09/06/2016

LIVRES, tiens, pour une fois.

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LIVRES,

tiens, pour une fois…

par Théroigne

 

« Chaque jour vers l’Enfer nous descendons d’un pas,

Sans horreur, à travers les ténèbres qui puent. »

Baudelaire.

Notre calendrier n’étant pas celui du commerce, ceux dont il va être question ne viennent pas nécessairement de sortir, parfois loin de là, et certains en revanche ne sont pas encore publiés en français. Juste pour partager avec vous ce qui nous paraît en valoir la peine de nos récentes lectures.

LIVRES… aussi, on vous l’avoue, pour essayer de penser à autre chose qu’à l’embrasement imminent de tout le continent sud-américain, la chose ayant été soigneusement programmée et se déroulant comme prévu. C’est un Irak à la Xème puissance qui se prépare.

Si les populations d’Europe, au lieu de se réfugier dans l’autisme, étaient capables d’un minimum de courage civil, ce chaos planifié n’aurait pas lieu, comme n’auraient pas eu lieu ceux qui ont détruit la Yougoslavie, l’Irak, la Syrie, le Libye, le Yemen et tant d’autres. On ne mentionne la Palestine que pour mémoire : depuis 68 ans qu’on s’acharne à ne rien voir, à ne rien dire et à ne rien faire, on s’y est bien habitués.

Les planificateurs ont pour eux deux atouts imparables : le premier est, répétons-le, outre l’ignorance nord-américaine en général, la lâcheté européenne, qui a oublié que « le péché d’indifférence est le péché cardinal », le second est qu’ils s’engraissent de la vente d’armes. Semer le chaos est la condition de leur prospérité. Quel que soit le vainqueur, il aura utilisé leurs armes. Le vaincu aussi. Si vous voulez les combattre, il vous faudra leur en acheter. Mais, eux, avec le produit de vos tirelires, auront pu se procurer tous les mercenaires qu’il faut pour vous tenir à distance et rester en avance sur vous d’une génération d’armes ou deux. Après avoir pris la précaution de faire dissoudre vos armées nationales.

La situation est désespérée. Certes, « ils » finiront par plonger – c’est écrit – mais pas tout de suite. Beaucoup vont souffrir et mourir d’abord. Nous, Européens, ne serons pas là pour le voir parce que nous n’aurons pas mérité d’y être.

Pour toutes ces raisons et quelques autres… aujourd’hui : littérature.

 

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Anatole Atlas

Berlue d’Hurluberlu

Jean-Louis Lippert

Mamiwata

 

Petite mise au point pour commencer : Anatole Atlas s’appelle de son vrai nom Jean-Louis Lippert. Anatole Atlas est le nom d’un grand-père grec et communiste, en l’honneur de qui il écrit certains de ses livres. À vue de nez, il a publié 9 ouvrages sous son nom d’état-civil et 11 sous celui de son grand-père, plus un 21e sous le pseudonyme de Juan Luis de Loyola, car à quoi bon lésiner.

Si Lippert n’a pas eu, il y a vingt ans, le Prix Rossel, qui est – ben, oui - « le Goncourt belge », c’est parce que des importants ont décidé qu’il valait mieux qu’il ne l’eût pas. Car, voyez-vous, que ce soit sous n’importe lequel de ses noms Lippert-Atlas-Loyola est cet animal devenu assez rare : un auteur maudit.

Il faut dire qu’il s’occupe de politique, chose très mal vue quand elle vous mène en dehors des rails du pouvoir. Et il vaut mieux savoir qu’en Belgique, si vous vous flanquez, de fureur ou de désespoir, la tête aux murs, vous ne vous ferez pas le moindre mal : ils sont en beurre. Et vous mourrez fort bien, étouffé par cette onctueuse élasticité, sans qu’on vous ait entendu crier.

Jean-Louis Lippert est né à Stanleyville, aujourd’hui Kisangani, en 1951, de parents belges, donc colons. En dépit de quoi il est l’auteur du seul grand roman belge sur le Congo qui parle de Patrice Lumumba autrement qu’en le traitant de « sinistre guignol » (Pierre Mertens). C’est une des raisons principales pour lesquelles l’establishment s’est donné beaucoup de mal pour balayer ce fichu bouquin sous le tapis et qu’il y reste. On y revient plus loin.

En Belgique, où l’air beurré est si rare, on fout le camp ou on s’adapte en prenant soin que rien ne dépasse. Ou alors on adopte profil bas en essayant de se faire oublier jusqu’à ce que vos tableaux vaillent des millions. On devient alors une « célébrité nationale ».

Dédaignant ces trois options, à 20 ans, Lippert a foncé tête baissée dans le situationnisme et mis ses actes en accord avec ses principes, pour s’apercevoir un beau jour que le situationnisme était non seulement récupérable mais qu’il avait été récupéré. (C’est bien Sarkozy ou je me trompe qui a décrété que les œuvres de Guy Debord étaient patrimoine national ?). Qu’a fait Lippert ? Il a décidé de continuer seul, plus loin, pour voir, devenant ainsi une espèce d’Internationale ex-Situationniste d’un seul homme et un obstiné happening casse-couilles à lui seul aussi. Sa trajectoire, en fait, ressemble plus à celle de Zo d’Axa qu’à n’importe quoi d’autre. Mais qui sait encore qui fut Zo d’Axa ?

En ce moment, il vit chez des Berbères. Oui, bien sûr, dans l’Atlas.

J’ai atrocement résumé. Mes plates excuses à tout le monde.   

 

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Anatole ATLAS

Berlue d’Hurluberlu

Bruxelles, Miroir sphérique, 2016

116 pages

 

 

 Les Grosses Orchades vous ont parlé de ce livre au moment de sa sortie, pour vous le signaler Je vous en reparle aujourd’hui parce qu’entretemps je l’ai lu.

Il y a des choses qu’on survole sans les lire, en se promettant parfois d’y revenir et en y revenant rarement parce qu’il y en a tant, parce que pas le temps, et parce qu’un clou chasse l’autre. Impossible avec celui-ci : pour peu que vous jetiez les yeux sur son premier paragraphe, vous ne pourrez qu’aller jusqu’au bout. L’objet n’est pourtant pas séduisant. Ouvert n’importe où, il ressemble à ça  :

 

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Auto-édité à la spartiate. Pratiquement pas de marges, pas de chapitres, même pas le moindre saut de ligne pour aérer, de la page 5 à la page 111, rien. Que du texte ininterrompu. 

En même temps constat d’horreur et œuvre d’art, ce drôle de livre est aussi une curiosité en ceci que l’auteur, aujourd’hui grand-père, l’a écrit avec la fougue, l’énergie et la véhémence de ses vingt ans. Dieuseulsait où il va chercher toute cette adrénaline !

John Cowper Powys avait pour devise « Endurer ou s’échapper ». Et il affirmait aussi que 2 et 2 font 5, « parce que l’imagination est un fait ». Anatole Atlas est parti à la recherche du 5.

Vous souvenez-vous de la ville de Guernica, au pays basque espagnol, détruite le 26 avril 1937 par les aviations allemande et italienne ? Si son nom vous dit quelque chose, c’est surtout, je pense, parce qu’elle a inspiré à Picasso un de ses tableaux les plus célèbres.

 

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Mais, après Guernica, il y a eu Dresde, Stalingrad, Hiroshima, Nagasaki, Belgrade, Bagdad, Gaza, Falluja, Tripoli et aujourd’hui, simultanément, Homs et Sana’a. Entre autres.

 

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Bienvenue dans l’interventionnisme humanitaire occidental

La ville de Guernica est devenue la planète. Quel peintre, quel sculpteur pourrait aujourd’hui un tant soit peu transcender ce qui dépasse tout ce que l’esprit humain peut supporter, ce qui défie toutes les images ? Même les photographes ne peuvent plus qu’appuyer à l’aveugle sur leurs robots numériques. La littérature, elle, peut encore. : la Berlue d’Anatole Atlas est une espèce de Guernica littéraire.

Et ça raconte quoi ? De l’inracontable :

Nous sommes en 2022, au soir de la fête nationale – belge, donc le 21 juillet - et pour une fois il ne pleut pas. Des baraques foraines attendent le badaud dans un parc, face au Palais du roi, à la façade duquel pend un immense drap qui annonce en arabe : KAN ÏA MA KAN FI QADIM AL ZEMEN (« Il y avait et il n’y avait pas, dans les temps anciens… »).

Les 107 pages écrites d’un seul souffle – il vous en faudra pour les lire – font l’état de nos lieux physiques, mentaux, géographiques, politiques, moraux, micro et macrocosmiques, auscultent notre enfer d’humains, d’animaux et de végétaux (mais même les pierres, si vous saviez…). « Comment sortir de cette boîte à rats de Laborit ? » se demande, ululant d’horreur et néanmoins jubilant, l’aède.

Il faut le suivre dans son délire onirique et accepter – dépourvus d’imagination s’abstenir – la rencontre de Thomas More, tout juste débarqué d’entre les morts, sa tête sur un plateau, à la recherche des vestiges de son Utopie ; celle de Maigret (les spectres ne sont pas des gens mais des idées) un peu perdu si loin de son cher canal Saint-Martin mais plein de sa légendaire obstination, bien décidé à débusquer le crime omnipotent qui s’est emparé de la planète ; celle de la grande déesse Isis – voilée comme il se doit, donc en délicatesse avec la loi – diseuse de mauvaise aventure, qui convoque Socrate, entre autres vivants et morts, par nécrophone portable, et promet des choses… qu’elle tiendra peut-être. Vous en rencontrerez bien d’autres… Freud prétendant que Yahvé dérive de Jovis, Shéhérazade et le Phénix, Kapitotal et sa Tour Panoptic  (ô Bentham) vêtus des oripeaux d’Athéna, d’Héra et d’Aphrodite au bal masqué de la République… Vous rencontrerez même Philippe Sollers, c’est dire !

L’auteur se réclame de Jérome Bosch. Si on voulait pinailler, on lui dirait que Bosch a au moins pu imaginer le Paradis et qu’on ne voit pas comment il se propose de le faire, mais ne soyons pas défaitistes.

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Manifeste quasi terminal en guise d’extrait :

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Pour une V ème Internationale du Quint-Monde

C’est une chance de pouvoir s’exprimer publiquement un 11 septembre, jour anniversaire du dernier incendie du Reichstag. Une citation d’Albert Camus, souvent répétée ces derniers temps, s’impose ici : « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ». Je propose d’appeler pseudocosme l’actuel ordre des choses où plus aucun signifiant ne correspond à une réalité privée de sens, dirigée par des robots devenus maîtres du cerveau de la Cité, qu’en conséquence il conviendrait de nommer Acéphalopolis. N’y voit-on pas, avec le triomphe sur les valeurs d’usage et même d’échange, de la valeur d’usure, l’ancien logiciel biblique supplanter le logiciel grec, pour substituer à l’idéal socratique une scission de l’humanité entre élus et damnés ? C’est ainsi qu’il convient de nommer les choses dès lors que la société tend à n’être plus qu’enfer ou paradis. Le principe même à l’origine d’une telle schize du corps social entre cancer des winners et gangrène des losers, accélérée depuis la fin de l’Union soviétique, ne peut-il pas être nommé Sionisme salafiste ? Ces mots, bien-sûr, sont interdits d’espace public, où ne peuvent être désignés ni Kapitotal ni la tour Panoptic – avatars contemporains de la Pompe à Phynance et de la machine à décerveler dont Alfred Jarry attribuait l’invention à son Ubu.

C’est alors sans grande surprise que, depuis la marge des marges, on découvre un numéro de la revue Marginales consacré aux « raisons de la colère » (titre générique pour toute littérature depuis Homère), où se manifeste principalement le prurit ordinaire d’élites nanties se grattant les croûtes pour trouver quelque trace de blessure à signaler, quand le mouvement profond d’un système d’exploitation, de domination, d’aliénation condamne à l’état d’objets surnuméraires la majorité de ses membres. N’est-ce pas que l’instance aédique y fut assassinée par l’unique loi transcendante : celle du marché ?

 Partout la communication entre les hommes par la Parole (supposant une altérité) n’a-t-elle pas été remplacée par leur soumission à la Valeur (postulant le règne de cet Équivalent  Général Abstrait qu’est l’argent) ? La tyrannie libertaire qui soumet le globe à son joug ne va pas sans l’usage d’une immédiateté médiatique exacerbant la crise de l’esthétique, niant toute éthique et ruinant ce qu’il reste du politique. Quant à l’au-delà (métaphysique ou historique), il n’est plus même pensable.

À l’appui du dernier éditorial de Jacques De Decker, j’appelle donc ici de mes vœux l’émergence d’une science nouvelle que j’appellerais la métagnostique.

Pour la constitution d’un Quint-État des artistes et des intellectuels !

Pour une Vème Internationale du Quint-Monde 

 

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(Pas de couverture visible)

Jean-Louis LIPPERT

Mamiwata

Mons, Talus d’approche – 1994 - 1998

442 pages

L’éditeur a fait faillite et vous ne pourrez pas le trouver, à moins que quelqu’un le réédite.

Mamiwata, c’est le nom d’une déesse-sirène des fleuves et des lacs, en Afrique noire, qui personnifie aussi la forêt vierge.

L’auteur, fils de Blancs mais élevé par des Noirs au bord du fleuve Congo, jusqu’à ce que l’Indépendance l’arrache au seul milieu qu’il connaissait, a été longtemps déchiré entre les deux mondes antagoniques auxquels il appartient.

À le lire, on ne peut pas s’empêcher d’admirer la sagacité de Mikhaïl Bakhtine qui, dans son  Rabelais, a si justement déploré que Jean-Jacques Rousseau, en poussant les femmes du beau monde à allaiter leurs petits elles-mêmes, ait opéré une cassure irrémédiable entre les classes dominantes et celles d’en-bas. Car, en effet, où seraient et que seraient Jean de La Fontaine et les autres, s’ils n’avaient eu pour nourrices des femmes du peuple ?

Lippert a eu pour nourrice une femme du peuple africaine.

 

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A.A. et Rosalie

 

Ce qu’il a à dire de l’Afrique est donc intéressant au plus haut point. Mais comme on ne parle pas d’un livre derrière Vaneigem et Wellens, je vais leur céder la plume. (Mieux vaut que vous le sachiez : dans ce qui suit, « le Satan de Stan », c’est Patrice Lumumba, « Charles Van Den Woestijn », c’est Paul-Henri Spaak, et ainsi de suite.)

 

Raoul Vaneigem à propos de Mamiwata

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Je ne ferai pas l’éloge de Jean-Louis Lippert. D’abord parce qu’il n’aimerait pas cela et, ensuite, parce que ce qu’il écrit parle de soi, je veux dire, est une construction qui a ses assises et se soutient toute seule.

      Quand est-ce qu’une œuvre se soutient toute seule ?  Eh bien, je pourrais dire qu’il y a là un secret et que, pourtant, ce secret n’est pas impénétrable. Une œuvre a des assises solides et se construit — je ne dis pas avec perfection mais avec conviction — lorsqu’il existe un accord entre un auteur et ce qu’il écrit.

      D'aussi loin que remonte notre rencontre, j’ai toujours trouvé chez Jean-Louis une façon de subvertir le monde qui se traduisait à la fois dans son comportement quotidien et dans ses textes. Ce n’est pas pour rien qu’il a signé plusieurs de ses brûlots du nom d’Anatole Atlas. Atlas, c’est celui qui porte le monde, et Anatole, c’est celui qui fait de son mieux pour le tourner dans le bon sens. Il n’y arrive pas toujours mais il essaie, et il essaie sans relâche.

      Nous portons tous notre monde sur la tête et dans la tête. La plupart des gens ne le savent même pas, et font comme si le monde les portait. Et du coup, ils se portent mal et le monde défaille. Il y en a d’autres, beaucoup moins nombreux, qui le savent. Et le monde pèse sur eux, et cela leur fait mal à la tête, et parfois, cela les écrase et les tue. C’est comme si la lucidité était plus forte qu’eux, et qu’elle les aveuglait. Mais ce n’est pas la lucidité qui tue, c’est l’absence de vie et le manque de conscience de cette banalité paradoxalement insolite : à savoir que la vraie vie est possible.

      Dans les romans de Jean-Louis, il y a des personnages qui vivent d’une vie sauvage et qui posent la question : pourquoi passons-nous la plupart du temps à nous détruire au lieu de tenter sans relâche de vivre mieux ?  Il y a des personnages qu’une vie sauvage emporte dans un tourbillon sans qu’ils aient le temps d’harmoniser le chaos. De sorte que l’exubérance les submerge au point de les noyer.

      D’autres, en revanche, s’emploient à incliner les circonstances en faveur de la vie. Ils disent les êtres et les choses de la vie, et ce qu’ils veulent. C’est une telle volonté que Jean-Louis perçoit chez un homme qui a été l’un des premiers à s’être dressé contre l’univers des multinationales de son temps, un homme qui a été un précurseur dans le combat mené aujourd’hui contre le capitalisme financier qui s’emploie à ruiner la planète. Cet homme, c'est Patrice Emery Lumumba.

      Bien avant qu’une commission parlementaire belge souhaite mettre en lumière le rôle joué par la Belgique dans l’assassinat d’un des rares porte-parole d’un peuple en voie d’émancipation qui ait refusé toute compromission avec le monde de la marchandise, Jean-Louis écrit :

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Source : http://www.spherisme.be/Texte/Vaneigem.htm

 

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Yves Wellens  à propos de Mamiwata

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Mamiwata, Ouvrir le chant

« C’est plus fort que moi, je m’ordonne. Je rapproche des faits qui furent, mais séparés. Je crois me souvenir, je m’invente »   Aragon

« Le roman est un genre faux, parce qu’il décrit les passions pour elles-mêmes : la conclusion morale est absente. Décrire les passions n’est rien ; il suffit de naître un peu chacal, un peu vautour, un peu panthère »   Lautréamont

« L’on doit toujours éprouver quelque peine pour ces personnes qu’écrase le char triomphant du progrès »   (A. Cahill, membre des services civils en Inde, cité par Hannah Arendt, dans Sur l’impérialisme).

(...)

Cette après-midi-là, dans le jardin des premiers temps, Ulysse Lévine n’avait-il pas usé d’un miroir de poche de sa femme Bianca pour tenter de capter au mieux, jouant de divers angles, l’intensité plastique du tableau vivant qui s’offrait sous la pergola ?  Pourquoi se contenter d’un seul point de vue quand il en va de la vie ?

 (...)

Extrait de  Mamiwata

La présente lecture est une manière de prendre au mot cette projection de Jacques De Decker, lors de la parution du Mamiwata de Jean-Louis Lippert, à l’automne 1994 : « On le lira dans très longtemps encore, on le sondera, on l’analysera, on reconstituera son étrange chronologie, on détaillera ses références historiques, on débusquera les modèles de ses protagonistes » (1). En même temps, en dégager les lignes directrices et le cours principal (sans parler des méandres) dans le cadre restreint de cette postface équivaut à décrire le tumulte d’un fleuve depuis les eaux tranquilles d’un canal. Je veillerai donc à ce que les mots, ici, pèsent lourds et soient aussi chargés de sens qu’il le faudra.

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Source : http://www.spherisme.be/Texte/YWellens.htm

 

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Bibliographie : http://www.spherisme.be/biblio.htm

Ce qu’en dit la MPLF (Maison de la poésie).

On la cite car les jugements sont rares, rien ne valant, pour se débarrasser des enquiquineurs, la mise sous le boisseau.

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Et, allez, ne soyons pas pingres, une vidéo pour la route :

 

Hymne pour une ville sans fleuve
Icône à la mémoire de l'Union soviétique

 

 

Site de la Sphère Convulsiviste.

http://www.spherisme.be/

 

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Marc-Édouard Nabe

L’homme qui arrêta d’écrire

L’Enculé

 

Dante, banni de Florence, écrivit La Divine comédie, où il régla quelques comptes. Nabe, viré des éditions du Rocher, ne vit pas pourquoi il ne ferait pas pareil. Et ce fut L’Homme qui arrêta d’écrire édité à compte d’auteur. Vous avez dû entendre plutôt dix fois qu’une qu’à partir de dorénavant, Nabe est son propre éditeur-distributeur-diffuseur et que, si on ne trouve plus ses livres dans les librairies, on peut, en cherchant bien, les trouver chez des bouchers, des coiffeurs ou des crémiers.

 

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Première à Paris - Le livre de Nabe affiché sur le comptoir d’une boucherie, rue du Marché Saint-Honoré (1er arrt.).

 

Nabe est un cas. Écrivain d’une part. Grand habitué des merdias par ailleurs. Double activité pas nécessairement incompatible mais pas non plus garantie de profondeur, encore moins d’intégrité.

Annonçons par honnêteté la couleur : je n’ai jamais vu ni entendu Nabe à la télévision ou à la radio, et je ne l’ai jamais lu dans les journaux, parce que je les fuis tous, et la surdité me rend inaccessible ce que je pourrais en apprendre des vidéos du net. Mais il est impossible d’ignorer tout à fait les opinions, choix et croyances de quelqu’un qui n’en laisse rien ignorer, qui veut qu’on les sache, qu’on en débatte et qui en fait la substance de ses écrits. Restent donc les livres.

Sans les avoir tous lus, loin de là, il me semble que rien de ce qu’il a fait jusqu’ici n’a dépassé L’âme de Billie Holiday, mais c’est subjectif. Quand même, je ne serais pas surprise qu’il y ait plus que du mimétisme entre lui et son maître Rebatet, imbuvable, imbitable, insupportable éternel adolescent fils de bourges ergotant avec suffisance sur des réalités dont il ignorait tout, la maîtrise de la langue n’y faisant rien, qui n’avait qu’à écrire deux lignes sur Debussy pour que vous tombiez sous le charme.

Je devrais dire, avant d’aller plus loin, les réserves qui m’ont toujours paru s’imposer chez cet auteur, parce que ce livre-ci ne m’a pas fait changer d’avis, mais je m’en tiendrai au jugement de Serge Uleski, que je partage, et qui l’a exprimé bien mieux que je ne saurais le faire : sentiment d’un homme qui aime les livres et leurs auteurs et n’appartient à aucune chapelle. Tout ce qu’il en a dit mérite d’être pesé.

 

Marc-Édouard Nabe : le « no-mén » de la littérature 

Serge Uleski – Sur son blog 13.9.2013

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Celui qui toujours nie

A la lecture de Marc-Edouard Nabe (MÉN), difficile de trouver une pensée un tant soit peu cohérente, mais bien plutôt des humeurs souvent mauvaises ainsi que la tentation toujours renouvelée de se saborder.

Nabe semble tout sacrifier au style, le sens passant le plus souvent à la trappe. Or, en littérature, tous les grands stylistes ont aussi une tête bien faite.

Certes, ce qui importe ce n’est pas ce qui est écrit mais bien… comment c’est écrit… mais lorsque Nabe abandonne ce comment, très vite on se rend compte que le fond de sa « pensée » reste très peu structuré, et relève plus de l’humeur que d’une opinion avisée et informée, fruit d’un vrai travail de réflexion, la fréquentation prolongée de Choron et de Harakiri n'ayant sans doute rien arrangé.

Il suffit simplement de revoir sa prestation de 1985 à l'émission « Apostrophe » de Bernard Pivot, pour s'en convaincre ; Nabe était venu présenter son premier ouvrage publié Au Régal des vermines; et d'aucuns ajouteront : « Nabe était aussi venu parfaire, ce soir-là, en direct, une crise d'adolescence qui n'en finit pas » - il a alors 25 ans -.

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Source : http://penseraupluriel.blogs.nouvelobs.com/archive/2013/0...

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Marc-Édouard NABE

L’Homme qui arrêta d’écrire

Nabe – Janvier 2010

695 pages

 

 

Ces réserves faites, qu’en est-il, à mes yeux du moins, de la Divine comédie version Nabe ?

Que son auteur a la même qualité qu’Atlas-Lippert : quand on y met le nez, on va jusqu’au bout. Nabe sait empoigner et retenir son lecteur, pour ne le lâcher qu’à la dernière page, même s’il arrive au lecteur de grincer des dents en cours de route. Soit dit en passant, le fait que deux auteurs brillants, arrivés tous deux dans la cinquantaine avec un nombre à peu près équivalent de livres à leur actif en soient réduits à s’auto-éditer suffirait à juger une époque et sa « civilisation » prétendue.  Le parallèle s’arrête là Nabe et Lippert sont politiquement aux antipodes, et si l’un en a presque trop à dire et l’autre pas assez, ce n’est pas ici qu’on va entreprendre de les comparer.

Donc, L’Homme qui arrêta d’écrire c’est Nabe lui-même qui, lourdé par son éditeur, se dit qu’il ne s’est jamais, pendant vingt ans, arrêté d’écrire et voyez le résultat, eh bien, maintenant, il va le faire.

Et se met à écrire, par le menu, ses sensations et sentiments d’homme qui n’écrit plus.

Sorti de chez lui pour acheter un beefsteack, il est reconnu et accosté par quelqu’un qui l’a vu à la télé. Bien sûr, Divine comédie oblige, c’est Virgile. Qui s’appelle en réalité Jean-Phi mais qui s’est trouvé ce pseudo sur Internet, sans savoir le moins du monde qui « Virgile » peut être et qui s’en fout mais qui trouve que ça sonne bien. Et qui entraîne l’esclave auto-affranchi des éditions du Rocher dans un périple aussi divin qu’éprouvant : les neuf cercles de l’Enfer, le Purgatoire et le Paradis. Tout ça dans Paris intra-muros. Pas un pied dehors. Mais aussi dans Internet : c’est sans doute un des tout premiers romans sur le Web considéré comme un avatar de l’Enfer. Enfer mais caverne d’Ali Baba d’archives dit Nabe, qui précise non sans pertinence : « La virtualité ne remplace pas la réalité comme les réacs le prétendent, elle est là pour remplacer l’imaginaire ». Oui, et pas que sur le Web, allez voir chez Michele Serra (c’est plus bas).

Incidemment, on sera un peu surpris qu’un anti-sioniste aussi convaincu entame son périple par une virée chez H & M. Peut-être est-ce pour qu’on soit bien sûrs d’être en Enfer ? N’empêche qu’il s’y achète un caban. Framboise.

Virgile, blogueur quasi analphabète s’avère quand même être en possession temporaire du manuscrit original du Voyage au bout de la nuit, que son acquéreur milliardaire l’a chargé de numériser. Et il déambule dans Paris avec ça au bout du bras. On nage en plein conte de fées virtuel.

On ne pourra pas reprocher à Nabe de ne pas connaître ce qu’il y a de pire dans l’ex-Ville Lumière ou d’en parler par ouï-dire. On sent le familier des lieux. Tout y passe : La Baron, Chez Colette, le Train bleu, le Palais de Tokyo, l’Hôtel Amour… Et si tout n’est pas vrai, beaucoup des damnés qu’on croise sont des vrais, sous leur vrai nom avec une lettre espièglement remplacée par une autre. Philippe Soller, Bernard-Henri Levit, Dan Frank, Frédéric Begbedé, Raphael Sorrin et Pierre Asouline, Éric Nauleau, Laurence Bocolini et Philippe Candelerot, etc. etc. Pas un roman à clé, plutôt à têtes de pipes. Je ne balance pas sur vous, je ne diffame pas, j’invente à partir de vous, et le bon con de public se demandera si vous êtes comme ça ou pas, nani nana.

Les neuf cercles ? Vernissages d’art moderne, premières théâtrales, fermetures de cinémathèques pour toujours, restaurants tendance où on se retrouve entre soi (l’Enfer, c’est les autres), publicitaires, clubs échangistes, conférences de presse qui tournent à la catastrophe, sauvées par une paëlla, brain stormings de patrons de presse, télévision… il avait l’embarras du choix. Mais il ne les compte pas - pas de chapitres  -, il sautille d’un fléau à l’autre, en habitué.

Parfois, le commensal des damnés pointe le nez. Aux Abesses, Nabe et Jean-Phi croisent un clochard qui sent la fleur d’oranger : « J’en veux pas à ton oseille, fils ! lui répond le clodo. Je suis riche, je suis le gardien de la mémoire des martyrs de la Butte… » [C’est vrai qu’ils sont sur la Butte rouge] «… Patachou, Mouloudji, Brasseur ! Tout le quartier m’appartient. » . Dante muscadin.

Mais parfois, la star-et-plaie des talk shows s’arrête de crachoter sur ce qu’il ne comprend pas et se rappelle qu’il a été autre chose :

 « Moi quand j’avais dix-huit ans, je n’avais pas Internet, lui objecté-je. J’étais obligé de prendre le train de ma banlieue, puis de faire la queue devant la bibliothèque de Beaubourg, pour y passer des heures à farfouiller. Je ressortais avec quelques photocopies rayées de poèmes, de textes, je partais frustré de ne pas avoir réussi à trouver ce que je voulais. J’étais obligé de faire des pieds et des mains pour obtenir une cassette pourrie, un bout de vidéo, un morceau de revue... Évidemment je suis conscient que c’est beaucoup mieux de l’avoir tout de suite, mais uniquement pour ceux qui savent s’en servir et qui en ont vraiment, non seulement besoin, mais envie. J’espère que Google n’enlève pas l’amour énorme qu’il faut à un jeune homme pour chercher tout ce qu’il rêve de trouver. C’est juste que je crains que la facilité annule l’amour, car pour savoir bien utiliser une connaissance, il faut qu’il y ait de la passion prise dedans comme du chocolat dans un BN. »

Des passages où l’indignation est sincère et contagieuse. La cinémathèque de Chaillot va fermer. C’est la dernière séance puis la « fête » :

« Ce soir, Langlois et Rouch feraient un carnage, au milieu de cette surboum de post-pubères ineptes, ignorants du cinéma qui ne palpitent pour rien, ne voient des films que comme des films, sans aucune magie. Ils les auraient maudits comme ils le méritent. »

Et ils auraient vomi sur Philip Catherine, qui donne un coup de pied dans un chat. Nabe n’est pas assez vipérin pour inventer ça.

Mais il n’y a pas, dans ces Mystères de Paris new look que les pantins à la mode. Il y a les personnages inventés par l’auteur : Adam X, ancienne star du porno, qui a la nostalgie de cette époque révolue (on ne savait pas), Pat, le styliste noir et gay, admirateur d’un des Besson, Magali, la prostituée ivoirienne, qui économise pour échapper à son mac et rentrer au pays. Côté jeunes filles, il y a Zoé, la jeune arabe et sa sœur Kahina, Liza, qui finit toutes ses phrases par « je rigole », surtout quand il n’y a pas lieu de rigoler, et bien entendu Béatrice, qui s’appelle Emma. Toutes ces femmes ont en commun de vouer aux écrivains en général et à Marc-Édouard Nabe en particulier une admiration qui confine à l’idolâtrie. N’hésitez jamais à dire du bien de vous-même, parce que si vous comptez sur les autres… Et n’écoutez pas ceux qui vous traitent de narcissiste infantile, ce sont des jaloux.

Deux mots en passant sur le Paradis. Je l’ai trouvé bien inférieur à l’Enfer. Est-ce l’idée que s’en fait Nabe ? Est-ce l’endroit où il le situe ou les deux mon général ? Ce n’est pas parce que les Champs-Élysées s’appellent ainsi qu’il y pousse des asphodèles. Ni qu’ils ne sont pas un des endroits les plus sinistres de Paris. On peut avoir vécu heureux sur la rive droite et ne point partager la prévention idéologique de Nabe contre la rive gauche. Bref, son Paradis autour de l’Étoile… grand bien lui fasse ! Mais si on peut choisir une fois morts, on va ailleurs. « Si vous n’aimez pas ça, n’en dégoutez pas les autres », chantait Maurice Chevalier. Très juste. Au fait, le Père Éternel tiendra-t-il compte des préférences de chacun ?

Quelques passages du livre qui me restent plus que les autres en mémoire, pour finir :

Celui de la rencontre avec Alain Delon dans le parc du Marigny. Là, l’énorme cabot devenu vieux et l’énorme cabot vieillissant posent, pour un moment, masques et cymbales, pour jeter un coup d’oeil en arrière qui ne manque pas de profondeur - assez touchant même, par moments - sur les acteurs, l’art et le temps qui passe. Vous rappelez-vous Alain Delon et Gérard Depardieu regardant, ébahis, Vladimir Poutine chanter Blueberry Hill ? C’est un peu pareil. On se dit que tout n’est pas si nul après tout quand les cabots sont capables de redevenir pour un instant les petits garçons qu’ils ont été « avant ».

Une tranche de franche gaîté : quand Willem entraîne Nabe dans une assemblée où tout le gratin de la presse nationale s’est réuni pour essayer d’arrêter l’hémorragie de lecteurs que lui vaut Internet… croit-il. Ils sont venus, ils sont tous là : Val, July, Joffrin, Plenel, Kahn, Demorand, Giesbert, dont les canards font faillite et qui décident d’aller à la pêche aux lecteurs à coups de cadeaux bonux risibles, sans voir un seul instant que leur médiocrité est la cause de leur déconfiture. Et, bien entendu, leur servilité à toute épreuve. C’est un grand moment. Ponctué des gesticulations de Willem, qui essaie de refiler à Nabe le dessin de couverture qu’il lui a promis pour le livre qui ne paraîtra pas.

 

15. L'antique et prestigieuse société secrète de Ceux qui tirent les ficelles xx.JPG

Le passage enfin auquel j’ai trouvé le plus de brio, même si les fourchettes et les couteaux des Veda m’ont laissé un plus grand souvenir, est celui où Nabe « se paie » Salim Laïbi, « complotiste ». Là, sa verve s’en donne à cœur joie. Et c’est vrai qu’il est agaçant de voir les humiliés et les offensés faire des fixettes sur la forme transitoire que prennent à un moment donné (le nôtre) les sempiternelles associations de malfaiteurs, se focaliser comme des maniaques sur les francs-macs, les Bilderberg et autres Illuminati. C’est vrai que la CIA et tout ça… mais les églises aussi, et la FIFA, et les syndicats, voire les associations de commerçants ou d’agriculteurs. Ce n’est pas la forme qui fait la malfaisance, ni le secret, qui est de polichinelle. Et c’est vrai qu’ils devraient méditer le conseil d’Oscar Wilde (chercher la racine des maux et laisser tomber les symptômes). Cela dit, pour brillant que soit le passage, c’est quand même un peu l’hôpital brocardant la charité.

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Car Nabe, de son côté, croit que c’est Ben Laden qui a fait sauter trois tours avec deux avions et deux cutters pour montrer aux Zuniens de quel bois il se chauffait. Geste cocoriquesque à la française s’il en fut et aussi éloigné de la mentalité arabe que possible. (Si c’était faisable et utile, Nasrallah l’aurait fait.) Mais, que voulez-vous, il les aime… et les croit assez bêtes pour n’avoir pas prévu les conséquences d’un tel acte, ou assez crapuleux pour, les prévoyant, l’avoir fait quand même. L’amour est aveugle.

Quoi qu’il en soit, sa tête de Turc (arabe) a du répondant et sur le vrai site du vrai Laïbi, Nabe est « le nabot » et se fait traiter à son tour de « jet setteur christique », ce qui est assez méchant parce qu’assez bien vu.

Et nous qui nous plaignons de n’avoir pas vécu au temps où Voltaire et Fréron s’envoyaient des vannes !

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Dostoïevski vu par Nabe

En résumé, et pour abréger un débat qui n’en finit pas. Qu’est-ce qui, malgré son talent et même ses talents multiples, empêche Nabe d’avoir du génie ?

D’abord, tout ce qu’a dit Uleski, vous n’aviez qu’à lire. J’y ajouterai une chose : le manque d’ambition.

Pour son malheur, le gamin précoce et gâté monté de Marseille à Paris sa guitare sous le bras, est tombé la tête la première dans un nid de faux-bourdons : L’Idiot international. Et ne s’en est jamais remis. Tel un Perceval le Gallois échappé à sa mère voyant surgir au coin d’un bois des reîtres en armure et les prenant pour des anges. Nabe n’a rien su imaginer au-dessus de ce qu’il voyait. C’est pourquoi il est un petit-maître post-hussardien et pas Louis-Ferdinand Céline.

Céline lui-même a eu des handicaps terribles : marque paternelle, reçue à un âge trop tendre, de petit-bourgeois râleur aux œillères sur les côtés et par devant ; manque du savoir historique et politique resté inaccessible à ceux de sa classe et de sa génération ; ambition pathétique de se faire accepter par la grande bourgeoisie qui n’accepte jamais ceux qui n’y sont pas nés, mais qui les veut bien comme boucs-émissaires.

Nabe est d’une ignorance crasse en histoire et d’une bêtise abyssale en politique. Par choix ou par paresse. Sans les circonstances atténuantes de Bardamu. Il a pris pour modèle un dandysme égoïste de bourgeois « nés » refermés sur leurs privilèges et s’est donné un mal de chien pour s’en faire accepter. Tant pis pour lui. Imagine-t-on Céline membre d'une coterie ? Ou Marcel Aymé ? Sans la Geôle de Reading et la catastrophe attirée par lui-même sur sa tête, Oscar Wilde n’aurait jamais été qu’un dandy adroit de sa plume. Comme Dantzig, Murray, Hallier, etc. Le creuset d’où sort le génie n’a que faire de l’égoïsme ni de l’égocentrisme.

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Marc-Édouard NABE

L’Enculé

Nabe – septembre 2011

250 pages

 

 

L’Enculé est une pièce de circonstance, un billet d’humeur de 250 pages. On peut dire aussi un pamphlet (sûr d’être traité d’antisémite, vu la personnalité de l’auteur et les réflexes pavloviens de ceux qui ne l’aiment pas).

Je l’ai lu parce que je me demandais ce qu’on pouvait encore bien trouver à écrire sur DSK qui n’ait été dit mille fois. Mais, avec Nabe, on n’est jamais déçu.

Sa trouvaille est d’avoir fait raconter l’histoire par DSK lui-même, à la première personne, sans sauter aucun fait. Et de le rendre plus avenant qu’il n’est dans la réalité. Le queutard atteint de priapisme capable de pousser des milliers de gens au suicide avant de se laver les dents ou en attendant son tour chez le coiffeur devient, dans l’Enculé, un gros frère de Nabe. Qui va jusqu’à discuter le bout de gras dans la rue avec la gamine de Nafissatou Diallo.

Mais aussi, la cible de Nabe dans ce livre n’est-elle pas DSK lui-même, c’est Madame. Elle qu’il se farcit, sur elle qu’il déchaîne sa verve antisioniste, et, croyez-moi, elle a du souffle. Quelle jubilation supplémentaire de pouvoir mettre les verges, si on ose dire, dans la bouche de l’époux. Sioniste aussi, certes, mais beaucoup moins, parce que, d’abord, né en Afrique du Nord. Et puis, quand on est au PS, que voulez-vous qu’on fasse d’autre ? Toutes les circonstances atténuantes.

Ne débordant pas moi-même de sympathie pour Anne Sinclair, qui exsude physiquement la dureté et la rapacité (on se demande ce qu’ont regardé tant d’hommes à la télévision… ses yeux ?) et estimant qu’elle est assez grande, assez puissante et assez épaulée, sans avoir besoin de solidarité féminine, je ne cracherai pas sur le pamphlétaire et la laisserai se débrouiller toute seule.

Pour sa part, le personnel politique de tous bords prend dans l’aventure quelque coups amplement mérités pour ses capacités ès retournements de vestes et son art de laisser tomber les copains dans la débine.

J’ai apprécié L’Enculé parce que j’ai un faible pour les gens qui savent manier l’invective. Je continue à préférer les maîtres incontestés du genre que furent Marat et Debord, mais Nabe fait des efforts.

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Genre d’Arabes que Nabe devrait lire, au lieu de s’ébaubir devant les Ben Laden que lui refilent les merdias de grands chemins chez qui il se laisse inviter.

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Ziad Fadel – Syrian Perspective

http://syrianperspective.com/2016/06/british-supported-te...

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Jonathan Azaziah - Mouqawamahmusic

http://mouqawamahmusic.net/refugees-of-rap-french-funded-...

 

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Yannick Bosc

La terreur des droits de l'homme.

Le républicanisme de Thomas Paine et le moment thermidorien.

 

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Yannick Bosc

La terreur des droits de l'homme. Le républicanisme de Thomas Paine et le moment thermidorien.

Paris, Kimé, 2016.

297 p.

 

 

[Ceci aurait dû suivre un article consacré à Mme Lacroix-Riz, qui a déménagé dans un autre post et servi en quelque sorte et comme souvent d’avant-garde.]

Puisque nous sommes chez les historiens, restons-y. Celui-là non plus, je ne l’ai pas encore lu. Mais je vais le faire, avec d’autant plus de curiosité que je n’ai jamais su quoi penser au juste de Thomas Paine : avoir survécu à Thermidor n’est pas vraiment un brevet d’intégrité, même si certains, parmi les moins soupçonnables, ont réussi à « passer outre ». Mais tant d’étrangers élus à la Convention n’ont été, alors, que des instruments de la contre-révolution… Et puis j’avais en tête un Paine ambigu de Harvey Keitel dans la superbe Nuit de Varennes, d’Ettore Scola. Ou ma mémoire me jouait-elle des tours ?

 

 

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Yanik Bosc anime, avec quelques-uns de ses confrères, le remarquable site http://revolution-francaise.net/ : rien de ce qui concerne cette période cruciale de notre histoire ne leur est étranger, et leur science est de meilleur aloi que la réserve d’or de Fort Knox, à supposer que Wall Street y ait laissé quelque chose. C’est là, chez les spécialistes de « la Gueuse », que je suis allée chercher la présentation du livre.

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« C'est en s'entraînant à modifier le regard
qu'on obtiendra de nouvelles vues des choses. »
Jean Dubuffet, Bâtons rompus, 1986

Thomas Paine est le personnage principal de cette histoire qui se déroule pendant la Convention thermidorienne, au cours du débat constitutionnel de l'été 1795, à un moment stratégique de la Révolution française. Pourtant, ni le principal protagoniste, ni la Constitution de 1795 ne semblent de prime abord nous placer au cœur de l'épopée révolutionnaire telle que nous avons l'habitude de l'entendre racontée. Rares sont en effet les historiens qui ont étudié le rôle de Thomas Paine dans la Révolution française. Ils sont encore moins nombreux à s'y être intéressé dans le moment thermidorien, cette période d'entre-deux qui suit l'exécution des robespierristes après le 9 thermidor an II (27 juillet 1794) et engendre le Directoire. Outre le fait que cette étude se focalise sur un acteur certes célèbre mais apparemment périphérique et une période qui le semble également, elle perturbe encore le récit classique en associant ce qui est ordinairement dissocié : la Terreur et les Droits de l'homme. Pour comprendre ces paradoxes penchons-nous d'abord sur Paine qui en est un à lui seul.

Lire la suite…

Source : http://revolution-francaise.net/2016/03/12/646-la-terreur...

 

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Henri Guillemin sur Georges Simenon

Articles parus dans La Bourse égyptienne

en 1938

Oui, on a ici un faible pour les historiens. Mais là, je vais vous parler d’un livre qui non seulement n’existe pas encore mais n’est pas non plus un travail d’historien, puisqu’il s’agit d’un recueil d’articles écrits, avant la guerre, par un historien qui fut aussi prof de lettres.

En 1938, Henri Guillemin a enseigné la littérature française à l’Université du Caire, comme son homologue britannique Robert Graves avait enseigné l’anglaise en 1926 à l’Open University. Mais pendant qu’il était là, Guillemin a donné, tous les samedis, à un journal cairote, une chronique de l’actualité littéraire française. Elle devait plaire, car elle a continué à paraître pendant plusieurs mois après son retour en France. En tout : 98 articles, qui dormaient dans les archives de la BNF, où le Pr. Patrick Berthier est allé les copier dans l’idée d’en faire un livre. Qui paraîtra, dieuseulsaitquand, chez Utovie.

C’est avec un rétrospectif effarement (surtout vu d’ici) qu’on se rend compte qu’en cette seule année 1938, Sartre a donné La Nausée, Malraux L’Espoir, Bernanos Les grands cimetières sous la lune, Queneau Les enfants du limon et Céline Bagatelles. Et c’est sans compter Simenon, qui, lui, n’a pas donné moins de dix romans, au rythme d’un par mois.

L’association « Les Amis d’Henri Guillemin » a obtenu la permission de reproduire quelques extraits de ces Chroniques du Caire et commence précisément par les trois articles consacrés à Simenon.

Mais cédons-lui la plume, en la personne de M. Patrick Berthier lui-même :

 

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« Après l’obtention de son titre de docteur ès-lettres, Henri Guillemin, jusqu’alors enseignant dans le secondaire, est nommé à l’automne 1936 professeur de littérature française à l’Université du Caire. L’Égypte est un royaume indépendant depuis 1922 mais l’influence britannique y demeure très forte en politique ; du côté français, c’est plutôt une présence culturelle : les Égyptiens cultivés parlent souvent français et/ou sont francophiles. L’élite économique du pays lit notamment un quotidien entièrement publié en français, La Bourse égyptienne (son titre dit qu’il n’est pas de gauche).

Au bout d’un an d’enseignement, et déjà connu d’un plus vaste public que celui de ses étudiants par quelques conférences, Guillemin se voit proposer en octobre 1937 une tribune de critique littéraire dans ce journal. Même si, élu à la faculté des lettres de Bordeaux, il quitte son poste du Caire dès l’été 1938, il continue pendant encore un an d’envoyer ses articles, et ce sont finalement 98 chroniques du samedi qui paraissent dans La Bourse égyptienne, du 7 novembre 1937 au 22 octobre 1939. Considérées une par une, elles ne sont pas toutes pour nous, aujourd’hui, du même intérêt, mais leur ensemble est souvent passionnant. Guillemin lit et commente ainsi, dès leur sortie de l’imprimerie, L’Espoir de Malraux ou La Nausée de Sartre, Bagatelles pour un massacre de Céline ou tout ce que publient alors un Mauriac ou un Bernanos.

Les ami(e)s d’Henri Guillemin ont décidé de faire profiter leurs lecteurs de la fleur de ces articles, en proposant à intervalles réguliers des présentations sélectives propres à donner une idée fidèle des sujets abordés, du ton et du style de Guillemin, de ses idées de cette époque face à la littérature et aux idées contemporaines. Et nous commençons par Georges Simenon, qu’alors Guillemin ne connaît pas personnellement, mais dont il deviendra plus tard l’ami et l’admirateur.

 

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Trois fois dans sa chronique égyptienne, Guillemin parle de romans de Simenon récemment publiés : L’Assassin le 2 janvier 1938, Chemin sans issue le 26 juin 1938, et Le Coup de vague le 3 septembre 1939. Il les aborde tous les trois de la même façon : une longue entrée en matière générale (à peu près la moitié de l’article), suivie d’une analyse de l’intrigue réduite à ses éléments nécessaires, surtout dans le troisième cas où deux colonnes seulement, sur les cinq de l’article, sont consacrées à Simenon (les trois autres concernent Nous autres Français de Bernanos, voisinage qui, soit dit en passant, donne la mesure de l’estime de Guillemin pour Simenon, ainsi placé à égalité avec un romancier et polémiste reconnu).

Lire la suite… 

Source : http://www.henriguillemin.org/evenements/quand-guillemin-...                 

Les trois articles sont ICI en pdf.

 

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Deux livres italiens pas encore traduits.

Guettez-les, ils en valent la peine !

 

Michele Serra

Ognuno potrebbe

En écho à la formule obamaesque « we can », Michele Serra répond « Tout le monde pourrait » mais constate que personne ne fait. Et le déplore. C’est le sujet de son livre, celui de la faillite d’une génération – deux sans doute – et d’un déclin aussi irréversible qu’accepté. C’est aussi une satire féroce du narcissisme digital endémique, symptôme et non racine du mal.

 

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Michele SERRA

Ognuno potrebbe

Feltrinelli – Octobre 2015

152 pages

 

 

 

 Jules, ébéniste, 60 ans et Marie, ménagère ex-actricette, 40 ans, n’ont jamais eu d’enfant. Et voilà que la cigogne leur en apporte un sur le tard. Ce sera Jules-Marie, enfant de vieux, dans une région qui fut belle, active et prospère (la vallée du Pô), et qui n’est plus aujourd’hui qu’une étendue sinistrée couverte de capannoni à l’abandon et de ronds-points.

 

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Un « capannone » est un hangar industriel ou semi-industriel, une construction cubique utilitaire sans relation avec la nature environnante, posé arbitrairement dans un paysage qu’il sert à ruiner. Les agrégats de capannoni sont, en Belgique, appelés « zonings ».

2015. Jules est mort à son établi, d’infarctus foudroyant. Son, voisin et ami, Squarzoni, fraiseur-tourneur, continue à faire miauler son tour et à limer des pièces qu’on ne lui commande plus, par habitude. Jules-Marie a fait des études, va sur ses 36 ans et vit toujours avec sa mère bien qu’il soit en puissance de petite amie « belle, noire et blanche comme une actrice du muet » nommée Agnès, qui travaille au bar des « Trois pins » (un capannone flanqué de deux cyprès), qu’elle fait tourner avec une collègue sibérienne.

Jules-Marie aurait pu être ébéniste comme son père, mais l’idée ne lui en est jamais venue. Étiqueté chercheur-anthropologue, il se rend chaque jour à l’université où, en équipe avec Ricky, il étudie, minute et classe par catégories, l’exultation des footballeurs après le goal, CDD hautement scientifique et productif censé justifier une allocation de survie de 700 € par mois. Ricky, incurable optimiste, est très satisfait du cours des choses, Jules-Marie beaucoup moins, mais il ne voit pas comment le changer.

Un jour, rentrant chez lui par l’autoroute à bord de sa vieille Ford en ruines, il tombe sur un  barrage qui l’expulse vers une route secondaire, où il s’égare au premier rond-point. « Perdu, à quelques kilomètres de chez moi, sur des routes où je circule depuis toujours. » Mais d’où les ont-ils sortis ces ronds-points ? Des ronds-points et des cubes, voilà ce qu’est devenu son pays (qu’il appelle Capannonia). Son GPS – une voix de jeune fille dans une guimbarde hors d’âge ! – n’arrête pas de lui dire de tourner en U. Malin ! Après une demi-heure d’errance, il décide de remonter sur l’autoroute et d’aller voir ce qui a provoqué le détournement. Un accident sans doute. Mais… pas de police, pas de pompiers, pas d’ambulance au bout de tout ce temps ? Il tombe sur un attroupement. L’« accident », c’est un sanglier mort. Fauché par une voiture, à des kilomètres du moindre bosquet ! Et pourquoi ne l’a-t-on pas déplacé ? Parce que tout le monde est occupé à téléphoner et à demander leur avis à des interlocuteurs lointains sans un regard pour ses voisins. Les nécrophones d’Atlas sont devenus, chez Serra, des égophones, traduction littérale d’IPhone. Chacun dans sa bulle, chacun mort au reste du monde à moins qu’il soit lointain, se livrant à des supputations insensées sur la présence du sanglier.

Jules-Marie est effaré. Lequel de ces zombies va pouvoir lui indiquer par où il doit passer pour rentrer chez lui ?  Déjà, la veille, il a dû foncer aux urgences, où Agnès avait été transportée. Occupée à téléphoner en marchant, les yeux sur son bidule ou sur ses pieds comme ils font tous, elle a traversé droit dans un cycliste. « On en a plusieurs par semaine » dit l’infirmière. « Heureusement, ce n’était pas un camion ».

Serra-Jules-Marie n’aime pas les GSM. Il n’aime pas non plus les selfies, mais on est anthropologue ou on ne l’est pas. Il a cherché à savoir d’où vient ce mot et il a trouvé : de l’argot des adolescents US pour qui un selfie est une branlette. En effet.

La trame du livre est ultra-mince. Il s’agit de vendre l’atelier de Jules car les fonds familiaux baissent, vente qui ne va pas de soi parce qu’il abrite une encombrante réserve de bois d’essences diverses dont on ne sait pas quoi faire. Au fil du temps, Squarzoni lui a appris à les reconnaître, à l’aspect et à l’odeur. « Sais-tu que tu as encore du macassar et que c’est une rareté ? » « Ah ? ». « Sais-tu que plus on s’approche de l’Équateur plus les bois deviennent sombres, et que plus on s’approche du Pôle, plus ils sont clairs ? À un bout l’ébène, à l’autre le bouleau. » « Ah ? »

Les personnages sont de petites eaux-fortes. L’agente immobilière lettonne, que Squarzoni appelle « la Russe ». Le couple de vieux-jeunes quasi clones de Jules-Marie, qui « organisent des événements » et voudraient louer pour un jour. « Je m’occupe de food » dit-il. « Nous faisons des démonstrations de cuisine naturelle » dit-elle. L’acquéreur potentiel genre Tapie du pauvre, qui dit « Pas de problème. On va bazarder tout ça », à un Jules-Marie surpris de découvrir qu’il aimerait mieux mettre le feu au hangar de son père que le vendre à ce sagouin. Et pour finir, le Chinois. Ce n’est pas qu’on soit racistes, mais un Chinois dans une voiture allemande hors de prix, qui sent l’argent traditionnel à plein nez, porte avec aisance un costume bien coupé et parle italien sans accent, c’est incongru. Pas vraiment ce à quoi on s’attend… « Tiens, vous avez encore du macassar ! », et d’expliquer que, oui, il s’y connaît en essences de bois. Le bois, c’est une tradition dans sa famille. Problème : il le lui faudrait d’une surface double, le hangar. « Il y a celui du voisin » glisse la Lettonne. « Squarzoni ne vendra pas » dit Jules-Marie. « J’irai le voir demain pour lui expliquer » promet le Chinois.

Dernière page du livre : Jules-Marie entend, dans sa tête, miauler pour la dernière fois puis s’arrêter le tour de Squarzoni. Ils ont l’un et l’autre vendu au Chinois.

Constat de la faillite d’une génération. Recherche des causes (on est anthropologue ou on ne l’est pas).

Tous, tant que nous sommes, on pourrait. Mais on ne fait pas et rien ne se passera. Il n’y a pas de mystères ni de causes secrètes.

Déclin de l’Occident.

Demain la Chine.

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Extrait

Le sanglier gît, sombre dans l’obscurité. Pour bien le voir, il faut s’en approcher à quelque pas. Il me semble énorme, surtout la tête, dont l’unique œil visible, minuscule et grand ouvert, reflète la lumière des lampes-torche comme une étincelle inexplicable dans tout ce noir. Sur la croupe, le poil hérissé laisse deviner la force de l’impact, mais l’ensemble est incroyablement composé. Il n’y a pas de sang. Les pattes sont étendues et droites. La voiture doit l’avoir pris de plein fouet, le tuant pour ainsi dire dans sa totalité, sans le massacrer. Les défenses aussi sont intactes. Je touche les soies, elles sont dures comme de la brosse. De près, le museau est vraiment démesuré, presque aussi grand que le corps. C’est la monstrueuse disproportion entre la tête armée de défenses et le reste du corps qui donne son aspect menaçant au sanglier et surtout à sa course : la charge d’une tête énorme presque suspendue dans le vide. Une silhouette incongrue, comme celle des bêtes de la mythologie, faites de plusieurs créatures différentes : sur un corps nerveux, véloce, presque de chien, une tête lourde et pesante de porc.

Une bête d’ailleurs, quelle qu’elle soit, est étrange dans un lieu pareil, tant n’importe quelle apparition de la nature y est désormais incompréhensible.

Je demande à un homme âgé ce qui se passe. Sans même me regarder, il répond « vous le voyez bien », explication typique par ici, réfractaire à la rhétorique, à la confidence, à l’affabilité et, en somme, à toutes les sottises futilement sentimentales qui font inutilement traîner les conversations. Je me sens donc chez moi, au milieu des miens, dans un certain sens rassuré, parce que l’impolitesse, chez nous, n’est pas une manifestation d’hostilité : c’est une espèce de signe de reconnaissance entre malgracieux. Presque un lien identitaire. Tu es malpoli ? Ben, alors, tu es des nôtres. Ça signifie que tu n’as pas de temps à perdre.

Pendant un instant, grâce à ce vieux, la scène absurde d’un sanglier mort qui interrompt la circulation de la moitié d’une région me paraît plus ou moins admissible. Il suffit d’un « vous le voyez bien », au fond, pour la justifier. Il y a un sanglier mort. Tôt ou tard, quelqu’un va l’enlever, et nous serons à la maison à temps pour souper. C’est tout. Mais la sagesse à deux sous qui fut un temps la marque de notre peuple laborieux est un préambule trompeur. Parce que, aussitôt après, les autres membres de l’assistance prennent la parole et voilà qu’entre en scène, bien  plus prolixe, bien plus communicative, la nouvelle Capannonia. La nouvelle humanité qui l’habite et qui, de rond-point en rond-point, l’innerve de sa nouvelle science inquiète.

Un type plus ou moins de mon âge, les mains enfoncées dans un coupe-vent noir, dit que ce sont les militants défenseurs des animaux. « Ils lancent des sangliers de leurs camions et des sacs pleins de vipères de leurs hélicoptères. »

Sans lever les yeux de son égophone, une fille blonde et nerveuse réplique (si le verbe répliquer a un sens, s'agissant d'assertions auto-suffisantes, sourdes à ce qui les précède comme à ce qui les suit) que le sanglier a dû s’enfuir d’un laboratoire qui pratique la vivisection, ou alors d’un cirque.

Un troisième, dans la cinquantaine, ricane, sarcastique, qu’on ne nous dira de toute façon rien de clair, parce qu’« on » a bien soin de tout nous cacher.

Un quatrième homme, corpulent et d’âge indéfinissable, rendu mystérieux par un bonnet de laine enfoncé jusqu’aux sourcils, dit que les sangliers perdent le sens de l’orientation, à cause des chemtrails que lâchent les avions militaires.

Un cinquième homme parle avec concentration dans son égpophone, faisant signe aux autres, de sa main  libre, de ne pas s’approcher du sanglier et de se taire ; il leur fait comprendre qu’il est en train de se renseigner auprès de ses sources super-fiables pour savoir ce qu’il faut faire, au cas où l’animal serait contagieux.

Une dame, enfin, la mise en plis toute fraîche et paradoxalement joyeuse, continue à demander ou peut-être à se demander à mi-voix « mais c’est quoi comme bête ? », comme si le mot sanglier n’avait pas résonné à tous les échos depuis un bon bout de temps, comme si le seul élément d’accord conciliant entre les présents n’était pas justement que cette bête est un sanglier, était un sanglier avant de mourir et reste un sanglier maintenant qu’il gît, énorme et sombre, à nos pieds. Il est évident qu’à cette dame, échappe complètement jusqu’au fil ténu de la conversation (si on peut dire), cette dame représente la forme la plus aboutie de l’autisme sublime qui annule, alentour, presque tout lien entre le monde matériel et sa perception, entre la réalité des choses et l’expérience des personnes. Le « mais c’est quoi comme bête ? » de la dame se situe à l’extrême opposé du sec « vous le voyez bien » que j’ai entendu prononcer, il n’y a qu’un  moment, par le premier orateur de la soirée. C’en est le démenti définitif, l’antithèse parfaite. Non, elle ne le voit pas que c’est un sanglier, même si on lui mettait sous le nez une pancarte avec SANGLIER écrit en majuscules, même si le sanglier en personne, se réveillant pour l’occasion, lui disait « Madame, croyez-moi, je suis un sanglier ».

Du fait que presque tous ont une oreillette et qu’en parlant, ils gardent les yeux soit sur leur égophone soit sur le sanglier, rarement sur le visage des autres, il est difficile de dire, de la moindre phrase, si elle s’adresse aux présents ou à quelque interlocuteur lointain. C’est comme si la totalité des mots jetés au vent l’était en direction du premier auditeur disponible pour la recevoir, que ce soit la soeur restée à la maison ou le type en chair et en os qui se trouve à cinq mètres. Est-ce parce que nous sommes agglutinés en rond, mais il me vient l’idée que la dizaine fortuite que nous formons est aussi une espèce de rond-point fait de chair et d’os, avec nos hypothèses diverses sur la présence du sanglier en guise de sorties, aucune vraiment bien indiquée et toutes sûres de nous fourvoyer. Les mots aussi sont devenus désorientants, ici, en Capannonie, comme tout le reste.

Il ne manque plus que la thèse du suicide du sanglier. Soit à cause d’un chagrin d’amour. Soit pour protester contre la nouvelle législation sur la chasse. Mais si notre groupe devait rester ici encore un peu, quelqu’un le suggérerait sûrement. De même que les autres hypothèses hasardées jusqu’à présent, il n’importerait pas que celle-ci soit juste ou même vraisemblble, parce que la fonction de ces paroles n’est pas de trouver une explication rationnelle à l’événement, autrement dit la présence du sanglier dans cette plaine, à on ne sait combien de kilomètres de la moindre broussaille. La fonction de ces paroles est de se montrer à la hauteur des circonstances, pas surpris, pas impréparés, mais informés, valeureux membres du cercle des «à moi, on ne me la fait pas ».

Je ne pourrais pas dire quand elle a commencé au juste, par ici, cette affaire du « à moi, on ne me la fait pas ». Elle courait peut-être déjà clandestinement, comme une bactérie latente, enkystée dans les sujets les plus suspicieux, les plus sensibles, pour s’insinuer ensuite dans tous les autres. Quoi qu’il en soit, tout à coup, comme par contagion, presque tout le monde a commencé à se sentir quelqu’un à qui on ne la fait pas et à découvrir des vérités occultes et des trames sordides, des choses que quelqu’un d’autre avait jusque là tenues cachée pour en retirer lucre et pouvoir.

Le problème est que le dévoilement de la trame en question émerge rarement du baragouin diffus, chose qui permettrait au moins à beaucoup, sinon à tous, de faire alliance contre le Mal, non, c’est une prolifération de trames, presque jamais compatibles, un grouillement de révélations, toutes plus mystérieuses et fastes l’une que l’autre ; en tapotant sur son égophone, n’importe qui est capable d’en faire sortir une vérité plus grave et plus insidieuse que celle que vient de découvrir le voisin.

C’est comme si tout le monde scrutait toujours au fond de son propre puits, tout le monde aux prises avec ses ténèbres intérieures, ses rumeurs suintantes personnelles émergeant des profondeurs, ses effluves caverneux. Imaginez-vous une plaine, grande comme l’est celle-ci, avec des millions de puits, et à chaque puits, une seule bonne femme ou un seul bonhomme qui regarde au fond, en marmonnant et en jurant. S’il ou elle relève la tête, c’est seulement pour annoncer aux autre que, dans son puits, on voit des choses que les autres ne s’imaginent même pas, et pour leur reprocher de ne pas être capables de les voir.

Preuve : dans cette assemblée improvisée autour de la bête morte et en dépit du fait que les différentes lectures de l’événement soient incompatibles (entre elles et avec l’évidence des choses), personne ne se dispute, personne ne discute même vraiment. Ainsi, ni le garçon qui accuse les militants de la défense animale ni la fille qui accuse un cirque, n’ont même considéré que leurs paroles, si approximativement que ce soit, auraient pu, mises ensemble, donner lieu à une discussion. Personne ne parle véritablement à personne et personne ne répond à personne.

Je remarque, mais seulement au bout d’un moment, un gamin silencieux. Quinze ou seize ans, vêtu d’une combinaison de mécanicien tachée de graisse. Grand, maigre, brun, les yeux très noirs fixés sur le sanglier, qui émettent le même lueur de torche électrique réfléchie. Il est juste à côté de moi et je lui demande à voix basse pourquoi il ne dit rien. Il me répond timidement : parce que je ne sais pas quoi dire. C’est à lui que je demande s’il connaît une autre route pour rentrer chez moi. Il me dit que oui et il me l’explique.

(pp. 34 – 39)

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Né à Rome en 1954, Michele Serra Errante, qui vit à Milan, est un écrivain, journaliste, scénariste de télévision et humoriste italien. Athée. Membre du PCI de 1974 à 1991, il a collaboré pendant de nombreuses années à l’Unità. S’étant inscrit en 1990, alors qu’il était encore membre du PCI, au Partito Radicale, aux Antiprohibitionnistes et aux Verts arc-en-ciel, alors que le PCI interdit à ses membres d’appartenir à d’autres formations, il en sort très vite, déçu, et redevient proche de la gauche communiste classique. C’est en 1990 aussi qu’il écrit, avec Beppe Grillo, le spectacle « Bonnes nouvelles » qui marquera les débuts du comique gênois.

En 1996, il entre au quotidien La Republicca, auquel il collabore toujours, ainsi qu’à l’Europeo, magazine appartenant au même groupe, jusqu’à sa disparition en 2013.

En 2000, lorsque l’Unità cesse de paraître, Serra écrit (dans les colonnes de La Repubblica) : « […] la mort de l’Unita pourrait rester dans les annales comme un exemple de crime parfait. Car crime il y a, et c’est la gauche dans son ensemble, du premier dirigeant au dernier des lecteurs, qui l’a commis en renonçant progressivement au fil des ans à croire en un journal qui fut intensément le sien et en cessant de l’acheter. » (« Il delitto perfetto », La Repubblica, 28 luglio 2000, pag.1)

Michele Serra a été candidat du PCI aux élections européennes de 1989, mais n’a pas été élu.

Ses activités tant politiques qu’artistiques, littéraires ou journalistiques sont si nombreuses qu’il est impossible de les résumer ici. Il n’a malheureusement pas de fiche Wikipedia en français, donc ni biographie ni bibliographie. Voir celles en italien ou en anglais.

 

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Carlo Lucarelli

PPP

Pasolini, un segreto italiano

 

« Je sais. Mais je n’ai pas de preuve. Ni même d’indice. Je crois qu’il est impossible que mon « projet de roman » soit faux, qu’il n’ait pas de rapport avec la réalité et que ses références à des faits et à des personnes réels soient inexactes. Je crois, d’autre part, que de nombreux intellectuels et romanciers savent ce que je sais en ma qualité d’intellectuel et de romancier ; parce que la reconstitution de la vérité sur ce qui s’est passé en Italie après 1968 n’est après tout pas si difficile à effectuer. »

PIER PAOLO PASOLINI

C’est cette phrase qui a coûté la vie à Pasolini, alors qu’il terminait son « roman en projet » : Petrolio.

« En Italie, quand on ne sait pas quoi écrire, on fait un livre sur Pasolini », dit Carlo Lucarelli, auteur bien connu de romans policiers qui, lui, sait généralement quoi écrire. Et vous pouvez me croire, PPP – Pasolini, un segreto italiano  n’est pas juste un autre livre sur Pasolini.

Par sa forme, déjà : écrit comme un journal, à la première personne et comme au jour le jour mais sans dates, il pourrait s’appeler « Pasolini et moi », et même si ce n’est ni un polar ni un livre d’histoire, il relève quand même des deux genres. Or l’histoire, ici, est celle, obscure et violente des années de plomb, des attentats terroristes où l’Islam n’entrait pour rien mais si semblables à ceux d’aujourd’hui, des meurtres en masses et en détail jamais expliqués, des jambisés, des magistrats exécutés, des ministres enlevés dont on retrouvait le cadavre en plein midi dans un coffre de voiture et des banquiers découverts pendus à un pont de Londres. Cadavres exquis…

 

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Carlo LUCARELLI

PPP – Pasolini, un segreto italiano

Rizzoli  - Octobre 2015

219 pages

 

 

 

Le livre commence en 1973. L’auteur a 13 ans. Couché à plat ventre et le menton dans les mains, il dévore de vieux magazines qu’il a trouvés dans le grenier où les rangent des parents qui ne jettent jamais rien. Au mileu d’un fouillis d’images (qui m’ont rappelé personnellement tant de choses), il tombe sur des phrases impénétrables, rageuses, attirantes : des phrases de Pasolini.

Le temps passe et, sans qu’il s’en rende bien compte, se dépose en lui et décante quelque chose de profond qui n’est pas seulement la passion des mots mais l’instinct d’un métier : « Suivre ce qui se passe, imaginer ce qu’on ne sait pas ou qui est tu, assembler des fragments épars, rétablir la logique là où régnaient l’arbitraire, la folie et le mystère ». Le Pasolini qui nous parle dans les pages de ce livre n’est pas le poète ni l’érudit, c’est celui de l’histoire civile, celui qui a dit qu’il savait et qui a été assassiné.

L’auteur, comme une espèce de Maigret humant l’air, tourne autour de ce Pasolini intellectuel, pris au filet de tant de haines. Il s’en imbibe. Et, petit à petit, à coups d’impressions intimes, d’analyses politiques et de reconstitutions historiques, il en arrive à cette nuit de septembre 1975 où fut consommé un crime politique.

 

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Un delitto italiano

Carlo Lucarelli, homme aux multiples talents, a animé pendant quelque temps une émission de télévision qui s’intitulait « Mystères italiens ». Jusqu’à ce qu’un confrère lui fasse remarquer qu’il n’y a pas de mystères en Italie, seulement des secrets. D’abord surpris, il a reconnu que c’était vrai, d’où son abandon  définitif du mot « mystères » et le sous-titre de son livre « Pasolini, un segreto italiano ».

Car, en effet, quand toutes les pièces du puzzle sont tombées en place, c’est-à-dire une fois la version officielle mise en lambeaux et les faits remis en ordre, la mort de Pasolini a cessé d’être un mystère. 

Lucarelli raconte l’exécution d’Ostie comme Lippert celle de Lubumbashi : dans ses détails les plus insoutenables. Et on ne peut s’empêcher d’être frappé par l’identité des deux mises à mort. Le parallèle est absolu. « Secret italien » dans un cas, « secret belge » dans l’autre. Identique aussi l’acharnement post mortem sur ces deux empêcheurs de dominer en rond : « sinistre guignol », « pédé racoleur ».

Ordonnateurs ? Chhuuut !...  

Ce qui différencie aussi le livre de Lucarelli des autres est sa conclusion brève et sombre : Pasolini est mort pour avoir dit « Je sais ». Maintenant, tout le monde sait. Et quoi ? Et rien. Tout le monde s’est habitué. Tout le monde a accepté.

Baudelaire ne l’avait-il pas dit ? « Sans horreur ».                     

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Au moment où il fut attiré dans un piège et sauvagement supplicié, Pasolini mettait la dernière main à son œuvre ultime, un roman intitulé Petrolio.

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Pier Paolo PASOLINI

Petrolio

Mondadori 2005

656 pages

 

 

 Ce roman inachevé a paru, en fac similé, chez Mondadori, en 2005. Et quelqu’un a fait remarquer que l’éditeur avait supprimé – donc censuré – certaines des notes griffonnées par Pasolini, dans les marges de son tapuscrit.

 

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Trois victimes italiennes des « Sept sœurs »

 

N.B.  Wikipédia a des effarouchements que pourraient lui envier les rosières. Ainsi, son « Cartel des sept sœurs » est-il pudiquement devenu « Géopolitique du pétrole ». N’est-ce pas mieux ainsi ?

 

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Carlo Lucarelli, né à Parme en 1960, est un écrivain, scénariste, journaliste et animateur de télévision italien. Il est, avec son commissaire De Luca et son inspecteur Coliandro (entre autres !) une des têtes de file du roman policier italien, ses plus connus en français étant Nikita jolies jambes, Phalange armée et Le jour du loup, ou encore le policier historique La huitième vibration.

Il est aussi l’auteur d’un roman policier écrit à quatre mains avec le justement célèbre Andrea Camilleri : Acqua in bocca (« L’eau à la bouche », paru en français sous le titre Meurtre aux poissons rouges), et d’un livre d’histoire co-écrit avec le même Camilleri et Giancarlo De Cataldo : Giudici (En français Les juges. Trois histoires italiennes).

Il est le fondateur de Gruppo 13, une association d’écrivains de romans policiers d’Émilie Romagne et, sur Internet, de la revue Incubatoio 16 (« Incubateur 16 »). Il enseigne l’écriture créative à l’école Holden de Turin et à la prison Due Palazzi de Padoue. Il vit près de Bologne, dont il a fait un des personnages principaux de ses livres.

Sa bibliographie en français, sur Wikipedia, est incomplète.

 

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Matthieu Dhennin

Croatie, Bosnie-Herzégovine, Serbie mises en scène

 

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Matthieu DHENNIN

Croatie, Bosnie-Herzégovine, Serbie

mises en scènes

Espaces & Signes – mai 2016

96 pages

 

 

Matthieu Dhennin vient de faire paraître l’avis qui suit sur son site http://www.kustu.com/. On ne l’a donc pas encore lu non plus, c’est tout chaud.

 

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« Pour patienter avant la sortie de L’Amour et la paix sur lequel Emir Kusturica continue de travailler, je vous propose un peu de lecture : il s’agit de mon dernier livre, paru chez Espaces & Signes, dans la collection Ciné-Voyage : Croatie, Bosnie-Herzégovine, Serbie mises en scènes. Cette collection propose d’aller à la découverte des lieux du cinéma, sous forme de parcours-guides dans les Balkans, avec pour fil rouge le cinéma – comme reflet de la vie d’un quartier, d’une ville, d’une région, d’un pays, mais aussi comme témoin de leur passé. Tout en couleur, le livre évoque aussi bien les westerns tournés en Croatie, les films de Partisans tournés en Bosnie, qu’un zoom sur les films d’Emir Kusturica. Sorti la semaine dernière, il peut d’ores et déjà être commandé sur amazon.fr. Pour les Parisiens, je serai les 26 et 27 mai au salon du Livre des Balkans et en dédicace à l’Ecume des Pages jeudi 2 juin à 19h ! »

 

Présentation de l’éditeur

L’âme slave, le souffle de l’Orient, l’humour balkanique, la musique tzigane ont, entre autres richesses, contribué à donner au cinéma de ces trois pays issus de l’ex-Yougoslavie une diversité et une densité inimitables. Aleksandar Petrović (J’ai même rencontré des Tziganes heureux), Danis Tanović (No Man’s Land) et, bien sûr, Emir Kusturica, deux fois Palme d’or au Festival de Cannes, en sont les meilleurs exemples. La Croatie, la Bosnie-Herzégovine et la Serbie ont également attiré de nombreux réalisateurs venus du monde entier : Orson Welles, Terence Young, Jackie Chan, Jean-Luc Godard, Volker Schlöndorff, etc. Partir sur les traces de ces cinéastes : c’est ce que propose ce nouveau livre de la collection Ciné-Voyage, enrichi de nombreuses cartes et de plusieurs index.

Biographie de l’auteur

Matthieu Dhennin est l’auteur du Lexique subjectif d’Emir Kusturica paru aux éditions L’Âge d’Homme et de romans historiques.

Source : http ://www.kustu.com/fr :croatie_bosnie-herzeg...

 

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Un autre qui écrit sur le cinéma :

Quand Serge Uleski rhabille Yvan Attal pour l’hiver

L’antisémitisme, concept mis à la portée d’un acteur-réalisateur : Yvan Attal

Serge Uleski – Sur son blog 1er juin 2016

 

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                Avec « Ils sont partout », l’acteur-réalisateur de cinéma Yvan Attal se propose de dénoncer les « clichés » censés être antisémites.

                 A la suite de ce film à sketchs, après avoir entendu son réalisateur chez Ruquier (ONPC), comment ne pas se consoler en pensant que la seule justification pour un acteur-réalisateur comme Yvan Attal de s’attaquer à un sujet tel que l’antisémitisme, c’est le fait qu’il est juif ! Ce qui, soit dit en passant, ne fait pas de lui un intellectuel, ni un philosophe ni un scientifique ni un artiste...

Mais... au fait, autre cliché antisémite l'idée que tous les Juifs seraient brillants ? Oui ? Non ?

                 La réponse est dans ce film sans auteur, sans écriture digne de ce nom (alors que dans ce type de projet... tout est dans l'écriture et la mise en scène) comme la preuve dans le pudding mais c’est contraints et forcés qu’on le mange, et sans l’ombre d’une évidence.

Lire la suite…

Source : http://litteratureetecriture.20minutes-blogs.fr/archive/2...

 

 

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Mis en ligne le 6 juin 2016

 

 

 

 

18:58 Écrit par Theroigne dans Actualité, Général, Loisirs, Musique, Web | Lien permanent | Commentaires (1) |  Facebook |

Commentaires

Au nom de notre association, je remercie très chaleureusement, et à titre personnel affectueusement, la directrice des Grosses orchades, de nous avoir mentionné en tant que jeune association engagée jusqu'au cou dans le développement de la notoriété d'Henri Guillemin (qui manque cruellement aujourd'hui, soit dit en passant), dans le dernier post relatif à Guillemin et Simenon. Nous relayons régulièrement l'existence du site Les grosses orchades auprès de nos adhérents et abonnés (la dernière fois, notre message, doté d'un commentaire personnel, fut adressé à l'historienne Annie Lacroix-Riz, car vous aviez publié un texte au sujet de son dernier livre.....Annie vous remercie) et serions comblés (cela nous aiderait, à coup sûr)d'être mentionnés sur votre site, en tant que site ami....enfin c'est vous qui voyez.

Par ailleurs, votre dernier post est des plus intéressant. S'agissant de Pasolini, je viens de trouver (enfin), suite à une longue recherche, son ultime roman "petrole" en français, mais à un prix d'or. Il conviendrait (c'est une suggestion), de citer le film d'Abel Ferrara "Pasolini", consacré aux dernières heures du poète avant son abominable assassinat : un film bien sûr controversé, mais QUI, aujourd'hui aurait le courage d'affronter les requins de la production financière des films, pour réaliser un tels film, sur un homme aussi dangereux au système qui nous gouverne ? Eh bien, Abel Ferrara, mi américain, mi italien, ayant rejeté sa patrie, vivant hors USA, l'a fait. Et, au delà des qualités intrinsèques du film, discutables, il l'a fait. Point. D'ailleurs, me vient en mémoire, l'extrêmement émouvante et très longue séquence sur le lieu du crime et la tombe de Pasolini, réalisée par Nanni Morreti, dans son film "journal intime" (en italien "Caro Diaro").
C'est un hymne au poète d'une intensité rare,sur fond musical d'un extrait des Köln concerts de Keith Jarrett, par ailleurs, un must musical.

Bien à vous, on vous suit fidèlement

Le président de LAHG (Les Amis d'Henri Guillemin)

Écrit par : les amies d'Henri Guillemin | 07/06/2016

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