15/04/2013
BRICS
On croyait s’arrêter pour quinze jours au moins… vous laisser souffler un peu… Mais l’Histoire s’emballe et ne veut pas s’arrêter.
Qu’est-ce que le BRICS ?
BRICS est un acronyme anglais pour désigner une organisation regroupant cinq pays : le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, précédemment appelé BRIC avant l'ajout de ce dernier pays en 2011.
Ce terme est apparu pour la première fois en 2001 dans une note de Jim O'Neill, économiste de la banque d'investissement Goldman Sachs et a été repris en 2003 dans un rapport publié par deux économistes de la même banque. Ce rapport tendait à montrer que l’économie des pays du groupe BRIC allait rapidement se développer. Contrairement aux pays du bloc BAO (Bloc Américano-Occidental), qui auraient plutôt tendance à se rabougrir.
Les quatre précédents sommets du BRICS se sont tenus, dans l’ordre, à Iekaterinbourg, Brasilia, Sanya (Hunan) et New Delhi. Le cinquième vient de se tenir à Durban. Et notre bateau d’aujourd’hui s’y est trouvé, il y a peu, presque submergé par une puissante vague. Les participants, d’ailleurs, sont tous descendus de leurs avions respectifs en brandissant des parapluies, car il pleuvait.
Mais laissons Georges Stanechy, qui le fait si bien, nous expliquer cette institution nouvelle, dont on n’a pas fini d’entendre parler.
Le BRICS à Durban
Georges Stanechy
« À contre courant » - 9 avril 2013
« Il est tout à fait impossible aux hommes d’Etat de prévoir, sauf à très court terme, les résultats de n’importe quelle action politique à grande échelle. »
Aldous Huxley (1)
Le Roi Shaka
Durban…
Aéroport international King Shaka. Embouteillage aérien, sympathiques bousculades et files d’attente.
Le monde entier semble s’être donné rendez-vous. Avions déversant de tous horizons et continents : délégations officielles, observateurs avec, dans leur sillage, inévitables “hommes d’affaires” ou affairistes… Amplifiant le flot des touristes habituels. Les plus euphoriques, ceux en provenance des pays de l’hémisphère nord, couverts de neige ou noyés sous les eaux.
Douceur idéale : 24° / 26 °. Immenses plages bordées d'hôtels aux gigantesques animations aquatiques, sous le soleil d’un climat subtropical alternant avec des averses rafraîchissantes. De mi-novembre à fin avril, c’est la saison des pluies (rainy season). La saison dite “sèche” n’intervenant que de juin à août.
Agitation avec pour toile de fond la tenue, pour la première fois en Afrique du sud, du sommet annuel des chefs d’Etat du BRICS, 26 & 27 mars 2013. Elle y avait été cooptée lors du sommet tenu en Chine, à Sanya dans l’île de Hainan, en 2011.
Evidemment, grand silence dans les médias d’Occident et de ses colonies.
Normal : le BRICS y est détesté par les oligarchies (2). Nos “spécialistes du décryptage de l’information” ont donc consigne de ne pas en parler. Si ce n’est dans la condescendance, la dérision, voire le mépris.
King Shaka ?... Non, ce n’est pas la marque d’un hamburger local comme ironisent certains visiteurs à leur arrivée. Nous sommes au cœur de la nation Zouloue. Shaka, contemporain de Napoléon, fut son chef le plus prestigieux, son plus grand roi.
Guerrier exceptionnel d'endurance et d’audace, chef de guerre et tacticien hors du commun, il avait forgé, dans une discipline de fer, une armée permanente de 100.000 guerriers, d’une mobilité et d’une combativité sidérantes. Unifiant les différents clans Zoulous dans une puissante fédération sur un territoire équivalent à celui de la France.
Il sera assassiné, en 1828, par ses proches, dans une révolution de palais, à l’âge de 41 ans. Diabolisé, caricaturé, après sa mort, par les historiens de l’Empire britannique, et dans les guides touristiques édités de nos jours en Europe…
Les Zoulous, groupe ethnique le plus important et le mieux organisé du pays, ont longtemps, courageusement, héroïquement, résisté à la colonisation hollandaise puis britannique. Schéma habituel des conquêtes coloniales de l’époque : fusils à tir rapide, artillerie, cavalerie, destructions systématiques des villages, troupeaux et récoltes, avec massacres des civils, feront la différence. Les britanniques et leurs supplétifs réussirent à briser leur résistance.
Parmi eux des Français… Dont le plus connu est Louis Napoléon, fils de Napoléon III exilé en Grande-Bretagne. Engagé volontaire dans les troupes britanniques, il fut tué au cours d’une patrouille à cheval, le 1er Juin 1879. Surpris avec son groupe, il reçut 17 coups de lance, après avoir vidé son pistolet sur les guerriers du commando Zoulou. Il avait 23 ans.
Nation Zouloue, qui sera à la pointe du combat contre le régime raciste d’apartheid imposé par les colons européens, avec la complicité des grandes puissances coloniales. Jusqu’en 1994 !...
Lutte acharnée, sanglante, atroce, si bien chantée, accompagnée, partagée, par le “Zoulou Blanc” Johnny Clegg, ou d’autres grands artistes et intellectuels. (3) Notamment, la chanteuse, Miriam Makeba, personnifiant la magnifique résistance des femmes sud-africaines. Contrainte de passer la plus grande partie de sa vie en exil, errant de pays en pays d’accueil avec sa famille, sous les constantes menaces de mort des colons et de leurs alliés…
Durban ou notre planète en devenir
Durban… Emblématique de l’histoire du pays…
A l’origine, la localité fut baptisée en 1835 : D’Urban. Par les 35 citoyens britanniques habitant la baie, en l’honneur du gouverneur du Cap, Benjamin d’Urban. Général très populaire auprès des colons dont il encourageait les prédations par ses excès de violence et d’humiliations infligés aux africains.
Un missionnaire protestant, John Philip, remarquable militant anticolonialiste pour l’époque, à force de ténacité, réussira à mobiliser l’opinion publique et provoquer la création d’une commission parlementaire pour enquêter sur ces comportements criminels. Obligeant le ministère britannique des Colonies à le destituer de son poste civil, le 1er mai 1837. Lui conservant, toutefois, ses fonctions militaires afin de ménager la haute hiérarchie de l’armée.
Lent, trop lent, mais inexorable cheminement de l’Histoire… En 1999, même si l’appellation Durban est conservée, la municipalité a adopté officiellement le nom de : eThekwini Metropolitan Municipality. Formé à partir de la racine du mot Zoulou désignant la “baie” ou le “lagon” : itheku. (4)
A présent, capitale économique de la province du KwaZulu-Natal, la troisième ville du pays regroupe 3, 5 millions d’habitants. (5) Si 60% de ses concitoyens parlent anglais, la langue Zouloue, avec ses propres médias, est pratiquée au quotidien par 30% d’entre eux. S’ajoute à cette mixité linguistique, la plus grande communauté indienne hors d’Inde ; elle-même, mosaïque de pratiques religieuses et dialectes régionaux indiens.
Particularité de leur système colonial et de leur puissance navale, les britanniques procédaient à des transferts massifs de populations entre colonies pour empêcher l’accès à l’emploi, rémunéré et surtout qualifié, en conséquence au développement des “nations autochtones”, difficiles à exterminer du fait de leur nombre, considérées comme “réfractaires” ou “rebelles” à leurs spoliations.
Le cas le plus extrême est celui de la Malaisie, où les Malais furent systématiquement écartés de l’exploitation de leurs principales richesses de l’époque : caoutchouc et mines d’étain. Les britanniques leur substituèrent, par convois maritimes, des travailleurs Chinois en majorité, mais aussi Indiens. Tant et si bien, que le pays recense actuellement 25 % de sa population d’origine chinoise et 10 % d’origine indienne. (6)
En Afrique du sud, décidant de lancer à grande échelle la culture du sucre à partir de 1860, ils “importèrent” les ouvriers agricoles nécessaires depuis l’Inde. Aujourd’hui, Durban est classé premier “port sucrier” mondial et la communauté indienne représente 10% de la population de l’Afrique du sud.
Rappelons que Gandhi séjourna de 1893 à 1915 en Afrique du sud en tant qu’avocat au service de cette communauté. Il y forgea son militantisme, confronté aux humiliations et violences du racisme. (7) Malgré le statut supérieur des Indiens par rapport aux populations noires quasiment considérées, à l’exemple des peaux-rouges d’Amérique du nord, comme “animaux doués d’intelligence humaine”
De ces mixages de populations, migrations volontaires ou forcées, l’Afrique du sud se retrouve avec 11 langues officielles…
Mais, en ce XXI° siècle, n’est-ce pas une illustration du devenir de notre planète ?... Une mixité de populations, quelles que soient origines ancestrales, couleurs de peau, croyances religieuses ou philosophiques, dans le respect réciproque, le partage de valeurs de solidarité et de paix ?...
Miriam Makeba avec sa petite-fille Zenzi venue danser sur scène…
eThekwini Declaration and Action Plan
Monde de demain se télescopant avec la réalité d’aujourd’hui : la prospérité apparente de Durban ne doit pas faire illusion avec ses 10 millions de visiteurs annuels, ses paysages et plages, parcs naturels et sites historiques, hôtels, casinos et discothèques. Ecarts, gouffres, ne cessant de croître, séparant riches et pauvres, et même groupes ethniques, érodent l’Afrique du sud.
Eprouvant malgré son indépendance politique, comme de nombreux pays sortant d’une longue colonisation, les pires difficultés pour s’affranchir du despotisme économique de la "mondialisation". Qui n’est, nous le savons, que la dictature d’une poignée de groupes internationaux, avec leurs seconds couteaux et leur domesticité politicienne corrompue : finance, mines et hydrocarbures, marchands de canons, chimie-pharmacie, agro-industrie, alcooliers-cigarettiers, grande distribution.
Les meilleures terres agricoles appartiennent pour 80% à des "blancs", représentant moins de 10% de la population, à titre personnel ou dans le cadre de sociétés d’exploitation et de commercialisation. Son patrimoine minier d’une richesse inouïe par ses colossaux gisements de diamants, d’or, de charbon, d’uranium, de fer, de cuivre, de nickel, de platine et autres métaux rares, détenu en majorité par des sociétés étrangères, rend d’autant plus choquant l’extrême pauvreté du ¼ de sa population, provoquant une situation de violente délinquance.
Malgré l’émergence d’une "classe moyenne", l’Afrique du sud, considérée comme la première économie du continent, est à l’image des autres Etats du BRICS : Brésil, Russie, Inde, Chine. Mais aussi, du reste du monde. Y compris, mais dans une évolution inverse, les pays dits "développés" où la paupérisation des populations s’accentue au fil des jours, en Amérique du nord ou en Europe.
Que peut apporter le BRICS dans la réflexion et l’action, face à l’urgence des solutions à trouver aux problèmes d’organisation et de développement, de survie même, de l’Humanité ?...
Le scepticisme des commentateurs à l’égard du BRICS s’exprime dans des termes dévalorisants. Le moins négatif étant celui de "disparate". (8) Comme si les autres "sommets" étaient des modèles de cohésion, d’harmonie, d’efficacité… Le mépris, toujours… Dès lors qu’une initiative d’ampleur mondiale n’a pas pour origine les "penseurs", "Think Tanks" et "stratèges" d’Occident.
Vous avez dit « multipolarité » ?
Il l’a dit et il le prouve.
Rares sont les témoignages positifs. Ils n’en sont que plus surprenants. Tel celui de l’analyste financier Jim O’Neill (9). Responsable de la gestion d’actifs [placements & investissements pour le compte de tiers : environ US$ 800 milliards] de Goldman Sachs, créateur de l’acronyme BRIC, en 2001, avant l’inclusion de l’Afrique du sud.
S’exprimant dans la presse allemande, une semaine avant la tenue du sommet de Durban, Jim O’Neill estime que le BRICS, non seulement progresse rapidement, mais qu’il dépasse toutes les attentes !... Une communauté de près de 3 milliards d’habitants, quadruplant en 10 ans son PIB, sortant de la misère des dizaines de millions de personnes. La Chine, d’après les statistiques de la Banque Mondiale, réussissant en 20 ans à en extraire plus de 450 millions. Le BRICS détenant, point le plus fondamental :
« … le potentiel de prévenir une récession globale, de croître plus vite que le reste du monde et de devenir un moteur de la croissance mondiale ». (10)
Recoupant ainsi toutes les études prospectives des organismes internationaux, même ceux les moins bien disposés à l’égard du BRICS. A l’exemple du PNUD, qui dans son « Rapport sur le Développement Humain 2013 – L’Essor du Sud : Le Progrès Humain dans un Monde Diversifié», pages 15-16 illustrées d’un graphique [figure 3], section intitulée « Rééquilibrage Mondial », ne peut que constater (11) :
« … en 2050, selon les prévisions du présent Rapport, la Chine, l’Inde et le Brésil, représenteront ensemble près de 40 % de la production mondiale…
[…] le Brésil, la Chine et l’Inde, ont réduit de manière drastique la proportion des personnes à faibles revenus – le Brésil de 17,2 % en 1990 à 6,9 % en 2009, la Chine de 60,2 % en 1990 à 13, 1 % en 2008 et l’Inde de 49,4 % en 1983 à 32,7 % en 2010. »
Traiter le BRICS dans l’indifférence, ou la condescendance, n’est effectivement qu’une dérisoire posture de déni. Ce qu’ont compris les plus lucides. (12)
S’affirmant progressivement comme un pôle moteur de développement et de rénovation des transactions internationales, économiques et financières, le BRICS, il convient de le souligner, représente surtout un ancrage de stabilité, de pondération, dans les relations entre pays et continents. Devenus si volatils, agressifs, tant les pulsions paranoïaques ont supplanté le traitement logique et apaisé des inévitables conflits d’intérêts.
Un sommet "productif", ou "réussi", repose sur l’interaction de quatre rouages :
=> En amont, l’aboutissement d’un intense travail préparatoire, accompli par de multiples commissions spécialisées
=> A l’issue du sommet, un consensus sur l’architecture des accords et décisions liés au thème proclamé. En l’occurrence :
"BRICS and Africa: Partnership for Development, Integration and Industrialisation”
=> Les discussions, négociations et accords bilatéraux entre partenaires en dehors, ou en accompagnement, des décisions collectives.
=> Les rencontres formelles et informelles entre responsables des délégations. Dans le cas du BRICS, les chefs d’Etat respectifs.
Cette dynamique a étonnamment bien fonctionné au cours de ce sommet. Eclatant succès, marquant une avancée spectaculaire de l’importance géopolitique du BRICS. Majeure, actuellement. Dont le poids, l’impact, dans la rénovation inéluctable des systèmes de gestion économique et politique, vont se révéler déterminants dans les prochaines décennies.
Ainsi qu’en témoigne sa Déclaration finale : “eThekwini Declaration and Action Plan”, reprenant dans son titre le nom de la ville hôte. Celui en langue Zouloue de Durban : eThekwini. Ses 47 articles, suivis du Plan d’Action, méritent une lecture attentive pour qui souhaite percevoir, mesurer, le basculement irréversible du centre de gravité des enjeux, forces et pouvoirs de la planète. (13)
Loin d’être une révolution, une rupture brutale par rapport au "libéralisme sauvage", une confrontation téméraire avec l’hystérie belliciste d’un Empire agonisant (14), ils traduisent, dans un contournement ou un enveloppement analogues à ceux de la stratégie du jeu de GO, la patiente, méthodique, solide, mise au point d’un nouveau mécanisme de gestion et de relations, dans et entre nos différentes collectivités et continents.
L’Amérique latine apporte à ce mouvement une vigoureuse réflexion novatrice, confortée par l’expérience, avec ses réussites et ses immanquables blocages ou sabotages. Une des plus stimulantes étant celle de l’intellectuel Alvaro Garcia Linera, vice-président actuel de la Bolivie. Car, changer un système finissant, construire une renaissance sur les décombres d’un “capitalisme mû par la pulsion de mort” (15), exige pour préalable, ou concomitance, la libération des esprits du carcan de l’idéologie coloniale ou impériale…
Cette « bouffée d’air frais oxygène le monde stagnant de l’impérialisme néolibéral » ["breath of fresh air to oxygenate the stagnant world of neoliberal imperialism"], pour reprendre l’expression de Vijay Prashad. (16)
Et, les 47 articles de la Déclaration du sommet du BRICS…
Le Jeu de GO
Le rouleau compresseur et la gifle
Les médias, traitant quelque peu de ce sommet, se sont focalisés sur la création imminente, par le BRICS, d’une Banque de Développement aux compétences élargies qui concurrencerait le FMI. Ce n’était, même si l’idée a été retenue dans une perspective à moyen-long terme (article 11 de la Déclaration), ni le sujet du sommet, ni sa priorité !
Chinois et Russes, particulièrement, se méfiant des "zinzins institutionnels", aussi coûteux qu’inefficaces, générant trop souvent une caste de technocrates, échappant à tout contrôle, en cheville avec des lobbies corrupteurs. La bureaucratie bruxelloise de l’UE représentant un pathétique et permanent exemple, multipliant désastres économiques, sociaux et politiques… Préférant privilégier une approche pragmatique fondée sur un maillage étroit, resserré, entre membres du BRICS (17), laissant à chacun libre choix des moyens d’intervention dès lors qu’ils s’alignent sur un cap identique fixé d’un commun accord.
C’était surtout perdre de vue le thème de ce sommet, plus qu’important et novateur :
« Le BRICS et l’Afrique : Partenariat pour le Développement, l’Intégration et l’Industrialisation »
[ "BRICS and Africa : Partnership for Development, Integration and Industrialisation” ]
S’il y a deux points à retenir à la lecture de la Déclaration finale du sommet, ce sont deux affirmations, interactives, impressionnantes de lucidité et de calme détermination :
=> L’affirmation du décollage de l’Afrique
=> L’affirmation du cadre des relations internationales
i) L’Afrique
L’Afrique est considérée par le BRICS comme le continent promis aux plus spectaculaires développements, dans une “relation sud-sud” à privilégier. Du fait de ses immenses richesses naturelles, de ses titanesques besoins en équipements et infrastructures, et du stupéfiant dynamisme de son marché intérieur. Le retard infligé par les anciennes puissances européennes, dans un féroce pillage néocolonial tant de son sous-sol que de ses privatisations-spoliations, va fatalement se terminer par la reprise en mains progressive des Africains de leur propre destin.
Le terme "Intégration" s’entend au sens "régional" par l’édification graduelle de regroupement d’Etats Africains, mais aussi par le tissage de liens spécifiques intercontinentaux "sud-sud" (18) :
« Le BRICS et l’Afrique devraient étroitement s’intégrer afin de promouvoir l’Afrique en tant que nouvelle locomotive de l’économie de la planète. »
["The BRICS and Africa should be closely integrated and promote Africa as the new highlight in the global economy." ]
En écho au dernier rapport du PNUD (19) :
« L’une des réussites les plus frappantes a été celle de l’Afrique subsaharienne. De 2003 à 2008 (les cinq années antérieures à la crise financière mondiale), le revenu par habitant dans la région a augmenté de 5 % par an, plus du double qu’au cours des années 1990 […] grâce à la forte demande provenant des pays du Sud, la Chine en tête. »
Ou encore, dans le même document du PNUD, cocasse démenti des clichés médiatiques de la propagande antichinoise (20) :
« La Chine a encouragé ses industries plus développées telles que le cuir à se délocaliser de façon à se rapprocher de la chaîne d’approvisionnement en Afrique, et ses sociétés modernes spécialisées dans les télécommunications, les produits pharmaceutiques, l’électronique et la construction à former des coentreprises avec des entreprises africaines. »
La Chine, donnant effectivement l’exemple, accueille actuellement des milliers d’Africains, majoritairement entrepreneurs et commerçants. Mais aussi des milliers d’étudiants, dans ses universités d’excellent niveau. Ce mouvement en marche, véritable rouleau compresseur libérateur des anciens clivages et blocages, est amplifié par l’Inde, la Russie et le Brésil qui multiplient les accords de partenariats avec de nombreux Etats Africains. A commencer par l’Afrique du sud, avec qui la Russie vient, ainsi, de signer, d’importants accords dans le domaine spatial, aéronautique, nucléaire et militaire. (21)
Le sommet était d’ailleurs suivi d’un séminaire auquel participaient de nombreux chefs d’Etat et responsables, non membres du BRICS, tout particulièrement de l’Afrique dite "anglophone", intitulé (Art. 3) :
« Débloquer le potentiel de l’Afrique : Le BRICS et la Coopération Africaine sur l’Infrastructure » ["Unlocking Africa’s potential: BRICS and Africa Cooperation on Infrastructure” ]
Occasion de réaffirmer le soutien du BRICS au développement durable de l’Afrique dans une vision d’intégration régionale, tout en finançant une économie respectueuse de l’environnement (green economy), afin d’éradiquer la pauvreté et l’injustice sociale du Continent (Art. 4 & 38).
D’où le rappel à la "communauté internationale" de reconnaître et respecter le rôle éminent de l’organisation de l’Union Africaine, regroupant l'ensemble des Etats Africains, pour résoudre les conflits sur le continent afin d’assurer la Paix (Art 24) :
« We commend the efforts of the international community and acknowledge the central role of the African Union (AU) and its Peace and Security Council in conflict resolution in Africa. »
Cet article est une allusion directe à l’accord auquel était parvenu l’Union Africaine, organisant une transition pacifique pour un nouveau modèle de gouvernement, entre Kadhafi et les différentes factions en conflit, en Libye. Les occidentaux avaient refusé cette médiation réussie, préférant détruire le pays par leurs forces armées sous bannière de l’OTAN…
Le BRICS est conscient de la crispation des anciennes puissances coloniales, britannique et française en premier lieu, sur leurs chasses gardées rongées jusqu’à l’os. Enfermées dans leur doctrine belliciste, fondée sur l’intervention ou l’occupation armées suivant les vieux schémas coloniaux, afin d’empêcher toute émancipation non seulement politique, mais encore plus économique. Protégeant des dictatures corrompues, avec des contingents détachés d’Europe pour servir de garde prétorienne.
D’où trois articles de la Déclaration à prendre au sérieux :
=> Art. 30, sur le Mali : demandant de respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale du pays afin qu’il puisse assurer son développement économique et social dans la paix…
=> Art. 31, sur la République Centre Africaine : condamnant les interventions armées dans le pays, où bizarrement des “rebelles”, après avoir fomenté un coup d’Etat, se sont précipités pour tuer des assistants techniques sud-africains (13 morts et 27 blessés graves) ainsi que des ressortissants indiens. Mais, aucun des coopérants français pourtant fort nombreux…
=> Art. 32, sur la République Démocratique du Congo (Kinshasa), le BRICS employant les mêmes termes que dans l’article précédant, diplomatiquement très forts : « gravely concerned ». Les membres du BRICS sont "gravement", extrêmement, "préoccupés", par le pillage armé du pays à partir d’Etats frontaliers pour le compte de multinationales étrangères…
ii) Les relations internationales
L’Empire, pris dans la spirale d’une entropie immaîtrisable, plonge le monde dans des conflits et actes de violence permanents : guerres, civiles, de conquête, de destruction, de massacres quotidiens, d’assassinats et tortures à l’échelle industrielle… Comment mettre un terme aux incessants discours, provocations, sanctions, embargos, menaces de conflits armés, exacerbés par une propagande délirante ?...
Comment brider « la pulsion de mort » ?...
Le BRICS exprime dans toute une série d’articles (Art. 1 & 21, notamment) sa vision d’un monde à édifier, consolider, perfectionner, dans le respect mutuel, la coopération, le partage des problèmes et des solutions. Le plus explicite étant l’article 22, dont l’introduction :
« Nous sommes déterminés à construire un monde harmonieux de paix durable et de prospérité partagée, et réaffirmons que le 21° siècle doit être marqué par la paix, la sécurité, le développement et la coopération. »
L’effet majeur de cette volonté se produit au sein même du BRICS : désamorcer les tentatives permanentes des USA pour dresser l’Inde contre la Chine !... Les relations ne cessant, au contraire, de se renforcer entre ces deux géants, avec la médiation permanente de la Russie qui entretient des liens de confiance avec chacun d’entre eux, sur le plan diplomatique, économique et militaire.
Cette réaffirmation de la multipolarité, avec référence à la nécessité de réformer les grandes instances internationales (du Conseil de Sécurité au mode de fonctionnement du FMI), et de la primauté de la diplomatie, du dialogue, pour la résolution des conflits d’intérêts, est illustrée par les références répétées dans la Déclaration finale du sommet au respect des souverainetés nationales et au refus des propagations des luttes armées et des guerres civiles.
Sept noirs, deux blancs, un jaune et un Indien.
Ne comptons pas sur nos merdias pour nous dire qui sont les six noirs surnuméraires : des Sudafricains ? d’autres Africains ? Ce n'est pas pour nous informer qu'ils sont payés.
Son soutien à la paix, au dialogue, à la condamnation des interventions militaires, à la nécessité de penser d'urgence aux souffrances actuelles et à la préservation des générations futures, à la reconstruction, s’affichent dans les articles soutenant la Syrie (Art. 26) et l’Afghanistan (Art. 29). Se préoccupant du blocage permanent de toute négociation de paix en Palestine, dénonçant les implantations illégales de colonies sur son territoire et souhaitant l’admission de cette nation à l’ONU (Art. 27).
Quant à l’Iran, et la crise artificiellement entretenue par les pays occidentaux, la position du BRICS est sans équivoque et sans appel (Art. 28) :
« Nous estimons qu’il n’y a aucune alternative à une solution négociée au problème du nucléaire Iranien.
Nous reconnaissons à l’Iran le droit d’utiliser l’énergie nucléaire à des fins pacifiques en conformité avec ses engagements internationaux, et soutenons la résolution des problèmes en cours par des moyens politiques et diplomatiques, et par le dialogue…»
Encore plus important, dans cet article, l’alinéa :
« Nous condamnons les menaces militaires aussi bien que les sanctions unilatérales… »
En anglais :
“We are concerned about threats of military action as well as unilateral sanctions.”
Précisons qu’en langage diplomatique, la litote "we are concerned" (littéralement : "nous sommes préoccupés") veut dire en clair :
« Nous condamnons »…
La gifle, pour ceux qui rêvent de « guerre préventive », et autres options du même calibre « sur la table »…
Elargissement du BRICS à d’autres partenariats ?...
Depuis 2011, aucun nouvel adhérent n’a été coopté. Un des critères d’admission étant de démontrer un minimum de stabilité politique, de développement économique. Mais, avant tout : de souveraineté nationale.
Le président Bachar al-Assad a demandé au BRICS d’agir pour arrêter la violence dans son pays et mettre un terme à la souffrance de son peuple causée par les sanctions internationales.
Le BRICS aurait souhaité intégrer un pays du Moyen-Orient en mesure de représenter préoccupations et intérêts spécifiques de la région et du monde musulman. Ses membres comptent, parmi leurs populations, de fortes communautés de cette religion. La Turquie était bien placée, jusqu’à son "naufrage syrien" : diplomatiquement, elle n’existe plus. (22) Régressant vers son statut de colonie de l’OTAN des longues années de la Guerre Froide.
L’Indonésie est, à présent, le pays le mieux placé sur la liste des futurs membres, avec ses 245 millions d'habitants, ses 86% de musulmans (recensement 2011), ses richesses énergétiques et minières, sa rapide progression économique (+ 6 % annuel du PIB)... Encore faut-il, qu’elle s’affranchisse davantage de la tutelle impériale…
A l’an prochain au Brésil, pour le prochain sommet, nous verrons bien !...
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Notes
1. Aldous Huxley, L’éminence grise – Essai biographique sur les rapports de la politique et de la religion, La Table Ronde, 2001, p. 308
ii) BRICS & Bombes, 22 avril 2011,
http ://stanechy.over-blog.com/article-brics-bombes-72281017.html
ii) Johnny Clegg : le « Zoulou Blanc », 1er juin 2007,
http ://stanechy.over-blog.com/article-10675405.html
4. D’où le titre de la déclaration finale du 5° sommet du BRICS, du 27 mars 2013 : “eThekwini Declaration and Action Plan”, http ://pib.nic.in/newsite/erelease.aspx?relid=94317
5. Sur 12 millions d’habitants de cette province la plus peuplée, avec celle de Gauteng (Johannesbourg), des 9 que compte l’Afrique du sud. La capitale administrative du KwaZulu-Natal se situe à 60 km à l’intérieur : Pietermaritzburg.
6. A Singapour (après sécession avec la fédération de Malaisie en 1965, organisée par Londres), longtemps principale base navale, commerciale et financière britannique en Asie, à l’extrémité de la péninsule Malaise, les Chinois représentent 77% des 5 millions d’habitants de cette “Cité-Etat”. Les Indiens : 8% ; les Malais n’étant plus que 14%.
7. Il existe une passionnante correspondance échangée durant ce séjour entre Gandhi et Tolstoï sur la violence de la colonisation et les moyens de la combattre : élaboration du concept de “désobéissance civile”.
8. Pierre-Olivier Rouaud, BRICS : quand 5 géants se rencontrent à Durban, Usine Nouvelle, 26 mars 2013,
http ://www.usinenouvelle.com/article/brics-quand-5-geants-se-rencontrent-a-durban.N193956
9. Fonction actuelle (il est sur le départ) : Chairman of Goldman Sachs Assets Management.
10. Erich Follath, Goldman Sachs’ Jim O’Neill : BRICS ‘Have Exceeded all Expectations’, Spiegel, 21 mars 2013,
11. PNUD, Rapport sur le Développement Humain 2013 – L’Essor du Sud : Le Progrès Humain dans un Monde Diversifié, pp. 15 – 16, http ://hdr.undp.org/fr/rapports/mondial/rdh2013/telecharger/
ii) Pepe Escobar, BRICS go over the wall, Asia Times, 26 mars 2013,
http ://www.atimes.com/atimes/World/WOR-01-260313.html
13. Op. Cit., http ://pib.nic.in/newsite/erelease.aspx?relid=94317
14. Sam Sacks, Condemned to Endless War : The Sisyphean US terror policy [ Condamnés à une Guerre Sans Fin : Le Rocher de Sisyphe de la politique de terreur des USA ] , RT, 27 mars 2013, http ://rt.com/op-edge/war-sisyphean-us-terror-931/
15. Gilles Dostaler & Bernard Maris, Capitalisme et Pulsion de Mort, Albin Michel, 2009.
16. Pepe Escobar, The South also rises [Le Sud émerge aussi], à propos du livre de Vijay Prashad – The Poorer Nations : A possible History of the Global South, Asia Times, 5 avril 2013, http ://www.atimes.com/atimes/World/WOR-01-050413.ht
ii) Les important accords monétaires entre Chine et Brésil (accord de 30 milliards de dollars de swap de devises) sont une éclatante démonstration de ce type de démarche : « China and Brazil sign $30 bn currency swap deal », RT, 27 mars 2013,
http ://rt.com/business/china-brazil-currency-swap-deal-brics-918/
18. BRICS ‘set to be global force’, China Daily, 27 mars 2013, http ://europe.chinadaily.com.cn/china/2013-03/27/content_16351114.htm
19. PNUD, section : Revenu et Développement Humain, Op. Cit., p. 28.
20. PNUD, section : Aider les autres pays à rattraper leur retard, Op. Cit., p. 55.
21. Exemples d’accords :
i)Maxim Bogodvid, GLONASS : un système optique sera installé en Afrique du Sud, RIA Novosti, 26 mars 2013, http ://fr.rian.ru/science/20130326/197909285.html
ii) Grigoriy Sisoev, Russie-Afrique du sud : coopérer dans l’aéronautique, 26 mars 2013, RIA Novosti, http ://fr.rian.ru/world/20130326/197909068.html
22. Deux articles résument parfaitement l’abandon de la souveraineté de la Turquie, suite à la trahison de ses dirigeants actuels :
i)Hédi Dhoukar, La Turquie c’est fini, 27 décembre 2012, http ://hedidh.blogspot.fr/2012/12/la-turquie-cest-fini.html
ii)Ramzy Baroud, How Turkey’s regional ambitions crumbled, Asia Times, 4 avril 2013,
http ://www.atimes.com/atimes/Middle_East/MID-01-040413.html
Source :
http://stanechy.over-blog.com/article-le-brics-a-durban-1...
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Et pendant ce temps-là…
18:36 Écrit par Theroigne dans Actualité, Général, Loisirs, Musique, Web | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
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