06/03/2013

Ce n'était pas une vraie bonne nouvelle, finalement.

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Ce n’était pas une vraie bonne nouvelle, finalement.


 HUGO CHAVEZ EST MORT

 

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Depuis quand n’a-t-on plus vu un homme qui sera aussi universellement pleuré ?

Nos condoléances au Vénézuela

 à l’Amérique Latine,

et nos vœux d’invincible courage au président (bien sûr que oui !) Maduro et à tous, pour continuer dans la même voie, sans faiblir et sans se laisser diviser jamais, par rien ni par personne.

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*

« Tout finit sous six pieds de terre. »

Bonaparte

 

« Bonaparte avait raison. Pour le héros, pour le soldat, pour l’homme du fait et de la matière, tout finit sous six pieds de terre; pour l’homme de l’idée, tout commence là.

La mort est une force.

Pour qui n’a eu d’autre action que celle de l’esprit, la tombe est l’élimination de l’obstacle. Être mort, c’est être tout-puissant.

L’homme de guerre est un vivant redoutable; il est debout, la terre se tait, siluit; il a de l’extermination dans le geste, des millions d’hommes hagards se ruent à sa suite, cohue farouche, quelquefois scélérate; ce n’est plus une tête humaine, c’est un conquérant, c’est un capitaine, c’est un roi des rois, c’est un empereur, c’est une éblouissante couronne de lauriers qui passe jetant des éclairs, et laissant entrevoir sous elle dans une clarté sidérale un vague profil de César; toute cette vision est splendide et foudroyante : vienne un gravier dans le foie ou une écorchure au pylore, six pieds de terre, tout est dit. Ce spectre solaire s’efface. Cette vie en tumulte tombe dans un trou; le genre humain poursuit sa route, laissant derrière lui ce néant. Si cet homme d’orage a fait quelque fracture heureuse, comme Alexandre de l’Inde, Charlemagne de la Scandinavie, et Bonaparte de la vieille Europe, il ne reste de lui que cela. Mais qu’un passant quelconque qui a en lui l’idéal, qu’un pauvre misérable comme Homère laisse tomber dans l’obscurité une parole, et meure, cette parole s’allume dans cette ombre, et devient une étoile.

Ce vaincu chassé d’une ville à l’autre se nomme Dante Alighieri; prenez garde. Cet exilé s’appelle Eschyle, ce prisonnier s’appelle Ezéchiel. Faites attention. Ce manchot est ailé, c’est Michel Cervantès. Savez-vous qui vous voyez cheminer là devant vous ? C’est un infirme, Tyrtée; c’est un esclave, Plaute; c’est un homme de peine, Spinoza; c’est un valet, Rousseau. Eh bien, cet abaissement, cette peine, cette servitude, cette infirmité, c’est la force. La force suprême, l’Esprit.

Sur le fumier comme Job, sous le bâton comme Epictète, sous le mépris comme Molière, l’esprit reste l’esprit. C’est lui qui dira le dernier mot. Le calife Almanzor fait cracher le peuple sur Averroès à la porte de la mosquée de Cordoue, le duc d’York crache en personne sur Milton, un Rohan, quasi prince, duc ne daigne, Rohan suis, essaye d’assassiner Voltaire à coups de bâton, Descartes est chassé de France de par Aristote, Tasse paye un baiser à une princesse de vingt ans de cabanon, Louis XV met Diderot à Vincennes, ce sont là des incidents, ne faut-il pas qu’il y ait des nuages ? Ces apparences qu’on prenait pour des réalités, ces princes, ces rois, se dissipent; il ne demeure que ce qui doit demeurer : l’esprit humain d’un côté, les esprits divins de l’autre; la vraie œuvre et les vrais ouvriers; la sociabilité à compléter et à féconder, la science cherchant le vrai, l’art créant le beau, la soif de pensée, tourment et bonheur de l’homme, la vie inférieure aspirant à la vie supérieure. On a affaire aux questions réelles; au progrès dans l’intelligence et par l’intelligence. On appelle à l’aide les poètes, les prophètes, les philosophes, les inspirés, les penseurs. On s’aperçoit que la philosophie est une nourriture et que la poésie est un besoin. Il faut un autre pain que le pain. Si vous renoncez aux poètes, renoncez à la civilisation. Il vient une heure où le genre humain est tenu de compter avec cet histrion de Shakespeare et ce mendiant d’Isaïe.

Ils sont d’autant plus présents qu’on ne les voit plus. Une fois morts, ces êtres-là vivent.

Comment ont-ils vécu ? Quels hommes étaient-ils ? Que savons-nous d’eux ? Quelquefois peu de chose, comme de Shakespeare; souvent rien, comme de ceux des vieux âges. Job a-t-il existé ? Homère est-il un, ou plusieurs ? Méziriac fait droit Ésope, que Planude fait bossu. Est-il vrai que le prophète Osée, pour montrer son amour de sa patrie, même tombée en opprobre et devenue infâme, ait épousé une prostituée, et ait nommé ses enfants Deuil, Famine, Honte, Peste, et Misère ? Est-il vrai qu’Hésiode doive être partagé entre Cumes en Eolide où il était né et Ascra en Béotie où il aurait été élevé ? Velleius Paterculus le fait postérieur de cent vingt ans à Homère dont Quintilien le fait contemporain; lequel des deux a raison ? Qu’importe ! les poètes sont morts, leur pensée règne. Ayant été, ils sont.

Ils font plus de besogne aujourd’hui parmi nous que lorsqu’ils étaient vivants. Les autres trépassés se reposent, les morts de génie travaillent.

Ils travaillent à quoi ? A nos esprits. Ils font de la civilisation.

Tout finit sous six pieds de terre ! Non, tout y commence. Non, tout y germe. Non, tout y éclôt, et tout y croît, et tout en jaillit, et tout en sort ! C’est bon pour vous autres, gens d’épée, ces maximes-là !

Couchez-vous, disparaissez, gisez, pourrissez. Soit.

Pendant la vie, les dorures, les caparaçons, les tambours et les trompettes, les panoplies, les bannières au vent, les vacarmes, font illusion. La foule admire du côté où est cela. Elle s’imagine voir du grand. Qui a le casque ? qui a la cuirasse ? qui a le ceinturon ? qui est éperonné, morionné, empanaché, armé ? le triomphe à celui-là ! A la mort, les différences éclatent. Juvénal prend Annibal dans le creux de sa main.

(…)

Tels sont les effets de la tombe sur les grands esprits. Cette mystérieuse entrée ailleurs laisse derrière elle de la lumière. Leur disparition resplendit. Leur mort dégage de l’autorité.

Victor Hugo

 

 

 

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Mis en ligne par Catherine le 6 mars 2013

17:10 Écrit par Theroigne dans Actualité, Général, Loisirs, Web | Lien permanent | Commentaires (2) |  Facebook |

Commentaires

Quel magnifique hommage ! Merci Catherine ! En réponse aux innombrables faux culs de la pensée dominante, merdias et politiques confondus, fusionnés même, qui glapissent de joie à peine cachée à cette triste nouvelle, c'est dans le dernier discours de Maximilien Robespierre du 8 Thermidor An II, que je puise ces mots dont la puissance est la seule capable d'arrêter le flux d'imbécilités et de propagande à grande fournée qui salue la disparition de "l'autocrate" (pour les mieux élevés), ou du "dictateur", du "tyran" etc... (pour les plus tordus) :
"Ils m'appellent tyran.....Si je l'étais, ils ramperaient à mes pieds, je les gorgerais d'or, je leur assurerais le droit de commettre tous les crimes, et ils seraient reconnaissants. Si je l'étais, les rois que nous avons vaincus, loin de me dénoncer me prêteraient leur coupable appui ; je transigerais avec eux. Dans leur détresse, qu'attendent-ils si ce n'est le secours d'une faction protégée par eux, qui leur vende la gloire et la liberté de notre pays ? On arrive à la tyrannie par le secours des fripons ; où courent ceux qui les combattent ? Au tombeau et à l'immortalité. Quel est le tyran qui me protège ? Quelle est la faction à laquelle j'appartiens ? C'est vous mêmes. Quelle est cette faction qui depuis le commencement de la révolution a terrassé les factions, a fait disparaitre tant de traitres accrédités ? C'est vous, c'est le peuple, ce sont les principes. Voilà la faction à laquelle je suis voué et contre laquelle tous les crimes sont ligués. [.../...] Je suis fait pour combattre le crime, non pour le gouverner. Le temps n'est pas encore arrivé où les hommes de bien peuvent servir impunément la patrie ; les défenseurs de la liberté ne seront que des proscrits, tant que la horde des fripons dominera." -Robespierre.

Écrit par : Edouard Lecèdre | 06/03/2013

Merci, cher Edouard, d'avoir rappelé ce passage de Robespierre tellement d'actualité !
Il aurait pu être pris à son compte mot pour mot par Hugo Chavez.
Le déferlement de haine qui suit la mort du Comandante donne la mesure de la peur que sa fermeté et son impitoyable logique inspirait à la bassesse criminelle et corrompue.
Qu'ils s'époumonent ! Tant que les Vénézuéliens tiennent le cap, c'est sans importance.

Écrit par : Catherine | 07/03/2013

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