22/10/2014

PLUG !

1. Ship-of-Fools.JPG

 

PLUG !

Voilà bien du bruit pour un suppositoire. Même vert.

Mais comment passer sous silence une illustration aussi parfaite de l’ère où nous sommes, tant il est vrai que les zartistes sont le miroir de la société où ils vivent, qui les adule ou leur fait manger de la vache enragée, c’est selon.

Une image, à ce propos, nous hante : Dans une édition des œuvres de Rabelais publiée sous le Consulat, Gargantua est à table. C’est un large bourgeois peu amène, gras plutôt que gigantesque, en chapeau claque évasé, serviette au cou, autour de qui s’affairent, pliés en deux, des larbins en gilets rayés. Le géant est censé manger des pèlerins en salade. Mais le saladier est un pot de chambre et, dans les assiettes, en guise de pieux homoncules, fument des étrons bien moulés. Jamais on n’a, par une seule image, rendu à ce point la quintessence d’une époque.

Jamais ? Bien sûr que si. Chacune a les siennes, qui la glorifient ou la dénoncent. La nôtre vient de télescoper celle qui restera peut-être pour l’immortaliser dans l’histoire. On a les obélisques et les Courbet qu’on peut.

Bref, nous arrachons une fois de plus Théroigne à ses drogues. Allez, quoi, le travail est déjà plus qu’à moitié mâché ! N’y a plus qu’à mettre en ligne. Rien que du piqué ailleurs : à Raphaël Berland, du Cercle des Volontaires et à Olivier Berruyer, des Crises. Merci à eux.

 

2. le-bon-la-brute-et-le-plug-anal-600.jpg

 

Avez-vous suivi l’affaire du « plug-anal », cette sculpture gonflable énorme en forme de godemiché vert ? Il était exposé la semaine dernière place Vendôme, avant d’être vandalisé par quelques citoyens. Cet acte, que d’aucuns jugeront civique, d’utilité voire de salubrité publique, d’autres s’en sont scandalisés, au nom de la défense de l’Art (notamment l’ultra-bobo classe médiatico-politique parisienne). Mais en matière d’art, chacun ses goûts, vous me direz. M’enfin j’estime avoir tout-à-fait le droit de trouver ceux de l’artiste en question, Paul McCarthy, plutôt d’un goût douteux… Pour vous faire un avis éclairé, je vous recommande cet article d’Olivier Berruyer, exhaustif, pertinent et drôle. Mais jusque-là, je n’avais pas l’intention d’écrire une tribune sur le sujet.

Non, ce qui m’a donné envie de dégainer mon clavier, c’est la lecture de cet article du Nouvel Obs, où l’on apprend que notre président François Hollande s’est joint lui-aussi au chœur des vierges effarouchées par le « plug-anal » géant détruit : « La France sera toujours aux côtés des artistes comme je le suis aux côtés de Paul McCarthy, qui a été finalement souillé dans son oeuvre, quel que soit le regard que l’on pouvait porter sur elle . [...] Nous devons toujours respecter le travail des artistes ». Trop, c’est trop !

Car c’est ce même président, aidé de son plus fidèle lieutenant (j’ai nommé Manuel Valls, alias « El Blancos »), qui a bel et bien pourri la vie d’un autre artiste, un vrai celui-là, et qui fait rire – volontairement ! - des millions de Français. Vous avez bien sûr deviné que je parle de Dieudonné. Rappelons que l’actuel premier ministre voulait interdire les spectacles de Dieudonné qu’il qualifiait de « réunions publiques » qui « n’appartiennent plus à la dimension créative mais contribuent à accroître les risques de troubles à l’ordre public ». Il avait également déclaré « Je sais faire la différence entre les génies de l’humour et les petits entrepreneurs de la haine ». Le président français avait totalement soutenu la position de son premier ministre sur cette affaire ; il avait notamment demandé aux préfets « d’être vigilants et inflexibles ».

Alors, résumons. Nous avons le Bon Dieudonné, qui essaie d’exercer son art dans une France qui exerce une justice d’exception à son encontre (voir le livre « Interdit de Rire », sorti aux éditions Xenia). Et puis en face, nous avons la Brute, le président Hollande. Je souris en écrivant ces lignes, en devinant que certains parmi vous se demanderont sûrement pourquoi je n’ai pas intitulé ma tribune « Le Bon, Le Mou… ». D’abord parce que ça sonne moins bien.

Mais surtout parce que je trouve brutal, violent mentalement et spirituellement, de prendre en pleine figure les déclarations et autres gesticulations de notre président et de son premier ministre sur des questions d’Art, alors que notre pays va mal. Très mal. Oh ! Bien sûr… Pas pour tout le monde !

Donc la France d’en bas souffre, et nous sommes obligés de regarder celui qui est censé nous représenter (et accessoirement résoudre certains de nos problèmes essentiels comme le chômage) faire la guerre totale à un humoriste, et défendre mordicus un godemiché géant gonflable. Une « oeuvre d’art » qui, ne lui en déplaise, ne restera pas dans les anales. :-)  Parce qu’il nous reste au moins l’humour. Enfin ça, c’était avant.

Raphaël Berland

Source : http://www.cercledesvolontaires.fr/2014/10/21/bon-brute-p...

4. Ananas_comosus.JPG

Quant à Berruyer…

Vous souvenez-vous de son dépiautage de l’interview de Vladimir Poutine charcutée par TF1 ? Eh bien, il vient de faire aussi fort en réunissant, pour les soumettre à vos regards de fins connaisseurs sinon de riches collectionneurs, à peu près toutes les œuvres connues de Paul McCarthy, en ce moment même exposées à la Monnaie de Paris, par les soins de MM. Pinault et LVMH réunis, grands mécènes.

Voyage au pays des fantasmes d’un brave homme avec qui on ne voudrait quand même pas se trouver coincés trop longtemps dans un ascenseur.

[Néolibéraux vs. Common Decency] “L’affaire” du Godemiché place Vendôme (+ Expo rien que pour vous, +18)

 

Billet en hommage à Orwell et à sa common decency – si quelqu’un peut faire suivre à Michéa, ça l’intéressera j’en suis sûr, je n’ai hélas pas son mail…

 

J’avais failli en dire un mot rapide samedi, et puis je suis passé à autre chose de moins insignifiant.

 

Mais vu les rebondissements, le jeu des médias et les réactions, je me dis que c’est finalement intéressant de développer…

 

C’est toujours éloquent de comparer ce qu’on nous sert dans les médias (avec des journalistes qui ont 30 min pour creuser le sujet) avec ce qu’on peut trouver après des heures de recherche…

 

Surtout qu’on ne parle pas beaucoup de culture ici en général – remontons donc le niveau ! :-)

 

ATTENTION, comme ce billet parle d’art contemporain, il est interdit aux mineurs…

 

La “sculpture”

À l’occasion de la Foire internationale d’art contemporain, ”l’artiste” d’art contemporain américain Paul McCarthy avait installé temporairement jeudi une statue gonflable de 24 mètres sur la place Vendôme :

 

3. plug.jpg

 

Sujet ? – euh, pas clair pour certains, comme L’Express, FranceTVinfo ou Libération :

Lire la suite…

Et surtout ne pas rater la visite guidée qui vient au bout. Véritable musée en ligne.

Source : http://www.les-crises.fr/godemiche-vendome/

 

4. Ananas_comosus.JPG

 

Post Scriptum

Les jours derniers, le (vrai) philosophe M. Manuel de Dieguez, qui n’a pas renoncé à faire entrer un peu de raison raisonnante dans le cerveau des foules, avait mis en ligne, sur son site, un ensemble de trois textes censément de la plume d’un ex-président de la République, supposé avoir, loin du pouvoir, pris conscience d’un certain nombre de choses et en avoir tiré des conclusions plutôt réconfortantes pour le cas où il « reviendrait aux affaires » à la faveur de la législature suivante.

 

5. Manuel de Dieguez.jpg

Cela s’appelait

Discours de campagne d'un revenant qui aurait changé de tête

et

Deuxième discours de campagne d'un revenant qui aurait changé de tête

Le troisième l’imaginait prononçant un discours final devant l’Académie des Sciences morales et politique pour, à la fois, annoncer sa prochaine candidature et s’expliquer sur ses intentions.

Séance extraordinaire de l'Académie des sciences morales et politiques

Intervention remarquée d'un revenant qui aurait changé de tête

Cela se trouve ici (cliquez sur « Sommaire ») :

http://www.dieguez-philosophe.com/

Comme d’habitude, les textes de Manuel de Dieguez avaient été repris par un certain nombre de sites ou blogs, qui témoignent, par leur constance, de l’intérêt que porte à la philosophie le « public » lambda (qu’il convient de ne pas confondre avec les zélites).

Et qu’arriva-t-il ?

M. de Dieguez reçut, du Secrétaire général de ladite Académie, le poulet qui suit :

 

« Monsieur,

Le 17 octobre dernier, vous avez publié sur votre site internet (http://www.dieguez-philosophe.com), un article intitulé "Séance extraordinaire de l'Académie des Sciences morales et politiques - Intervention remarquée d'un revenant qui aurait changé de tête".

Dans cet article, vous vous mettez en scène comme étant invité à vous exprimer devant l'Académie (?), ce qui n'a jamais été, à ma connaissance, le cas.

Vous êtes libre - jusqu'à un certain point - d'utiliser un tel procédé littéraire, à la condition toutefois qu'il n'y ait aucune ambiguïté concernant la réalité - ce qui rendrait votre texte mensonger - et que vous ne vous arrogiez pas le droit d'engager l'Académie dans le soutien apporté à telle ou telle prise de position, quelle que celle-ci puisse être.

Je vous demande donc

- soit de retirer ce billet de la Toile,

- soit de le modifier et de ne pas y mentionner l'Académie des Sciences morales et politiques,

- soit d'indiquer de la manière la plus claire possible (en gras et en début d'article) qu'il s'agit d'une fiction qui n'engage en rien l'Académie des Sciences morales et politiques.

Si vous choisissez la 3e solution, je vous demande de bien vouloir me soumettre au préalable le texte de l'Avertissement que vous placerez en tête de votre article.

Chacun de ces choix doit entraîner des modifications non seulement sur votre site, mais également sur les sites qui reprennent vos billets (voir la liste en PJ des sites ayant relayé à ce jour votre texte)

En espérant une réaction adéquate de votre part pour un règlement amiable de ce problème.

Pierre Kerbrat Secrétaire général Académie des Sciences morales et politiques »

 

Auquel il a répondu en ces termes :

 

« Monsieur le Secrétaire général de l’Académie des sciences morales et politiques,

Je croyais que l’Académie des sciences morales et politiques se trouvait tellement proche de l’Académie française qu’elle aurait connaissance du règne de la fiction littéraire de Rabelais ou Villon à nos jours.

Je me permets de vous signaler que le lion devenu vieux de La Fontaine ne se cache pas dans la brousse, que les moutons de Panurge pâturent dans toutes les têtes, que les Yahous de Swift sont plus réels que nature précisément de camper dans l’imaginaire et que si les âmes mortes de Gogol trottaient dans les rues de Paris, elles y perdraient toute leur réalité.

C’est pourquoi je fais dire à un ancien Président de la République transporté dans l’imaginaire que les vrais personnages sont mythologiques et que seul un Abraham imaginaire a voulu retirer un Isaac en chair et en os d’un ciel sacrificateur.

Je formule l’espoir qu’une Académie des sciences morales et politiques élevée par la plume dans le monde ascensionnel qu’elle devrait habiter et où je l’ai colloquée un instant, s’initie au double langage des signes et des symboles.

De toute façon le double personnage que l’Académie des sciences morales et politiques met en scène se révèle un acteur divisé entre son corps et son effigie, comme tout le monde. Cet Hamlet à la fois naturel et surnaturel est bien à l’image du réel, celui d’une République qui se demande où se cache son esprit.

En espérant que ma réponse représente une réaction adéquate à votre missive , je vous prie de bien vouloir agréer, Monsieur le Secrétaire général de l’Académie des sciences morales et politiques, l’expression de ma considération très distinguée.

Le 21 octobre 2014 »

 

Un suppositoire à la sauce verte au milieu de la place Vendôme et le retour de M. Homais, la même semaine vous ne trouvez pas que ça fait beaucoup ?

On nous gâte.

 

6. Ananas.jpg

 

7. Interdit de rire.jpeg

 

 

 

David de Stefano & Sanjay Mirabeau

Interdit de rire

Vevey - Éditions Xenia – Septembre 2014

160 pages

 

 

 

  Note de l’éditeur

Pour faire taire Dieudonné en février 2014, Manuel Valls, alors ministre de l Intérieur, a mobilisé tous les moyens de répression légale de la République. Le futur premier ministre a transformé sa lutte personnelle contre l humoriste en affaire d’État.

Ainsi, le jugement précipité du Conseil d’État interdisant le spectacle Le Mur a créé un précédent inquiétant dans la jurisprudence française, laissant magistrats et politiques dicter l’humour, le comique et le bon goût.

La patrie des droits de l homme et de la liberté de pensée va-t-elle basculer dans la censure à cause d’une quenelle ?

Dans cet ouvrage de témoignage et d’analyse, les avocats de Dieudonné reviennent sur cette ahurissante campagne et ses conséquences sur la loi, les libertés et le vivre-ensemble français en tant que tel.

Interdit de rire offre ainsi un récit circonstancié des persécutions dont Dieudonné et son entourage ont fait l’objet, mais également une analyse symbolique et historique du fameux geste de la quenelle, dont les conclusions ont de quoi surprendre !

On y évoque aussi la nature du rire, la fonction du comique dans une société, mais également des affaires plus concrètes et passées sous silence, tel l’incroyable et somptueux cadeau fiscal offert à Dieudonné par le ministre Cahuzac en février 2013.

Fortement argumenté, magnifiquement écrit, cet essai est un réquisitoire saisissant contre un pouvoir en proie à l’incohérence et à la dérive autoritaire.

Les auteurs :

Me David de Stefano, fiscaliste, et Me Sanjay Mirabeau, spécialiste de droit pénal, sont les avocats de Dieudonné M’Bala M’Bala

 

4. Ananas_comosus.JPG

 

 

 

Mis en ligne le 22 octobre 2014.

 

 

 

 

 

 

 

 

11:55 Écrit par Theroigne dans Actualité, Général, Loisirs, Musique, Web | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

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