20/05/2014

L'UKRAINE AU BORD DU TROU

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L’Ukraine au bord du trou

par Israël Adam SHAMIR

 

Il y a six mois*, le tout dernier jour de mai, je me trouvais dans une très vieille, minuscule et tranquille ville ukrainienne, son antique église Notre-Dame de l’Intercession dominant d’un promontoire une rivière paresseuse, lorsque je fus subjugué par l’apparition d’une troupe de fraîches jeunes filles de seize ans venues fêter, dans ce parc, la fin de leurs études secondaires. Sous un  ciel bleu et chaud, des bandeaux blancs et des guirlandes de fleurs dans leurs cheveux dorés, leurs tabliers de cérémonie sur des jupes impitoyablement courtes laissant voir leurs genoux par-dessus des chaussettes blanches, l’éclair de leurs bras blancs jaillissant de leurs corsages foncés sans manches, elles éclataient de joie et leurs yeux bleus brillaient à l’ombre des peupliers noirs. L’ami grec qui m’accompagnait se tut soudain, pensif, puis me dit d’une voix sourde : « les jeunes Ukrainiennes sont vraiment les plus belles filles qui soient, nous n’avons rien de semblable dans les autres parties du monde.

Cette image m’est revenue à l’esprit, tandis que des images totalement différentes – celles de la révolution orange - se déversaient des écrans de télévision, et que la désintégration de l’Ukraine devenait une question de semaines, peut-être de jours. Ce pays, dans ses frontières actuelles, n’a commencé à exister comme tel que très récemment, en 1991 ; maintenant, il y a de fortes chances pour que l’Ukraine éclate en deux, déchirée entre l’Est et l’Ouest, avec ou sans une guerre civile à la clé. L’exploit de Staline, qui avait réussi à ramener l’Ukraine occidentale dans le bercail orthodoxe, après une longue captivité sous le joug occidental, vient d’être anéanti. Il est possible que la frontière entre les deux parties avance vers l’est, là où elle se trouvait au début du XVIIe siècle. Géopolitiquement, après le démembrement de la Yougoslavie, c’est une catastrophe majeure pour les Russes et pour l’Orthodoxie orientale. Les forces occidentales vont progresser vers l’Est et menaceront la Russie depuis les positions dont elles avaient été évincées par la longue série des guerres qui avait débuté avec la guerre livonienne d’Ivan IV et s’était conclue par le partage de la Pologne au XVIIIe siècle. En géopolitique, l’idéologie joue un rôle subalterne dans les confrontations à long terme et les échanges entre civilisations. Le christianisme orthodoxe, l’Occident et l’Islam sont trois grandes constantes ; de ce point de vue, l’Orthodoxie avait perdu et l’Occident gagné, dans le jeu multiséculaire. Aujourd’hui, le grand gagnant est l’empire US qui a réalisé ses plus folles pollutions nocturnes telles que les avait rêvées et exprimées Brzezinski, détacher l’Ukraine de la Russie, car la Russie ne peut être une super-puissance sans l’Ukraine.

Ainsi, en Ukraine, les États-Unis viennent d’obtenir la victoire qui leur a échappé en Irak. Néanmoins, l’identification des USA à l’Occident est loin d’être parfaite. Carl Schmitt préférait voir l’Angleterre et les États-Unis comme une force « atlantique » de la mer, opposée aux forces continentales de l’Europe de l’Ouest, à la Russie et au monde islmaique. À mon avis, la force « atlantique » a des racines aussi religieuses que les trois autres ; je l’ai appelée « civilisation néo-judaïque ». L’Ukraine, avec d’autres états d’Europe de l’Est, représentera un avant-poste néo-judaïque américain qu’on appellera Nouvelle Europe, à l’est de l’Europe indépendante et à l’ouest de la Russie. Pendant la Guerre Froide, l’Europe occidentale s’est tenue en réserve des États-Unis, mais la Nouvelle Europe fixera pour toujours l’Europe occidentale dans le cercle des assiégeants. C’est pourquoi la victoire des USA en Ukraine est une cause d’inquiétude grave, tant pour les Européens que pour les Russes et pour le monde islamique.

Pour le peuple ukrainien, l’avenir est sombre. Le candidat pro-américain à la présidence, Viktor Iouchtchenko, est un inconditionnel de l’économie libérale, un partisan de la privatisation totale et de la vente forcée des avoirs publics ukrainiens à des compagnies US, en échange de leurs dollars bientôt sans valeur. Dans la partie de l’Ukraine qu’il réussira à garder (s’il y arrive), une nouvelle colonie américaine s’établira, d’où les troupes US pourront menacer Moscou et contrôler la profitable route du pétrole. Ils (les Ukrainiens, NdT) pourraient apprendre quel sera leur sort, dans un livre étonnant de John Perkins, qui se présente lui-même comme « un tueur à gages économique »… un professionnel du renseignement US qui a escroqué, à des tas de pays du globe, des milliers de milliards de dollars. Dans une interview, Perkins a décrit en quoi consistait son travail :

 « Notre job, c’est de construire un empire américain. De créer des situations où autant de ressources que possible se déversent dans le pays [les USA], vers nos grandes sociétés et notre gouvernement, et, de fait, nous y avons très bien réussi. Nous avons bâti le plus grand empire de l’histoire du monde. Cet empire, contrairement à tous les autres empires de l’histoire, a été bâti principalement par la manipulation économique, par la tricherie et par la fraude : en persuadant les gens d’adopter notre genre de vie. Nous faisons contracter à des pays des dettes qu’ils ne pourront jamais rembourser, dont la plupart reviennent aux États-Unis. Les pays ne voient jamais diminuer leur dette, alors que les intérêts qu’ils ont à payer ne cessent de s’accroître, et ils deviennent ainsi, concrètement, nos domestiques, nos esclaves. »

Le soutien que l’Amérique apporte à Iouchtchenko  signifie que Iouchtchenko s’est engagé à faire sa volonté, à faire des Ukrainiens les esclaves de l’Amérique. Iouchtchenko est également soutenu par la Banque Mondiale et par le FMI. La « doctrine du marché » néo-libérale imposée par la Banque Mondiale a tué des millions de Russes, d’Africains et de Latino-Américains, dont les gouvernements ont suivi cette feuille de route. L’Ukraine a eu, elle aussi, sa part d’« économie de marché » et sa population est en constante décroissance. Iouchtchenko a réclamé du néo-libéralisme quand il était premier ministre. Il a promis qu’une fois président, il en réclamerait davantage.

Les forces pro-américaines d’Europe de l’Ouest, prédatrices d’hier, veulent elles aussi avoir leur part des dépouilles, comme l’écrit l’observatrice allemande Suzanne Scheidt :

« Si Iouchtchenko s’empare du gouvernement, il fera en sorte que le programme de privatisation établi par la Banque Mondiale aille jusqu’au bout. En tablant sur ce programme, les banques allemandes ont projeté d’énormes investissements en Ukraine, qui équivalent à une reprise de tous les services publics, de tous les réseaux de communication et du transport de gaz. Le géant allemand Ruhrgas AG a déjà signé un contrat avec Iouchtchenko, pour importer par le corridor ukrainien le gaz des investisseurs US en Azerbaïdjan, alors que le gouvernement ukrainien avait toujours refusé de signer un tel contrat. »

Un autre grand soutien de Iouchtchenko est le groupe d’oligarques juifs russes expulsés de Russie par Poutine. Extrêmement riches, rêvant de revanche, haïssant la Russie de Poutine, les Berezovski, Goussinski et autres ex-pétroliers de la IOUKOS ont fourni une grande part du soutien financier de la révolution orange. Ce sont eux aussi qui ont payé les experts israéliens en relations publiques (y compris Botul ? NdT) qui ont organisé le show de la place Maidan. Ils sont eux-mêmes soutenus par la puissante communauté juive d’Ukraine, derrière laquelle se tient George Soros, le magnat juif international qui n’arrête pas d’injecter de l’argent et des capacités organisationnelles dans les forces oranges de Iouchtchenko. Ces forces de l’extérieur ont pour bras armé des jeunes gens locaux, entraînés et conseillés par des experts qui ont déjà organisé plusieurs putsches de ce genre en Géorgie, en Serbie et en Roumanie.

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Les soutiens internes de Iouchtchenko consistent en deux groupes différents. Le plus important est celui des nationalistes de Galicie, à l’ouest de l’Ukraine. La Galicie est un beau pays, qui a ses traditions. L’amitié avec les Russes n’en fait pas partie. Pendant des siècles, la Galicie a appartenu à la Pologne et à l’Empire austro-hongrois ; la religion des Galiciens est le christianisme Uniate ; leur langue est à mi-chemin entre le polonais et l’ukrainien de Kiev. La Galicie a une forte tendance au nationalisme ; pendant la IIe Guerre Mondiale, elle a fourni une division SS qui s’est battue du côté allemand, la Galitchina. Aujourd’hui, les Galiciens forment la base principale de groupes à svastikas tels que Svoboda (qui a succédé au Parti National-Socialiste Ukrainien) et l’UNA-UNSO, qui se réclame de Bandera, le nationaliste ukrainien qui fut un très actif partisan d’Hitler. Aujourd’hui, ces deux formations se sont unies pour soutenir Ioutchenko.

Quoique violemment judéophobes, ils ne voient pas d’objection à ce que Ioutchenko soit soutenu par des oligarques juifs. D’ailleurs, Soros les a eux-mêmes financés. Et voilà pour l’anti-sémitisme ! Les juifs se souviennent de le mentionner quand cela les arrange. À mon avis, le « nationalisme » joue la plupart du temps le rôle du fromage dans la souricière. Bandera-le-nationaliste a soutenu Hitler, mais Hitler ne s’est jamais soucié d’établir un état ukrainien fort ; il s’est juste servi des nationalistes ukrainiens pour saper la Russie. La même chose s’est produite partout : les nationalistes bretons ont soutenu Hitler, croyant qu’il les aiderait à établir une Bretagne indépendante. Ils ont été déçus, car Hitler a trouvé qu’ils ne lui servaient plus à rien, du moment qu’il occupait la France. Les nationalistes arabes ont sapé l’Empire ottoman au service de l’Occident, juste pour se retrouver au bout du compte vendu aux Sionistes. Et voilà que les nationalistes ukrainiens refont la même erreur : ils soutiennent les USA, mais ils seront, eux aussi, frustrés de leurs espoirs, parce que les USA n’ont aucun besoin d’une Ukraine forte.

Un autre groupe qui soutient Ioutchenko est celui des libéraux relativement riches et pro-occidentaux. Beaucoup de ceux-là, surtout à Kiev, la capitale, ont lié leur sort à l’Ouest. Il y a des douzaines de très riches banquiers et hommes d’affaires, des milliers travaillent pour les ONG, reçoivent des subventions de Soros ou du Conseil de l’Europe, auxquels on peut ajouter les petits importateurs et les prostituées haut de gamme ; il y a les dizaines de milliers de jeunes ambitieux et d’étudiants qui espèrent « arriver » dans la société de compétition capitaliste. Nous savons qu’ils seront déçus, comme l’ont été tant d’autres dans tant de pays : les Occidentaux ne vont pas attendre que des milliers d’Ukrainiens éduqués viennent prendre leur place en haut de l’échelle. Mais en Ukraine comme en Russie, ils sont des millions à croire encore au rêve américain et les Américains dépensent beaucoup d’argent pour entretenir cette illusion.

L’avenir de l’Ukraine est sombre : les belles jeunes filles que j’ai vues si heureuses sur les rives du Dniepr seront embarquées vers les bordels de Tel Aviv et d’Istanbul ; leurs petits amis iront se battre pour l’Amérique en Irak et ailleurs, leurs mines de charbon seront privatisées, vendues pour des clopinettes et fermées. L’Ukraine peut être libre en s’unissant à la Russie ou esclave en se soumettant à l’Ouest et aux Juifs. Quel que soit le résultat des élections – et il sera controversé – l’Ukraine orientale rejoindra probablement la Russie, l’Ukraine occidentale sera reprise par la Pologne ou restera une sorte d’état-croupion indépendant. Il y a encore une chance pour que se répète la victoire de Chavez ou le miracle de Minsk, lorsque Lukachenko a réussi à battre les agents de Soros et de Berezovsky, car ils ne sont pas invincibles, mais hélas Ianoukovitch n’est pas un homme d’acier ; Poutine n’est pas un politicien audacieux et le monde slave orthodoxe se sent perdu. C’est peut-être pour cela que des dizaines de milliers de Russes sont allés spontanément, ce 21 décembre, se recueillir sur la tombe de Joseph Staline, pour le 125e anniversaire du grand homme qui a restauré les fortunes de la Russie, vaincu les attaques occidentales et uni l’Ukraine.

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Traduction C.L. pour Les Grosses Orchades

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*Cet article date de fin décembre 2013. L’auteur avait oublié (!!!) de le mettre en ligne sur son propre site. Il vient de réparer cet oubli. Son analyse « de l’intérieur » n’étant pas, à notre avis, obsolète, nous l’avons traduite à votre intention.

 

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Pour les anglophones…

Confessions of an Economic Hit Man : How the U.S. Uses Globalization to Cheat Poor Countries Out of Trillions

Interview de John Perkins par Amy Goodman, de Democracy Now !

 

 

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Renseignement intérieur

Le massacre d’Odessa organisé au sommet de l’État ukrainien

La presse atlantiste persiste à présenter les crimes commis le 2 mai à Odessa comme le résultat d’un incendie accidentel alors que les photos et vidéos disponibles ne laissent aucun doute : les victimes ont été torturées, puis exécutées, avant d’être brûlées. Nous publions des informations de première main sur cette opération planifiée sous l’autorité directe et personnelle du président putschiste Olexander Turchinov et de l’oligarque israélien Ihor Kolomoïsky.

Réseau Voltaire| 16 mai 2014

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Le président putschiste Olexander Turchinov a présidé la réunion de planification du massacre d’Odessa.

Les révélations présentées ci-après proviennent d’un informateur de l’un des services de répression de l’appareil d’État ukrainien. Pour des raisons évidentes, il a requis l’anonymat. Il y a assurément des agents de l’administration de Kiev qui condamnent les violences qui ont été perpétrées, le 2 mai 2014, à Odessa et à travers tout le pays [1].

Après la perte de la Crimée et le soulèvement populaire de Marioupol, Odessa est devenue l’unique accès à la mer de l’État ukrainien, ce qui en fait la seconde ville la plus importante du pays, après Kiev.

Lire la suite…

Source : http://www.voltairenet.org/article183825.html

 

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Ukraine : Ihor Kolomoïsky propose 1 million de dollars pour assassiner Oleg Tsarev

Réseau Voltaire| 16 mai 2014

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L’oligarque israélo-ukrainien résidant en Suisse, Ihor Kolomoïsky, a informé par téléphone le leader des fédéralistes du Sud-Est, Oleg Tsarev, que la communauté juive ukrainienne verserait une prime d’1 million de dollars à qui l’assassinerait. Il l’a sommé de fuir immédiatement le pays [1].

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Source : http://www.voltairenet.org/article183826.html

 

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Mis en ligne le  20 mai 2014

 

23:49 Écrit par Theroigne dans Actualité, Général, Loisirs, Web | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

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