23/07/2017
PILBAN-POITIERS
PILBAN-POITIERS
ou
Le Saker-Salah Guemriche, deux réflexions sur un même thème
Le thème étant évidemment l’incapacité des humains en général et des Européens en particulier à sortir de leur infantilisme pour devenir des grandes personnes. Il nous semble que tous deux le font en se livrant à ce que Manuel de Diéguez appelle « une étude anthropologique branchée sur l'évolution cérébrale de la bête disloquée ».
Comment la Russie pourrait traiter le « syndrome Pilban » (PBS)
Le Saker – The Saker – 9 juillet 2017
Un lecteur, SunriseState, a récemment posté la question suivante dans les commentaires : « Quelle serait selon vous la stratégie russe la plus optimale envers la Pologne ? » Lorsque j’ai lu cela, j’ai pensé : « Ça c’est une question intéressante, en effet ! » Aujourd’hui, je vais essayer d’y répondre, pas à pas.
D’abord, un diagnostic
Il y a un syndrome polonais. Nous pouvons lui attribuer toutes sortes de causes, certains décriront les Polonais comme des victimes héroïques, d’autres comme des hyènes cupides, mais pour notre but, nous n’avons même pas besoin de nous attarder sur l’histoire pour faire la liste d’une série de symptômes qui, pris ensemble, pourraient s’appeler « syndrome polonais ».
1 - La phobie (haine et peur) de la Russie et tout ce qui est russe.
2 - Un fort désir de « faire partie de l’Ouest » (par opposition à une « Asie despotique ») imaginaire, tout en n’ayant en réalité peu de choses ou rien en commun avec ledit « Ouest ».
3 - Un profond et amer ressentiment d’avoir été vaincue militairement à maintes reprises et l’espoir qui en découle d’une
4 - Un complexe d’infériorité profondément ancré à l’égard de l’Est et de l’Ouest, comme l’exprime avec lyrisme le slogan ukrainien « Noyons les Polonais dans le sang russe et juif ! ».
5 - Le rêve de soumettre enfin l’Église orthodoxe à la Papauté (ou, dans sa dernière version, de « consacrer la Russie au cœur immaculé de Marie »).
6 - Une insécurité profonde à son propos résultant d’une politique perpétuelle visant à trouver des alliés extérieurs, y compris Hitler, pour mettre le « costaud » de son coté.
7 - La volonté de dire et de faire n’importe quoi pour obtenir que l’allié extérieur étende sa protection, menace la Russie ou, encore mieux, participe à une « marche sur Moscou » attendue depuis longtemps.
De nouveau, cela ne fait aucune différence pour nos buts de savoir si c’est le résultat de siècles d’oppression, d’impérialisme, de violence et de persécutions russes ou celui de l’idéologie papiste.
Aussi, lorsque nous observons les divers symptômes de notre « syndrome polonais », nous voyons immédiatement qu’il n’est pas réservé aux Polonais ou à la Pologne – les Ukrainiens, en particulier les Ukrainiens de l’Ouest, présentent tous les mêmes caractéristiques que leurs voisins polonais (les Baltes aussi, mais ils sont trop petits, faibles et insignifiants pour être inclus ici). Le syndrome que nous observons n’est par conséquent pas « polonais », mais européen de l’Est, sauf que l’appeler « est-européen » serait également inexact. Donc, pour nos buts, je simplifierai et l’appellerai le « syndrome Pilban » (PBS) en l’honneur des deux « grands héros » des nationalistes polonais et ukrainiens de l’Ouest : Jozef Pilsudski et Stepan Bandera.
Deuxièmement, un pronostic
Source : http://lesakerfrancophone.fr/comment-la-russie-pourrait-t...
Nous n’oublierons pas qu’un héros, en Pologne, se bat en ce moment seul contre cet esprit PILBAN, abandonné des dieux et des hommes. Pour mémoire, revoici sa récente lettre telle que publiée par A.S.I. :
http://arretsurinfo.ch/63842-2/
Abd e-Rahman contre Charles Martel
La véritable histoire de la bataille de Poitiers
Salah Guemriche – Perrin – 12 mai 2010
Oui, c’est un livre.
Voici ce qu’en dit son éditeur :
Que s'est-il vraiment passé à Poitiers le 25 octobre 732 ? Dans un récit passionnant, Salah Guemriche, d'origine algérienne, retrace cette histoire épique qui opposa dans un face-à-face meurtrier l'Espagne de l'émir Abd er-Rahman au royaume franc gouverné par Charles Martel, et stoppa l'expansion des Arabes...
Peu de batailles dans notre histoire auront nourri autant de fantasmes que celle de Poitiers. Depuis Chateaubriand, les Français ont appris que la victoire de Charles Martel avait sauvé la France du péril musulman.
Mais de quelle France s'agit-il ? Ses frontières ne sont pas celles que l'on connaît aujourd'hui.
Et quel est ce péril musulman ? L'Espagne, conquise par les Arabes dès 711, s'étend, à la veille de Poitiers, au-delà des Pyrénées. Ainsi la Septimanie, notre actuel Languedoc-Roussillon, est-elle une province arabo-berbère gouvernée par Munuza depuis Narbonne. Les religions du Livre y cohabitent jusqu'au jour où Munuza épouse une chrétienne, Lampégie d'Aquitaine, fille du duc de Toulouse. Pour l'émir d'Espagne Abd er-Rahman, Munuza est un renégat qu'il faut punir ; pour le duc des Francs, Charles, cette alliance est une menace et une provocation. Se mettent alors en place les conditions d'une confrontation qui demeurait jusqu'alors méconnue.
Salah Guemriche raconte la véritable histoire de la bataille de Poitiers, telle qu'elle fut vécue des deux côtés, musulman et chrétien. Il dissèque ce mythe national construit au fil des siècles pour faire peur. Poitiers, dit-il, ne fut pas le Waterloo des Arabes et, malgré les lourdes représailles exercées par les Francs dans le Midi, beaucoup de musulmans y firent souche. Sans que cela ait jamais gêné personne...
Complétons :
Salah Guemriche est journaliste, essayiste et romancier. Il est l'auteur d'Un été sans juillet (Le Cherche-Midi, 2004), de L'Homme de la première phrase (Rivages Noir, 2000) et d’un Dictionnaire des mots français d'origine arabe (Seuil, 2007). Entre autres.
Les « livres du même auteur » :
*Dictionnaire des mots français d’origine arabe (ET TURQUE ET PERSANE), accompagné d’une anthologie littéraire : 400 extraits d’auteurs français, de Rabelais à Houellebecq. Préface d’Assia Djebar de l’Académie française (Seuil, 2007) ;
*UN ETE SANS JUILLET, roman (Cherche-Midi, 2004) ;
* L’AMI ALGERIEN, récit, avec Gérard Tobelem (Lattès, 2003) ;
* L’HOMME DE LA PREMIERE PHRASE, roman (Rivages/Noir, 2000) ;
* UN AMOUR DE DJIHAD, roman historique (Balland, 1995). Prix Mouloud Mammeri, Prix de l’Adelf ;
* SAPHO, biographie (Seghers, 1988) ;
* ALPHABETISER LE SILENCE (Poèmes, Enal, Alger, 1986) ;
*Poèmes algériens (Les Temps modernes, déc. 1971).
En collaboration (ouvrage collectif, sous la direction de Bernard Miège) :
* Le J.T. – Mise en scène de l’actualité à la télévision, essai (Ed. INA / Documentation française, 1986).
Et ce n’est pas tout :
Dans Feuilles de Ruth, son dernier essai (15 septembre 2013) chez Emmanuelle Caminade, Salah Guemriche, écrivain algérien et «laïc impénitent», s'attaque à un sujet très lourd avec l'honnêteté et l'humilité, l'exigence et l'impudence d'un esprit libre passant outre à cette « irréductible exception juive au nom de laquelle on dénie à un intellectuel arabe le droit de porter la moindre critique sur Israël » alors même que de nombreux intellectuels israéliens font preuve en ce domaine d'indépendance, de courage et d'esprit critique.
Allant à l'encontre des réticences et des défiances des uns et des autres, il tente ainsi « l'impossible dialogue » - auquel renvoie ce titre évoquant le plan de paix (1) élaboré en 2003 pour le règlement du conflit israélo-palestinien – dans un ouvrage dont la seule ambition est d'améliorer la compréhension de ces rapports conflictuels entre juifs et non-juifs en s'approchant d'une vérité depuis longtemps faussée et d'une grande complexité.
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(1) "road map" ("feuille de route"), cette expression militaire fut employée au figuré pour désigner le plan de paix élaboré par les E.-U., l'ONU, la Russie et l'Union Européenne
On a perdu le lien, honte sur nous !
Dans la foulée :
L’Austrasie (« Royaume de l’Est ») des Pépinides, successeurs des Mérovingiens, et berceau de l’Empire franc
Charles Martel et sa bataille selon les Anglais :
Charles « Martel », Mayor of the Palace of AUSTRASIA, son of Pepin, Mayor of the Palace of Austrasia, and Alpaide, was born in 676 in Heristal, Neustria. He died on 15 Oct 741 in Cressy sur Oise, Neustria. He was buried in Monastère de Saint Denis, Saint Denis, France. He married Rotrude (Chrotude).
« Frankish ruler, illegitimate son of Pepin of Heristal and grandfather of Charlemagne. After the death of his father (714) he seized power in Austrasia from Pepin’s widow, who was ruling as regent for her grandsons, and became mayor of the palace. He subsequently subdued the W Frankish kingdom of Neustria and began the reconquest of Burgundy, Aquitaine, and Provence. Charles Martel defeated the Spanish Muslims at the battle of Tours (732-33) and began the military campaigns that reestablished the Franks as the rulers of Gaul. Although he never assumed the title of king, he divided the Frankish lands, like a king, between his sons Pepin the Short and Carloman. »
Quelque mal que se donne Salah Guemriche pour les éclairer, les Français n’en ont pas fini de s’entr’étriper sur la « bataille de Poitiers » (de Tours pour les Anglais ci-dessus) et sur Charles-au-marteau « père de la France » (et Clovis, alors ? Bon, Clovis aussi, ne chipotons pas). On a même trouvé ce qui suit chez des Occitans (et Auvergnats ?) qui n’aiment ni Ménard ni le petit Deutsch et on ne voit pas pourquoi on vous en priverait :
Depuis le fameux 11 janvier, dont la droite voudrait faire une « Journée d’unité nationale et de lutte contre le terrorisme », le nom de Charles Martel, « sauveur de la chrétienté », est venu, dans bien de réseaux liés à l’extrême-droite, se rappeler au bon souvenir non pas de la France « pays des droits de l’homme », mais de la France « fille aînée de l’Église ».
Comme si la théorie du « choc des cultures » s’était muée en celle d’une « guerre de religions », ce que Jean-Marie Le Pen, toujours aussi lourdement calembourdesque, a résumé d’un cri : « Je suis Charlie Martel ! »
C’est précisément dans cette mouvance lepéniste que Robert Ménard a lancé sa énième provocation, en commençant par criminaliser les petits écoliers biterrois sur la seule base de la « consonance musulmane » de leurs prénoms ! Dans ma tribune, publiée sur Le Plus de l’Obs le 12 mai (« Robert Ménard, changez vitre de patronyme »), j’ai dit ce que je pensais de ce forfait antirépublicain. Cela m’a valu nombre d’incriminations avec, à l’appui, des arguments puisés dans les pages d’un Deutsch métronome promu rewriter du roman national. Comme tant d’autres thèses scolaires, celle de notre auteur-baladin illustre brillamment cette leçon de Marc Bloch (dans son « Apologie pour l’Histoire ») :
« Aussi bien que des individus, il a existé des époques mythomanes […] C’est d’un bout à l’autre de l’Europe, comme une vaste symphonie de fraudes. Le Moyen Âge, surtout du VIIIe au XIIe siècle, présente un autre exemple de cette épidémie collective… Comme si, à force de vénérer le passé, on était naturellement conduit à l’inventer. »
Charles Martel, « dilapidateur et enragé tyran »
C’est pour répondre à ces nostalgiques orphelins de Charles Martel, comme à notre « rapporteur-sans-frontières » des thèses d’extrême droite, que je tiens à fournir, ici, quelques éléments d’information sur la véritable nature du « tombeur des Sarrasins », et, par la même occasion, sur l’histoire de Béziers (ville dont Robert Ménard a chargé Renaud Camus, le théoricien du Grand Remplacement, d’écrire l’histoire)…
Pour en finir, donc, avec cette légende qui fait de Charles Martel le « sauveur de la chrétienté », précisons d’emblée que le chef franc, connu de son vivant comme le plus grand « spoliateur des biens de l’Église », n’a jamais bouté les Arabes hors de « France » pour trois raisons : primo, ce pays n’existait pas encore en tant que tel ; secundo, c’est son fils qui réussira à reprendre Narbonne, trois décennies après la mythique bataille ; tertio, la présence sarrasine est attestée dans les Alpes et dans le Jura au moins jusqu’au Xe siècle.
Tout comme la légende du « Marteau de Dieu », celle du « spoliateur des biens de l’Église » aura, en son temps, la peau dure. De Liège (ou plutôt, la ville n’existant pas encore, de Tongres-Maastricht, ancien fief du père de Charles, Pépin d’Herstal, et dont l’évêque, saint Lambert, fut assassiné sur ordre de l’oncle maternel de Charles) à Nîmes, en passant par Toulouse et Narbonne, l’homme est dénoncé comme aucun grand de ses contemporains ne l’aura été : « Ô Charles Martel, dilapidateur et enragé tyran ! », s’écriera Jean Boldo d’Albenas, l’un des pères du protestantisme nîmois [1]. Sans doute cet auteur a-t-il des raisons de fustiger le Franc, qui avait ruiné sa ville (Nîmes) avant d’y mettre le feu : c’était en 739, alors que Charles Martel remontait de Narbonne, tout dépité de n’avoir pas réussi à en déloger les Sarrasins, malgré un long siège éprouvant…
Plus cohérente est la thèse de Nicolas Germain Léonard, historien de la ville de Liège, qui nous explique en quoi et pourquoi Martel méritait une telle charge : « Il donnait à ses officiers les évêchés et les abbayes. Les biens de l’Église devenaient héréditaires ; on en formait la dot des filles qu’on mariait. Pépin d’Herstal avait enrichi le clergé, Charles le dépouilla. » [2]
Évidemment, après la victoire de Poitiers, la cause est entendue : les biens de l’Église furent « l’instrument de la délivrance de l’Europe, et de la victoire de l’Évangile sur le Coran » ! [3]. Mais que durant toute l’existence de Martel (688-741), à Limoges, Cahors, Auch, Saint-Lizier, Autun, Orange, Avignon, Carpentras, Marseille, Toulon, Aix, Antibes, Béziers, Nîmes, Lodève, Uzès, Agde, Maguelone, Carcassonne, Elne, il y eut une interruption dans la succession des évêques ; voilà qui en dit long sur l’état d’abandon de la « Fille aînée de l’Église » !
Désordres, ruines, assassinats
D’autres griefs ternissent la renommée de Charles. Ceux, notamment, qui font de lui le persécuteur d’Eucher, l’évêque d’Orléans, et de Guidon, le futur saint Guy. Abbé de Fontenelle, ce dernier subit le supplice suprême pour une imaginaire conspiration… Désordres, ruines, assassinats : des forfaits qui poursuivront le chef franc jusqu’à sa mort.
Mais c’est le sort réservé à l’évêque d’Orléans, le futur saint Eucher, qui assombrira le plus sa renommée. Accusé d’avoir comploté contre Martel, l’évêque « fut envoyé en exil avec tous ses proches, (puis) transféré dans le monastère de Saint-Trond où il mourra en 738 » [4]. Conclusion de Flodobert, l’évêque de Noyon et de Tournai (894-966) : « Ce bâtard né d’une servante n’était audacieux qu’à faire le mal envers les Églises du Christ. »
De ce martyre de saint Eucher, une légende naîtra plus d’un siècle après, qui sera consignée dans le compte-rendu d’un concile tenu en 858 à Quierzy, où il est fait mention d’un songe d’Eucher.
Extrait :
« Nous savons en effet que saint Eucherius, évêque d’Orléans fut entraîné dans le monde des esprits. Entre les choses que Dieu lui montra, il reconnut Karl exposé aux tourments dans le plus profond de l’enfer. » Commentaire de Jean Deviosse, biographe de Charles Martel : « Le texte ne laisse place à aucune équivoque. Karl, spoliateur résolu des biens de l’Église, est reconnu coupable à part entière. » [5]
La même justification sera reprise par Jules Michelet, pour qui « les agressions de Karl contre le patrimoine de l’Église faisaient douter qu’il fût chrétien » ! [6]
Mais, disions-nous, les mythes ont la peau dure. Et après tout, des spoliations, quel envahisseur n’en commet pas ? Du IXe au XIe siècles, la renommée de Charles en souffrira. Étrangement, c’est aux siècles des Croisades que le nom de Martel va retrouver son aura, celle de tombeur des Sarrasin et de… sauveur de la chrétienté : comme si, écrira Chateaubriand, « Les Maures, que Charles Martel extermina, justifiaient les Croisades ! » [7].
Les crimes de Martel dans le Sud (de la France)
Sur le terrain, la réalité était tout autre. Ce que Charles visait en fait, et depuis longtemps, c’était la conquête de l’Aquitaine (dont la capitale était alors Toulouse et non Bordeaux). Tant que cette région était menacée par les Sarrasins, il s’était contenté d’attendre son heure. Mais en apprenant avec stupéfaction la nouvelle du mariage du gouverneur musulman de Narbonne avec la fille du duc d’Aquitaine, Martel comprit très vite le risque que pouvait représenter une telle alliance. Celle-ci n’arrangeait pas non plus Abd er-Rahman, le maître de Cordoue (l’Espagne arabo-andalouse était déjà minée par les révoltes berbères contre le pouvoir arabe), ce qui l’amena à supprimer le « traître » gouverneur, un Berbère, avant d’offrir la fille du duc au calife de Damas… Si Charles Martel arrêta effectivement les Arabes à Poitiers, il ne réussit donc pas à les déloger de la Narbonnaise, qu’il attaqua par deux fois, sans succès.
La légende qui colle au nom de Martel doit être revue et corrigée sur un autre point : jamais les Francs n’ont eu de considération pour les habitants du sud de la Gaule. L’homme « gallo-romain », et particulièrement le citoyen de Toulouse, trop raffiné aux yeux du Franc fruste et inculte, était traité d’homunculus.
Furieux d’avoir échoué par deux fois à Narbonne, Martel va se venger sur les populations locales (chrétiennes) à qui il reproche de ne pas l’avoir accueilli en sauveur. Sur le chemin du retour (vers ses terres du Nord), il se venge sur Agde, Béziers, Maguelone, Nîmes (dont il brûle les arènes !). Selon Ernest Sabatier, notre cher historien de la ville de Béziers :
« Les Francs pillent à outrance dans tous les lieux où ils portent leurs pas ; ils désarment la population chrétienne, qui, ayant conservé en partie la civilisation romaine, voyait en eux des Barbares, et leur était suspecte. Forcés d’abandonner le siège de Narbonne, et voulant empêcher les Sarrasins de prendre ailleurs dans le pays une position solide, ils rasent les fortifications de Béziers, d’Agde et d’autres cités considérables. Agde et Béziers sont même livrées aux flammes, leurs territoires dévastés, les châteaux sont démolis. Enfin, en s’éloignant, les soldats de Charles-Martel emmènent, outre un grand nombre de prisonniers sarrasins, plusieurs otages choisis parmi les chrétiens du pays. » [8]
Ces dévastations seront toutes mises sur le compte des Sarrasins, comme le sera un demi-siècle plus tard la mort de Roland à Roncevaux (des historiens ont, enfin, démontré que l’attaque fut le fait des Basques et non des Arabes), et comme le seront cinq siècles plus tard d’autres exactions, et là, c’est toujours l’historien de la ville de Béziers qui témoigne : « Plusieurs dépôts ont éprouvé des vicissitudes qui ont rendu assez rares les documents dont j’aurais pu profiter. Les anciennes archives de Béziers furent, elles, consumées par l’incendie qu’y allumèrent les croisés en 1209… » !
Plusieurs chroniques l’attestent (Continuation de Frédégaire, Isidore de Beja, Chronique de Moissac, El Maqqari [9]) : les cités susceptibles d’être ou de devenir des repaires pour les musulmans sont ravagées. Maguelone est rasée, Montpellier n’est pas épargnée, et encore moins Nîmes :
« Pour punir la ville qui a fait appel aux Arabes, Charles démolit les portes, abat les murailles et tente d’incendier les Arènes sous prétexte qu’elles sont aménagées en ouvrage défensif. Sur son ordre, ses guerriers entassent toute une forêt dans l’Amphithéâtre et y mettent le feu » [10]
Un retour du refoulé historique
Voilà la vraie nature et l’œuvre du héros de tant de générations d’écoliers de France ! Celui-là même dont le nom figura jusqu’à la veille de l’élection présidentielle de 2002, sur une affiche électorale : « 732 Martel, 2002 Le Pen ». En attendant, sans doute, de figurer sur le fronton de la mairie de Béziers, à l’approche de 2017 ?…
Mais comment peut-on imaginer que Béziers puisse, aujourd’hui et en connaissance de cause, dire merci à celui qui mit toute la région à feu et à sang ? Et si, au contraire, comme par un retour du refoulé historique, des Biterrois de souche décidaient, un jour, de répondre à Robert Ménard en manifestant en masse, et sous le seul slogan qui vaille et qui soit digne de la mémoire de leurs ancêtres : « Je ne suis pas Charlie Martel ! » ?
[1] Jean Boldo d’Albenas, Discours historial de l’antique et illustre cité de Nîmes, Nota bene : toutes les références, accompagnant cette tribune, se trouvent détaillées dans mon essai : Abd er-Rahman contre Charles Martel (Perrin, 2010).
[2] N. G. Léonard, Histoire ecclésiastique et politique de l’État de Liège, 1801.
[3] François Laurent, Le Moyen-âge et la réforme, 1866.
[4] Vita sancti Eucherii, Aurelianensis episcopi, n°8 et 10, cité dans Jean Deviosse, Charles Martel, Tallandier 1978. Epistolae patrum synodi Carisiacensis, année 858, cité dans Jean Deviosse, Charles Martel.
[5] Cf. J. Deviosse, Charles Martel.
[6] Michelet, Histoire de France, cité dans S. Guemriche, Abd er-Rahman contre Charles Martel (Perrin 2010).
[7] Chateaubriand, Génie du christianisme, dans Œuvres complètes, éd. Furne, 1865.
[8] E. Sabatier, Histoire de la ville et des évêques de Béziers, Paris 1854, cité dans Salah Guemriche, Abd er-Rahman contre Charles Martel (Perrin 2010).
[9] El Maqqari, manuscrit arabe de la BNF, ancien fonds, réf. Dans Abd er-Rahman contre Charles Martel.
[10] Jean Deviosse, Charles Martel.
Lire aussi : Charles Martel, imposture historique et mythe fasciste (sur Quartiers Libres)
L’animal aura également invoqué les mânes des Louis XIV, ce qui à quelques kilomètres des Cévennes ne manque pas de sel ; ainsi que de Napoléon, personnage fort apprécié en son temps par la jeunesse locale qu’il envoyait se faire trouer la peau à des milliers de kilomètres de ses foyers… Tout juste nous aura-t-il épargné « Saint » Louis, c’est déjà ça !
L’on pourrait au moins se prendre à espérer que ceci montre une bonne fois pour toute aux trop (beaucoup trop !) nombreux électeurs occitans votant ou tentés de voter pour le Front National quel parti de franchimands est celui-ci.
Mais il est vrai, comme nous l’a judicieusement fait remarquer par mail un soi-disant « maoïste », que les gens ne se sentant pas du tout français ne sont pas non plus légion en Occitanie… et c’est peut-être ça le problème, en fait.
Source : http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/occitani...
Tout ça vu de chez les Pippinides, 1285 ans plus tard…
Théroigne – Les Grosses Orchades – 23 juillet 2017
Puisque les valeureux de « servir le peuple » l’ont fait – et si bien – on ne va pas se mettre à vous raconter le livre de Salah Guemriche. L’essentiel a été dit. Ne vous reste qu’à le lire.
Ce qui ne veut pas dire qu’on n’en pense rien.
Quand on descend à la fois des Ansegises, des Arnulfiens et des Pippinides (par les femmes de la main gauche) et de Saint-Just (par la proximité picarde et l’irréversible baptême républicain) on a tendance à se marrer doucement, quand on voit les habitants de l’Hexagone, qui se croient « de souche » parce qu’ils y habitent depuis trois ou quatre générations (et encore, pas toujours), remercier les Cieux de ce que Charles et son marteau (qui était une francisque) les aient « sauvés », eux et la chrétienté, des hordes musulmanes.
Quant on a l’esprit un peu mal tourné, on se demande de quoi les hispano-muslims auraient sauvé le monde, si c’étaient eux qui l’avaient remportée, cette foutue bataille estimée-dieusait-pourquoi-plus-importante-que-les-autres.
On peut toujours supputer : …de la guerre des Avars ? …des invasions des Vikings ? …de celles des Normands ? …des Croisades ? (huit !) …de la guerre de Cent ans avec les Anglais ? …de la croisade des Albigeois homemade ? …des guerres d’Italie (dix ou douze) ? Toutes guerres de la chrétienté, avec elle-même ou avec les autres…
Bien sûr on les a arrêtés aussi à Vienne, même si ceux-là, c’étaient des Turcs. De quoi auraient-ils pu nous sauver, eux, s’ils avaient réussi à passer outre ? De la Guerre de Hollande ? …de celle de la Ligue d’Augsbourg ? …de celle de Succession d’Espagne ? …de celle de succession de Pologne ? …de celle de succession d’Autriche ? …de celle de Sept Ans, …de Toulon, de Rivoli, de Marengo, d’Ulm, de Trafalgar, d’Austerlitz, d’Iéna, d’Eylau, de Friedland, de Wagram, de Leipzig, de la Berezina et pour finir de Waterloo ? …de l’Empire britannique ? …des Ière et IIe mondiales ? On en vient à se dire qu’ils auraient pu se donner un peu plus de mal, si on ne pensait pas qu’ils en auraient probablement, à notre place, inventé d’autres.
Quoi qu’il en soit, Salah Guemriche – qui est laïc – ne prend parti ni pour les uns ni pour les autres et son propos est historique, pas religieux. Il faut cependant lui savoir gré d’avoir discrètement rappelé le rôle qu’ont joué, pour aider les petits chefs locaux à se tailler un morceau des dépouilles de l’Empire (romain), les « hommes de Dieu » presque tous devenus saints de notre calendrier (il aurait fait beau voir que les papes résistent !), pour avoir su contourner le 6e commandement, sans parler des 3e, 8e, 9e et 10e… En a-t-il eu des prédécesseurs, le Richelieu botté du siège de La Rochelle !
Sachons-lui gré aussi de rappeler que le fameux marteau, loin d’être une des premières armes de guerre made in France était sans doute une manière de déférence envers le dieu Thor de ces purs-chrétiens-mais-quand-même, voire peut-être, envers le juge des Enfers gréco-étrusco-romain qui, sous le nom de Rhadamanthe et masqué d’un bec d’oiseau, s’en servait pour estampiller, depuis deux autres mille ans, les gladiateurs vaincus dans les jeux (funèbres) des arènes : « Bon pour le Styx ! ».
Si, de nos jours, Vladimir Poutine a porté en sautoir, pendant tout son premier mandat, une croix plutôt ostentatoire qui n’a pas peu contribué à rassembler le peuple russe autour de cet ancien soviétique, le Pépin a porté, lui – et y compris sans doute lorsqu’il entendait la messe et y communiait – un collier d’osselets : « …les osselets de Martieaux ! », écrit Guemriche, « son boulier et son mémorial fétiche. Dix-huit osselets provenant chacun du carpe d’un sanglier, offert en holocauste après avoir été baptisé du nom d’un vaincu ». Offert en holocauste à qui ? Au Petit Jésus, tiens… cette question ! L’auteur ne s’appesantit pas, en revanche, sur une autre particularité du grand-père de Charlemagne : sa propension à se procurer des reliques et à les loger dans des urnes somptueuses en métaux précieux. Encore une histoire d’osselets, trop nombreux pour qu’on les énumère ici. Notons quand même ceux de St. Caprais, aujourd’hui conservés dans la cathédrale Saint Paul, à Liège, où ils ont été transférés de la forteresse de Chèvremont, parce que ce sont probablement des os de bouc.
Aux yeux des gens sortis d’enfance, ce ne sont pas les croyances des uns ou des autres qui sont risibles ou méprisables, mais l’hypocrisie qu’ils mettent tous à s’en servir pour justifier leurs rapines et leur insatiable soif de pouvoir (on ne dit pas ça pour Vladimir Vladimirovitch).
Des gens sortis d’enfance (ou de dislocation cérébrale) il semble qu’il y en ait eu en cet endroit et en ce temps-là. Salah Guemriche croit - veut croire - à une histoire d’amour exceptionnelle entre le gouverneur musulman de Narbonne et la fille chrétienne du duc d’Aquitaine. Il partage cette foi (de midinette ?) en la possibilité d’une union idéale, complète et durable entre un homme et une femme avec un autre auteur adepte d’une Histoire rigoureusement revisitée : l’anglaise Lindsey Davis, romancière imbattable sur la Rome antique. Conviction ou fantasme… mais qui sait s’ils n’ont pas raison. Ce qui est sûr, c’est que Munuza, le Berbère musulman qui a donné son nom à la ville de Munoz, a l’air d’avoir été un homme très en avance sur son époque (et sans doute aussi sur la nôtre), un de ces hommes rarissimes capables de regarder les idées reçues avec le détachement qu’elles méritent et de s’en affranchir. Il semble même que celle qu’il a prise pour épouse et qui a su s’affranchir, elle, de l’influence de sa dévote mère, exploit plus rare qu’on ne pense, ait été de même trempe que lui. Peut-être en effet, dans ces conditions, une union inhabituellement profonde et durable est-elle possible entre deux êtres humains. Ce qui est sûr aussi, hélas, c’est que des gens à ce point différents des autres sont des proies rêvées pour un destin tragique. Même si Mme Davis a réussi (The Course of Honour) l’exploit d’y faire échapper l’empereur Vespasien et Antonia Caenis, l’esclave affranchie qui fut la compagne – à éclipses – de toute sa vie.
Pour ce qui est du déroulement de la bataille elle-même, Salah Guemriche a le souffle épique qu’il fallait pour la ressusciter. Le vieux duc d’Aquitaine et l’émir de Cordoue qui ne verra pas la fin du jour s’élèvent au rang de personnages shakespeariens. Le cheval de l'émir aussi. Certains des protagonistes mineurs – l’évêque Milon, Flodobert, le vieux colombier des Maures – semblent tout droit sortis d’Henry V, la veille de St. Crépin.
Pour soutenir sa revisitation, Guemriche n’a pas hésité à herser l’enfer de tous les historiens qui ont écrit sur ce moment d’histoire, les pires comme les meilleurs. Un grand absent : von Ranke. Non qu’il ait écrit sur cette bataille particulière, mais son Histoire des Osmanlis et de la monarchie espagnole aux XVIe et XVIIe siècles (1839, repr. 2016) est difficilement contournable, sans compter que c’est là qu’il s’est acquis le titre de « père de l’histoire scientifique européenne ». Mentionnons aussi, parce que c’est le seul autre titre traduit en français d’une œuvre énorme qui reste à découvrir, son Histoire de la Serbie et de la révolution serbe (1828).
Point final (d’exclamation) : pour se farcir un livre entier d’Alain Minc et le citer, il faut être doué d’une dose inhabituelle de masochisme. Mais qui sommes-nous pour en discuter….
Si Martel et son collier de carpes de sanglier ne fut pas sacré roi par un pape, son fils Pépin le fut. Et après lui, sont petit-fils Charlemagne…
Carolus Magnus – Jupille 742 – Aix-la-Chapelle 814
Sur le socle de sa statue, ses aïeux : Sainte Begge, Pépin de Herstal, Pépin de Landen, Pépin le Bref, Charles (Martel) de Herstal, Bertrude.
Compter Bertrude comme une de ses arrière-grand-mères permettait à Charles Martel de se prétendre du même sang que les rois mérovingiens dont il usurpa la couronne après avoir battu par les armes la femme légitime de son père, qui fut bigame. Ces choses-là se font plus souvent qu’on ne croit chez les zélites.
Statue de Charlemagne à Liège. Elle se trouve sur le boulevard d’Avroy, qui doit son nom à Godobald d’Avroy, de chez qui partirent un beau soir les assassins de Saint Lambert, avec à leur tête Dodon, frère d’Alpaïde et, donc, oncle maternel de Martel. Voyez qu'on n’est pas sectaires.
Si Pépin le Bref eut deux femmes, certains disent que Charlemagne fut polygame, ou alors qu’il eut une épouse et des tas de concubines en même temps. Nous n’en discuterons pas ici. Disons qu’outre avoir été sanctifié par le calendrier populaire wallon (la principauté de Liège a deux fêtes de saint Charlemagne par an), l’empereur à la barbe fleurie (moustachu et glabre pour les pinailleurs) reste pour nous celui qui, quoique ne sachant pas écrire, a donné son nom à une des plus belles formes d’écriture (la caroline)
et inspiré un long poème à Saint Just (d’après Voltaire), dont ce petit extrait :
Le roi de France et sa gauloise armée,
Ivres de sang, de gloire et de fumée,
Devers le Rhin précipitaient leurs pas,
D’autant plus fous qu’ils ne s’en doutaient pas.
Pleins des vapeurs de leur sainte fortune,
Ils se flattaient de baptiser bientôt,
Et le Saxon et le Maure et le Goth ;
Et cependant le diable qui n’est sot,
Se flattait lui qu’il grossirait la lune
De leurs projets. Le démon est madré,
Et quand il a par sa griffe juré,
Ce n’est en vain. « Faisons pécher la France
Dit Satanas, et nous verrons bientôt
Le ciel vengeur abandonner Charlot. »
Organt, Chant II.
Et puisque Salah Guemriche a consacré un livre à Sapho… Musique !
Non, ce n’est pas la bannière de l’Islam, c’est la Montjoie-Saint Denis des Carolingiens en personne.
Mis en ligne le 23 juillet 2017.
23:25 Écrit par Theroigne dans Actualité, Général, Loisirs, Musique, Web | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook |
Commentaires
Merci à Théroigne et aux Grosses Orchades de rétablir, dans un style jubilatoire, quelques vérités historiques sur un point particulièrement sensible de notre « roman national ».
La démythologisation de tous ces Pépins et du pseudo marteau de Charles va en faire pleurer plus d’un.
Écrit par : Sémimi | 24/07/2017
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