de « conneries » les efforts de la chancelière Merkel et du président Hollande, pour amener Poutine à discuter de la crise en Ukraine.

Les trois dirigeants se proposent de poursuivre cette semaine les longues discussions qu’ils ont entreprises à Moscou le week-end dernier, par une seconde réunion à Minsk, la capitale biélorusse. Il n’est pas sûr du tout que Poutine, Merkel et Hollande parviennent à obtenir du régime de Kiev qu’il s’assoie à la table de négociations avec les séparatistes d’Ukraine orientale. Les brutes américaines feront certainement de leur mieux pour faire capoter le dialogue avant même qu’il ait quelque chance d’avoir lieu.

À l’opposé de l’enthousiasme américain pour la guerre, il y a de plus en plus, chez les dirigeants européens, le sentiment commun qu’introduire davantage d’armes en Ukraine n’est vraiment pas la solution, qu’il faut au contraire l’éviter à tout prix, et que les aspirations à l’autonomie des séparatistes sont raisonnables et méritent d’être prises en compte.

Les dirigeants Européens, au moins publiquement, peuvent encore faire semblant de soutenir la « narrative » éculée selon laquelle c’est la Russie qui déstabilise l’Ukraine, avec ses propres troupes et son soutien militaire clandestin aux séparatistes. Moscou rejette évidemment ces allégations avec force. Mais, les Européens semblent quand même avoir conservé assez de subtilité intellectuelle pour comprendre que s’obstiner à montrer Poutine du doigt pourrait s’avérer contre-productif.

Il faut mettre à son crédit qu’Angela Merkel est restée ferme dans son opposition aux exigences américaines d’une plus grande implication militaire de l’Europe en Ukraine. À Washington, cette semaine, elle a catégoriquement exclu la possibilité d’envoyer davantage d’armes dans le pays. Cette opposition de Merkel aux propositions américaines a été furieusement dénoncée par les principaux sénateurs républicains, qui l’ont accusée de vouloir propitier Poutine, en comparant malignement sa position à la politique dite « d’apaisement » de Chamberlain envers Hitler à la conférence de Munich de 1938.

Traiter avec les imbéciles américains est donc impossible. Ils vivent dans un univers mental différent de celui de la plupart des gens. Leur monde est constitué de propagande ahistorique et d’une attitude rustaude qui fait du dialogue, de la réciprocité ou de l’élucidation socratique un ténébreux mystère. Leur arrogance et leur inepte vanité font obstacle à toute vraie communication et à toute espèce de compréhension mutuelle. Inutile de dire que le catastrophique résultat de leur « politique » est, bien entendu, « la faute à Poutine et à ses hordes russes » et que c’est, bien sûr, « l’affreux empire soviétique du mal » qui rapplique. Quoi, une opération illégale soutenue par les États-Unis contre un gouvernement élu ? Quoi, un régime soutenu par les Américains qui fait la guerre à la population des ethniques russes d’Ukraine Orientale ? Bande de pédés apologistes de Poutine !

Comment peut-on avoir quoi que ce soit à faire avec des gens pareils ? On ne peut pas, tout simplement.

Quoi qu’il en soit, le problème additionnel, c’est que les Européens ne sont pas vraiment libres d’agir en fonction d’une ligne indépendante. Il est clair que Merkel, Hollande et de nombreux autres dirigeants européens savent que le projet états-unien d’inonder l’Ukraine d’armes encore plus meurtrières est une idée insane, susceptible de déclencher une Troisième Guerre mondiale. Il est clair que de nombreux Européens pensent que les « sanctions » ordonnées par les USA à l’encontre de la Russie ne sont pas seulement contre-productives, mais que cette politique inutilement hostile est surtout néfaste aux travailleurs, aux agriculteurs et aux économies de l’Europe autant qu’à ceux de la Russie.

Mais le fait est que les États européens sont des vassaux de l’Amérique et qu’ils ne sont pas libres d’agir en dehors des diktats de Washington, si grotesques soient-ils. L’Allemagne est considérée comme le moteur de l’Europe et c’est la quatrième économie mondiale. En dépit de quoi, ainsi que nous en fait souvenir le politologue allemand Christof Lehmann, elle n’a jamais joui d’une véritable indépendance politique depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Elle n’a pas de constitution digne d’un État moderne, et elle continue d’être occupée par les forces militaires « victorieuses » des alliés américains et britanniques. «L’Allemagne est de facto une colonie des États-Unis ». dit Lehmann. « À tout moment, en fonction des lois de l’après-guerre, les troupes américaines ont le pouvoir de renverser le gouvernement de l’Allemagne, qui est techniquement et juridiquement, un état occupé, un état vassal.»

L’espionnage, par les services secrets américain (NSA) de la chancelière Merkel, révélé en 2013 par Edward Snowden, en est un exemple révélateur. Plus éloquent encore est le fait que Merkel n’ait pas répondu à cette violation grave de la souveraineté allemande avec la force que cette violation américaine méritait. Elle a docilement accepté l’intrusion comme une manifestation de l’hégémonie américaine d’après-guerre. Lehmann souligne que, quelles qu’aient été, dans le passé, les velléités allemandes de se créer une politique étrangère indépendante, et notamment celles qui impliquaient un rapprochement avec la Russie, elles se sont invariablement heurtées au veto des États-Unis et de leur allié britannique. «Nous avons été témoins de ce que tous les efforts déployés par les gouvernements de Willy Brandt et de Gerhard Schroeder en vue améliorer les relations de l’Allemagne avec la Russie, ont été sabotés, pied à pied, par Washington et par Londres», ajoute Lehmann.

C’est pourquoi Merkel mérite beaucoup de respect pour s’être courageusement affirmée, la semaine dernière, contre l’aventure militaire. Ce qu’elle est en train de faire, c’est franchir une ligne rouge indépassable imposée par Washington, à savoir que les États européens en général et l’Allemagne en particulier ne peuvent - et ne doivent même pas oser - remettre en cause l’hégémonie américaine et sa politique traditionnelle d’hostilité envers la Russie.

Peut-être qu’à la fin, Merkel et Hollande finiront par recevoir le message des millions de citoyens de l’UE qui ne cessent de protester contre la politique belliciste des États-Unis à l’encontre de la Russie, politique dont il est prévu que l’Europe fera les frais. Mais en vertu de la tradition européenne de vassalité envers les imbéciles américains, la possibilité d’un tournant positif vers des relations plus pacifiques reste incertaine. La direction de l’Europe est encore sous le contrôle de Washington. Mais les masses populaires européennes sont si dégoûtées qu’elles pourraient bien rompre par la force leurs chaînes imbéciles.

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*Air connu.

Traduit de l’italien par c.l. pour Les Grosses Orchades

Source : http://sakeritalia.it/europa/ucraina/il-problema-di-mosca...

Source originale : http://www.strategic-culture.org/news/2015/02/10/moscow-p...

 

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Poutine préfère une mauvaise paix

par Israël Shamir

 

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Le présent article est basé sur une longue conversation privée que j'ai eue avec un des principaux officiels russes. C'est la réponse à la question sur laquelle tout le monde bute: que veut vraiment Poutine en Ukraine ? Eh bien voilà, en deux mots : il veut la fédéralisation de l’Ukraine entière plutôt que l’annexion de ses provinces orientales par la Russie. Il préfère un peu d'influence dans la totalité de l’Ukraine à beaucoup d’influence dans une de ses parties. Les dramatiques accords de Minsk-2 sont tout à fait logiques, si on sait cela. Alors que Kiev combattaient pour éliminer les rebelles et rien d’autre,  les rebelles se battaient, eux, pour forcer Kiev à accepter le fédéralisme. Minsk-2 a établi que les gens au pouvoir à Kiev n’obtiendraient ce qu’ils veulent (des frontières, etc.) qu’après avoir mis en application les réformes constitutionnelles prévues par les précédents accords, mais il est certain que la junte évitera le fédéralisme aussi longtemps qu’elle n’y sera pas forcée par les armes. La guerre continuera donc, jusqu’à ce que ce point constitutionnel soit réglé d’une manière ou d’une autre, avec ou sans cessez-le-feu.

Israël Adam Shamir, le 16 février 2015

« En février, on est encore loin du printemps », déplorait Joseph Brodsky, le poète. De fait, la neige tombe toujours lourdement sur Moscou et sur Kiev, tout comme sur les steppes vallonnées qui forment la frontière entre la Russie et l’Ukraine, mais là, elle est teintée de rouge. Les soldats ne sont guère disposés à combattre en hiver, quand simplement vivre est déjà si difficile sous ces latitudes, mais les combats se sont remis à flamber dans le Donbass ravagé par la guerre, et les États-Unis y préparent une autre escalade en fournissant davantage encore de matériel sophistiqué à Kiev. Fatigués du siège et des bombardements intermittents, les rebelles ont fait fi de la neige et pris l’aéroport stratégique de Donetsk. Cet aéroport, avec ses tunnels construits sous Staline, symbole des solides travaux de défense soviétiques, représentait un énorme défi pour une milice sous-équipée. Ses multiples étages d’installations en sous-sol avaient été conçus pour résister à une attaque nucléaire ; et pourtant, après des mois de durs combats, les rebelles ont réussi à en déloger l’ennemi et à s’en emparer.

Au cours d’une offensive encore plus importante, ils ont réussi à prendre au piège les troupes de Kiev dans la poche de Debaltsevo, et Kiev a aussitôt demandé un cessez-le-feu. Les rebelles espèrent déloger complètement l’ennemi de leur territoire, dont il n’occupe plus qu’un tiers, mais le président de Russie continue à tripoter les freins. Il préfère une mauvaise paix à une bonne guerre. Pour lui, l’Ukraine est importante mais elle n’est pas un sine qua non et le seul problème qu’il y ait au monde. Cette façon de voir est partagée par le président US, mais il existe, entre les deux, une grande différence : la Russie préfère une Ukraine en paix, les USA veulent une Ukraine en guerre.

La Russie préférerait voir l’Ukraine unie, fédérale, paisible et prospère. L’alternative consistant à en détacher le Donbass n’est pas très engageante : le Donbass est très fortement connecté au reste de l’Ukraine et il n’est pas facile de rompre les liens qui les attachent. La guerre a déjà envoyé des millions de réfugiés du Donbass et du moignon restant d’Ukraine en Russie, surchargé ses infrastructures sociales. Poutine ne peut pas s’affranchir du problème en se désintéressant du Donbass. Son peuple ne le lui permettrait pas. Homme prudent, il ne veut pas aller à la guerre ouverte. Il doit donc louvoyer ver l’une ou l’autre forme de paix.

J’ai pu rencontrer récemment une importante personnalité russe bien informée, qui a accepté de partager avec moi, à votre profit et sous couvert d’anonymat, quelques-unes de ses réflexions. Alors que l’Occident se dit sûr  que Poutine veut restaurer l’Union Soviétique, le Président russe a véritablement fait tout ce qu’il a pu pour sauver l’Ukraine de la désintégration. Voici, selon mon interlocuteur, ce que la Russie a fait pour sauvegarder la paix dans ce pays :

-         La Russie a soutenu l’accord du 21 février 2014 négocié par les Occidentaux, mais les USA ont, simultanément, continué à pousser au coup d’état qui s’est produit le jour suivant (2 février 2014), c’est-à-dire ont « mis en place un pouvoir de transition en Ukraine », selon les propres mots d’Obama.

-         Après le coup d’état, le Sud-est de l’Ukraine ne s’est pas soumis aux putschistes de Kiev et a fait sécession. Pourtant, Moscou a demandé aux rebelles du Donbass de renoncer à leur référendum du mois de mai. (Ils n’ont pas tenu compte de l’appel de Poutine.)

-         Moscou a accepté les résultats des élections-bidon organisées par Kiev après le coup d’état et reconnu Porochenko comme président de toute l’Ukraine, bien qu’il n’y ait pas eu d’élections dans le Sud-est et que les partis d’opposition n’aient pas été autorisés à participer au scrutin.

-         Moscou n’a pas reconnu la légitimité des élections de novembre 2014 dans le Donbass, au grand chagrin de beaucoup de nationalistes russes.

Ces mesures ont été très impopulaires dans la société russe, mais Poutine les avait prises pour promouvoir une solution pacifique en Ukraine. Certains dirigeants militaires du Donbass ont même pu être persuadés de se retirer. En vain : Les États-Unis et l’Union Européenne ont traité par le mépris les actes et les intentions de Poutine. À Kiev, ils ont sans cesse encouragé le « parti de la guerre ». « Ils n’ont jamais rien trouvé de répréhensible chez les gens de Kiev, quoi qu’ils aient fait ou fassent » a commenté mon interlocuteur.

« La paix en Ukraine est possible par le fédéralisme », estime-t-il. C’est pourquoi les deux paramètres les plus importants des accords de Minsk (entre Kiev et le Dontesk) sont ceux dont on n’entend jamais parler : ceux sur les réformes constitutionnelles et socio-économiques. La Russie tient à assurer la sécurité territoriale de l’Ukraine (moins la Crimée), mais cela ne peut s’accomplir que par la fédéralisation de l’Ukraine, un certain degré d’autonomie étant accordé à ses différentes régions. Ses parties occidentale et orientale parlent des langues différentes, vénèrent des héros différents, ont des aspirations différentes. Elles pourraient quand même cohabiter - tout juste – si l’Ukraine était un état fédéral comme les États-Unis, la Suisse ou l’Inde.

À Minsk, les participants s’étaient mis d’accord pour désigner une commission commune chargée de réformer les institutions. Mais le régime de Kiev est revenu sur sa parole. À la place, il a créé unilatéralement un petit comité constitutionnel secret de la RADA (Parlement). Ceci a été condamné par la Commission de Venise, organe consultatif européen qui fait autorité sur les matières constitutionnelles. Le peuple du Donbass ne l’a pas accepté non plus, car ce n’est en rien ce qui avait été accepté de part et d’autre à Minsk.

Pour ce qui est de l’intégration, il avait été décidé à Minsk de réintégrer le Donbass dans l’Ukraine, ce qui avait fortement déçu les populations qui préféreraient s’intégrer à la Russie, mais cela avait été accepté, alors même que Kiev assiégeait militairement la région, suspendait les banques, cessait d’acheter le charbon du Donbass et cessait de payer les retraites de ses habitants. Les troupes de Kiev bombardent quotidiennement Donetsk, une ville d’un million d’habitants (en temps de paix !). Au lieu de l’amnistie pour les rebelles prévue par les accords de Minsk, on voit de plus en plus de troupes gouvernementales affluer vers l’Est.

Les Russes n’ont pas renoncé aux accords de Minsk. Ces accords pourraient apporter la paix, à condition d’être mis en application. Peut-être le président Porochenko de Kiev le voudrait-il, mais le parti de la guerre et ses soutiens occidentaux renverseront Porochenko s’il va trop loin. Paradoxalement, le seul moyen de le forcer à faire la paix est de lui faire la guerre, même si les Russes préféreraient que ce soit l’Occident qui fasse pression sur ses clients de Kiev. Les rebelles et leurs soutiens russes se sont servis de la guerre pour forcer Porochenko à signer les accords de Minsk. Leur offensive en direction de Mariupol sur la Mer Noire a été un énorme succès, et Porochenko est allé à Minsk pour pouvoir garder Mariupol. Depuis lors, il y a eu quelques cessez-le-feu entre Kiev et le Donetsk, il y a aussi eu échange de prisonniers de guerre, mais Kiev refuse toujours de mettre en œuvre les réformes constitutionnelles et socio-économiques ratifiées parles accords de Mins.

Or, un cessez-le-feu n’a pas de sens, si Kiev s’en sert juste pour regrouper ses forces et repartir à l’attaque. Mon interlocuteur insite sur le fait qu’un cessez-le-feu n’a de sens que s’il conduit à une réforme constitutionnelle négociée par un dialogue transparent entre les gens de Kiev et ceux des régions. S’il n’y a pas de réformes, le Donbass (ou la Novorossia) fera la guerre. C’est pourquoi l’opération Debaltsevo peut être considérée comme un moyen de forcer Porochenko à faire la paix.

« La Russie n’a pas l’intention de participer à la guerre ni aux négociations de paix » a précisé ma source. Les Russes tiennent absolument à rester en dehors du coup, tandis que les États-Unis, en revanche, tiennent par-dessus tout à présenter la Russie comme partie prenante dans le conflit.

Entretemps, les relations russo-américaines sont revenues quarante ans en arrière, c’est-à-dire à l’amendement Jackson-Vanik de 1974, grâce au décret de « Soutien à la liberté de l’Ukraine » de 2014. Le Secrétaire d’État John Kerry considère ce décret comme un développement malheureux mais temporaire. Les Russes ne partagent pas son optimisme : pour eux, ce décret entérine des « sanctions » anti-russes. Les USA font tous leurs efforts pour qu’un maximum de pays se retournent contre la Russie et le font avec un certain succès. D’un seul revers de manche, la chancelière allemande Angela Merkel a éliminé toutes les organisations, toutes les structures et tous les liens tissés entre l’Allemagne et la Russie pendant de longues années. Chaque visite de Joe Bidden provoque une conflagration.

Par ailleurs, les Russes sont très mécontents de l’histoire du Boeing malaisien. À chacune des rencontres au plus haut niveau avec des officiels US, ils rappellent la campagne d’accusations hystériques dont ils ont été l’objet pour l’avoir prétendument laissé abattre par les rebelles du Donbass utilisant « des missiles russes ». Six mois ont passé depuis la tragédie et les Américains n’ont toujours pas présenté la moindre preuve d’une implication soit russe soit des rebelles. Ils n’ont toujours présenté aucune des photos prises par leurs satellites, ni aucun rapport de leurs avions SDCA (Système de détection et de commandement aéroporté, NdT) qui patrouillent en permanence au-dessus de l’Europe de l’Est. Selon mon interlocuteur, les officiels de haut rang US ont cessé de faire allusion aux Russes et aux rebelles, mais refusent obstinément de s’excuser pour leurs accusations infondées. « Ces gens-là ne s’excusent jamais».

Et les Américains tiennent toujours à conduire le bal. Ils répètent avec insistance qu’ils ne veulent pas obtenir la « reddition » des Russes, qu’ils trouvent la confrontation coûteuse et malvenue, au moment où les USA ont besoin de la  Russie pour négocier avec l’Iran sur son programme nucléaire, pour mener à bien le retrait des armes chimiques syriennes et pour affronter le problème palestinien. Les Russes répondent qu’ils ont déjà entendu tout cela à propos de la Libye et que cela ne les impressionne pas.

Les différences d’opinion entre la Russie et les USA sont énormes dans presque tous les domaines. Il existe un point commun à toutes les affaires - de la Syrie au Donbass – la Russie préconise partout la paix, les Américains poussent partout à la guerre. Les Russes ont invité à Moscou des représentants de l’opposition et des représentants du gouvernement syrien, pour qu’ils y discutent. Ils sont venus, se sont parlé, et reviendront. Ils pourraient très bien arriver à un accord, mais les représentants des États-Unis disent que, pour leur part, ils n’accepteront jamais la présidence de Bachar al-Assad et qu’ils poursuivront la guerre jusqu’au dernier Syrien s’il le faut, pour obtenir sa démission.  Ce n’est pas que les Américains soient des sanguinaires, c’est que la guerre a pour eux un sens : chaque guerre de la planète aide le dollar à se soutenir et fait remonter l’indice du Dow Jones, tandis que le capital apatride cherche un havre sûr et le trouve aux États-Unis.

Ils ne pensent pas une seule seconde aux Syriens qui fuient vers la Jordanie ni aux Ukrainiens qui cherchent asile en Russie en nombres de plus en plus grands. Quel malheur pour deux pays merveilleux ! La Syrie était paisible et prospère, la perle du Moyen Orient, jusqu’à ce qu’elle soit détruite par les islamistes qu’avaient armés les USA ; l’Ukraine a été la partie la plus riche de l’ancienne URSS, jusqu’à ce qu’elle soit ruinée par l’extrême-droite néo-nazie et les oligarques de Kiev. Joseph Brodsky a prédit avec amertume, en 1994, au moment où l’Ukraine a proclamé son indépendance vis-à-vis de la Russie, que les transfuges ukrainiens évoqueraient la poésie russe à l’heure de leur mort. Cette prophétie est en cours de réalisation.

On peut joindre Israël Shamir à l’adresse e-mail : adam@israelshamir.net

Traduit par c.l. pour Les Grosses Orchades

Source : http://www.israelshamir.net/English/UkrFeb.htm

 

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Soumission de Houellebecq

ou

La peur de l’islam au service de la soumission à l’Empire.

par Rosa Llorens

 

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Le13 février 2015.

Les livres de Houellebecq se lisent toujours aussi facilement, grâce à son écriture blanche hypnotique et à ses incursions dans le réel quotidien : ses mini-reportages (ici, à Rocamadour) et les adresses réelles et précises attribuées à ses personnages (rue des Arènes, avenue du Cardinal Mercier) offrent le charme de la maquette, on retrouve en petit, au format livres, des lieux proches. Mais ces dehors rassurants cachent (à peine) un pamphlet anti-musulman, à l’unisson de la déferlante médiatique.

Le style du candidat musulman aux présidentielles de 2022, Mohammed ben Abbes, s’applique parfaitement à celui de Houellebecq : les journalistes, comme les lecteurs, sont comme hypnotisés, ramollis; il les conduit à une sorte de doute généralisé où se dissolvent toutes les valeurs. Et l’instrument le plus évident de cette hypnotisation est le héros, ici François : il est si fatigué, désabusé, démuni, terne, absent, naïf, qu’on le suit sans se méfier, et on finit par se retrouver dans les situations les plus inacceptables : dans Les Particules élémentaires, c’était le remplacement de l’humanité par une race post-humaine, sur le modèle de la nouvelle race bovine mise au point par le narrateur, Michel; ici, le remplacement de nos institutions et valeurs par un gouvernement islamique.

Car Houellebecq, tout en pratiquant la politique du pire, affecte de présenter la victoire de Mohammed ben Abbes et de sa Fraternité musulmane comme la solution la plus raisonnable aux problèmes de la France et de l’Europe. La politique du pire, c’est le climat de guerre civile où, d’emblée, il nous installe : des agressions, des explosions inexpliquées, des incendies, des scènes de meurtres et de dévastation, décrites comme si c’était notre quotidien : les musulmans, selon le narrateur, envisagent  [la] destruction de notre système sans frayeur particulière; il ne manque même pas la comparaison avec Hitler détruisant le système de la République de Weimar. Ce livre se situe clairement dans la ligne des intellectuels médiatiques qui propagent les schémas du conflit des civilisations, et préparent ainsi ce conflit, et sur une position d’extrême-droite indépassable, puisqu’il proteste en même temps contre les médias qui organisent le black-out sur les violences de la racaille : même lorsque les bureaux de vote, pendant le deuxième tour, sont pris d’assaut, et que les morts s’accumulent, on n’entend aucune information sur aucune chaîne ni radio; pourquoi ? Cela ferait le jeu du FN.

On voit comment Houellebecq nous entraîne dans une vision totalement faussée, à contre-sens de la réalité, en partant d’observations lucides, ainsi : qu’est-ce que l’alternance démocratique ? le partage du pouvoir entre deux gangs rivaux. Mais de telles critiques n’aboutissent jamais à un désir de lutte contre le système : Houellebecq, sautant par-dessus l’action politique, nous conduit à la destruction du système et à son remplacement par un pire, qui conserve néanmoins l’essentiel du précédent. L’Europe, nous dit-il, est en panne de valeurs, les Européens n’ont même plus envie de se reproduire, ce qui conduit au zemmourien remplacement de population : que faire ? Porter au pouvoir un Mohammed ben Abbes qui, lui, a des valeurs et un grand projet : une grande Europe qui se prolongerait sur la rive Sud de la Méditerranée, conformément à l’idée de la sarkozienne Union pour la Méditerranée. Les peuples en ont assez de l’Europe des 27 ? Qu’à cela ne tienne, on fera l’Europe des 35, encore plus autoritaire, sur le modèle de l’Empire Romain !

On pense à la stratégie de la tension, bien étudiée et documentée maintenant, en Italie : la DC [Démocratie Chrétienne, NdT] et le PSI [Parti Socialiste Italien, Ndt] ne sont pas assez démocratiques. Ils sont compromis avec la mafia ? Qu’à cela ne tienne, on les supprime et on les remplace par Berlusconi ou le gouvernement direct des banquiers.

Car la politique de ben Abbes n’apporte aucun changement économique ni social : c’est en fait une sorte de poujadisme (le distributivisme), qui prend acte de la disparition de la grande industrie en France et prône la petite entreprise familiale ou l’auto-entreprenariat, ou plutôt même un simple avatar néo-libéral, puisqu’on réduit drastiquement le budget de l’Éducation et les prestations sociales.

Mais alors, Houellebecq prônerait-il sérieusement un gouvernement islamico-néo-libéral en France? En fait, l’invention d’une Fraternité musulmane au pouvoir semble obéir à deux finalités en même temps : nous persuader de l’indépassabilité du modèle libéral (sur l’air de : Voyez, même les Frères musulmans ne pensent nullement à réduire les inégalités sociales) ; et provoquer l’indignation et la rage  contre ce que ben Abbes apporte de nouveau : l’islamisation morale et religieuse de la France. Pour cela, Houellebecq fait semblant d’approuver les principes islamiques : la disparition du patriarcat a des conséquences funestes (plus de famille, une natalité en berne), rien ne vaut une femme soumise, que ce soit dans le domaine culinaire ou sexuel. En fait, l’outrance de ses positions montre son intention réelle, tout à fait pratique, qui fait sortir son livre du domaine littéraire pour le placer dans celui de la propagande : c’est un argumentaire anti-musulman, qui n’oublie aucun cliché, adressé à toutes les catégories qui, aujourd’hui encore, hésiteraient à voter FN contre le péril musulman :

– tout d’abord les femmes (et en particulier le mouvement féministe) : l’arrivée au pouvoir de ben Abbes les raye tout simplement du paysage socio-professionnel. Elles deviennent femmes au foyer (ce qui fait baisser en flèche le chômage), et femmes-pot-au-feu, pour leur plus grand plaisir d’ailleurs. Mais, même là, elles seront menacées, puisque la polygamie est instaurée et que les beurettes sont plus excitantes, et en même temps, mieux formées aux activités ménagères !

– tout le corps enseignant, le seul qui n’ait jamais abandonné le Parti socialiste, qui avait continué à le soutenir jusqu’au bord du gouffre. Toutes les mesures de ben Abbes dans ce domaine sont autant de chiffons rouges agités sous le nez des profs : réduction du budget de l’Éducation Nationale, scolarité obligatoire ramenée à 12 ans, suppression de la mixité en classe, et obligation pour tous les enseignants (la catégorie la plus laïcarde de la population !) de se convertir à l’islam !

– les professeurs d’université tout particulièrement, qui, appuyés sur leurs règles de fonctionnement, se croient à l’abri de tous les aléas de la politique : ils sont pourtant soumis à la loi commune et, en cas de refus de conversion, envoyés à la retraite. S’ils acceptent de travailler dans une université islamisée, ils pourront continuer à enseigner en toute liberté ; mais, ajoute perfidement le narrateur, la conversion finale de Rimbaud à l’islam était présentée comme une certitude.

– enfin les autres grandes religions monothéistes : l’ennemi des musulmans, ce n’est pas les catholiques, c’est la laïcité, explique Alain Tanneur, qui travaille à la DGSI [direction générale de la Sécurité intérieure]. Mais il ajoute aussitôt que le vrai but des musulmans, c’est d’obtenir la conversion des catholiques. Et le nouveau président de la Sorbonne, converti à l’islam, suggère que l’islam avait pour mission de purifier le monde en le débarrassant de la doctrine délétère de l’incarnation (oubliant que les musulmans sont beaucoup moins hostiles au Christ que les juifs).

A l’égard des Juifs, Houellebecq se joint à l’opération médiatique en cours (Être Juif en France, titre une revue) visant à faire croire qu’ils vivent dans un pays hostile : « il va se passer quelque chose de grave en France pour les Juifs » , « Quand un parti musulman arrive au pouvoir, c’est jamais bon pour les juifs » (on sait bien en fait que les juifs ont toujours vécu paisiblement dans les pays musulmans). Du reste, tout le livre est présenté du point de vue des Juif : Myriam, dont le héros se déclare inopinément amoureux, suit ses parents en Israël ; d’abord rétive (J’aime la France), elle s’adapte très vite à son nouveau pays; contrairement au marasme français, l’atmosphère, en Israël, est extraordinairement dynamique et joyeuse, mais toujours avec un fond de tragédie sous-jacente, car tous les jours ou presque, des kamikazes bardés d’explosifs se font sauter, dans les autobus ou ailleurs : il ne viendra pas à l’idée du narrateur de remonter un peu en arrière pour chercher les raisons que peuvent avoir les Palestiniens d’en vouloir aux Israéliens, ni de s’intéresser aux conditions de vie des Palestiniens en territoire occupé. Il semble même qu’il pense moins aux intérêts des Français en général qu’à ceux des Juifs : dès la mise en œuvre du front républicain élargi anti-FN, François n’a qu’un cri : Et les Juifs? Heureusement, le rassure-t-on, ben Abbes a toujours travaillé à entretenir de bonnes relations avec le grand rabbin de France, et ne compromettra pas son projet politique pour les beaux yeux du peuple palestinien.

Résumons donc l’affaire Fraternité musulmane : les classes travailleuses, les classes moyennes menacées par la mondialisation libérale n’ont rien à attendre d’elle sur le plan socio-économique, ni les Palestiniens sur le plan diplomatique. Par contre, femmes, enseignants, catholiques voient leurs valeurs battues en brèche par les musulmans, et se retrouvent dans le même camp que les juifs : voilà le front républicain élargi anti-musulman que Houellebecq préconise pour la France, et qui s’est trouvé réalisé, par une curieuse coïncidence, à la suite de l’attentat contre Charlie Hebdo, survenu quelques heures après la sortie en librairie de Soumission. La manifestation convoquée, dans le roman, par Marine Le Pen, après le premier tour des élections, et qui réunit deux millions de personnes au cri de : « Nous sommes le peuple de France, Nous sommes chez nous », évoque étrangement la manifestation du 11 janvier et son slogan « Nous sommes Charlie », gros de significations inquiétantes.

Mais il y a dans le livre un aspect particulièrement répugnant, c’est le rôle joué par le sexe. Passons sur les scènes de sexe porno, Houellebecq a beaucoup de mal à se renouveler, on dirait même qu’il s’en acquitte comme d’un pensum. Ce qui est nouveau, c’est l’association constante du sexe à la montée du parti musulman. Le narrateur feint d’abord de s’inquiéter de son avenir sexuel (il constate une généralisation du pantalon, peu favorable à ses fantasmes, contrairement à la jupe courte). Mais, en suivant les progrès de l’islamisation dans le milieu universitaire, il se rend compte que le nouveau gouvernement a pris en main même ce domaine, organisant un véritable communisme sexuel islamique : son principal argument à l’égard des professeurs, c’est la mise à disposition de jeunes épouses de 15 ans, périodiquement renouvelables, puisque la charia, informe le narrateur, permet d’avoir jusqu’à quatre femmes (c’est le fameux paradis des houris transposé sur terre !). Cet argument emporte la décision de François : il accepte de réintégrer Paris III et, pour cela, de se convertir. Ainsi s’ouvrent de nouveau de beaux jours pour lui et sa bite, dans la plus agréable des soumissions.
Le dernier chapitre décrit cette conversion, dans un double jeu fort déplaisant, opposant la benoîterie des énoncés à un ton d’une ironie insultante. La profession de foi, transposée phonétiquement, dans une orthographe barbare, qui massacre volontairement l’arabe liturgique : Ach-Hadou ane lâ ilâha illa lahou…, résonne comme un blasphème. Et Houellebecq fait comprendre que cette soumission sera catastrophique en adoptant, simplement (pourquoi se fatiguer, l’aspect littéraire n’est pas l’essentiel du livre) le procédé de Perec dans le dernier chapitre de son « roman sociologique », Les Choses : récit du dénouement, pour l’un, au futur, pour l’autre, au conditionnel-futur dans le passé, qui annonce un destin sinistre : « Le voyage sera longtemps agréable […]. Mais le repas qu’on leur servira sera franchement insipide. » (Perec) « Le cocktail serait gai, et se prolongerait fort tard […]. Je n’aurais rien à regretter. » (Houellebecq)

Soumission est donc un livre tordu, comme son auteur, qui nous mène, comme dans Les Particules…, du diagnostic d’une crise indéniable à une fausse solution inacceptable : en faisant semblant de préconiser une solution islamique, Houellebecq fait au contraire un livre de propagande anti-musulmane, qui s’intègre à la campagne médiatique sur le péril musulman, où les musulmans sont présentés comme nos futurs maîtres, alors qu’ils sont devenus le bouc émissaire des désastres de la mondialisation libérale. Mais inutile d’insister lourdement : le terme de soumission, choisi pour désigner l’islam, est par lui-même une sorte de code, qui résume les arguments utilisés pour dénigrer l’islam, présenté comme une religion d’esclaves, incompatible avec la démocratie; ce qui montre bien la profondeur de la déchristianisation dans notre pays : dans toute religion monothéiste, christianisme ou islam, monde humain et monde divin relèvent de deux dimensions radicalement différentes, et tout croyant, chrétien, juif ou musulman, ne peut que se soumettre à la volonté de Dieu, c’est pourquoi la résignation a toujours été une vertu chrétienne.

Mais, contrairement au christianisme, l’islam, depuis la Révolution iranienne, était devenu, sur le plan de l’action humaine, politique, le drapeau des opposants à l’ordre libéral. C’est pourquoi il convient de le discréditer : Houellebecq apporte ici sa pierre à cette entreprise de démoralisation.

Rosa Llorens

Rosa Llorens est normalienne, agrégée de lettres classiques et professeur de lettres en classe préparatoire.

Source : http://lesakerfrancophone.net/soumission-de-houellebecq-l...

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Michel Houellebecq

SOUMISSION

Flammarion – 2015 – 320 pages

 

 

 

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Enfants à vendre

 

La Cour Européenne des Droits de l’Homme valide l’achat d’enfant sur Internet

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La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a condamné l’Italie pour avoir retiré la garde d’un enfant à un couple qui l’avait commandé avant conception et acheté sur Internet, montrant ainsi que la marche programmée vers un monde où les bébés seront commercialisés comme des smartphones est en route; et d’autre part, que les états membres de l’union européenne qui voudraient s’y opposer n’en ont déjà plus les moyens…

En 2011, un couple d’Italiens a acheté un bébé auprès d’une entreprise spécialisée dans la GPA (mères porteuses). Le prix de cette « commande » particulière : 49.000 euros. La société a ensuite acheté des gamètes sur internet et loué le ventre d’une mère porteuse pour faire grossir le foetus…

De retour en Italie, les services sociaux et la justice ont compris qu’il s’agissait d’un enfant issu de mère porteuse et l’ont retiré à ses « propriétaires », afin de le confier à une famille d’accueil qui ne considère pas les enfants comme des biens de consommation.

La CEDH a été alors saisie par l’avocat du couple et la cour de Strasbourg a tranché par 5 voix contre 2 : le retrait du bébé à ceux qui l’ont commandé sur Internet a « porté atteinte à la vie privée et familiale du couple » (sic), et l’Italie a eu tort.

La « mère » de 55 ans sera donc dédommagée par l’état italien et a bien sûr récupéré la garde de l’objet enfant…

Ce jugement abject a été rendu le 27 janvier 2015 dans l’affaire Paradiso et Campanelli contre l’Italie, par la CEDH. Le pays devra reverser 30.000 euros à ce couple.

Il s’agit malheureusement de bien pire qu’une simple anecdote sordide, puisque c’est une jurisprudence qui va désormais interdire aux pays membres de prohiber les mères porteuses, comme l’ont expliqué les deux juges qui ont voté contre : il réduit à néant la liberté des États de ne pas reconnaître d’effets juridiques à la gestation pour autrui, et même la légitimité du choix de l’État en ce sens.

Cerise sur le gâteau et nouvel exemple que le libéralisme économique et le libertarisme sociétal sont les deux faces d’une même pièce : l’avocat du couple n’est autre que le gérant de l’entreprise de fabrication de bébés, « Rosjurconsulting ».

L’Europe-Taubira, où les enfants sont des objets et les nations soumises à quelques idéologues bureaucrates, c’est maintenant !

Source : http://reseauinternational.net/la-cour-europeenne-des-dro...

 

8. Deux bébés achetés.jpg

 

P.S. des Grosses Orchades :

Le « Manager-et-avocat » de cette intéressante société est russe. Qu’en est-il de ses activités en Russie ?

 

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Mis en ligne le 16 février 2015.

 

 

 

 

15:59 Écrit par Theroigne dans Actualité, Général, Loisirs, Web | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

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