07/11/2011

Un long chemin vers la mer

 

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Un long chemin vers la mer

 


« J’ai envie d’ailleurs »
Marcel Pagnol

 


Qui n’a rêvé de voyager ?

Qui, reprenant à son compte la célébrissime réplique de Marius, ne se croit aujourd’hui le droit d’aller s’il le veut au bout du monde ? Qui ne trouve normal de brûler des lacs de kérosène pour arriver plus vite dans l’endroit, quel qu’il soit, de son désir ?

Pourtant, se rendre d’un lieu à un autre, quitter sa glèbe et son travail, a été, pendant de longs siècles, interdit à la plupart des humains (il n’est pas question, ici, de migrations, ni de commerce ni de Tziganes). Depuis au moins la fin de l’empire romain pour ceux d’Europe.

À l’exception des marins, peu encouragés à quitter leurs navires-souvent-prisons, se déplacer fut longtemps le privilège des castes dominantes. Ah, les chevaliers errants de la cour du roi Artur... qui se trouvent avoir été nos premiers féodaux ! Si l’on s’en tient à l’Europe (balayons devant notre seuil), les premières grandes migrations avec retour prévu à la maison, furent les Croisades. Bien sûr, à côté des nobles il y eut des ignobles : il fallait bien des manants pour porter les paquets, panser les chevaux, faire la tambouille, fourbir les heaumes, remmailler les hauberts... Ceux-là y allèrent à pied. Mais quand d’irréfléchis pastoureaux s’improvisèrent croisés-enfants, voulurent aller, eux aussi, libérer le tombeau du Christ, cela déplut en hauts lieux. Il leur arriva des bricoles. De l’espèce définitive. Atteignirent-ils seulement Venise ? Est-ce dans la lagune qu’ils disparurent ?

Oh, il y eut bien, de temps à autres, une exception pour confirmer la règle. On se souvient ici d’un ouvrier foulon qui s’en alla, vers le dernier quart du XVIIIe siècle, jusqu’en Carinthie en passant par Rome, vendant en route son travail. On le sait parce que, comme Ulysse, il est revenu chez lui, plein d’usage et raison ou pas ; on le sait parce qu’il avait appris tout seul à écrire et qu’il a tenu un journal.

Avant cela, il y avait eu quelques étudiants gyrovagues, se déplaçant d’une école à l’autre et même de France en Italie. Ainsi d’Étienne Dolet, phénomène surdoué autant qu’esprit sans entraves. Ainsi de Rabelais, moinillon de même tonneau, en rupture de cloître. Encore fallait-il, pour aller voir le pape à Rome, être attaché à la maison d’un Grand. Et on y allait à pied. Quelquefois à mule, si votre seigneur avait intérêt à vous ménager.

Le XVIIIe siècle, qui vit et fit tant de choses, vit enfin la classe bourgeoise se mettre à regarder autour d’elle, et, là aussi, marcher sur les brisées des aristocrates. Un des premiers grands voyageurs non nobles de l’époque fut sans conteste Casanova. Il y eut aussi Mozart qui dut prendre bien souvent la poste (les voyages professionnels ne comptent pas).  Mais c’est encore à pied qu’André-Modeste Grétry s’en alla – par deux fois – de Liège à Rome, le corps tout entortillé de dentelles, pour n’avoir pas su dire non à ceux qui le priaient de les passer pour eux aux douanes. À pied aussi qu’il remonta de Rome à Paris, avec arrêt à Ferney, pour saluer l’ancêtre.

Privilège d’aristocrates encore le « Grand Tour » des jeunes Anglo-Saxons du XIXe siècle. Il en fallait de l’argent, et des relations puissantes aux étapes, pour inventer le tourisme !

Quant à la génération des jeunes bourgeois nés trop tard et frustrés du grand rêve sur lequel venait de retomber un couvercle de plomb, dont la meilleure part se suicida, se pendit, se révolvérisa, se noya dans l’alcool et les drogues, elle s’en alla chercher un dérivatif dans le gothique et dans les forêts profondes. Elle s’intéressa aux indigènes des villages les plus reculés, les étudia, les fit parler. De cette forme d’évasion sont nés l’étude de plus en plus sérieuse du folklore, des religions comparées, l’anthropologie et l’ethnologie. Les voyages, pour beaucoup, se firent alors «d’étude». Toutes choses interdites, cependant, aux damnés de la terre attachés à la meule, voués au voyage en rond, qui n’y échappèrent que de temps en temps, pour sillonner, c’est vrai, l’Europe, dans tous les sens, viande à canon de l’une ou l’autre armée.

Privilège de bourgeois encore le voyage de Leigh Fermor, de Rotterdam à Istanboul, en 1933-34, à pied la plupart du temps, mais souvent d’un château l’autre...

En 1936, alors que s’accumulait l’orage, la plèbe enfin arracha le droit d’aller voir, elle aussi, là-bas si elle y était. « Là-bas », n’exagérons pas. Ici et là. À bicyclette. Et dans des auberges de jeunesse en guise de cinq étoiles. Commettant néanmoins par là le péché d’indifférence - le plus grave de tous - d’abandonner l’Espagne à son sort.

La plèbe n’a pas droit au péché. Elle ne se doutait pas et découvrirait trop tard qu’elle se condamnait ainsi à subir le sort qu’elle n’avait pas voulu partager. Funeste changement de priorités. Mais l’habitude était prise, et une centaine de millions de morts plus tard, les vacances seraient devenues plus sacrées que n’importe quoi, plus sacrées même que les révolutions. On vivrait celles des autres par procuration. En spectateurs. En touristes. Et le bonheur n’est plus une idée neuve en Europe. C’est une idée oubliée.

Au début des années cinquante, ce qui restait du continent, hébété, léchait ses plaies. Les premiers voyageurs à se remettre en route ne pouvaient être que suisses. Ce furent Nicolas Bouvier et Thierry Vernet. Et une increvable petite voiture.

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Poussés par l’envie de se soustraire pour un temps au confortable pays que venait de brocarder Orson Welles dans un film inoubliable et de voir le vaste monde avec, pour tout viatique, leurs talents respectifs et leur aptitude à survivre, ils s’en allèrent vers l’Est, en offrant qui sa prose, qui son dessin, aux populations traversées, en échange du gîte et du couvert. Cette première aventure de l’après-guerre devait conduire l’un au Japon et l’autre aux Indes, et les faire se rejoindre ensuite, quelque part en Asie.

Comme toujours, les Balkans léchaient leurs plaies plus vite et mieux que les autres. Qui, ayant lu L’usage du monde, pourra jamais oublier ce chant d’amour à une Yougoslavie naissante, dans une Europe aujourd’hui à jamais disparue, dont la nostalgie est si poignante qu’on en vient à se dire qu’il est heureux pour Nicolas Bouvier et Thierry Vernet d’être morts avant 1999.


L’Usage du monde
Court extrait pour se faire plaisir


Vernet 1.jpgFainéanter dans un monde neuf est la plus absorbante des occupations. Entre la grande arche du pont de la Save et la jonction du Danube, la banlieue poudroyait sous les feux de l'été. Elle devait son nom Saïmichte (la foire) aux reliefs d'une exposition agricole transformée par les nazis en camp de concentration. Pendant quatre ans, juifs, résistants et tziganes y étaient morts par centaines. La paix revenue, la municipalité avait sommairement recrépi ces lugubres « folies » pour les artistes boursiers de l'État. La nôtre - portes qui jouent, fenêtres crevées, chasse d'eau rétive - comptait cinq ateliers allant du dénuement complet à une bohème cossue. Les plus démunis des locataires, ceux du premier étage, se retrouvaient chaque matin, blaireau en main, devant le lavabo du palier, en compagnie du concierge - un mutilé de guerre, la casquette vissée au crâne - auquel il fallait pincer la peau du menton pendant que de sa main unique il y passait prudemment le rasoir. C'était un homme souffreteux, plus méfiant qu'une loutre, sans rien d'autre à faire que surveiller une fille en âge de fauter, et glaner dans les toilettes - des latrines à la turque où l'on vide ses poches avant de s'accroupir - les bricoles : mouchoirs, briquets, stylos, que les usagers distraits avaient pu oublier. Milovan le critique littéraire, Anastase le céramiste, et Vlada, un peintre paysan, occupaient les ateliers du rez-de-chaussée. Toujours prêts à nous aider, à nous servir d'interprètes, à nous prêter une machine à écrire, un morceau de miroir, une poignée de gros sel, ou à convier la maisonnée entière, lorsqu'ils avaient vendu une aquarelle ou un article, à un banquet vociférant - vin blanc, poivrons, fromage - suivi d'une sieste collective sur le plancher ensoleillé et nu. Dieu sait pourtant qu'ils vivaient chichement, mais les années noires de l'occupation et de la guerre civile leur avaient enseigné le prix de la douceur, et Saïmichte, à défaut de confort, avait une bonhomie bien à elle. C'était une jungle de pavots, de bluets, d'herbes folles qui montait à l'assaut de ces bâtiments dégradés, et noyait dans son vert silence les cambuses et les campements de fortune qui avaient poussé tout autour. Un sculpteur habitait le pavillon voisin du nôtre. Le menton sali de barbe, ses marteaux à la ceinture comme des colts, il dormait sur une paillasse au pied de la statue qu'il était en train d'achever : un partisan torse nu, le poing fermé sur une mitraillette. C'était l'homme le plus riche de la zone. L'époque lui était clémente ; en monuments aux morts, en étoiles de granit rouge, en effigies de maquisards aux prises avec un vent de deux cents kilomètres, il avait pour quatre ans de commandes au moins. C'était naturel ; après avoir été l'affaire des Comités secrets, les révolutions s'installent, se pétrifient et deviennent rapidement celles des sculpteurs. Dans un pays qui, comme la Serbie, n'a cessé de se soulever et de se battre, ils disposent déjà d'un large répertoire héroïque - chevaux cabrés, sabres au clair, comitadjis - dans lequel il suffit de puiser. Mais cette fois, c'était plus difficile. Les libérateurs avaient changé de style ; ils étaient à pied, tondus, soucieux, rébarbatifs, et la cuillère de confiture que le sculpteur nous offrait, selon la coutume serbe, lorsqu'on lui rendait visite, suggérait un univers moins martial et plus doux.

A l'autre bout du terrain vague, une glacière flanquée d'un débit d'alcool servait de boîte postale et de rendez-vous à ceux qui vivaient ici entre ciel et broussaille avec leurs poules et leurs chau- drons. On en emportait de lourds blocs terreux d'une glace à gros grains et des sorbets au lait de chèvre dont le goût suri restait jusqu'au soir dans la bouche. Le bistrot n'avait que deux tables autour desquelles les chiffonniers de la zone - des vieux, les yeux rouges et mobiles, qui à force de flairer l'ordure ensemble avaient pris l'air de furets grandis dans le même sac - s'installaient aux heures chaudes pour dormir ou trier leur récolte.

Derrière la glacière s'étendait le domaine d'un brocanteur ukrainien qui logeait dans une niche très propre au milieu de ses trésors ; un homme de poids, coiffé d'une casquette à oreilles, qui possédait une colline de chaussures hors d'usage. une autre d'ampoules fusées ou éclatées, et menait son affaire en grand. Un monceau de bidons percés et de chambres à air cuites complétait son fonds de commerce. L'étonnant, c'était le nombre de clients qui quittaient son dépôt, leurs « emplettes » sous le bras. Passé un certain degré de pénurie, il n'est rien qui ne se négocie. A Saïmichte, UN soulier - même percé - pouvait constituer une affaire, et la colline de l'Ukrainien était souvent gravie par des pieds nus, sondée par des regards brillants.

Vers l'ouest, le long de la route de Zemoun, Novi-Beograd élevait au-dessus d'une mer de chardons les fondations d'une cité satellite que le gouvernement avait voulu bâtir, malgré l'avis des géologues, sur un sol mal drainé. Mais une autorité - même auguste - ne prévaut pas contre un terrain spongieux et Novi-Beograd, au lieu de sortir de terre, persistait à s'y enfoncer. Abandonnée depuis deux ans, elle dressait entre la grande campagne et nous ses fausses fenêtres et ses poutrelles tordues où perchaient les hiboux. C'était une frontière.

A cinq heures du matin, le soleil d'août nous trouait les paupières et nous allions nous baigner dans la Save de l'autre côté du pont de Saïmichte. Sable doux aux pieds, quelques vaches dans les vernes, une gamine en fichu qui gardait des oisons, et dans un trou d'obus un mendiant endormi recouvert de journaux. Le jour levé, les mariniers des chalands et les gens de la zone y venaient laver leur linge. En bonne compagnie nous frottions nos chemises, accroupis dans l'eau terreuse, et tout le long de la berge, face à la ville endormie, ce n'étaient qu'essorages, bruits de brosses et chansons soupirées pendant que de grandes banquises de mousse descendaient au fil de l'eau vers la Bulgarie.

L'été, Belgrade est une ville matinale ; à six heures l'arroseuse municipale balaie le crottin des charrettes maraîchères et les volets de bois claquent devant les boutiques ; à sept, tous les bistrots sont bondés. L'exposition ouvrait à huit. Un jour sur deux j'allais la tenir pendant que Thierry relançait jusque chez eux les acheteurs rétifs ou dessinait dans la ville. Vingt dinars l'entrée, pour ceux qui les avaient. La caisse ne contenait qu'une poignée de monnaie et, oublié par le dernier exposant, Variétés V de Valéry, dont le style maniéré prenait ici une allure exotique qui ajoutait au plaisir de lire. Sous le pupitre, une demi-pastèque et une fiasque de vin attendaient les amis d' ULUS qui venaient en fin d'après-midi proposer un plongeon dans la Save ou traduire un brin de critique paru dans un journal du soir.

- ... M. Verrrnettt'e... a certes bien vu nos campagnes et ses croquis sont amusants... mais, il est trop sarcastique et manque encore de... manque encore de - comment dites-vous donc, faisait le traducteur en claquant ses doigts -... ah ! j'y suis, de sérieux !

Vernet 2.jpgLa vérité, c'est que le sérieux est la denrée préférée des démocraties populaires. Les journalistes de la presse communiste qui venaient de bonne heure le matin faire leur papier en avaient à revendre. C'étaient de jeunes officiels aux chaussures craquantes, sortis pour la plupart des maquis titistes et qui tiraient de leur importance nouvelle une satisfaction bien légitime, encore qu'elle les rendît un peu rogues et incertains. Ils passaient, le front barré, d'un dessin à l'autre, censeurs sévères mais perplexes, car comment savoir si l'ironie est rétrograde ou progressiste ?

Entre onze heures et midi, l'affiche de la porte - soleil jaune sur fond bleu - attirait tous les mioches de l'avenue Terazié, retour de l'école. Une exposition de tartines n'aurait pas eu plus de succès; des gamines aux sourires ébréchés longeaient les cimaises à cloche-pied ; des gosses tziganes empoussiérés payaient d'une grimace, se coursaient d'une salle à l'autre avec des cris stridents et laissaient sur le parquet ciré l'empreinte de minuscules pieds nus.

Cinq à six, l'heure creuse, nous amenait quelques revenants des beaux quartiers. Pitoyables et doux « ci-devant » dont le français léger et les visages d'un effacement plein d'égards trahissaient l'origine bourgeoise : vieillards aux moustaches tremblantes chargés d'énormes cabas et matrones en chaussures de tennis, bronzées comme des paysannes, qui tiraient leur chaise jusqu'à la caisse, nous tendaient une main sèche et sondaient prudemment pour trouver l'écho de leurs ruminations mélancoliques. Beaucoup d'entre eux, revenus au pays après l'amnistie d'octobre 1951, occupaient la plus petite pièce de leur ancien logis et les situations les plus imprévues. Un vieil avocat mélomane copiait des partitions pour un orchestre de jazz, une muse des salons d'autrefois pédalait au point du jour vers de lointaines casernes pour y enseigner le solfège ou l'anglais. Ils ne jetaient aux murs qu'un regard distrait mais, trop seuls pour s'en aller tout de suite et trop fiers pour le dire, ils se lançaient - de façon à tenir jusqu'à la fermeture - dans de harassants monologues sur le tombeau du roi Alexandre ou sur les couvents désaffectés de Macédoine que nous qui pouvions comprendre devions voir absolument. Et ils restaient là, pressants, lassés, confidentiels, multipliant les conseils. Mais le coeur n'y était plus. Pour le courage on se force, pas pour l'entrain.

A la tombée du jour c'était toute la rue qui passait par l'exposition. Les Belgradois avaient trop peu de distractions pour en négliger aucune. La vie était encore assez frugale pour que chacun fût affamé de tout et cet appétit suscitait bien des découvertes. Des théologiens suivaient les courses de motos, des paysans - après une journée d'emplettes dans l' Ulitza Marshala Tita - venaient ici découvrir l'aquarelle. Ils déposaient contre la porte un sac d'engrais, un licou neuf, une serpe au tranchant graissé, lorgnaient les billets d'un oeil perçant et sortaient l'argent de leur ceinture ou de leur calot. Puis ils croisaient d'un dessin à l'autre à larges enjambées, mains dans le dos, et regardaient posément, bien résolus à en avoir pour leurs dinars. Leur oeil, formé par les clichés pâteux du « Journal de Mostar » ou de « L'Écho de Cettigné », avait du mal à saisir d'emblée ce dessin linéaire. A partir d'un détail familier - dindon, minaret, guidon de bicyclette - ils démêlaient le sujet, se mettaient soudain à rire ou à soliloquer et tendaient le cou pour voir s'ils reconnaissaient leur gare, leur bossu, leur rivière. Devant un personnage débraillé ils vérifiaient leur braguette. J'aimais cette manière de rapporter les choses à soi, de les examiner lentement, patiemment, en pesant le travail. D'ordinaire ils restaient là jusqu'à la dernière, à l'aise dans leurs larges braies et leur fumet campagnard. puis passaient courtoisement à la caisse pour serrer la main de l'artiste ou lui rouler une cigarette qu'ils collaient d'un grand coup de langue. A sept heures, Prvan, le manager d'ULUS, venait aux nouvelles. Non, les acheteurs de l'État qui constituaient sa principale clientèle ne s'étaient pas encore décidés.

- Eh bien, disait-il, nous irons les chercher demain par l'oreille - et il nous emmenait manger la tarte aux épinards chez sa mère.


A défaut de clients, les amis sortaient de terre sous nos pieds. Il y a en Serbie des trésors de générosité personnelle, et malgré tout ce qui y manque encore, il y fait chaud. La France peut bien être - comme les Serbes se plaisaient à nous le répéter - le cerveau de l'Europe, mais les Balkans en sont le coeur, dont on ne se servira jamais trop.

Vernet 3.jpgOn nous invitait dans de sombres cuisines, dans de petits salons d'une laideur fraternelle pour d'énormes ventrées d'aubergines, de brochettes, de melons qui s'ouvraient en chuintant sous les couteaux de poche. Des nièces, des ancêtres aux genoux craquants - car trois générations au moins se partageaient ces logis exigus - avaient déjà préparé la table avec excitation. Présentations, courbettes, phrases de bienvenue dans un français désuet et charmant, conversations avec ces vieux bourgeois férus de littérature, qui tuaient leur temps à relire Balzac ou Zola, et pour qui J'accuse était encore le dernier scandale du Pans littéraire. Les eaux de Spa, « L'Exposition coloniale »... quand ils avaient atteint le bout de leurs souvenirs, quelques anges passaient et l'ami peintre allait quérir, en déplaçant force vaisselle, un livre sur Vlaminck ou Matisse que nous regardions pendant que la famille observait le silence comme si un culte respectable auquel elle n'avait pas part venait de commencer. Cette gravité me touchait. Pendant mes années d'études, j'avais honnêtement fait de la « culture » en pot, du jardinage intellectuel, des analyses, des gloses et des boutures ; j'avais décortiqué quelques chefs-d'oeuvre sans saisir la valeur d'exorcisme de ces modèles, parce que chez nous l'étoffe de la vie est si bien taillée, distribuée, cousue par l' habitude et les institutions que, faute d'espace. l'invention s'y confine en des fonctions décoratives et ne songe plus qu'à faire « plaisant », c'est-à-dire : n'importe quoi. Il en allait différemment ici ; être privé du nécessaire stimule, dans certaines limites, l'appétit de l'essentiel. La vie. encore indigente, n'avait que trop besoin de formes et les artistes - j'inclus dans ce terme tous les paysans qui savent tenir une flûte, ou peinturlurer leur charrette de somptueux entrelacs de couleurs - étaient respectés comme des intercesseurs ou des rebouteux.


*

La révolution de 1968, dite fort justement « événements de mai-juin », ne dansa qu’un seul printemps. Et partit en vacances. Vaincue, non par un vieux général, mais par sa propre impuissance. Déclin de l’Occident ?

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Les héritiers de 93 et de 48 s’évadèrent dans la musique, les fleurs et les religions exotiques. Il y eut Woodstock et Wight... Au lieu de remonter des barricades, on fuma des joints – justement, les squales qu’on s’était flattés de combattre en avaient à vendre – et on partit sur les routes. Vers l’Eldorado Katmandou. On y alla par tous les moyens : en train-tarif-étudiants, en stop, dans des guimbardes achetées en commun d’occase, etc. On explora tout, de préférence l’Asie, mais aussi l’Amérique, du Sud et du Nord. On fit des crochets par l’Afrique, mais moins.

Bref on noya sa frustration dans l’évasion géographique autant que dans l’évasion toxique. Les bêtes de somme, cette fois encore, n’en furent pas, plus que jamais attachées à leur meule, en attendant qu’on les dételle pour la leur passer au cou et les noyer avec, dans le chômage.

Les jeunes bourgeois, soyons justes, ne fuyaient pas toujours qu’une société figée, d’ailleurs elle ne l’était plus tant que cela, mais aussi, pour certains, des rigidités familiales devenues insupportables.

Notre ami Édouard Lecèdre est de la génération qui entra dans l’adolescence alors. Comme tant d’autres, il succomba à l’appel de l’ailleurs et des peuples qui n’étaient pas le sien. Il s’en emplit autant que faire se pouvait les yeux, le coeur et la mémoire. Pourtant, il fallut bien revenir un jour, gagner son pain à la sueur de son front, tout le monde n’est pas doué pour devenir colon.

Des décennies plus tard, le virus ne l’a pas lâché. À chaque fois qu’il peut quitter sa chaîne, il y retourne, loin ou près. Mais le monde a changé. Beaucoup des endroits qui l’avaient enchanté ne sont plus que ruines. Ou villages Potemkine dissimulant des prisons, quand ce n’est pire. Malaise, à l’idée d’aller partager leurs paysages avec les écrasés, sans partager leur sort - « Touristes ! » était l’injure de prédilection de feu Jean Krajewski, un autre ami à nous, que vous ne connaissez pas - ; le voyageur Lecèdre ne se supporte pas touriste. Interrogations... Désirs... Doutes... Examen de conscience, ou autocritique si vous préférez... Il a tout mis par écrit, en vers, et nous l’a envoyé.

 

 

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Quelqu’un me demanda, d’un ton curieux, mon âge
 En voyant mon poil blanc et ma tête chenue
 Je répondis : une heure au plus, pas davantage,
 Si j’en crois ma raison et me fie à ma vue
 Tu viens de proférer une chose insensée
 Je lui dis : la maîtresse à qui mon cœur se lia
 M’a laissé, un beau jour, lui voler un baiser
 J’aurais beau prolonger mes années ici-bas
 Je ne compte pour vrai que cette heure passée

Ali Ibn Hazm
Poésie omeyyade
Chants d’Al Andalus


                   Le chemin de l’excès mène au palais de la Sagesse
Si les portes de la perception étaient nettoyées, chaque
chose apparaîtrait à l’homme comme elle est, infinie

William Blake


La poésie est ce qu'il y a de plus réel,
ce qui n'est complètement vrai que dans un autre monde.

Charles Baudelaire


Je préfère le flux héraclitéen des choses
à la sphère parménidienne de l’état de choses

Edouard Lecèdre
Aphorismes – Œuvres complètes – Tome V




*



Soleil caché survient
Rêves surpris vite s’enfuient
Ecoute le matin


Ton cri au loin
Je m’en vais vite
Souffle de la course


Un œil liquide
Offre un mouchoir
L’éclat du rire


Muses est-ce vous ?
Muses, êtes-vous là
M’entendez-vous ?
Muses, m’entendez-vous ?


Ainsi notre chant t’est parvenu
Comme un arôme poétique.
Serais-tu si ému
Par nos exhalaisons orphiques ?


Sachez que mes projets de parcourir la Terre
Telles des boules de bourgeons longtemps pelotonnés
Eclosent aujourd’hui, se déploient dans les airs.
Un jour nouveau se lève
Un état de partance synonyme d’harmonie
Fait circuler en moi une nouvelle sève,
Une furieuse envie d’apprendre les pays,
Un désir ardent d’embrasser le monde,
Le mordre à pleine dent :
Découvrir les fruits inconnus des lointains
Tricoter la maille des méridiens
Couvrir de mes mains, de mes pieds
Les quatre points cardinaux
Parcourir le monde, m’instruire aux nouveautés
Recevoir, donner, l’amour et l’amitié
Surprendre les beautés intangibles
Ecouter la poésie secrète des Chants de cette Terre !
Comment, que dites-vous ?

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Oter le manteau de plomb d’une année de béton. Difficile !
Affaires pressées, bousculées. Fuir. Tout en vrac. Tic tac
Vertige de la vacance. Délivrance. Grand trac ?
Ivresse du départ, frisson des découvertes. Crédible ?


Je prépare ce départ, enfiévré, affairé.
Vers d’autres horizons, ouvrir mes connaissances
Intrigues des différences, nouer d’autres alliances
Parcourir ce monde, joyeux et affamé
Muses, suivez-moi mes Amies
Comment, que dites-vous ?

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Vivre le monde ses peuples sa géographie
En liberté conditionnelle ?
Quelle vérité, quelles sensations, charivari
Sempiternelle ritournelle ?
Eviter l’Indigène, étaler sa richesse
Ivre jouir de fruits exotiques ?
Sourd, aveugle, enfiévré d’une morne paresse,
Sauf aux crédits photographiques ?
Retour exalté un jour, hâlé quelques autres
Pauvres récits sans lendemain !
Et recommencer encore encore, vieil apôtre
Religion des mirages lointains !

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Mais de cela je me départis mes Amies

Nul artifice ?

Découvertes et curiosités sont ici rassemblées

Havresac ?

Hasarder le dormir, plaines sauvages, villes lumière

Bivouac ?

Vaincre la peur, accueillir l’inconnu

Amitiés complices ?


Je prépare ce départ, enfiévré, affairé.
Vers d’autres horizons, ouvrir mes connaissances
Intrigues des différences, nouer d’autres alliances
Parcourir ce monde, joyeux et affamé
Muses, suivez-moi mes Amies
Comment, que dites-vous ?

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Il faut avant toute chose pour embrasser le monde
Connaître d’autres bulletins
Avant que vainement tu ne vagabondes.
Sont tous devenus incertains
Les pays de cette Terre qui forment le vaste Tiers Monde :
Torturés triturés, éteints.

Foulant les sols allongés des landes lointaines
Où ciel et terre à l’horizon
Joignaient leur ligne claire sans que ne survienne
Ni le bruit ni la confusion,
Tu parcourais encore le magique Orient
Sans industrie, à cœur ouvert.

Au sein des curieuses tribus de l’Afghanistan
Qui sillonnent les sentiers déserts
Accueilli, pauvre ami, parmi les démunis
Tu recevais de leurs simples gestes
La leçon que l’espoir n’est peut être pas fini
Espaces séparés, même sagesse.

Tous les peuples de l’Inde et de l’entière Asie
A présent dos courbés de détresse
Ont oublié leurs chants pour fixer du regard
L’aigle royal ivre de rage
Accomplir les desseins de ses maitres barbares
Cette horreur, tu l’envisages ?

L’ordre impérial né de l’hybris des nouveaux tzars
Rêve de peuples sages en cage
Sais-tu où se trouve aujourd’hui la Palestine ?
En Judée dis-tu, que nenni
Archipel de terres massacrées, tout n’est que ruine
Brasier de colère infinie.

Vois-tu les palais de Bosnie Herzégovine ?
Havre où gisaient les anciens bruits
Tes yeux ne t’égarent pas, ils sont couverts de cendres
A disparu Sarajevo
Une paix règne dans les cœurs où il gèle à pierre fendre
Dure la guerre au Kosovo.


Partir à tire d’aile et de moi vous vous moquez.
Foin des pensées d’ici-bas compressées en ballots embourbés
L’attirance vers l’ailleurs est mon rêve sublimé
Ses contours enchanteurs, où les brises, alizées,
Poussent en larges courbes, en droites lignes
De fraîches et nouvelles pensées.
Elles se déploient  là-bas en arabesques multiples
Dessinant dans les ciels des figures géométriques
Retrouvant la joie qu’on croyait perdue :
La merveille de l’éveil devant l’inconnu.
Volent et s’envolent, elles s’élèvent dans l’azur
Cerfs volants impétueux, libres et indociles.
Trop longtemps confinées dans des malles oubliées
Elles se baignent dans le rire et l’extase
Des rencontres singulières qu’accompagnent tous voyages.
Partir loin d’ici, oui dis-je, en courants ascendants
Pour m’élever, découvrir des scènes différentes
Où les hommes aux membres longs et chauds
S’inscrivent dans la vie par d’autres dispositions,
Content des histoires avec une autre grammaire
Où les femmes aux enveloppes enivrantes
Jouent la surprenante musique d’autres compositions,
Utilisent un nouveau vocabulaire
Pour faire voler haut leurs chants
Firmament de l’extase
J’ai rêvé traverser les contrées sauvages, les villes illuminées
Rechercher, rencontrer la multiplicité
Des histoires parallèles, des routes croisées
Qui tel un filin forment l’entrelac de nos destinées – Un filet ?
Plutôt une gaze légère et néanmoins serrée
Immense rhizome de contacts immanents
Sur lequel le hasard, papillon liberté
Favorise les esprits qui y sont préparés
Tout cela n’est-il donc plus possible ?

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Naviguant sur les mers aux reflets argentés
Où les flots mêlés au zéphyr
Offraient la transparence des abysses inviolés
Bleu profond d’un liquide saphir
Tu plongeais dans l’océan, nu et innocent
Sans craindre ni mort ni maladie.

Sur le sable de la grève soulevé par le vent
La pluie de chaleur du midi
Faisait briller tels des diamants les coquillages
Perles nacrées de porcelaine
Là où maintenant les immondices nagent
Ton regard se brouille avec peine.

Les riches foules abouliques vautrées aux rivages
Epuisées à en perdre haleine
S’étirent à l’infini sur les côtes tropicales
Guirlandes d’algues d’une autre espèce
Pourras-tu voir une bonne fortune occidentale
Sous l’obscène du vil commerce ?

Aux pays éclairés d’aurores boréales
Où les poignards du froid transpercent
Les robustes carapaces, les épaisses cuirasses
Des monstres et mammifères marins
Ne restera plus trace du grand désert de glace
L’Océan Arctique défunt.

La mer du commencement que tu admires en face
Regard poète porté au loin
Au jour de tes rencontres solennelles avec elle
Aura perdu l’éclat magique
Te laissant seul et reclus, moine sans chapelle
Triste comme Caspar David Friedrich.


Je veux partir loin d’ici
Muses, s’il vous plait suivez-moi mes Amies
Le monde que vous me chantez porte un drôle de masque
Sa musique est vacarme, son odeur nauséeuse
Je devrais vous croire et pourtant j’entends là-bas au loin
Les mélopées rêvées, imaginées
Au secret de mes nuits à passer dessiner
Les plans savamment étudiés de mes évasions
Déjà je vois les habitants de ces contrées lointaines
M’accueillir avec rire et sourire
Voyant juste que je suis musicien – Une guitare ?
Par exemple, quelque chose de gracieux, pas un tintamarre
Trois accords majeurs, une première mélodie
Ils m’entourent aussitôt
Forment des quatuors d’étranges instruments
D’où sort une musique de fêtes et de grandes occasions.
Parfois c’est une ode que je me vois chanter
Près de l’âtre d’une cheminée
Rondins de bois en cabane dans les bois
Refuge bienvenu isolé dans la plaine.
La musique dans ce cas est notre langue commune
Je déplie mes cartes et montre mes papiers
Là je suis né et là j’habite, eux sont d’ici
Depuis toujours, plusieurs générations.
L’œil scrutateur et interrogatif, un moment
Me demande pourquoi
Pourquoi ? Oui pourquoi suis-je ici sans lendemain
Avec eux, ici, pourquoi
Que dire ? Immensité des réponses imparfaites
Et pourtant attendues
Temps suspendu
La magie d’un instant apparait là soudainement
Fragilité qu’il faut bien protéger
Les cœurs parlent, les vérités s’éveillent,
On se met à nu et dans un balbutiement
On formule maladroits des émotions sincères.
Des Etres humains jusqu’ici inconnus
Découvrent leur commun cœur à nu.
Des Hommes se connaissent et se reconnaissent
Debout, solennels, un peu gauches et muets
Par les regards seulement rattachés,
Nous comprenons notre lutte commune
L’arrachement, le labeur de la condition humaine
Nous nous découvrons frères et sœurs
Lancés dans la quête sans fin d’un amour incertain
Cette rencontre éphémère marque nos cœurs
Donne une leçon de philosophie
Allume un sémaphore dans la nuit de l’oubli
Croyez-vous mes Amies, qu’une telle alchimie
N’aie plus cours nulle part aujourd’hui

 

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Comment se portent-ils nos colonisateurs
Nos maîtres d’Outre Atlantique
Théocrates financiers et moralisateurs
Croisés d’une nouvelle casuistique ?
Caliban, libéré de Prospero, guide
Les tumultes de la Tempête.

Fort du succès de leur premier génocide
Amérindiens tristes spectres
L’Amérique déchaînée, ce Moloch cupide
Sur la nouvelle Baal Bek
Dévore les dissidents qui osent la voir en face
N’est-ce pas déjà un ancien monde ?

De fameux charognards et de furieux rapaces
Volent sans fin en une ronde
A mille lieues des idéaux de l’Antique Hellas
Financiers, pilleurs du monde
Où sont leurs nids d’acier dans cette Babylone ?
Dans la célèbre rue « Vole Street ».

Si le réalisme de cette peinture te questionne
Suis les conseils de Démocrite
Nourris ta conscience d’utiles oxymorons’
Comme : Liberté/Terre d’Amérique !
Prends garde aux mythes de ce pseudo Eldorado
Vrai poison, dangereuses toxines.

Ne tarde pas ! - John Muir, Henri David Thoreau
Flammes absentes de leur hymne
Gisent en pathétiques héros, perdus, oubliés
Caves du Temps, noires et souterraines
La nature là-bas est une prostituée
Généreuse d’amours puritaines.


Un peintre amateur a sur sa palette
Mélangé l’encre noire au sombre des fumées,
L’ardoise monastique au profond anthracite
A déguisé les cieux d’une robe de pluie
Aux reflets d’eau sale et d’étain dépoli.
Une ombre diluée se répand dans la plaine
Sang gris s’écoulant doucement d’une mélancolie
Blessée au flan, d’une pâleur extrême
Tel est devenu le tableau de mon esprit
La couleur d’un loup gris
Qui surplombe le pays
Assis, le regard flottant sur un vaste écran
Je regarde muet un spectacle présenté anciennement
Où le noir et le blanc, couple uni fusionnel
Racontaient en dansant des histoires éternelles
Pensez-vous que la vie, d’une maladie atteinte
Ne reflète aujourd’hui que ces deux pauvres teintes ?
Puis-je encore m’éblouir à l’éclat de souvenirs – Multicolores ?
Oui, irradiants de substances, de nuances, de pigments
Il existe des souvenirs aux couleurs éternelles
Eblouissants de lumières qui crépitent de mille feux
Fête foraine de l’esprit
Méandres de la cervelle, de dancing en zinzin
Sautillant toute la nuit
Quitter la torride Assouan à la proue d’un navire
Face au soleil, dans le vent du désert
Là où seuls les éléments primordiaux dominent
Est une des portes d’entrée pour venir admirer
L’intimité secrète de la beauté terrestre
Qui se dévoile ici en toute allégresse.
La splendeur magnifique de ce moment de grâce
La puissante évidence de sa simplicité
Immuable comme un pur cristal
Est la preuve, je le veux croire encore
De la possible transmutation des matières
Où on peut être projeté, particule atomique
Au cœur d’une œuvre d’art elle aussi éternelle
Equilibre parfait de masse et de couleur
D’un tableau de Matisse ou de Joan Miro
Le Nil à cet endroit est une grosse veine bleue
Un flux de cobalt, un flot d’encre marine
Un courant puissant et silencieux
Qui s’écoule lentement comme une coulée de lave
Fraîche et profonde, mystérieuse, abyssale
Langue de guimauve transparente
Bleue comme la nuit
Les deux rives ont enfilé pour cette occasion
Une mince ceinture végétale offerte par le fleuve
D’un émeraude éclatant presqu’artificiel,
Le vert des feuilles scintille d’une fraîcheur éternelle.
Conflit d’intérêt entre les sens en éveil
Regard supplanté par la gourmandise
Brouter cette herbe magique est le début de la folie
Savez-vous que le sable est un étrange dessert ?
Deux langues de pain grillé enserrent le lit du fleuve
Beurrées de confiture d’abricot.
Les dunes se dressent de part et d’autre en tartines orangées
Limon ambré qu’un drôle d’alchimiste
A transformé en poudre de cuivre et d’or
Prêtes à se fermer sur cette masse liquide
La vallée du  Nil est un sandwich cosmique
 Relief oublié d’un festin antique
Pensez-vous mes amies que la nature écœurée
Des outrages que vous me chantez
S’est vraiment retirée dans ses appartements privés ?

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L’Humanité jadis a quitté son berceau
Enfoui dans les crevasses du Rift
En Ethiopie prés d’un impétueux cours d’eau
Où reposait l’ancêtre Lucy
L’Humanité comme nourrisson – Des millénaires
Longtemps unie avec le monde.

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Depuis elle s’est levée a parcouru la Terre
Marche, court, titube et tombe.
Malgré son indéniable génie philosophique,
L’enfant s’impose devant l’adulte
Dominée par ses pulsions psychologiques
Prête à toutes les culbutes.

Tout sans vergogne tout d’suite, est le fait historique
Le pouvoir, véritable culte
Un adulte infantile règne sur le monde
Barbare insouciant et cynique
Sais-tu où est sa cour de jeu, basse cour immonde ?
Le Continent Noir – L’Afrique.

Cette vaste étendue, cette première scène du monde
Est devenue une mosaïque
Rouge écarlate du sang des damnés de la terre
Palette de carmins, vermillons
Prairies, savanes, déserts, changés en cimetières
Le reste laissé à l’abandon.

Ghana, Guinée, Tchad, Libéria, Congo, Niger,
Gambie, Zambie, Gabon
Le ballet des colons au long cou déplumés
Arpente comme des marabouts
Pourrais-tu sagement ces pays contempler
L’œil sec et sans crier au fou ?


Allongé sur le dos, je regarde le ciel
Une perle de verre, refoulée d’une pichenette
D’un aquarium géant affichant complet
S’en retourne vexée et tombe en chute libre
Droit dans le lac de mon œil
Plongeon audacieux affolant les larmes tranquilles
Qui s’enfuient en ruisselant le long de ma joue
Bientôt des piquetis claquètent et crépitent
Sous l’attaque en piqué
De minuscules polygones de bakélite
Tombant de çi de là
S’accélèrent, s’amplifient, tacataquent
Solo de percussions qui devient cataracte
Il est clair qu’une fuite est apparue
Dans l’emmêlé des canalisations célestes
Et que le ciel est sérieusement percé de part en part
La pluie – D’été ?
Oui, lourde et tiède - Aucun vent
Toilette du matin, éveil
La tignasse des champs, l’herbage des prairies
Les grasses pâtures, les gazons de jade
Les arbres aux larges feuilles croquantes
Les buissons ramassés au feuillage touffu,
Les charmilles discrètes et fragiles, les hautes futaies,
 Toutes les frondaisons embrassent la grande averse
La pluie drue et épaisse lave la forêt
Qui élargit son souffle
Extase !
Bacchanale végétale !
Bientôt la terre détrempée exhalera son haleine
En un hammam géant qui couvrira la plaine
Une clochette dans les bois - Un oiseau ?
Un moineau certainement
Lance une note aigüe qui pétille comme une bulle
Un merle là-bas répond à son appel
Un troisième plus près à son tour vocalise.
Les notes se règlent, les chants s’harmonisent
Pour réunir la parfaite chorale
De cette rhapsodie pastorale.  

 

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Humus et champignons ouvriront le cortège
Des effluves champêtres, des parfums mouillés
Odeurs de mousse et de terreau
Délicates invitées de cette fête dionysiaque,
Suivies des piquantes fragrances
Des pins, des sapins, de tous les résineux
Qui monteront hardiment à l’assaut des narines,
Poursuivies par le musc captivant des racines exotiques
Des bois tropicaux et des angéliques.
Très vite des arômes de tabac et de pain grillé
Mélangés au parfum de vanille et d’eucalyptus
Traverseront la scène pour rejoindre la danse
Exhalaisons de ce bal olfactif.
Mais de quelle opiacée me suis-je enivré ?
Ce bouquet que je viens de rêver est un conte de fée
Un paradis caché, un monde imaginaire !
A des milliards d’années lumière
Du pays que vous me décrivez
Où la puanteur règne en maîtresse mégère
Où l’âcre odeur du caoutchouc brûlé
Est un fumet plaisant à coté des remugles dégoutants
Des composts de cette terre pourrie.
Le monde que vous me chantez est-il un amas de chairs
D’où sort en fumée la charogne pesteuse ?
Rassurez-moi mes Amies
Se peut-il que le monde ressemble à ce point
Au portrait monstrueux de Dorian Gray ?

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Tu pouvais traverser Bohême, Moravie
Naviguer sur le Danube bleu
Embrasser la forêt de Transylvanie
Te baigner, eau douce, temps radieux
Un jour des boues rouges étouffèrent le grand fleuve
Pollution pourpre de l’alumine

Déesses magyares, sirènes hongroises sont mortes veuves
Dont tu verras les tristes mines
Blessure des Balkans sans que personne ne s’émeuve
Rives fleuries orphelines
Pauvreté de ces contrées rend les randonnées
Incertaines et dangereuses

Comme celles que tu ferais chez l’autre infortunée
L’exaltée et malheureuse
L’immense cône du Sud, la belle Amérique Latine
La cousine de l’Afrique
Se tuer pour un peso au fond de l’Argentine
Une rondelle métallique

Combien de vies pour traverser la Chaîne Andine ?
Comme on l’a dit, tristes tropiques
Il reste encore dans la forêt amazonienne
Quelques majestueux arbres
Il faut te dépêcher il en reste une douzaine
Qui te laisseront de marbre

La sylve exterminée par l’ordure humaine
N’a reçu que des coups de sabre
Les œuvres des nantis comme prédateurs souverains
Donnent le vertige, donnent des frissons
Crois-tu qu’ils puissent encore chanter les lendemains ?
Vas-tu partir cher compagnon ?


Je voulais partir loin d’ici.
Le trouble me saisit, vous m’avez abîmé.
Le château de mes rêves que j’ai bâti Renaissance
Se mue en un sombre ergastule médiéval
Mon esprit se difracte comme la bûche
Sous les coups de la hache
Entendez-vous ce grondement sourd
Qui enfle dans la vallée ?
Une avalanche a lieu à deux pas d’ici
Des blocs de vérités s’écroulent en cataracte
Des rocs de certitude déboulent et chutent en vrac
S’effondre ma Tour de Babel
Désirs édifiés, voyages construits.
Mes pensées après ce carnage ?
Un jardin révolutionnaire
Conçu par des paysagistes
Ayant connu des jours meilleurs
Un long mugissement monte des sols
Enserre ma tête dans un étau de fer
Je ne sais plus où je suis et ce qu’il en est
Du présent, de l’avenir et de la destinée
Ma bouche s’assèche, mon corps se vide
Un pas de plus et je perds l’équilibre
Un genou à terre, haletant, l’œil humide
Je m’affale comme un vieux sac sur la grève
Dans le désir d’une dernière pose languide
Touché au flan, allongé sur le sable
Immobile et hagard
Au-dessus de l’incommensurable
Un mouvement et un seul
Et je tombe dans le gouffre du néant
Tentation de l’oubli, du sommeil permanent.
Hérodote est bien mort, les Grands Voyageurs aussi
Les forces m’abandonnent, bientôt s’installera la nuit
Mon théâtre se vide et Vous seules restez
Constatez avec moi, la lutte fut inégale
Je ne m’avoue pas vaincu
Simplement abattu
Oui abattu par le sempiternel recommencement,
La permanence des choses
Qui aiment à croupir dans les mêmes bassins.
L’idée d’enfermement, cette exécrable vermine
L’image de la cage, de l’Etat, de l’état des choses
L’idée du cercle, le cercle lui-même
Le dessin du cercle devrait être banni
Des mathématiques, des cours de géométrie
Le cercle, voilà l’ennemi
Que ne l’ai-je combattu tout au long de ma vie !
Sous des milliers de formes, la bataille fut coriace
Casser l’encerclement, pousser les limites
Libérer la pensée de cette épaisse cuirasse
Détruire à tout jamais ce funeste graphique
Comme le poète l’a dit, faire bouger les lignes
Telle fut mon aventure, ma course perpétuelle.
Vos chants dévoilent hélas
L’immensité de la circonférence
L’ennemi serait-il vaillant ?
Serais-je donc battu ?

Je reste là vidé, allongé sur le sable
Le regard vers l’ailleurs, mystérieux insondable
Je compte le nombre de grains qu’un œil ainsi posé
Peut voir dans la dune qui me sert d’oreiller

Etes-vous toujours là ?

Savez-vous que l’éternel féminin est une mathématique ?
Je ris à cette idée, car elle est sympathique
La géométrie est une femme superbe
Elancée, svelte, mince et gracieuse
C'est-à-dire aujourd’hui, une femme moderne.
Sylphide, sa beauté naît de ses lignes fines
De ses courbes et de ses sinusoïdes
Ah ! La ligne droite de la fonction affine
Dressée comme une flèche, élancée vers l’infini
Ah ! Les courbes asymptotiques
S’approchant lentement pour le baiser final
Que dire des gros seins des courbes de Gauss
Ou de l’érotisme des lignes paraboliques
Qui taillent de guêpes et de belles silhouettes ?
Sans être sentimental, comment ne pas s’émouvoir
A la passion amoureuse
Des droites parallèles, amantes chastes et timides
Qui ne se touchent jamais en public
Mais se joignent, s’enlacent et s’étreignent
S’unissent s’embrassent et copulent
Pour ne faire qu’une, là-bas au bout de l’horizon
Cachées dans le Grand Lit de l’Imaginaire
D’où naissent les théories, les interrogations ?

Je délire diriez-vous ?
La fin est donc si proche ?

Muses êtes-vous toujours là ?

Blessé, vidé, allongé sur la plage
Je laisse les crevettes
Danser la rumba sur mon dos
Ravies de voir un cousin
Amphipode sauteur
Sans doute un petit voleur
S’échapper des pinces de robot
Qu’un char d’assaut de police
En forme de crabe lourdaud
S’évertue à poursuivre. Consciencieuse milice

Je respire
Je regarde
Le temps passe et je dors

Ressemble au gros rocher
Tout près à demi enfoncé
Gros dos
Scarabée
Doit se demander
De force ou de gré ?

Le ressac me berce
Les vagues
A tour de rôle
Viennent rendre
Leur visite amicale
Caressent ma nuque
Cajolent mon front
Papouilles
Je m’endors.

Lucioles de pensées
Papillonnent
N’ont pas le temps de se poser
Tourbillonnent

Et s’en vont

Regard ras du gravier
Soleil en ligne de mire
Et surtout la mer

La mer
La mer où tout peut recommencer

Le soleil
Le matin
Le chant des flots

 La mer

Tu étais déjà là
A mes anciens combats
Quand je ne voyais plus rien
Et doutais de tout
Sois donc la bienvenue

Comme tu le vois, je suis en mauvaise passe
Admettre le monde désenchanté
Est un sérieux coup de masse

Que faire ? Triste panorama :
Dans tous les pays les peuples sont à la peine
Forcés d’avaler de funestes marchandises.
A bien y regarder, ce devrait être un jeu d’enfant
De pouvoir se soustraire
Aux industries manufacturières
Qui dit-on fabriquent des biens et services
Fresques en trompe l’œil du jardin des délices
Offerts dents brillantes tout sourire
Par leurs terribles thuriféraires.
En réalité, dans une logique de fer
Ils gavent les malheureux des riens et sévices.

S’empiffrer de luxe dans les faux paradis
S’acheter bonne conscience dans le kiosque à journaux
Voler aux crocodiles ce qui leur reste de larmes
Et partir rassuré visiter les damnés de la Terre,
S’offrir une beauté naturelle
Le temps d’une rapide passe,
Tout l’équipement standard du voyageur moderne
Globe trotter d’une mappemonde palimpseste.
En rire ou pleurer, difficile de choisir.

Un bon psychanalyste pourrait-il guérir
Le monde des affaires ?
Le cas est complexe, il faut y réfléchir.
Il a dans son thalamus
Du stade anal gardé un vieux fantasme :
Un monde de moutons suit docilement
Les panneaux d’indication de leur chemin de vie
Où travailler, quoi penser, comment s’amuser
Sont les grandes étapes de leur chemin de mort.

Oui, je le constate et en suis aigri
Car il s’agit bien de tous les pays
Aussi l’Empire Amérique et l’Europe son vassal
Où malgré les apparences, plus profond est le mal
Dans tous les pays les nantis néantisent
Interdire, empêcher, limiter, imposer
Inventer, apeurer, suggérer
Endoctriner
Forment l’hymne halluciné de leur croisade maudite

Moloch mâche
Machinerie crache
Abjecte machinerie

Que faire ? Quelle liberté ?

Pourquoi devrais-je voir mes ailes rognées ?
Etre contraint de saupoudrer
Avec parcimonie et sans entrain
Guère plus qu’une poignée de jours
Dans cette contrée ci, dans cette contrée là ?
Comment pourrais-je alors oser me voir
En alouette face au miroir
Sans rire à ce spectacle noir ?
Parcourir le monde dans ces conditions
N’est-ce pas alimenter
Cette infernale machinerie ?

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Moloch mâche
Machinerie crache
Abjecte machinerie

Comment pourrais-je conserver dans mes mains
Même dans les plus beaux écrins
Les bulles de savon de souvenirs éphémères
Pauvres artefacts des beaux fruits des lointains
Disparaissant au contact de la vie ordinaire ?
Que resterait-il à mon retour
De mes voyages si riches une fois là-bas,
Si pauvres une fois revenu ?

Comment éviter la fausseté des échanges
Des rencontres et des situations
Puisque la Machine Infernale
Change le cristal en verre dépoli
Réduit la beauté magique des rencontres
En commerce trivial, qui plus est inéquitable
Où tout se monnaye, où rien n’est gratuit
Où le toc est un succès damné ?
Cette Machine n’est-elle pas haïssable ?

Et pourtant - Et pour le temps
Que faire et comment faire ?
Faut-il se résigner ?

Si cette réalité est une forteresse
La refuser est une question de sagesse
L’abattre est une affaire d’adresse
Pour secouer le joug de cette fatalité
Que ne devrais-je craindre
De nouveau ou de différent
De mes batailles passées dont certaines furent pires
Me laissant seul dans un pays en ruine
Désarticulé, sans espoir aucun ?

A cet instant une prime question se pose :
Quel est ce terreau d’où pousse l’ordre maudit des choses
Cette fatalité collante, cet état de fait ?
Muses, vous m’avez chanté le monde tel qu’il est
Souffrez que je m’écarte de votre dictée
Car je veux encore croire que l’on peut faire mieux
Que jouer à la marelle sur le globe terrestre.

N’y aurait-il pas d’autres façons de rencontrer le monde ?
Il suffit de s’abreuver à d’autres fontaines
Rechercher les sources souterraines
Se laver l’esprit avec une eau pure et claire.
Et comme dans les mythes antiques
Riches de mutations morphologiques,
Le mouton de Panurge
Par la geste du thaumaturge
Redeviendrait un Homme libre
Une intelligence sensible
Un Homme simple, inscrit dans la nature
L’égal du monde environnant.
Un Homme face à Moloch avecque le bonheur
Libérateur de lui offrir un bras d’honneur.

Je vous le dis, l’oppression appelle la résistance
Et c’est de ce coté que penche ma bienveillance
La Machine Infernale, colossale, sans pitié
Est une Bête immonde dominante et coriace.
 Son talon d’Achille ?
Un rhizome planétaire entièrement déployé
Tissu de solidarités humaines
De relations amicales
Forgées par les rencontres citoyennes et sincères
Frappées du sceau du combat partagé
Contre l’ennemi commun, contre l’ennemi juré
Ce Moloch cupide.
Un rhizome planétaire comme un jardin fertile
D’où pointeraient les pousses d’une conscience commune,
D’une attitude nouvelle, imparable et certaine
Cela fera périr la Bête.

L’oppression a partout le même visage
Et tous les conseils sont sages
Je souhaite parcourir le monde pour livrer témoignage
De mes propres combats, mes victoires, mes échecs
Et m’inspirer des façons de faire
Des peuples de là-bas face aux autres têtes
De cette Hydre de l’Herne
Rapporter au pays un nouvel art militaire
Et continuer la lutte contre l’esprit des cavernes
Tout cela fera périr la Bête.

Pourquoi le voyage, plus qu’une philosophie
Ne serait-il pas alors rébellion
Ferment de révolution
Contre la domination ?

Oserais-je vous avouer mes Amies
Que parfois mes pensées
Font une sacrée sarabande
Au siège de mon esprit ?
Comme des abeilles téméraires
Elles parcourent les lointaines prairies
Butinent des fleurs improbables
Boivent des nectars inconnus.
Le miel s’amasse alors
En coulée d’ambroisie.
Ecoutez les principes qu’elles viennent de m’apporter
Qui feront grimper l’art du voyage
De plusieurs étages :
J’imagine par exemple
Pour, de mes pérégrinations, une empreinte garder,
Devront dans mon corps, s’inscrire émotions véritables,
Affects puissants et sentiments durables
Bref, de riches traces profondes
Dans la région du cœur
Obligeant l’esprit à changer ses valeurs.
C’est une première condition
D’une saine élaboration
Propre à nourrir une philosophie
Conduisant Ethique et Connaissance
Sur des chemins plus sûrs tournés vers l’espérance.
Je devrai ensuite dresser ma vigilance
A ne point courir le monde à saute mouton,
M’immerger dans un pays comme dans un bain trop froid
En sortir rapidement, choisir un autre bassin
Trop chaud cette fois-ci, en prendre un troisième.
Car faute de durée, d’immersion pleine et entière,
Des vrais enseignements, je reviendrai bredouille
Seulement sonné d’une débauche financière
Jocrisse devant l’or illusoire ainsi changé en rouille.

J’imagine aussi qu’il faudra longue durée
Pour que les affects recherchés
Correctement agissent
Et que mon corps frémisse.
Pour que le voyage dans mon cœur et mon esprit reste
Il me faudra rester plus d’un mois ou moins d’une année
Dans les différents pays, les diverses contrées
Tombeau de la visite expresse.

Je devrais ensuite donner de mon corps, offrir de mon temps
Aussi bien dans les villes que dans les champs
Offrir mes facultés, proposer mes services
Travailler, aider ou participer
A quelque tâche qui soit, peu importe laquelle
Du moment qu’elle ouvre la porte d’entrée
D’une relation équitable à l’ami indigène.
Bref, mieux que consommer, donner de soi-même
Malgré les difficultés,
Entrer de plain pied dans la réalité.

Et si à défaut de séjours longs et féconds
Une répétition de voyages dans une même contrée
Peut apporter la vertu d’une construction durable
Le concéder alors je le puis
Pour l’esprit cela en sera tout autant profitable.

Pensez-vous qu’à ce prix, voyager est une peine ?
Des rencontres authentiques,
Des échanges pérennes
Ne puissent malgré tout advenir ?
Mes Amies, je le pense et je le veux.

Suivre ces idées est un premier combat
Mourir résigné ou l’honneur du duel
Est le choix décisif
La liberté ou la mort
Est l’ultime dilemme. 

Alors, hissons-nous et faisons face !
Frayons ce nouveau chemin certes un peu coriace
Qui malgré les embûches est la voie du lendemain.
Un nouveau jour se lève radieusement nu.
Un flamboyant rubis posé sur l’horizon,
Magnifique joyau de l’aube
Illumine l’Orient d’un brasier rouge sang.

Puisqu’il faut rompre le cercle des idées toutes faites
Terrasser l’ordre des choses soi disant immuable
Opaque religion, joug insupportable,
Mercenaire de la vie, je reprends l’épée
Je retrouve la scène familière
Du théâtre des opérations
Où l’ennemi est debout prêt à porter le feu
Je retrouve déployée l’armée ordinaire :
Fatalité et découragement
Résignation et renoncement
Acceptation et consentement
Corps constitués de cette « invincible » armada
Qui forment les escadrons de la chère doxa.
Faire plier le réel à ses propres conceptions
Est une rude bataille
J’en connais les mouvements
Mes souvenirs sont légions

Feu

Je me vois déjà  dans la furie des coups
Arrivant de toutes parts
La Bête n’est plus féroce, elle est enragée
Un premier coup me frappe, un autre de coté
Me transperce le flanc, me fait chavirer
Bouquets de lames qui lacèrent les chairs
Je plie sous les assauts mais je n’abandonne pas

Feu

Continuer d’avancer -  Je le sais, il le faut.
Des cendres moribondes d’hier
Le feu de la passion redevient brasier.
Le métal et la chair font un curieux ménage
Sur mes bras, sur mes jambes.
Mes os déjà touchés supportent encore la charge
La douleur est ivresse, la géhenne une rage
Je ne lâche rien et je n’abandonne pas.

C’est un furieux combat, une force absolue
Dans un temps suspendu.

Bientôt la Bête tombe et les cœurs se libèrent.
J’accueille les nouvelles vagues
Douces, de l’horizon doucement ondulantes
Apportant le souffle révolutionnaire
De cette Humanité naissante.
Je ris au bonheur du nouvel agencement
Des rapports humains jusqu’ici bâillonnés
Un décor neuf disposé autrement.
Ce qui était à l’envers se remet à l’endroit.
La vie reprend ses droits sur le monde des affaires
Bientôt des rencontres improbables surgissent en éclats
Les murs de la honte s’écroulent en fracas
Trouvailles et retrouvailles font des étincelles
Des nœuds de problème chutent en ficelles
J’exulte aux situations imprévues,
Aux amours ingénus, à l’humour farfelu
 Flots d’émotions sur les langues déliées
Petits soleils des cœurs irradiés de clins d’œil.

Des univers littéraires timidement se dévoilent
Rarissimes invités sur la scène du monde.
L’imaginaire touche ici le réel
La fiction caresse la nature.
Magnifique entrée de la littérature
Sur le champ de manœuvre
Irradiant la réalité d’une inédite lumière :
 Aurais-je déjà lu cette scène quelque part ?
Le poète a-t-il emprunté à ce lieu son art ?
Magie de l’instant
Flottement du Temps et de l’Espace,
Incroyable harmonie
Du Temple de l’Homme et de son Univers
Qu’on croira faute de mieux être le fruit du hasard.


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La Bête n’est plus. La victoire est totale.
Libéré, plein d’une vigueur nouvelle
J’embrasse un vaste paysage redevenu vierge
Aux dimensions géantes des peintures sublimes
Une toile d’Edwin Church ou de Thomas Cole
Par exemple « Crépuscule dans le monde sauvage »
Une huile magnifique sans doute une des meilleures
Où l’espace et le mouvement
Sont deux ensembles cardinaux d’égale importance
Lequel des deux choisir ?
L’immensité de la vallée qui reflète mon cœur ?
Le torrent d’énergie qui irrigue mon sang ?

Projeté en une course folle
Dans les plaines de l’Ouest, les immensités de l’Est
Je deviens un cheval fou qui hurle sa liberté.
Les chevaux de la Terre sont tous mes compagnons
Nous déboulons au triple galop
Du lever au coucher du soleil
Fendant l’air, déferlant dans les herbes
Dans un roulement de tambour.
La horde cavale dans ce déluge de pattes, de sabots
De crins et de naseaux,
Cavalerie en furie d’une course infinie
Je suis un Appaloosa indompté et sauvage
Parmi de fiers coursiers
Tous de nobles races
Tapis multicolore des robes isabelle
Noire et blanche et cuivre
Grises et poivre et sel
Qui traverse les plaines
Jusqu’au bout de la nuit.

Mes Amies, voilà mon cap
Mes principes, mes idées
Mes bagages, mes sacs
Sont pleins et bouclés.
Je vais partir loin d’ici mes Amies,
Ne transformez pas l’ode en élégie
Et si par-dessus tout voyager ainsi je ne puis,
Je déploierai alors mes forces le mieux que je pourrai
Pour éviter les pièges parmi les plus enfouis.
Et si cette Terre est un morceau d’enfer
Je sais que dans un lieu caché
A l’abri des fournaises
Là où s’aiment Maître et Marguerite
Les poètes ont une vie éternelle.
Je pars loin d’ici
Muses, suivez-moi mes Amies.

Muses, où êtes-vous ?
Muses m’entendez-vous ?
Muses ?

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Là-bas où nous vivons est un inter monde
Depuis des années nous sommes les Belles Endormies
Tournées vers l’écoute des musiques du monde
Où des lieux de mystères font bouger l’infini.

Nous sommes liées à toi par un pacte cosmique
Ton appel lancé du profond puits de ta nuit
Fit danser des éclairs dans notre champ atomique.
Un vif faisceau de lumière du néant surgit
Disposant ses caresses aux portes de nos esprits.

Comme une goutte de lait
Dans notre vide éthéré
Un merveilleux souffle chaud
Perça notre horizon
Chargé de musc
Arôme de bière,
Amandes amères
Saveurs mélangées
Oh ! Cette houle
Pleine, lourde et profonde
Monte et descend
Des cimes cristallines
Aux abysses infinis
Vague après vague
Spasmes après spasmes
Tourbillon somptueux
Ivresse d’un manège magique
Vertige d’un voyage stellaire
Nuit irradiée
Eclair extatique
Chute verticale
Relâchement languide
Dilution
Chaleur, frissons
Mol abandon.

Tes anciens combats ne cesseront d’émouvoir
Celles qui découvrirent les courbes de ton odyssée
Nous faisant partager la rage de ton désespoir
Tes luttes éperdues contre les calamités.

Nous ne t’abandonnerons pas
Oui à tes cotés resterons
Averti du triste spectacle du monde
Tu partiras sur les terres, les mers
Et t’accompagnerons en fières sentinelles.

Au ciel nous pleurerons
Qu’il soit ton aquarelle
Au vent nous parlerons
Qu’il soit ta ritournelle
       
Et dis-nous maintenant vers où pointe ta boussole
Qu’on s’élance avec toi dans cette farandole.


Droit sur l’Orient et ses mille et une nuits. Oui ?


Oui !


Alors oui partons.

 

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Soleil caché survient
Rêves surpris vite s’enfuient
Ecoute le matin

Ton cri au loin
Je m’en vais vite
Souffle de la course

Un œil liquide
Offre un mouchoir
L’éclat du rire

La mer étale
Des êtres plongent
Le bruit de l’eau



*




Édouard Lecèdre, c’est, on l’aura compris, le voyageur à scrupules.  Il en est d’autres, d’autre sorte. Le tourisme – de masse, élitiste, sexuel, voire néocolonial – est devenu la deuxième industrie planétaire, après celle des armes. Tellement différente ? Et si tourisme il faut qu’il y ait... tourisme arrogant ou tourisme équitable ? Et, d’ailleurs... équitable comment ?

Dans son n°1 d’avril 2007, l’excellente revue Le Tigre mettait la question sur le tapis. Les bons textes, comme les bons vins, vieillissent bien. La preuve :



Tourisme équitable
Par Patrick Bernard

INTRODUCTION GÉNÉRALE DU TIGRE. Le point de vue de ces articles pourra prendre le lecteur à rebrousse-poil : tant mieux. Un journal n’est pas fait pour aller dans le sens du vent, dans une époque où il est de bon ton d’être ouvert aux autres cultures tout en les méprisant, et où acheter du café « commerce équitable » permet de se donner bonne conscience sur tout le reste. La démocratisation du voyage a mis des hommes « dépaysants » à portée de main. Tout le monde aurait envie de les voir « pour de vrai ». C’est une pulsion naturelle, de l’ordre de la sensation, de la fascination pour un « paradis perdu ». Mais une envie se réprime. La responsabilité de chacun est engagée. Voyager est un acte individuel. Décider de ne pas aller en certains lieux est un acte individuel. On ne s’improvise pas ethnologue en une semaine et avec une carte bleue.

Tout d’abord apanage d’individus qui souvent partaient sac à dos après avoir mûrement préparé leur voyage, le tourisme a été peu à peu récupéré par des agences spécialisées qui, à force de communication habile, ont réussi à se rendre incontournables. On a inventé dans la foulée l’écotourisme, puis l’ethnotourisme. On parle même aujourd’hui de tourisme équitable. Ces tours opérateurs et ces agences spécialisées qui s’attachent à entretenir une image d’originalité, à défendre une éthique voire une vraie vocation, se voient presque toujours bon gré mal gré entraînés dans la spirale de la rentabilité aux conséquences très souvent néfastes pour les communautés autochtones touchées par ce phénomène.

Quand l’écotourisme, l’ethnotourisme ou le tourisme équitable deviennent des affaires juteuses, alors les raisons s’égarent. Il ne faut pas se faire d’illusions, les circuits « discrets » d’aujourd’hui seront les autoroutes de demain. S’il s’agit au départ de commercer de façon minimaliste, en association ou en petite société, avec un nombre relativement réduit de touristes peu ou prou concernés et sensibilisés, l’objectif sera finalement d’exploiter au maximum le filon s’il paraît prometteur. Alors on se met à vendre de l’insolite, de l’inédit ou de l’aventure sans risque, de la femme girafe ou du Bushmen, du Massaï ou du monastère tibétain comme on proposerait n’importe quel produit de consommation.

L’éclat finissant de ces ultimes touches de couleurs exotiques attire la convoitise du voyagiste qui trouve là une nouvelle manne pour une clientèle qui a un jour rêvé de jouer à l’explorateur, et qui, comme par miracle, en échange d’un simple chèque, se retrouve prête à vivre son rêve clés en main, en toute sécurité, sans souci et en étant même assuré du steak-frites, de sa douche chaude et de son ballon de rouge quotidien.

Il y a les visiteurs, les peuples du Nord, et les visités, les peuples du Sud, ceux qui vendent, ceux dont on attend qu’ils donnent leur image, leur culture, leur âme. On effleure, on fait trop souvent le voyeur faute de n’être jamais voyageur, on vole des images, on viole des identités qu’on transforme en personnages folkloriques pour au bout du compte pouvoir dire : « J’ai fait l’Inde ou la Birmanie », et pourquoi pas « J’ai fait le pays Massaï ou les femmes girafes ». Les meutes de touristes remplacent peu à peu le voyageur solitaire. Les voyagistes ne s’en plaindront pas et encore moins les pays autoritaires ou totalitaires qui peuvent ainsi garder l’œil sur le touriste désormais bien canalisé derrière son guide officiel, tout en faisant main basse sur les devises générées au passage.

Ce tourisme-là s’introduit de façon de plus en plus brutale et massive dans les sociétés indigènes très fragilisées, et dont les traditions et la relation à l’autre sont aux antipodes des pratiques touristiques. Le concept de voyage organisé, autrefois limité à une clientèle de retraités attirés par le confort, un accompagnement culturel et surtout une sécurité maximale, est aujourd’hui en train de s’étendre à l’original, l’insolite ou l’inédit à tout prix. Les séjours organisés pour voir les derniers Bushmen sont malheureusement devenus presque banals.

Ces touristes-là ne voient pourtant généralement que l’apparence des peuples qu’ils visitent, leur manteau extérieur. Ils ne prennent conscience que très superficiellement des fondements de leur patrimoine culturel, de leur spiritualité, du sens profond des symboles et de l’âme collective qui régit toute société autochtone. Ils ne sont ni prêts, ni dans des conditions suffisamment favorables pour percevoir les signes qui s’offrent à eux.

Nos sociétés ont occupé les territoires des peuples autochtones, elles les ont dépossédés de leurs ressources naturelles, de leurs terres, les ont poussés à la conversion et réduit à néant leur spiritualité millénaire ; et voilà qu’en guise de coup de grâce nous envoyons nos touristes nourrir leur curiosité des couleurs finissantes d’un monde à l’agonie, comme s’il fallait se hâter de contempler les collections de ce musée à ciel ouvert avant qu’il ne soit remplacé par une galerie marchande. L’étape ultime avant la fin annoncée consiste à s’offrir des villages modèles, sortes de zoos humains où des figurants rémunérés reconstituent pour les touristes la vie rêvée d’autrefois. Ainsi ces villages Massaïs dédiés aux clients des safaris qui attendent l’explorateur en herbe aux portes des grandes réserves animalières, ou encore ce village Yagua du rio Napo qui, à la demande, n’hésite pas à se travestir en « yagua d’hier » mais peut tout aussi bien livrer du « Jivaro réducteur de tête ». Il suffit de remplacer les parures et de répéter les danses rituelles transformées pour l’occasion en piètres démonstrations folkloriques. Quand la tradition cède la place au folklore, alors on peut sans doute considérer que l’œuvre d’acculturation est arrivée à son terme. Ceci dit, on se demande parfois s’il ne vaut pas mieux encore que les touristes se précipitent dans ce genre d’endroits, plutôt que de les voir déferler dans les vrais villages qui ne sont jamais très loin. Malheureusement, avec le développement de l’ethnotourisme, il en restera toujours assez, grâce à ces agences bon ton, à s’aventurer en dehors des sentiers battus sur des chemins perdus qui, par voie de conséquence, deviendront très fréquentés eux aussi.

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Touristes visitant un village Ndébélé, en Afrique du Sud.
PHOTO Patrick Bernard, 2003



VILLAGES ZOO POUR LES KAYAN DE BIRMANIE
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Depuis plus de cinquante ans, les ethnies minoritaires de Birmanie, principalement constituées par les peuples montagnards qui représentent près de la moitié de la population totale du pays, sont les victimes de la dictature militaire qui contraint l’ensemble de la population à la soumission et au silence. Depuis quelques années, le régime birman semble vouloir profiter de la bienveillance des multinationales étrangères, et notamment de la compagnie pétrolière française Total, et des pays voisins comme la Thaïlande, pour développer le secteur touristique au mépris des droits les plus fondamentaux des peuples concernés.

Les investissements occidentaux en Birmanie dans les domaines énergétique et touristique contribuent à assurer la pérennité de la dictature en lui fournissant les moyens nécessaires à ses achats massifs d’armement qui lui permettent de maintenir la répression contre les populations civiles.

La politique d’ouverture au tourisme de la junte use sans scrupule de la contrainte sur la population, contrainte à des travaux forcés sur l’ensemble du territoire. Il s’agit là d’un véritable système d’esclavage mis en place par l’armée au service de la construction des infrastructures et au nettoyage du pays afin de le rendre « présentable ». La Birmanie et son régime militaire honni se doivent de montrer une façade lisse et respectable à ces hordes attendues de touristes avides des beautés de ce pays d’or et de lumière qui leur a été vendu comme l’un des plus beaux pays du monde.

Selon le nombre d’habitants que compte chaque village, les autorités décident du nombre de travailleurs forcés que celuici doit fournir pour une période donnée. Dans les villages des ethnies minoritaires, même les plus isolées, l’armée vient tous les mois ou tous les trimestres prendre des jeunes femmes et hommes. Ils sont emmenés sans ménagement comme porteurs sur les lignes de front ou utilisés à la construction des routes et des pistes dans les régions les plus hostiles.

La Birmanie est actuellement l’un des pays au monde où se pose de la façon la plus aiguë la question du tourisme et de ses effets inquiétants pour les populations subissant travaux, déplacements, et exploitation commerciale forcés.

Dans la région frontalière qui s’étire entre Thaïlande et Birmanie, non loin des camps où s’entassent des dizaines de milliers de réfugiés Karen, Shan ou Karenni qui fuient l’oppression de la junte militaire birmane, des acteurs peu scrupuleux de l’industrie touristique dans le Nord et l’Ouest de la Thaïlande ont multiplié les villages zoo. L’on y exhibe aux touristes pressés des tours opérateurs et des agences de trekking, contre un droit de visite, des familles entières issues des tribus les plus spectaculaires. Aux premiers rangs de ces tribus prises en otages, les familles Kayanes dont les femmes ont pour tradition — pour protéger l’âme de leur peuple — d’enserrer leur cou dans une longue spirale de laiton. Le chantage est sans ambiguïté : c’est accepter cette exhibition ou repartir en Birmanie à la merci des soldats de la junte.

Ces villages-zoos sont aujourd’hui répandus dans les régions de Mae Hong Sorn jusqu’à Thaton sur la rivière Kok, point de départ des nombreux trekking organisés dans les tribus montagnardes par les agences de Chiang Mai et des principales villes du nord de la Thaïlande. La plupart des touristes qui déferlent dans ces villages-zoos où sont exhibées les femmes au long cou ignorent tout du drame qui se joue à quelques kilomètres seulement, de l’autre côté de la frontière. Certains officiels thaïlandais se sont pourtant inquiétés de cette situation ambiguë. Poonsak Sunthornpanitkit, président de la chambre de commerce de Mae Hong Sorn, déclarait récemment dans un quotidien de Singapour : « L’exposition des Karen au long cou pour le plaisir des touristes pourrait nuire à la campagne de promotion du tourisme thaïlandais en cours, car la communauté internationale pourrait y voir une violation des droits de l’homme. » Certaines de ces femmes girafes sont aujourd’hui emmenées et exhibées dans les complexes hôteliers des principaux pôles d’attraction touristique du nord du pays, et jusqu’aux cités balnéaires de Pukhet ou Pattaya. Nous nous trouvons là face à l’un des excès les plus criants d’une forme d’ethnotourisme affligeante.

[  Articles parus dans la revue éditée par ICRA International : Ikewan (n°60, printemps 2006). ]

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Village Padaug – Thaïlande
      

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Ah, se faire photographier avec des femmes girafes !

 

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Safari ethnique en Thaïlande

 

Ces moeurs désinvoltes ne datent évidemment pas d’aujourd’hui. Ah, parlez-nous des expositions coloniales et du bon vieux temps...

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1901 – Amiens – Un village-zoo à l’exposition coloniale

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 1903 – Un autre, à Reims.

      

visite d'un zoo-humain.JPG

         Quoi de mieux qu’un tour au zoo en famille,
                       les dimanches après-midi ?


Aujourd’hui que les expositions coloniales sont devenues politiquement incorrectes, on va voir ces drôles d’animaux humains sur place, chez eux. Dans leur élément naturel en somme, comme on s’en va en 4x4 dans les réserves d’animaux. Ainsi, en Afrique du Sud et malgré la fin de l’apartheid, les Township tours font fureur. Pittoresque de la misère colorée :


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Mais ne croyez pas que l’impériale Amérique soit en reste. Les réserves d’Amérindiens plaisent aussi beaucoup. Surtout depuis qu’une loi particulièrement bienvenue permet aux maffias des jeux d’y ouvrir des casinos affranchis des règlements qui énervent tant Las Vegas. Tourisme ethnique dans réserves-tripots... d’une pierre deux coups :

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Casino en réserve seminole

 

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Casino osage à Tulsa

 

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Un autre casino seminole


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À Pojoaque, Nouveau Mexique



*


Mais le casino des casinos, c’est le coeur de la finance :


New York
Septembre-octobre 2011



Édouard Lecèdre a connu le New York des folles années 70 et des années 80. Il a voulu y retourner, en voyage de noces, il y a quelque six ou sept ans. Quelle serait son impression, que ressentirait-il, si un petit génie l’y transportait aujourd’hui, en pleine occupation de « Vole Street » ? Il faudra qu’on le lui demande.



« On ne nous fera pas bouger » (1) :
Répression policière, mensonges officiels et pourquoi les « Occupons Wall Street » ont déjà triomphé. (2)

 

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Par Phil Rockstroh

Le 27 octobre 2011 – Information Clearing House


Jusqu’à ce que les récents événements aient prouvé le contraire, la surface hypercommercialisée de l’Amérique des affaires donnait l’impression d’être trop diffuse, trop privée de centre, pour constituer une menace d’excès totalitaires. Ces temps derniers, par la réponse violente qu’ont apportée aux protestataires d’O.W.S. les départements de police d’Oakland, d’Atlanta, de Chicago et d’autres villes des États-Unis, la nature répressive de notre fausse république commence à se révéler.

Derrière le visage paterne de l’establishment politique (acheté par les profits hypertrophiés de la classe pillarde), il y a les flics anti-émeutes, équipés et armés de tout l’attirail de l’oppression, qui sont prêts à appliquer sans états d’âme les diktats des bénéficiaires élitistes du statu quo. Depuis quelque temps, en fait comme en actes, l’état policier, acoquiné avec l’oligarchie économique néo-libérale, laisse voir au monde sa nature archi-autoritaire.

En général, exister dans la structure sociétale actuelle inflige à l’individu un fort sentiment d’atomisation, et les impressions d’aliénation, de vague malaise, d’anxiété flottante et d’anomie qui en découlent. La coercition est implicite et intériorisée.

Par sa nature banale et omniprésente, le système s’appuie, pour se perpétuer, sur le sens d’isolation de l’individu (et même sur son ignorance de l’existence de la structure). Bref, le système exploiteur continue d’exister, parce que ceux qui l’habitent sont privés d’autres modèles auxquels le comparer.

La pratique de la commune propre au mouvement O.W.S. fournit un modèle de comparaison. C’est précisément  pourquoi nous commençons à recevoir des informations comme celle-ci :

« Mardi 25 octobre 2011, l’Oakland Tribune rapporte que la police a fait une descente sur un campement local d’O.W.S. et l’a entièrement saccagé, après l’avoir déclaré “lieu de crime”. »

Ceci est révélateur du caractère des gens qui appliquent l’ordre actuel. Aux yeux des ceux qui détiennent le pouvoir dans un état policier, la liberté de s’assembler et la liberté d’expression sont des délits punissables.

C’est un fait que les personnalités autoritaires se vexent quand des citoyens expriment leur désapprobation des abus de pouvoir officiels et commencent à le faire savoir de manière efficace.

Trop de gens, aux États-Unis, se sont fait vendre la fiction que la nation était, est et restera une république démocratique. En laissant apparaître ses brutes et ses apologistes menteurs au grand jour, l’État est en train de se révéler dans toute sa hideur. C’est par là que tous ceux qui sont concernés pourront constater la vraie nature de l’état policier oligarchique, en place aux États-Unis.

Il est à souhaiter qu’il persiste le moins possible d’illusions sur la nature brutale, impitoyable, des forces contre lesquelles nous nous battons.

En outre, les actions policières qui répriment les protestations publiques sont des tactiques préméditées, dont le but est la suppression des droits de libre assemblée. L’objectif des agents du pouvoir, des politiques et de leurs hommes de main de la police est de prohiber le droit de contestation (théoriquement) garanti par la Constitution au point qu’il ne puisse être pratiqué.

Les dépossédés économiques et les membres des communautés minoritaires savent depuis fort longtemps ce que les O.W.S. endurent aujourd’hui aux mains du pouvoir et de ses sbires.

De leur côté, les policiers savent parfaitement qui sont ceux qu’ils sont chargés de protéger (et ce ne sont pas ceux qui désirent exercer leur droit de s’assembler et leur liberté de s’exprimer). Dans la plupart des cas, un policier ou une policière qui refuserait d’obéir à un ordre d’arrestation anticonstitutionnel commettrait un carrièricide, il/elle pourrait ramasser ses chances d’avancement sur le trottoir et les porter à la morgue sans passer par l’hôpital.

Êtes-vous prêts à  quitter les rives de votre zone de confort et à vous retrouver en prison pour la justice ?

Il est très rare que des réformes se produisent sans que les agitateurs des premières lignes soient arrêtés. Aucun pouvoir ne recule sans livrer bataille, sans essayer de réduire l’opposition par des brutalités et des emprisonnements arbitraires. Les puissants exigent que ceux d’entre nous qui attirent l’attention sur leurs excès et leurs crimes soient mis incontinent loin des yeux, loin du coeur.

De là vient qu’à Oakland, les medias commerciaux ont, à leur grande honte, détourné leurs caméras dès qu’ont débuté les violentes attaques policières et les arrestations de masse.

Êtes-vous pêts à risquer des blessures graves à votre corps et à votre réputation pour porter témoignage ? Le mouvement des O.W.S. survivra selon qu’il y aura ou non des corps par terre et des yeux fixés sur les voyous en uniforme.

Fidèles à eux-mêmes, les médias serviles proclameront à quel point les contestataires sont laids, en inféreront que les gens sensés, par simple bon goût et bienséance, doivent ignorer les appels des manifestants, qu’il faut que ces mécontents et ces excités se voient interdire l’accès au royaume du discours légitime, que ces intrus débraillés se cassent le nez sur des murs de silence.

Exister dans le monde, c’est se  mesurer à des murs. La manière dont on répond à ces barrières s’appelle caractère et art.

Beaucoup d’âmes courageuses ont affronté ce genre de murs.

Souvent, en jetant les yeux sur le mur bleu d’obtuse répression qui encercle le Parc Zuccotti, et en pensant aux autres sites O.W.S. du pays, je songe avec tristesse et nostalgie à tous les réprimés de la terre, à ceux qui, au cours du temps, ont dû faire face à des murs de haine aveugle, d’exploitation économique, de répression institutionnelle...

Je sympathise de tout mon être avec ceux qui ont dû affronter tant de murs d’indifférence suffisante, de honte intériorisée et de mensonges officiels, avec ceux qui se sont tenus, impuissants, devant l’âpre réalité de circonstances apparemment implacables. Je repense aux vies et aux oeuvres des musiciens de blues itinérants du Sud Profond des États-Unis et à la manière dont ils se sont colletés avec ces murailles à la fois de répression officielle et d’aveuglement collectif, de peur ignare et de haine, et comment ils ont fait, de ces murs de prison, l’architecture numineuse du Blues... comment ils ont, par leur alchimie, transmué les barrières qu’on leur opposait en technique de la guitare.

Les instruments de musique, tout comme le mot rencontrant le mètre chez un poète, sont à la fois une barrière et une sauvegarde, les limites du moi sont mises à l’épreuve, explorées, et, à travers efforts, échecs et moments d’allégresse, deviennent oeuvre d’ar, par leur confrontation et leur union avec l’instrument, les circonstances personnelles et le public.

Comme ceux qui sont en première ligne dans les campements d’O.W.S., des millions de gens dans l’histoire se sont trouvés face à des barrières apparemment infranchissables, à des murs de brutalité humaine, comme, par exemple, les lois Jim Crow (3), les brigades de tarés casseurs de syndicalistes, le mur d’apartheid sioniste, diverses polices secrètes et brutes publiques, mais il n’a jamais été, pour eux, question de laisser les salauds « leur faire faire demi-tour... »

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Si vous choisissez de résister à un pouvoir établi, lorsque vous vous retrouverez en face d’une autorité obtuse, votre coeur reconnaîtra du premier coup l’exercice, il vous guidera : sa trajectoire naturelle le porte vers la liberté. Soyez sans crainte, vous saurez quoi faire quand le moment arrivera, et vous acquerrez le savoir que tous vos prédécesseurs ont acquis avant vous dans leur lutte pour la justice...  ce savoir qui a fait monter dans leurs gorges, du plus profond de leur être, le cri « On ne nous fera pas bouger ».

Ceux qui pratiquaient le Delta Blues se sont heurtés à des murs d’oppression... à des murs de haine rageuse, et ils y ont répondu en passant au travers... pour habiter un paysage plus vivant, plus sonore, plus doté d’âme que leurs oppresseurs ne pourront jamais le croire possible. Ils ont occupé leurs propres coeurs et nous entraînent dans l’instantanéité du monde par leur victoire sur les circonstances pourries de leurs vies, en s’appropriant les barrières mêmes placées sur leur chemin par leurs tyrans et en transformant les critères de ces tyrans en architecture de l’âme.

Ceux qui savent cela ont déjà gagné... ils ont déjà triomphé.

Lorca a décrit la situation (qui se reproduit dans le mouvement O.W.S.) par sa théorie du «duende» (4). Son concept de duende révèle pourquoi les gens, confrontés à l’ordre ossifié d’un système inhumain, sont pris de la nécessité – on peut même dire mis au défi  – de refaire le monde sur de nouvelles bases, tandis que d’autres n’éprouvent que mortification, indifférence, résignation et hostilité.

Dans quelle direction vous entraîne votre âme ? « L’arrivée du duende suppose toujours un changement radical des formes sur de vieux schémas, elle apporte des sensations de fraîcheur totalement inédites, comme la qualité d’une rose soudain créée, par miracle, produit d’un enthousiasme presque religieux. » (Les Conférences de La Havane, Federico Garcia Lorca.)

Quand je vois la police harasser, arrêter et brutaliser ceux qui exercent leur droit de s’assembler, je suis pris d’un accès de rage... La rage monte en moi avec une fureur animale, me pousse à me battre avec bec et ongles, à saisir à la gorge ces intrus vicieux, venus violer le territoire du discours public authentique.

Ces temps derniers, au lieu de refouler la fureur qui montait en moi ou d’agir, porté par elle, je l’ai laissée inonder mon être. Le résultat est qu’alors ce flux de rage se transforme en une force puissante et pénétrante – une force qui enveloppe et démarque la géographie de mes convictions... jusqu’à me faire accepter, définir et défendre les contours de mon véritable moi.

Nous pouvons considérer la rage comme un ange de l’auto-définition, comme le protecteur de notre vraie nature et comme la source d’un pouvoir personnel : « je ne vais laisser personne me faire faire demi-tour... » (5).

Notre colère est vitale à notre existence ; c’est un cadeau précieux, c’est pourquoi il ne faut pas la gaspiller... pas la peine de la gâcher sur des tarés.

Quand la rage vous viendra, invitez-la à entrer, sa présence emplira votre chambre d’alacrité, et la hausse soudaine de vitalité qu’elle vous apportera vous permettra de pénétrer plus loin et plus profondément dans les régions inexplorées de votre âme.

À l’opposé, le monde des oligarques néolibéraux, de  la classe politique biface et des flics, a été remis en question. Ces gens sont habitués à n’en faire qu’à leur guise sur des masses complaisantes et complices. En cela, ils ne sont pas une exception, ce qu’ils sont et ce qu’ils font est universel. Le monde que nous connaissons (ou que nous croyons connaître) et que nous nous ingénions à maintenir, peut, de temps en temps, révéler un aspect de lui-même surprenant et difficile à contrôler, comme par exemple la contestation qui enfle à travers le pays, peut-être trop vaste et trop puissante pour être encerclée, parquée, gazée, menottée et emprisonnée en entier. L’altérité du monde semble tout à coup trop grande... elle est devenue une armée d’anges mécontents.

Un jour, j’ai vu un grand danois, sur la Seconde Avenue, qui tentait d’entrer en communion canine avec ses congénères. Pour montrer que ses intentions étaient bienveillantes, amicales, il s’aplatissait sur le trottoir, s’efforçant de rendre sa massive carcasse aussi petite que possible, allant même jusqu’à poser sa tête sur le béton... faisant tout ce qu’il pouvait pour donner l’impression de la soumission, même au plus petit des chiens qui l’approchait. En d’autres termes, pour agrandir son monde, il produisait l’illusion de la petitesse. Il ne réduisait pas son essence, il créait l’artifice de la petitesse, afin de pouvoir devenir plus grand que lui-même en élargissant son univers par son union avec l’altérité du monde.

Nous ne demandons pas que les flics s’aplatissent devant nous. Ce serait déjà bien qu’ils ne se hérissent pas autant. Pour grandir en présence les uns des autres, il nous faut nous rencontrer à hauteur d’yeux, même si l’un de nous doit descendre un peu de sa position habituelle de puissance et d’autorité.

Policiers, vos flingues, vos balles en caoutchouc, vos matraques, vos jets de poivre ... le menaçant mur bleu d’intimidation que vous dressez devant nous ne crée que l’illusion de la force. Si vous voulez vraiment devenir forts, rencontrez-nous sur ces trottoirs, sans étalage de pouvoir vide.


Traduit par Catherine L. pour
http://lesgrossesorchadeslesamplesthalameges.skynetblogs.be



Source : http://www.informationclearinghouse.info/article29539.htm


___________________  

1. Allusion, évidemment, au célèbre We shall overcome (« Nous triompherons »).

2. We shall not be moved, est un ancien negro spiritual repris par le mouvement syndical américain des années 30 : chant de piquet de grève.
   
3. Lois racistes du Sud des États-Unis, appliquées de 1876 à 1964.

4. Un « duende », en espagnol, est un lutin, mais aussi un enfant malicieux, farceur, méchant ou capricieux. Rapporté au flamenco, « el duende » (littéralement "el dueño de casa") est cet état de transe, de génie, où l'inspiration vient facilement et où tout réussit avec virtuosité à l'interprète musicien, chanteur ou danseur ...

5. Ain't Gonna Let Nobody Turn Me Around, air traditionnel, chanté notamment par Joan Baez



Phil Rockstroh est un poète, parolier et barde philosophe qui vit à New York City. On peut le contacter à l’adresse phil@philrockstroh.com. Voir aussi son blog : http://philrockstroh.com/ .



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Entre Zuccoti Park et Foley Square

 

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Au coin de Wall Street et Broadway

 

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De l'herbe, oui, la rapacité, non !

 

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Un vétéran de la IIe Guerre Mondiale manifestant en déambulateur.

 

 

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Freedom Plaza : Nous sommes les 99 %.

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Occupy L.A. !  Une manifestante de 85 ans : Julia Botello

 

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Occupy Washington - Maison Blanche

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Occupy Oakland

 

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Délogement nocturne des protestataires d'Oakland

 

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Carte des occupations


VIDEOS


Délogement nocturne des OWS d’Oakland aux gaz lacrymogènes :
http://www.youtube.com/watch?v=bytMNoKNeRA&feature=related

25 octobre – manifestation pacifique dans les rues d’Oakland :
http://www.youtube.com/watch?NR=1&v=47OO4Kl4pIY

Oakland : Violences policières et jets de poivre :
http://www.youtube.com/watch?v=C3YKjEkSjUU

Oakland : Violences policières contre foule pacifique
http://www.youtube.com/watch?v=y7apJx7TbRs

Tabassage d’une femme par la police d’Oakland :
http://www.youtube.com/watch?v=NwL7jCL88Tw&feature=related

27 octobre - Scott Olsen, vétéran de la guerre d’Irak gravement blessé à la tête par une bombe lacrymogène tirée à bout portant – la population d’Oakland réclame la démission du maire  :
http://www.informationclearinghouse.info/article29543.htm


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Envie d’ailleurs
                      et d’autres temps

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Mais savez-vous que - n’en déplaise aux globe-trotters et autres gens à bougeotte - on peut aussi voyager dans le temps ? (Ah, si on vous racontait nos virées dans la préhistoire !...)  C’est précisément ce que fait Aline de Diéguez, qui, elle, ne s’en tient pas là, car le temps est non seulement relatif mais élastique. Bref, elle poursuit son opus majeur Aux sources du chaos mondial actuel (IIe partie), dont le chapitre huit : «La légende dorée du sionisme » vient d'être mis en ligne, n’attendant que votre visite pour vous transporter à travers les siècles sur le tapis volant de l’Histoire explorée savamment, mais surtout avec conscience.

http://aline.dedieguez.pagesperso-orange.fr/mariali/chaos...

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19:32 Écrit par Theroigne dans Actualité, Général, Loisirs | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

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