15/08/2012
Ils viennent chez nous...
Ils viennent chez nous... parce que nous sommes chez eux.
Israël SHAMIR
Franchir des murs couverts de fils de fer barbelés, prendre la mer dans des embarcations impropres à la navigation ou voyager clandestinement dans des conteneurs sans air. Chaque jour, des réfugiés et des migrants risquent leur vie dans le monde entier - chaque jour - dans une quête désespérée pour trouver la sécurité ou des conditions de vie meilleures
I.
Méditerranée, mer de honte
« Dans quelques semaines, des cohortes d'Européens aisés s'en iront barboter dans la Méditerranée, sans songer que dans la même eau, en face d'eux, sur l'autre rive, baignent des centaines de cadavres. »
(Les gazettes)
C’était il y a trois ou quatre ans. Maintenant, c’est « des milliers de cadavres» qu’il faut dire. Ou des dizaines de milliers ? Ou ?...ou ?...
Une nuit, c'est un chavirage près des côtes qui noie des dizaines de ces errants; une autre, ce sont les femmes et les faibles que l'on jette par-dessus bord pour éviter le naufrage. Il ne manque que des pirates les pillant et les tuant pour que l'horreur soit complète.
Mais ce n'est pas seulement contre les murailles des flots que se brisent ces embarcations, c'est aussi contre le mur d'airain de l'indifférence européenne.
RAPPELS
Pourquoi cet exode à grande échelle des Africains ?
Pour de multiples raisons, dont très peu sont imputables à la nature ou à eux-mêmes et presque toutes aux Européens.
Par « Européens», j'entends ceux qui sont responsables du génocide presque total des Amérindiens du Nord et de la traite parallèle des Africains; qui ont envahi et grandement dépeuplé l'Australie, la Nouvelle Zélande, les deux Canada, et colonisé une bonne partie du reste du monde.
Ces Européens américanisés, australianisés, neo-zélandisés, à qui s'ajoutent aujourd'hui quelques oligarchies d'Arabes dénaturés, qui ne vendent pas leurs compatriotes à la traite parce qu'ils préfèrent les opprimer eux-mêmes. Et, bien sûr, un débris de l'empire ottoman, dont on ne sait à quoi il joue et peut-être ne le sait-il pas lui-même. Sans oublier leur bras armé et balai d'apprentis sorciers : Israël.
Cela veut-il dire que « nous » réservons aux Africains le sort que nous nous efforçons depuis plus de soixante ans d'infliger aux Palestiniens, la disparition pure et simple ? Cela crève les yeux.
On croyait bêtement qu'après le nettoyage ethnique de tout un continent, plus l'enlèvement et la traite de populations entières dont la moitié mourait en route, après, surtout, une Révolution qui avait quand même posé, pour l'avenir, quelques principes de morale publique, les Européens ne pourraient jamais recommencer et en aucun cas faire pire. Mais si, ils peuvent. La preuve :
EXODES
De la Libye, d'abord. En masses. Pour échapper aux amis tueurs de M. Bernard Henri Levy, qui les massacrent pour la couleur de leur peau, violent leurs femmes et leurs enfants, et bien sûr s'amusent à les torturer de toutes les manières possibles avant de les tuer pour les protéger de l'affreux Kadhafi qui leur aurait fait dieu sait quoi.
De Somalie, où la sécheresse pas vraiment combattue et même quelque peu aidée les décime, en commençant par les enfants.
De la Côte d'Ivoire, pour échapper aux soudards de M. Nicolas Sarkozy et maintenant de M. François Hollande, venus les « civiliser » à l'arme lourde.
De l'Afrique du Sud, où les violences xénophobes, sautant par-dessus la fin de l'apartheid, recommencent de plus belle.
Du Congo, pays qui, pour son malheur, regorge de richesses. Dont, par exemple, la cassitérite, nécessaire à la fabrication des téléphones cellulaires en train de remplacer l'alcool, le tabac et le hasch (« Allo, chuis dans le bus. Qu'est-ce qu'on mange ?» Plus de six millions de morts à ce jour, rien que dans ce pays, rien que pour ce joujou). On pourrait, bien sûr, la leur acheter, ce qui leur permettrait de vivre chez eux à l'aise. Mais vous n'y pensez pas ! Et nos marges bénéficiaires ? C'est tellement plus expédient de la leur voler en fomentant ici et là les guerres civiles qui les occuperont pendant que nous les pillons. Et, que voulez-vous, les gens n'aiment pas les guerres. Ils les fuient. De préférence dans les endroits où – pour l'instant – il n'y en a pas.
Des pays subsahariens, qui regorgent eux aussi de choses que nous convoitons, et il faut dire que les fines équipes au pouvoir dans le Maghreb ne se donnent pas beaucoup de mal pour les intercepter. Ah, on n'est plus servis.
De tous les pays, enfin, qui ont accès à la mer et/ou possèdent des lacs et des fleuves poissonneux. C'est vrai que les habitants pourraient y vivre de leur pêche et dieusait qu'ils s'en contenteraient. Mais la surpêche industrielle européenne a pris leur place, occupe leurs eaux et ne s'en va que lorsqu'il n'y a plus de poissons dedans. C'est suicidaire ? Tiens, on va les plaindre peut-être.
Alors, que font-ils, les pêcheurs de souche ? Ils vendent leurs chalutiers ou leurs pirogues pour caler temporairement leurs estomacs, et quand il n'y a plus rien à manger, ils s'embarquent. Pour les pays où, d'après ce qu'ils croient savoir, il n'y a ni guerre ni famine.
On pourrait allonger la liste à l'infini. L'imagination des prédateurs est sans bornes.
Et, bien entendu, il y a aussi cet autre prédateur : le sida. On pourrait l'enrayer, n'est-ce pas. Les médicaments existent. Mais ces ploucs n'ont pas de quoi nous les payer. On pourrait évidemment pratiquer une chose jadis connue sous le nom de « solidarité ». Mais vous n'y pensez pas ! Et nos marges bénéficiaires ?
Force de travail subsaharienne en Libye, fuyant vers l'Algérie.
Sur le chemin de l'exil
Ils se cachaient bien, pourtant. Pas de chance, on les a trouvés.
Abdhamid, un clandestin palestinien, rampe pour se dissimuler sous un poids lourd
prenant le ferry à Calais pour l'Angleterre.
Libériens fuyant vers la Côte d'Ivoire. Ils ne savent pas encore...
«Ivoiriens au bord du gouffre.» Au bord ?
Eh oui, parfois on est seul pour fuir comme pour arriver. Libye encore.
Somaliens fuyant la sécheresse et la famine.
Car, bien sûr, comme si les autres fléaux ne suffisaient pas, il y a aussi le sida.
L'Afrique à 100% blanche, c'est pour quand ? Poussez pas, il faut d'abord nettoyer.
LES DAMNÉS DE LA MER
11 Juillet 2012 – Ils fuyaient Tripoli et les mercenaires béhachéliens. En majorité, c’étaient des Erythréens. Plus de 50 sont morts dans une errance de quinze jours. Un seul a survécu. Il est hospitalisé à Tunis, où l’ONU s’occupe de son cas. C’est peu pour compenser la résolution 1973.
Cueillis à la faveur d'un naufrage. Eux aussi venaient de Libye.
Au large de l’île italienne de Pantelleria, des sauveteurs aident des réfugiés qui ont fui la Libye et qu’un navire des forces de l’OTAN a refusé à plusieurs reprises de secourir. (Pour les protéger de Muammar Kadhafi.) Sur plusieurs centaines de ces malheureux, 370 seront sauvés par les garde-côtes italiens.
Un autre naufrage au large de la Libye. Sur un bateau de 600 clandestins qui, surchargé, s’est renversé, plusieurs dizaines de personnes, dont des femmes et des enfants, ont péri. Des navires marchands ont récupéré au moins douze corps.
Lampedusa : les cadavres de 25 migrants, morts par asphyxie, ont été retrouvés dans la salle des machines d’un bateau surchargé de réfugiés en provenance de la Libye. Il ne s’agit pas de chambres à gaz. La preuve : il y a 270 survivants
Entre Libye et Lampedusa, la Méditerranée est un cimetière africain. Encore 61 migrants morts de faim et de soif après avoir été ignorés par un porte-avion et un hélicoptère de l’OTAN. L'Italie a réclamé une enquête. Gageons qu'elle aboutira.
De Tunisie à Lampedusa.
Sur ce bateau, à bord duquel 95 Tchadiens et Somaliens – hommes, femmes et enfants – tentaient d’atteindre l’île de Malte, sept sont morts de déshydratation et d’exposition au soleil. Leurs corps ont été jetés à la mer. Les 88 survivants, dont une femme enceinte, ont dû être hospitalisés.
Sauvetage d'immigrés clandestins par la Marine Nationale Française. Un coup on tue, un coup on sauve.
Île de Malte - 27 immigrants africains dont l’embarcation venait de couler ont eu juste le droit de s’accrocher à la passerelle circulaire de la cage à thons du chalutier le Badafel.
Il a eu peur de « ces 27 grands gaillards, qui auraient pu - qui sait ? - prendre le contrôle de son chalutier ». Alors Charles Azzopardi, le capitaine du Badafel, a seulement permis à ces naufragés de s'accrocher à la passerelle circulaire de sa cage à thons, et il a prévenu les services de secours maltais. Qui ont refusé de les accueillir.
Les malheureux ont pu être secourus par un avion et un navire de la marine italienne, qui se trouvaient dans les eaux internationales proches des eaux maltaises et libyennes pour tenter de retrouver une embarcation à la dérive au sud de Malte, avec 53 personnes à bord. Ces 53 clandestins n'ont jamais été retrouvés et c’est sur l’île italienne de Lampedusa que les 27 nouveaux naufragés ont finalement été débarqués et placés dans un camp.
9 passeurs embarquent plus de 900 migrants - hommes, femmes et enfants - et les abandonnent en vue des côtes de Malte. Les gardes-côtes maltaises leur donnent des gilets de sauvetage et les escortent hors de leurs eaux territoriales. Ils arrivent en Italie où on les répartit dans des « centres de rétention » jusqu’à ce que… ?
Ceux qui ne sont pas morts de soif ou d'insolation.
En vue de Mayotte
Mayotte
Ah les liens privilégiés entre l'Union Européenne et le roi du Maroc !
C’est un canot pneumatique en tous points semblable à celui-ci, à bord duquel 70 immigrants tentaient de faire la traversée vers l’Espagne, que des soldats marocains ont délibérément fait couler.
« Deux heures après le début de la traversée, un navire de la marine marocaine s’est approché et a mis à l’eau une embarcation rapide qui s’est mise contre le canot. Un des soldats a enfoncé légèrement un couteau dans le caoutchouc et nous a dit «maintenant allez vers l’Espagne si vous voulez », a confié à El Pais, Campos, un des survivants de cette attaque défiant toute légalité. « Nous avons essayé de mettre une rustine et nous avancions difficilement, mais je crois que nous y serions arrivés s’ils n’étaient pas revenus », ajoute Erik, un pêcheur nigérian de 31 ans, dont la femme et la fille de 3 ans ont péri noyées. Revenant à la charge, les soldats marocains avaient décidé d’aller jusqu’au bout de leur forfait. « Un soldat a commencé à nous menacer avec un couteau attaché à un bâton. Nous leur demandions qu’ils nous ramènent avec eux vers le Maroc parce qu’avec le canot dans cet état, il nous était presque impossible de continuer. Nous les suppliions qu’ils regardent nos enfants et nos bébés », témoigne encore Campos. Les yeux éplorés et innocents des enfants n’ont eu aucun effet sur le gradé marocain qui « a pris le couteau des mains du soldat et a donné quatre coups en différents endroits du canot, qui a coulé en quelques secondes. Tout le monde s’est mis à crier et à pleurer », rapporte El Pais. Une autre vedette marocaine est venue alors secourir ce qu'elle a pu des naufragés, tandis que, rapportent des témoins, « les soldats se disputaient sur la première vedette ». Le Maroc a voulu étouffer cette tragédie en transportant les survivants près des frontières algériennes. « Les survivants ont été transportés rapidement par les militaires marocains à Oujda, près de la frontière algérienne, dans l’intention de les obliger à rentrer en Algérie, comme ils l’ont déjà fait avec des milliers d’immigrants subsahariens », précise El Pais.
Arrivée de clandestins rescapés à Malte. Des centaines de disparus.
Lampedusa.
Lampedusa
Lampedusa
Lampedusa
Arrivée de quelques Somaliens rescapés. Tous les autres sont morts.
Lampedusa - Arrivée de réfugiés libyens.
Même en hiver. Même par tempêtes.
Du Sénégal en Espagne - 158 interpellations.
Rafles au Maroc
Malte.
La forteresse Europe se torche de la tragédie libyenne.
«La forteresse Europe face au drame libyen qu’elle a causé :
Alors que les travailleurs immigrés subsahariens, nombreux dans la Grande Jamahiriya du colonel Kadhafi, figurent, comme tous les étrangers, parmi les cibles de premier plan de l'extermination en cours, l'Europe semble d'abord les considérer comme un fardeau, comme de possibles envahisseurs prêts à déferler en masse sur ses côtes»
Strange fishes
Algésiras
Au large des Canaries.
Ailleurs. Là où la mer les rend.
Il faut bien aussi que les oiseaux mangent.
Visitez les îles Canaries, leurs plages, leurs couchers de soleil, leurs cadavres.
Deux rescapés.
Un seul. Accueilli à bras ouverts.
Choc des civilisations.
Al Amal, «espoir» en arabe.
Cimetière de bateaux échoués à Lampedusa
Besoin de légende ?
Lampedusa - Un calvaire s'achève, un autre commence.
La suite à demain
Entretemps, en guise de commentaire - où puiser le courage d'épiloguer, d'ailleurs - j'ai retrouvé pour vous quelques réflexions, vieilles d'un an mais sans une ride, d'un Martiniquais d'Allemagne, sur son excellent blog
Les Chroniques Berliniquaises
Les aventures palpitantes et véridiques d'un Martiniquais à Berlin
*
Par ailleurs...
C'était avant-hier le 86e anniversaire du Commandant Fidel Castro, et notre webmaîtresse n'était pas là.
Qu'à cela ne tienne. Avec les carabiniers, certes, mais de tout coeur, nous lui présentons nos voeux et empruntons au Grand Soir les siens :
*
Fidel Castro est né le 13 août 1926. - Le Grand Soir fête son anniversaire à sa manière.
Fidel Castro : Intervention au quatrième congrès de la fédération latino-américaine des journalistes (FELAJ)
OSVALDO SANTANA (République dominicaine). Comandante Fidel Castro, compañero, je ne vais pas citer de chiffres sur la dette dominicaine, et je voudrais seulement signaler un point qui me préoccupait déjà dans mon pays. Au moment de la négociation de l’accord avec le Fonds monétaire international (FMI), les forces de gauche demandaient la rupture des négociations, mais toutes les voies, toutes les solutions éventuelles indiquaient que, dans l’état actuel de la société dominicaine, c’était impossible. Ce qu’il fallait, c’était briser l’ordre. Et les forces dirigeantes nationales n’étaient pas en mesure de le faire. Nous étions dans une impasse, parce que les forces émergentes n’étaient pas non plus en mesure de répondre à ce qui était une réclamation généralisée : non aux négociations.
Mis en ligne le 15 août 2012 par Marie Mouillé
23:10 Écrit par Theroigne dans Actualité, Général | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : afrique, algesiras, cassitérite, chroniques berliniquaises, côte d'ivoire, exodes, famine, goethe, israël shamir, b.h.l., lampedusa, liberia, libye, malte?maroc, méditerranée, noyés, robespierre, sida | Facebook |
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