07/08/2014
PAS TANT DE PAROLES, BORDELDEDIEU, DES ACTES !
Pas tant de paroles, bordeldedieu, des actes !
« Quelquefois mon refuge est le mutisme de Saint-Just à la séance de la convention du 9 thermidor. Je comprends, ô combien, la procédure de ce silence, les volets de cristal à jamais tirés sur la communication. »
René CHAR
On ne parle que d’elle. Nous l’avions lue, la lettre d’Edwy Plenel à François Hollande. Elle nous avait passablement énervés dans la mesure où les parlotes – celle-là un peu moins pire que d’autres - nous scandalisent. Oripeaux bavards dans lesquels nous drapons chafouinesquement notre impuissance volontaire, autrement dit notre indifférence.
Nous ne savons plus qui, au siècle dernier - un ouvrier, un anar ou les deux à la fois ? – s’est écrié « On ne discute plus, on tue ! » (Que ne l’ont-il fait !)
Le Saint-Just cher à René Char, l’avait dit autrement mais non moins clairement : « La République n’a rien à échanger avec ses ennemis, que du plomb. »
La cause nous paraissait entendue. Tant qu’on n’en vient pas là, il est inutile et surtout honteux de continuer à se gargariser.
Mais voilà qu’Éric Cantona y va de son « Monsieur le Président, cher François Hollande », pour lui recommander de lire la lettre de Plenel. Au lieu d’en faire ce que l’on fait d’habitude de ces choses, Monsieur le Président. C’est fait ? Tant pis. Qu’il vous envoie un double.
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[ Soit dit en passant…
Qui veut savoir ce que c’est que « les merdias » peut lire ce qu’en rapporte, dans le Nouvel’Obs un incertain Bruno Roger-Petit, « chroniqueur invité » en même temps que « politique ». Tout le monde sait qu’un journaliste, aujourd’hui, « c’est une pute ou un chômeur ». Celui-là cachetonne. Mi-pute mi-chômeur ?
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1228896-eric-can... ]
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Or donc, puisque Cantona y tient, la voilà, la lettre d’Edwy Plenel à François Hollande :
Palestine : Monsieur le Président, vous égarez la France
par Edwy Plenel – Mediapart
23 juillet 2014
De l’alignement préalable sur la droite extrême israélienne à l’interdiction de manifestations de solidarité avec le peuple palestinien, sans compter l’assimilation de cette solidarité à de l’antisémitisme maquillé en antisionisme, François Hollande s’est engagé dans une impasse. Politiquement, il n’y gagnera rien, sauf le déshonneur. Mais, à coup sûr, il y perd la France.
Monsieur le Président, cher François Hollande, je n’aurais jamais pensé que vous puissiez rester, un jour, dans l’histoire du socialisme français, comme un nouveau Guy Mollet. Et, à vrai dire, je n’arrive pas à m’y résoudre tant je vous croyais averti de ce danger d’une rechute socialiste dans l’aveuglement national et l’alignement international, cette prétention de civilisations qui se croient supérieures au point de s’en servir d’alibi pour justifier les injustices qu’elles commettent.
Source : http://www.mediapart.fr/journal/international/230714/pale...
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Mais puisque tout le monde écrit à tout le monde au lieu d’aller faire sauter des repaires de brigands, pourquoi pas nous ?
Lettre des Grosses Orchades
A Edwy Plenel
Monsieur,
Votre démarche vous honore, mais soyons sérieux. Passons d’abord sur le fait qu’elle vienne beaucoup trop tard pour des dizaines, non, des centaines de milliers de morts (pas qu’à Gaza, n’est-ce pas ?).
Considérons l’état où se trouve votre pays. Qui est aussi un peu le nôtre ou plutôt qui le fut, puisque nous votâmes jadis à 95% des voix le rattachement de notre principauté épiscopale à la France - celle de Robespierre, il est vrai – pour nous retrouver colonisés pieds et poings liés le jour même de sa mort. Cela donne des droits.
Considérons en premier, si vous voulez bien, l’état où se trouvait votre pays au début de l’An II. Contrairement à d’autres qui osent tripoter du politique, vous n’ignorez rien de la France envahie sur ses six faces par des puissances étrangères coalisées, en même temps que déchirée dans son sein par l’hydre d’une guerre civile à plusieurs têtes. Vous savez qu’elle se battait pour sa survie et qu’elle allait tous les vaincre. Ensanglantée, ruinée, en lambeaux, mais souveraine, une et indivisible.
Comparons cet état avec ce qu’il fut entre 1940 et 1944. Vous admettrez qu’il fut alors bien pire, car qu’y a-t-il de pire que vivre sous la botte étrangère, une botte pillarde, violeuse et sadique : nazie, c’est tout dire. L’honnêteté vous forcera, nous en sommes sûrs, à reconnaître qu’il est pire encore aujourd’hui. Sous la botte étrangère, vous l’êtes, votre république monarchisée, votre souveraineté perdue, votre nation désintégrée, votre sol et vos compatriotes bientôt pulvérisés dans une guerre que vous allez faire pour le compte de vos maîtres, contre un adversaire qui n’est pas, cette fois, plus faible que vous mais plus fort ou en tout cas plus déterminé à vous vaincre, parce qu’animé d’un sentiment qui fut celui de vos aïeux de l’An II, et cela non pour la première fois – Bérézina, Bérézina…
Ayant fait comme nous ce simple constat, allez-vous continuer à écrire des lettres de remontrances à des gens non seulement corrompus jusqu’aux moelles, mais coupables de haute trahison ? Car qu’est-ce que vendre son pays à l’étranger ? Depuis quand ce crime n’est-il plus sanctionné ?
Pour ceux-là mêmes que commettent vos commis infidèles d’aujourd’hui, il y eut, après la IIe Guerre mondiale, entre 7 et 800 condamnations à mort. Par des tribunaux qui n’eurent pourtant rien de révolutionnaire.
Pour mettre hors d’état de nuire (ce qui n’était pas vraiment la même chose) les traîtres de l’An II, il y a eu la loi du 22 Prairial, que les parasites au pouvoir – la meilleure défense étant l’attaque – s’appliquent à vilipender depuis deux siècles. Pour le cas où vous ne l’auriez pas en mémoire, la voilà. Nous nous sommes permis de fluoriser les articles qui caractérisent absolument ceux à qui, aujourd’hui, on écrit des lettres, au lieu de les guillotiner.
Comme l’a fort justement dit Georges Couthon, auteur de ce texte :
« Le délai pour punir les ennemis de la patrie ne doit être que le temps de les reconnaître ; il s’agit moins de les punir que de les anéantir... Il n’est pas question de donner quelques exemples, mais d’exterminer les implacables satellites de la tyrannie ou de périr avec la République ».
Monsieur Plenel, voulez-vous débarrasser la République de ses implacables ennemis ou préférez-vous la laisser périr en leur disant que ce n’est pas bien de la tuer ?
Le temps n’est plus aux remontrances courtoises ni au respect humain, il est à la remise en vigueur, par plébiscite si nécessaire, et entre autres choses, de la loi de Georges Couthon, plus vitale que jamais.
Il faut agir ou se taire.
En France, des gens sont honteusement déférés devant les tribunaux pour oser boycotter les produits dégoulinants de sang d’un état nazi (et toute la nation ne se lève pas pour se solidariser avec eux !).
À New York, il y a quelques jours, M. Norman Finkelstein a agi dans la mesure de ses moyens. Il a même persuadé cent personnes de l’imiter.
En Ukraine, des civils ont agi en prenant les armes pour combattre le nazisme, sachant qu’écrire des lettres à des monstres pour leur demander d’être moins méchants n’a jamais servi à rien.
À Tel Aviv, une cinquantaine de jeunes gens ont agi en refusant de servir, comme le font chaque jour des soldats ukrainiens qui passent du côté des civils quoi qu’il leur en coûte. Il reste aux militaires US, britanniques, français et autres encore dotés d’un embryon de conscience à les imiter avant qu’il soit trop tard.
D’ici là, quand on n’est pas militaire et même si on l’est, faire en sorte que la loi républicaine du 22 prairial - qui a déjà sauvé la France une fois - soit remise en vigueur est une entreprise qui mérite que l’on risque quelque chose pour l’accomplir. Et foin des « cours pénales internationales» mafieuses fabriquées par des brigands et financées par des Soros !
Chers MM. Plenel et Cantona, encore un effort pour être vraiment républicains !
Un livre
Le 10 Thermidor An II, l’Armée du Nord entrait à Liège, les Liégeois s’y battant en première ligne comme il était naturel, puisqu’ils venaient libérer leur pays dans les rangs des Républicains de leur pays d’adoption.
Un Tribunal Révolutionnaire y fut mis en place et le décret (« terroriste ») de prairial, y fut appliqué pendant les treize mois qui suivirent. Comme partout ailleurs en France, bien entendu, n’en déplaise aux historiens convenables, pour qui la tuerie de Thermidor n’aurait eu d’autre but que de « mettre fin à la Terreur » et à « l’atroce loi de prairial ».
À la fin de la IIe Guerre mondiale, M. Georges de Froidcourt, premier avocat général près la cour d'appel de Liège, eut l’idée d’occuper ses loisirs à dépouiller les minutes des procès de ce Tribunal Révolutionnaire, justement, dont les archives, sous le Consulat, avaient été reléguées en vrac dans un grenier. Il les fit chercher, s’y plongea, les étudia et en tira un livre :
Dont l’Épilogue dit :
Et voilà racontée avec simplicité et avec sincérité, l’histoire du Tribunal criminel révolutionnaire liégeois.
Son activité est retracée dans tous ses détails.
Est-ce là un tribunal institué pour « terroriser » les Liégeois ? Ses membres étaient-ils des « hommes de sang » ? A-t-il rendu une « justice atroce », comme l’a écrit Joseph Demarteau ?
Regnier, l’accusateur public, s’est-il montré le « sans-culotte » arrivé » de son pays avec « toute la passion sectaire et la violence qui avaient caractérisé la Terreur » et qui « pendant longtemps a déployé ses emportements, même sa rage sanguinaire et anti-religieuse », comme l’a dit Paul Verhaegen ?
Soyons justes et reportons-nous à l’époque difficile de l’institution du tribunal ; n’insistons pas sur de petites mesquineries de personnes, sur les maladresses, et les malhonnêtetés mêmes de certains fonctionnaires français, sur des hésitations administratives ; oublions toutes les vexations qui dénotent chez l’occupant ami une certaine incompréhension de la mentalité liégeoise…
Ne voyons que la grande œuvre de la Révolution française appliquée à la Justice de notre pays de Liège, œuvre qui reste et qui restera, et dont aujourd’hui plus qu’hier, après le danger qu’elle a couru pendant ces dernières années, nous apprécierons mieux que jamais les bienfaits incontestables et incontestés.
Deux choses ont fait « hurler » certains historiens : l’application de la loi sur le cours forcé des assignats et celle sur les prix maxima des denrées alimentaires de première nécessité.
Pendant ces deux guerres où les troupes allemandes ont occupé notre pays, pour ma part je ne connais personne qui ait osé se rebeller publiquement contre le cours forcé des marks-papier, ou qui ait établi une différence entre cette monnaie et les francs belges.
A-t-il existé quelqu’un, dans les consommateurs tout au moins, qui ait protesté contre les prix fixés par les services du ravitaillement pour les denrées de première nécessité ?
Mais pour donner notre appréciation sur la justice de l’époque et sur la façon dont elle fut rendue, il ne faut à aucun moment perdre de vue que nous assistons aux premiers pas de la nouvelle organisation judiciaire.
Les membres du Tribunal révolutionnaire de Liège, on a pu s’en rendre compte, étaient certainement des juristes, on le sent bien ; mais c’étaient surtout des citoyens droits, honnêtes, justes.
Nous avons pu voir toute la compréhension de ces hommes qui, penchés sur les difficultés et les misères du moment, ont appliqué les lois nouvelles avec modération et avec bonté.
Scrupuleux à l’extrême, ils ont fort souvent acquitté et ils n’ont condamné que lorsqu’ils n’ont pas eu le moindre doute sur la culpabilité et la responsabilité des prévenus, et dans leurs jugements, ils font montre de sentiments véritablement humains, quelquefois un peu naïfs, si nous les jugeons avec notre mentalité d’aujourd’hui, mais admirables si nous les jugeons simplement, avec notre cœur qui est le même que celui des hommes d’alors.
Ils ont appliqué des principes nouveaux en matière de justice, une procédure jeune, rapide, publique, comprise facilement et aisément suivie ; des lois simples, claires, humaines ; ils les ont appliquées avec compréhension de la nature humaine, de ses tares, de ses faiblesses, de ses misères, de ses exigences ; nous pouvons dire qu’ils les ont appliquées avec bonne volonté, en philosophes, pleins de droiture, d’honnêteté et d’humanité.
Après avoir relu mon texte et revécu l’activité du Tribunal criminel révolutionnaire liégeois pendant treize mois, je fais mienne l’exclamation d’Ambroise Janson, ancien chasseur à cheval au 6e régiment de l’armée de Sambre-et-Meuse, à l’époque agent national près le Tribunal civil de Liège, ancêtre direct des grands citoyens et des grands juristes que furent et que sont les Janson, dans une lettre qu’il écrit à sa Mère :
« VIVE LA RÉPUBLIQUE, C’EST-À-DIRE LA VERTU, LA PROBITÉ, L’HUMANITÉ ! »
*
En somme, comme toutes les lois, celle de prairial voulait être appliquée dans l’esprit où elle avait été conçue et non pas utilisée à des fins scélérates comme elle le fut par les Thermidoriens, avant et après Thermidor.
Les justiciables de Liège ont eu la chance qu’elle leur fût appliquée par des Républicains sincères, par des révolutionnaires venus verser leur sang pour les libérer et non pas les soumettre, quoique le pouvoir ait, entretemps, tragiquement changé de mains à Paris.
La tragédie d’aujourd’hui est que ce pouvoir est resté dans les mêmes mains et que c’est cela qu’il faut combattre ou bientôt périr d’une Bérézina qu’on aura fait sortir de son lit et geler jusqu’à l’Atlantique.
« Ah, si les Florentins étaient des hommes ! »
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Mis en ligne le 7 août 2014.
22:30 Écrit par Theroigne dans Actualité, Général, Loisirs, Web | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
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