28/03/2010

Droits de la Phâme... Journée des femmes... etc.

 

 
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Droits de la Phâme.... Journée des femmes... etc.

 
Catherine m’a dit : Rends-toi utile, c’est la journée des femmes.

- Moi je veux bien, mais sur mon calendrier à fleurs de Femmes d’aujourd’hui, il n’y a pas « Journée des femmes », il y a « Journée des Nations-Unies pour les droits de la femme et la paix internationale ». Ça  ne fait déjà qu’un tiers de journée pour nous autres. Et si tu comptes sur les Nations-Unies pour  aménager ton Paradis sur terre....

- Fais pas ch.. Pardon

- Écoute, je veux bien m’y coller, mais à mes conditions : : 1)  je laisse tomber le Machin, 2) je parle de qui je veux, et, 3) pour la paix, on  verra plus tard. Dans l’immédiat, je réclame l’égalité, la liberté et la fraternité. Ça te va ?

- Sororité, au moins...

- Ah, non ! Ça fait jargon... comme non-voyant... mal-entendant... Beurk ! Et d’abord, la Mère des Dieux, elle n’était pas bisexe ?

- Si.

- Ben, alors ? Allons-y Folleville !

 

Journée de la femme - Lublin Pologne 1954

Quelques femmes d'hier, d'aujourd'hui, et même une d'avant-hier.

Galerie perso.

On est le 8 mars. (faites un effort).

*  

 

Je ne parlerai pas de la déesse sumérienne de l’écriture Nidaba, qui prouve quoi sinon que ce sont les gonzesses qui l’ont inventée ?

Je ne dirai rien des « débris de l’armée des Amazones » en Ardenne, « qui y ont peut-être fait souche ». Ça, c’est la marotte de Catherine. (« Tu trouves ça normal, toi, Jeanne d’Arc, Théroigne, Saint-Just et Rimbaud nés dans un mouichoir de poche ? ») Pas envie de finir aux Petites Maisons.

Je ne parlerai pas davantage de la Fête des femmes dans l’Antiquité grecque, qui était une fête de la déesse-grain-de-blé Koré et de sa mère Déméter, car cela nous entraînerait moins loin que Sumer mais trop loin quand même. Elle ne tombait d’ailleurs pas le 8 mars, leur fête, mais le 12 du moici
s scirophorion (± début juin). Elle consistait principalement à jeter des porcelets vivants dans une cavité terrestre, anfractuosité, caverne ou autre et à les y laisser mourir et pourrir. Quand le temps était venu pour Koré de descendre chez son infernal époux et d’y devenir Perséphone, déesse-truie de la mort (temps des semailles), on récupérait les restes des petits cochons et on les mélangeait aux graines-Koré. C’était un rite de fertilité. Le culte de Déméter et Koré ainsi que la fête de leurs filles terrestres était donc intéressé.

Pour ce qui est de la « fête » ou « journée » qu’on célèbre aujourd’hui, commençons par rendre à Vladimir Ilyich ce qui appartient à Lénine : c’est lui qui a choisi cette date du 8 mars. En 1921. En souvenir des ouvrières de Saint-Petersbourg, qui avaient fait ce jour-là, en 1917, une grande manifestation pacifique – la manie des femme, les manifestations pacifiques ! – pour réclamer du pain, le retour des hommes du front, c’est-à-dire l’arrêt de la guerre, et la république en paquet-cadeau. Comme elles n’avaient pas obtenu ce qu’elles voulaient, elles s’étaient mises en grève et de fil en aiguille... le 8 mars 1917 est le premier jour de la Révolution Russe. Comme la manif des femmes à Versailles, déjà pour du pain, en juillet 1789 ? Tout juste.

Mais ce n’est pas Lénine qui avait eu l’idée de départ, c’était Clara Zetkin.

Clara jeune.jpgClara Zetkin (1857-1933) s’appelait en réalité Clara Eissner, et elle n’était    pas russe, elle était allemande. Marxiste, ça oui, elle l’était, institutrice (déjà fille d’instituteur), journaliste et femme politique.

C’est en 1878 qu’elle avait rompu avec sa famille pour se lancer dans la carrière. Chez les socialistes. Mais le chancelier Bismarck avait frappé son parti d’interdiction et elle avait dû prendre le chemin de l’exil – c’est fou ce qu’il y a eu d’exilés politiques en Suisse à la fin du XIXe siècle ;  en Belgique aussi d’ailleurs –. Bref, elle y avait rencontré Ossip Zetkin, qui, lui, était russe, et il était devenu son compagnon. Elle ne l’avait pas épousé mais avait pris son nom, et ils avaient eu, ensemble, deux enfants. À la mort de Zetkin, elle avait rencontré le peintre Friedrich Zundel et l’avait épousé, mais sans porter son nom. Zetkin elle était restée.

On peut dire que sa carrière est jalonnée d’un grand nombre d’actions très importantes, pas seulement pour le sort des femmes mais pour le sort de toutes les classes dominées. Ainsi, elle a participé, à Paris, à la fondation de la IIe Internationale ; elle a fondé – toute seule – la revue des femmes socialistes allemandes, Die Gleichheit (L’Égalité), et c’est à Copenhague, le 8 mars 1910 (sept ans avant la manif des Saint-Pétersbourgeoises), qu’elle a proposé la création d’une journée internationale des femmes, qui devait être, d’après elle, une journée de luttes : il s’agissait surtout d’arracher le droit, pour les femmes, de voter comme n’importe qui. (Aujourd’hui, dans un de ses livres, M. José Saramago fait voter blanc 83 % des électeurs d'un pays, et il a, hélas, raison.).
D’une lecture ancienne, je crois avoir retenu que dans cette revue, Die Gleichheit, elle avait posé la question de la liberté sexuelle et de l’égalité entre les hommes et les femmes, à quoi s’était opposé Lénine, qui avait trouvé que pour tout cela, on verrait plus tard, que les choses sérieuses d’abord, etc. Dommage. Du coup, c’est le capitalisme qui s’est emparé du problème et (en 1968) a dicté ses solutions, dans des buts inavouables, dont un des moindres n’était pas le souci mercantile de fabriquer des consommateurs sexuels obligatoires.

Je pourrais vous détailler les nombreuses activités de Clara Zetkin et leurs résultats. Je vais juste rappeler que non seulement elle a fini par arracher le droit de vote (en Allemagne) mais qu’elle a aussi été députée au Reichstag de 1920 à 1933, c. à d. jusqu’à ce que Hitler y mette le feu. Elle y a prononcé son dernier discours, à titre de doyenne de l’Assemblée, en 1932, pour appeler les Allemands à résister au nazisme. Après cette mémorable nuit d’incendie du 27 au 28 février 1933, que croyez-vous qu’il arriva ? Les nazis suspendirent toutes les libertés et mirent les partis progressistes hors la loi. Comme après le 11 septembre ? Évidemment oui, c’est une stratégie vieille comme l’usage de la démocratie contre elle-même. Clara dut reprendre le chemin de l’exil et mourut, quelques semaines seulement plus tard, à Moscou... On a accusé Staline de l’avoir liquidée. De quoi n’a-t-on pas accusé Staline ?

Ceci est un résumé si succinct qu’il en est outrageant. Mais je viens de m’apercevoir que Secours Rouge lui consacre, pour ce 100e anniversaire de son initiative, un dossier biographique illustré. Franchement, je ne pourrais pas faire aussi bien. Allez-y donc voir, vous ne perdrez pas votre temps. C’est là :
http://www.secoursrouge.org/zetkin.php

Clara Zetkin avait eu une amie très chère et compagne de luttes : Inès Armand, dite Inessa (Elisabeth, en fait). Née le 8 mai 1874 à Paris, d’un père français, le chanteur d’opéra Théodore Stéphane, et d’une mère anglaise, la comédienne Nathalie Wild.

La vie d’Inessa Armand est un roman et il s’y est passé tant de choses qu’il est impossible de la résumer dans un post de circonstance comme celui-ci.

armand_brussel_1909.jpgJe mentionnerai seulement pour mémoire qu’elle parlait plusieurs langues, que, d’Inès, elle devint Inessa, par son mariage avec Alexandre Armand, fils d’un richissime industriel du textile russe ; qu’elle eut de lui cinq enfants ; qu’elle le quitta un beau jour pour vivre, mais pas longtemps, avec son beau-frère Vladimir ; qu’elle fut tolstoïenne et féministe avant de s’engager plus précisément en politique. On peut dire que c’est la lecture des écrits de Lénine qui détermina tout le reste de sa trajectoire. Elle s’engagea dès lors dans la préparation acharnée de jours meilleurs, passant d’un pays à l’autre, participant à tous les événements désormais historiques qui ont précédé la révolution russe, et, lorsque Vladimir Ilyich rentra en Russie, en 1917, elle fut du voyage. Elle était devenue sa femme de l’ombre, bien qu’elle ait été, à mon avis, infiniment plus que cela. On pourrait presque dire que Lénine n’a quasiment rien fait qu’elle n’ait fait aussi, de son côté. Tout en élevant cinq enfants. 

 

Inessa Armand et ses enfants, en exil à Bruxelles, 1909.

Pour finir, Inessa Armand a dirigé la section féminine du Comité Central de Parti Communiste russe de 1919 jusqu’à sa mort en septembre 1920, ne cessant jamais de payer de sa personne. C’est d’ailleurs ce qui l’a tuée : partie en mission dans le Caucase alors qu’y régnait une épidémie de choléra, elle y contracta la terrible maladie loin de toute possibilité de soins et mourut dans le train qui ne put la ramener à Moscou assez vite, partageant ainsi le sort de ceux qu’elle était allée galvaniser.

On dit que Lénine ne s’est jamais remis de l’avoir perdue.

Elle est inhumée sur la Place Rouge, pas loin de lui, le long de la muraille du Kremlin.


J’ai dit qu’elle était une héroïne de roman. Trois films ont évoqué son histoire : 

  •  Lénine à Paris, de Serguei Youtkhevitch, où elle était incarnée par Claude Jade    
  •  Le train, de Damiano Damiani, où Dominique Sanda lui a prêté ses traits.
  •  Minu Leninid, d'Hardi Volmer où c’est Janne Sevchenko qui la fait revivre.


Des livres aussi lui ont été consacrés, dont la belle biographie de Jean Fréville Une grande figure de la Révolution russe : Inessa Armand, Paris, Éditions sociales, 1957, depuis longtemps épuisé.
 
Plus récemment, Georges Bardawil, a donné Inès Armand, La deuxième fois que j’entendis parler d’elle, chez J.C. Lattès, Paris, 1983.


Sa première biographie en anglais est l’Inessa Armand, Revolutionary and Feminist, de R.C. Elwood, Cambridge University Press, 1992 et 2002.

Quand l’édition française aux mains de marchands d’armes ne sera plus à la ramasse, on rééditera peut-être au moins sa biographie par Fréville... Mais ce serait bien aussi qu’un jeune historien s’y colle, ou même une jeune historienne.

 

*   

 

Rachel, crois-tu qu’on puisse t’oublier ?


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 Pour ceux qui n'étaient pas nés :

Rachel Corrie était une étudiante américaine de 23 ans, qui militait dans un mouvement non-violent de solidarité internationale (I.S.M.). Elle a été assassinée dans la bande de Gaza, par un jeune soldat israélien, qui l’a délibérément écrasée en lui passant par deux fois sur le corps avec un bull-dozer, alors qu’elle tentait de faire un rempart de ce corps à la maison d’un médecin palestinien.

 

rachel-corrie.jpgrachel_corrie_dead.jpg

                                  Avant                                      Après

Avec le journal et les e-mails de la jeune fille, Katherine Viner et Alan Rickman ont fait une pièce, qu’ils ont intitulée My name is Rachel Corrie. Cette pièce a fait le tour du monde. Elle est encore, en ce moment, jouée un peu partout, mais ne l’a jamais été à New York, où le lobby pro-israélien a réussi à suffisamment terroriser le directeur du New York Theater Workshop pour qu’il la retire de l’affiche avant la première représentation.

L’assassinat de Rachel Corrie avait été filmé par un témoin. En voici la vidéo. Deux jeunes hommes que l’on y voit ont aussi été assassinés intentionnellement, d’une balle bien ajustée dans la tête, par des militaires dont un seul a été poursuivi (euh... un bédouin arabe enrôlé dans Tsahal, mais c’est fortuit).


 


 

*

 

Femmes afghanes au marché

 

 

                                                                                                                                                         ...Originaire de la lointaine Saint-Pétersbourg. elle a accompli un long voyage pour arriver dans ce pays, celui qu'Alexandre le Grand a traversé sur sa licorne, cette terre de vergers légendaires et d'épaisses forêts de mûriers, de grenadiers qui ornent les frises de manuscrits persans écrits voilà plus de mille ans.

  Son hôte s'appelle Marcus Caldwell. Anglais de naissance, il a passé la majeure partie de sa vie ici en Afghanistan, après avoir épousé une Afghane. Il a soixante-dix ans, et sa barbe blanche, ses gestes mesurés évoquent ceux d'un prophète, un prophète déchu. Elle n'est là que depuis quelques jours et ne sait rien ou presque de cette main gauche que Marcus a perdue. La coupe de chair qu'il pouvait former avec les paumes de ses mains est brisée en deux. Un jour, tard dans la soirée, elle l'a interrogé à ce propos, avec délicatesse, mais il s'est montré si réticent qu'elle n'a pas insisté. En tout état de cause. il n'est besoin d'aucune explication dans ce pays. Il ne serait guère surprenant qu'un jour les arbres et les vignes d'Afghanistan cessent de pousser, de peur que leurs racines en continuant de croître entrent en contact avec une mine enfouie à proximité.

  Elle est tombée malade pratiquement dès son arrivée, il y a quatre jours de cela, succombant à l'épuisement consécutif à son voyage jusqu'à lui, et il a pris soin d'elle depuis, après avoir vécu dans l'isolement le plus complet pendant des mois. D'après les descriptions qu'elle en avait eues, comme elle l'a dit dans son délire lors du premier après-midi, elle s'attendait à rencontrer une sorte d'ascète vêtu d'écorce et de feuilles, et accompagné d'un cerf de la forêt.

  Elle lui a dit aussi qu'il y a vingt-cinq ans son frère, entré en Afghanistan avec l'armée soviétique, faisait partie de ceux qui n'en étaient jamais revenus. Elle a visité le pays à deux reprises entre-temps, sans trouver la preuve qu'il était mort ou encore en vie, mais peut-être en ira-t-il autrement cette fois-ci. Si elle est ici aujourd'hui, c'est parce qu'elle a appris que la fille de Marcus aurait pu connaître le jeune Soviétique.
Il lui a dit que sa fille, Zameen, était morte.
"A-t-elle jamais fait une quelconque allusion'' a-t-elle demandé.
-Elle a été emmenée de cette maison en 1980, à l'âge de dix-sept ans. Je ne l'ai jamais revue.
-Et personne d'autre non plus?
-Elle est morte en 1986, je crois. Elle était alors la mère d'un petit garçon qui a disparu à peu près à l'époque où elle est morte. Elle était amoureuse d'un jeune Américain, et c'est de lui que je tiens ces informations. "

  C'est le premier jour qu'a eu lieu cette conversation, au terme de laquelle la jeune femme a glissé dans un long sommeil.

  À l'aide des diverses plantes du jardin, il a concocté une pommade pour la base de son cou, couverte d'un énorme hématome, la peau presque noire au-dessus de l'épaule gauche, comme si un peu des ténèbres du monde avait tenté d'entrer en elle à cet endroit. Il a regretté que ce ne soit pas la saison des grenades, car leur jus est un antiseptique puissant. Quand le car est tombé en panne au cours du voyage, a-t-elle raconté, tous les passagers sont descendus et elle s'est endormie sur le bas-côté de la route. Et soudain se sont abattus sur elle trois coups rapides assénés à l'aide d'un démonte-pneu, lui arrachant des cris de douleur et d'incrédulité. Elle était allongée, les pieds en direction de l'ouest, vers la ville sacrée de La Mecque à près de deux mille kilomètres de là, marque d'irrespect totalement involontaire de sa part, dont l'un des passagers avait cru bon de la punir. Elle avait commis une erreur grossière en voyageant enveloppée de voiles à l'image des femmes du pays, dans l'idée que ce serait plus sûr. Si son visage avait été plus exposé, et la couleur de ses cheveux visible, peut-être lui aurait-on pardonné sa faute en sa qualité d'étrangère. En revanche, n'importe qui, même un enfant qui aurait pu être son fils, avait le droit de punir pour l'exemple une Afghane sacrilège.

Nadeem Aslam, La vaine attente


Je salue au passage, à défaut de pouvoir faire grand-chose d’autre sinon exprimer mon mépris et celui de toutes les femmes dignes de ce nom pour ceux qui font vivre en enfer depuis combien ?... un siècle ?... deux ?.... les femmes afghanes, dont une seule, voilée ou pas, vaut plus cher que tous les hommes impliqués mis ensemble, et ceci veut dire surtout nos «représentants», qui n’ont pas honte d’envoyer dans ce malheureux pays des jeunes gens des classes inférieures massacrer et se faire tuer pour satisfaire la volonté de puissance et la rapacité des maîtres qu’ils se sont et nous ont donnés.

 

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http://www.rawa.org/index.php

 

 

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Deux femmes attendant l'aube de leur exécution

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Peu importe qui a tiré. Tous sont coupables. Et nous aussi de les laisser faire.

 

*  

 

« Quoi que fassent les femmes, elles doivent le faire deux fois mieux que les hommes pour qu’on les trouve à moitié aussi capables qu’eux. Heureusement, ce n’est pas difficile. »  Charlotte Whitton (1896-1975)

 

 

Quand on a eu la chance de ne pas naître afghane aujourd’hui ou cévenole au XVIe siècle; quand on a eu, comme moi, la chance rare d’avoir un père et des oncles que l’extrême misère avait rendus adultes avant l’âge et qui vous ont parlé d’égaux à égale quand on n’était pas plus haute que leurs genoux ; quand on a eu celle de naître en un endroit du globe et à un moment de l’Histoire où ne sont battues que celles qui le veulent bien, on ne peut qu’être pleinement d’accord avec ce qui suit :

 

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  Pas concernée par la lutte des sexes

   par Aline de Diéguez

2004-04-05

  Cher François,

Merci pour votre message et votre présence attentive. Je vous dois une lettre sur, non pas la lutte des classes, mais la « lutte des sexes », si je puis dire, puisque c'était l'objet de votre dernière grande lettre. En fait, je suis embarrassée, parce que plus j'y pense, plus je m'aperçois que je ne me sens pas concernée. J'ai l'impression d'avoir toujours fait ce que je voulais sans me soucier de mon sexe. Enfant, j'ai appris à réparer mon vélo comme les garçons, et à coudre comme les filles. Cela m'est resté : perceuse, scie électrique ne me font pas peur. etc. Du coup, je suis obligée de vous dire que je me sentais plutôt supérieure aux garçons de ma classe et je n'ai pas honte de dire que cela a continué à l'âge adulte. Je me suis aperçue que le seul obstacle est l'incompétence. C'est pourquoi j'ai toujours été acceptée favorablement dans une conversation sur la maçonnerie avec des artisans, dans une discussion sur le structuralisme au cours d'un colloque ou sur toute activité classée « féminine » que je ne méprise pas du tout. Si les femmes ne s'intéressent ni à la philosophie, ni aux découvertes scientifiques, et ne savent pas se débrouiller avec une installation électrique ou des problèmes d'ordinateur, elles n'ont finalement que la place qu'elles méritent.

Si « les femmes » veulent se faire reconnaître à égalité avec les hommes dans la société et au travail, il leur reste à retrousser leurs manches et à montrer ce qu'elles savent faire.

J'ai l'impression que je ne suis pas un bon exemple de la lutte pour la « libération » des femmes. Ne m'étant jamais sentie emprisonnée, je n'ai jamais éprouvé le besoin de me libérer de quoi ce soit.


Très amicalement à vous

Aline



Aline de Diéguez

Est l’épouse du philosophe Manuel de Diéguez, et si on ignore tout de sa trajectoire personnelle, par une discrétion qui n’est pas de ce temps « people », on sait en revanche beaucoup de ce qu’elle pense, parce qu’elle le fait savoir sur un blog où non seulement elle écrit mais où elle dessine aussi le monde qui l’entoure, dont l’état ne lui plaît pas.

Victor Hugo a dit quelque part1 : « Tacite, qui attache aux tyrans leur règne au cou ». Il aurait pu le dire aussi d’Aline de Diéguez.

À titre d’exemple, une des choses les plus violentes que j’aie lues de longtemps est cet accrochage au cou de M. Mahmoud Abbas, le 30 octobre dernier, où la violence est d’autant plus meurtrière que la forme est plus policée :
http://pagesperso-orange.fr/aline.dedieguez/mariali/pales...

Chers internautes, vous ne perdrez pas votre temps à explorer le blog entier de cette dame qui sait réparer les vélos et qui sait aussi penser :
http://pagesperso-orange.fr/aline.dedieguez/mariali/somma...

Pour les images toutes seules, regroupées en carnets, c’est là :
http://no-war.over-blog.com/ext/http://anti-fr2-cdsl-air-etc.over-blog.com/ext/http://www.dieguez-philosophe.com/mariali


Mais j’aimerais plus spécialement attirer aujourd’hui votre attention sur ceci :
http://pagesperso-orange.fr/aline.dedieguez/mariali/picrochole/conspirateurs/conspirateur.htm

qui est de 2008, et sur ses développements d’aujourd’hui :

1ère partie
http://no-war.overblog.com/ext/http://pagespersoorange.fr...
 
2e partie
http://pagesperso-orange.fr/aline.dedieguez/mariali/chaos...

La 3e partie étant à venir.


Quand vous aurez lu - n’y manquez pas – vous vous apercevrez qu’il ne s’agit pas de plusieurs articles, mais d’UN livre d’Histoire, aussi informé qu’il est lucide et rigoureux, toutes qualités qui ne courent pas autant qu’on le croit les couloirs des officines de Clio.

Ce livre, en train de s’écrire sous nos yeux, m’a remis en mémoire une phrase de Leopold von Ranke, père de l’histoire scientifique européenne, à qui on reprochait des points de vues fort peu chrétiens dans son Histoire de l’Empire Ottoman, et qui répondit aux critiques : « Je suis historien avant d’être chrétien. Ce qui m’intéresse, ce sont les faits, la façon dont les choses se sont réellement passées. »  Clio – Sainte Trinité : 1-0.

Internautes mes soeurs, vous savez ce qu’il vous reste à faire, si vous ne voulez pas mourir idiotes.


*  

 

Shministim

 

Chère Catherine,

Nous vous écrivons de Tucson, Arizona, après une incroyable première semaine de notre tournée aux USA. Jusqu’à présent, nous avons été accueillies très chaleureusement par tous nos hôtes, dans chacune des villes où nous sommes passées, de la région de San Francisco Bay à Honolulu, Hawaii !

Considérant les réactions suscitées par la politique d’Israël, nous nous attendions à devoir affronter une forte opposition à notre présence. Nous sommes heureuses que les désaccords qui se sont fait jour pendant nos discussions aient toujours été exprimés avec courtoisie et respect.

Nous devons dire que l’ouverture d’esprit avec laquelle nos propos ont été accueillis a été rafraîchissante, y compris dans une synagogue juive et sur un campus où règne généralement une grande tension à propos des problèmes que nous venions évoquer.

Nous espérons que ces échanges de vues stimuleront la discussion sur le conflit israélo-palestinien et sur le rôle qu’y jouent les États-Unis. Comme nous l’avons rappelé aux personnes venues nous entendre, « les dollars de vos impôts alimentent notre occupation ! ».

En solidarité,

Netta et Maya.

Nedda et Maya a Staten Island
 

Maya Wind et Netta Mishly

à Staten Island, 2009

 

Cette lettre a été écrite, en septembre 2009, par Maya et Netta, à ceux qui avaient soutenu de façon ou d’autre leur initiative.

Explication :

En Israël, le service militaire est obligatoire pour les deux sexes dès l’âge de 18 ans. On appelle Shministim des étudiants du secondaire terminal qui refusent de servir dans l’armée israélienne, parce qu’elle occupe abusivement le territoire palestinien et y commet des crimes que le monde entier condamne2.

D’abord sporadiques et isolées, les lettres de refus de servir sont devenues concertées et collectives. On pense que cent jeunes à peu près – filles et garçons – ont signé celle-ci :


« Nous, signataires de cette lettre, jeunes israéliens d'écoles supérieures, déclarons vouloir nous opposer à la politique d'oppression et d'occupation menée dans les territoires occupés et en Israël. C'est pour cela que nous refusons de servir dans l'armée israélienne.

Ce refus signifie d'abord une protestation contre la politique de séparation, de contrôle, d'oppression et de meurtres menée par l'Etat d'Israël dans les territoires occupés, car nous comprenons que cette politique ne nous mènera jamais à la paix et contredit les valeurs fondamentales qu'une société se disant démocratique doit avoir.


Tous les membres de ce groupe croient en la valeur du travail social. Nous ne refusons pas de servir la société dans laquelle nous vivons, mais nous protestons contre l'occupation et les moyens d'action employés par le système militariste aujourd'hui: négation des droits civils, discrimination sur une base raciale et actions contraires aux lois internationales.

Nous nous opposons aux actions prises au nom de la "défense" de la société israélienne: postes de contrôles, assassinats ciblés, routes-apartheid réservées aux juifs, couvre-feu, etc... qui servent la politique d'occupation et d'exploitation, annexe plus de territoires occupés à l'Etat d'Israel et nie les droits de la population palestienne d'une manière aggressive. Ces actions sont un sparadrap posé sur une plaie saignante, et une solution limitée et temporaire qui aggrave les conflits.

Nous nous opposons au pillage et au vol des territoires et des sources de revenus des Palestiniens en vue de l'expansion des implantations [...] De plus, nous nous opposons à toute transformation des villes et villages palestiniens en ghettos privés des conditions minimales d'existence ou de source de revenus par la concstruction du mur de séparation.

Afin d'établir un dialogue effectif entre les deux sociétés, nous, la société aux fondations bien établies et plus forte, avons la responsabilité d'établir et de renforcer l'autre. C'est seulement avec un partenaire socialement et financièrement mieux établi que nous pourrons travailler à la paix plutôt qu'à des actes de vengeances unilatéraux. Plutôt que de supporter ces citoyens qui espèrent la paix, l'armée prend des sanctions, et pousse de plus en plus de gens vers des actes d'extrême violence et vers l'escalade.

[....]

Là où il y a des humains, il y a quelqu'un pour parler. Par conséquent, nous demandons de créer un dialogue allant au-delà de la lutte de pouvoir, de la vengeance et des actions unilatérales; de désapprouver le mythe du "pas de partenaire crédible" qui nous conduit à une situation perdant/perdant de frustration continue, nous demandons que l'on opte pour des méthodes plus humaines.

Nous ne pouvons pas détruire au nom de la défense, ni emprisonner au nom de la liberté. Par conséquent, nous ne pouvons à la fois agir moralement et servir l'occupation.

Les membres du "Shministim"

 

La peine qu’encourent ces jeunes objecteurs de conscience est de 21 à 28 jours de prison.

À la fin de leur peine, ils sont de nouveau appelés à faire leur service militaire. S’ils refusent une deuxème fois, comme la plupart le font, ils subissent à nouveau la même peine. Le processus peut être répété à l’infini si le gouvernement et l’armée le veulent.

Cela n’a l’air de rien, trois ou quatre semaines de prison à répétition, avec sorties entre les coups, surtout en comparaison de ce qu’endurent les Palestiniens, mais cette répression « démocratique » les empêche de poursuivre leurs études, de trouver un quelconque travail et de fonder une famille. Elle peut les en empêcher très longtemps.

En 2009, après le choc du massacre de l’opération « Plomb durci », un certain nombre de shministim ont décidé d’aller réveiller les consciences somnolentes dans quelques coins sourds-muets de sainte Communauté Internationale. Par deux ou par trois, tels des représentants en mission de la Première République ou des Sandinistes de 1990, ils ont pris leur bâton de pélerin et s’en sont allés « expliquer » de quoi il est question au juste et rappeler les responsabilités de chacun. Lourde tâche pour de jeunes épaules, car ces missionnaires, dressés depuis la naissance à être une nouvelle « Hitlerjugend » ont dû tout inventer et ne compter que sur leurs propres ressources intérieures, dès lors qu’ils ne sont pas restés sourds à ce que Jean-Jacques Rousseau appelait « notre étincelle de divinité » et James Joyce « agenbite of inwit »3 .

Tandis qu’un groupe de trois (deux filles et un garçon) s’en allait en Afrique du Sud, Netta et Maya, en collaboration avec les Américaines de Codepink, se lançaient dans un vaste tour des USA. Des vidéos de certaines de ces séances d’information et de discussion se trouvent sur Internet. Si vous savez vous y prendre, vous pourrez les y voir. Netta et Maya sont à présent rentrées chez elles, c’est-à-dire probablement dans une prison militaire.

Ce qui, moi, me ravit particulièrement chez ces jeunes gens, garçons et filles, c’est que dans un monde qui semble devenu la concrétisation cauchemardesque des théories d’Hélvétius, ils donnent raison à Rousseau.

Question oiseuse : Pourquoi rien de ce genre ne s’est-il produit en Europe ? L’«Union » n’a pas de collectifs féminins équivalents à Codepink ou quoi ?


refuse - latuff
                                                                                                         

Et Carlos Latuff est un grand dessinateur politique brésilien - http://latuff2.deviantart.com/

 

    *

 

Quand un homme prend part à une révolution, on  dit qu’il est un révolutionnaire.
Quand c’est une femme, on dit « bacchante de la Révolution ».

 

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Dernière mais non des moindres, 

... en un peu plus développé... 

... car elle est d'ici... 

... et j'ai un compte à régler.

 

 

 

Anne-Josèphe Terwagne,
dite Théroigne de Méricourt


Née à Marcourt (Ardenne belge) le 3 août 1762, morte à Paris (Salpêtrière) le 8 juin 1817.

Tout le monde croit connaître « la belle Liégeoise », dont les quelques inventions qui prétendent la définir courent le monde et les pseudo-livres d’histoire depuis deux siècles. Tout le monde sait que c’était « la panthère de la Révolution », « une tigresse assoiffée de sang » (avec une préférence pour celui de Marie-Antoinette), qu’elle s’habillait en homme et brandissait des sabres, qu’elle fut publiquement « mise nue et fessée » par des tricoteuses, qu’elle était folle et qu’il fallut l’enfermer. Ainsi s’exprime l’omniscient Ouy-Dire.

Anne Terwagne fait partie de ceux, nés sous une mauvaise étoile, dont le destin semble être de servir de paratonnerre à malheurs et à malfaisances humaines. Tels Job qui, au moins, y était pour quelque chose, puisqu’il croyait en Dieu.

Née d’une famille de laboureurs, c’est-à-dire de fermiers aisés (un peu comme Jeanne d’Arc, voyez...), elle eut le premier et déterminant malheur de perdre sa mère en bas âge. Son père se remaria. La belle-mère était acariâtre et prit l’enfant en grippe.

Commença pour elle, alors, le périple habituel des enfants de la D.D.A.S.S. : quelque temps chez une «marraîne » qui se lassa vite de jouer les éducatrices de substitution et la refila à un couvent de bonnes soeurs. Pour m’être moi-même enfuie à deux ans et demi d’un tel semi-internat, j’imagine sans peine... Elle s’enfuit, revint chez sa marraîne sans baguette ni citrouille, réessaya la maison paternelle qui se ferma comme une huître, et fut en fin de compte « placée » chez des semi-nobles, pour s’occuper de leurs enfants. Elle n’avait pas quinze ans.

La gamine, qui avait une jolie voix et encore beaucoup d’illusions à perdre, rêvait d’être cantatrice. Audacieux, en plein règne des castrats.

Or, vint à passer par là une dame fort sociable « qui avait fait les beaux jours de l’Oeil de Boeuf », entendez une ancienne prostituée, qui passait le temps désormais à tenir salon « entre Londres, Anvers, Bruxelles, Liège et Spa », entendez une espionne.  Spa était alors ce qu’est aujourd’hui Dubai, et la «Querelle des Jeux de Spa » qui donna, en 1788, le coup d’envoi à la Révolution Liégeoise, y a été fomentée par des agents britanniques4 .

Si la protectrice de la future Méricourt avait connu son heure de gloire sous Louis XV, elle ne devait pas trop compter sur ses propres charmes pour attirer chez elle ceux à qui elle voulait tirer les vers du nez. Il lui fallait de la chair fraîche. Que se passa-t-il au juste ? Anne fut-elle cédée à sa nouvelle maîtresses par les anciens ? Leur demanda-t-elle la permission de quitter leur service (elle était mineure) ? « On » lui promit en tout cas de lui apprendre la musique et de l’initier au chant. C’était plus qu’il n’en fallait pour l’attirer comme un moucheron dans une toile.

Elle s’en fut donc avec sa nouvelle propriétaire et commença sa carrière de courtisane, pour laquelle il ne semble pas qu’elle ait été surdouée ni surtout très motivée. En revanche, elle n’apprit pas le chant d’opéra en dépit de ses nombreuses réclamations.

C’est à Londres, dans le salon de l’accueillante cosmopolite, dont il était un assidu, qu’elle rencontra un des hommes les plus sinistres de l’Ancien Régime et des deux suivants : Jean-François Perregaux, Suisse, banquier et espion à la solde de l’Angleterre, après l’avoir été à celle de la Société Typographique de Neuchâtel.

Dès lors, son destin était scellé. Les deux Thénardiers allaient y pourvoir à un point qu’elle n’a sans doute elle-même jamais soupçonné.

Avant de poursuivre et en guise de commentaire latéral à l’étude de Madame de Diéguez sur la Fed, je me permets de rappeler que « la banque dite de France » (l’expression est d’Henri Guillemin) fut en réalité une banque privée, dont la France eut le privilège d’engraisser les actionnaires. Elle fut comme on sait créée par Napoléon, qui, n’étant pas ingrat, mit à sa tête celui qui avait sponsorisé son coup du 18 Brumaire an VIII  : Perregaux. Lequel était toujours le loyal agent de William Pitt et allait rester celui de ses successeurs. Pour mémoire... Coup d’état : 19 novembre 1799 – Création de la « Banque de France » : 18 janvier 1800.

Revenons en arrière et à notre Théroigne. Dans le salon de sa protectrice, elle fit la connaissance d’un jeune aristocrate anglais, héritier d’une riche famille mais aussi mineur d’âge qu’elle, et ne disposant donc ni de sa fortune ni de son libre arbitre. Il la séduisit, et lui promit le mariage « dès que... ». Cette promesse n’engagea qu’elle, qui en tomba enceinte et accepta de fuir pour le suivre. Il la mit dans ses meubles, lui offrit des bijoux fastueux – les usuriers prêtaient volontiers aux jeunes sots avec « des espérances » -  et en attendant sa majorité, se lança dans une vie de débauche, où les moeurs à voile plutôt qu’à vapeur ne manquèrent même pas. Est-ce pour qu’il échappe à l’exemple paternel qu’elle mit son enfant en nourrice en France ou pour toute autre raison ? Je ne sais. Elle finit par s’enfuir du bouge où elle était moins chez elle que les comparses de son futur et fit la connaissance d’un vieux gentilhomme qui lui promit, par écrit, de lui servir toute sa vie une rente. Contre quels services ? Allez savoir, car aussitôt, elle se mit, sans lui, en route pour l’Italie, dans l’idée fixe d’apprendre le chant d’opéra. Elle semble avoir eu un flair incomparable pour attirer à elle les personnalités les plus pourries... ou est-ce qu’elles pullulaient alors tellement qu’il était impossible à quelqu’un de désemparé de les éviter ? Le castrat – célèbre – à qui elle demanda des leçons, non seulement ne les lui donna pas mais se débrouilla pour la tondre.

Entretemps, son enfant, né de santé fragile, était mort chez sa nourrice.

C’est alors qu’il ne fut bruit partout que de la convocation des États-Généraux et qu’à l’instar de Philippe Buonarrotti, elle s’enflamma et s’en fut là où allaient se passer les choses.

De moeurs austères quoi qu’on en ait dit dans les sentines de l’aristocratie, elle tint à Paris table ouverte et nourrit, jusqu’à s’en ruiner, des gens bien plus riches qu’elle. Mais, incapable de se contenter de son salon, comme une Manon Roland ou une Germaine de Staël, c’est en fille du peuple qu’elle se lança dans les affaires publiques. Elle savait lire, écrire et un peu de solfège. Elle jouait joliment du clavecin aussi. Pratiquement autodidacte, elle avait en politique de l’instinct, mais aucune culture qui lui eût permis de s’orienter dans une jungle où beaucoup d’hommes se perdirent. Elle ne sut pas faire le tri, dans ses invités à la rhétorique identique, entre ceux qui parlaient pour essayer de se faire comprendre et ceux qui le faisaient pour, surtout, n’être pas compris. De ces derniers étaient Sièyes, Brissot, Camille Desmoulins, Marie-Joseph Chénier, Anacharsis Cloots, Fabre, Momoro et quelques autres par qui, pour son malheur, elle se laissa hypnotiser. Saint-Just, qui soupa quelquefois chez elle, finit très vite par s’en abstenir, ne voulant pas se commettre avec des hommes dans lesquels il avait reconnu, dès l’abord, des ennemis rédhibitoires.

C’est une des caractéristiques de l’histoire de Théroigne de Méricourt : ses mauvaises relations et l’intégrité qu’au milieu des pires compagnies elle garda toujours.

Gobant les beaux discours dans son logis, elle les traduisit au dehors par des initiatives qui ne tardèrent pas à faire d’elle, pour ces bourgeois ambitieux, une redoutable emmerdeuse, voire un danger public, et ses pique-assiettes ne firent jamais grand-chose pour empêcher les Actes des Apôtres et autres follicules aristocrates de la traîner dans la boue et de la calomnier de toutes les manières possible, de préférence les plus basses.

Échantillon (ce sont les Goncourt qui parlent) :

« Que d’applaudissements ! Mais aussi quels rires dans la presse royaliste ! Quelle proie que « la Muse de la démocratie », que cette « Vénus donnant des leçons de droit public » pour les moqueries et les huées ! Rivarol, Peltier, Champcenets, Suleau, Marchand, ne tarissent pas d’ironies, de soufflets, de gorges-chaudes et d’ordures. Que de gros esprits et de goguenardises salées ! Un pamphlet la loge rue Trousse-vaches. Les Sabats jacobites donnent « Le boudoir de Mademoiselle Théroigne, Intermède civique.- » -– On voit, sur une espèce de toilette, un pot de rouge végétal, un poignard, quelques boucles de cheveux éparses, une paire de pistolets, l'Almanach du père Gérard, une toque, la Déclaration des droits de l'homme, un bonnet de laine rouge, un peigne à chignon, une fiole de vinaigre de la composition du sieur Maille, un fichu fort chiffonné, la Chronique de Paris et le Courrier de Gorsas. On aperçoit dans le fond un lit de sangle décoré d’une paillasse qui sert de lit de repos à la belle patriote et à ses nombreux adorateurs. À côté de la paillasse est une pique énorme, près de laquelle on voit un superbe habit d’amazone de velours d’Utrecht. Le boudoir est orné de plusieurs tableaux agréables, tels que la Prise de la Bastille, la Mort de MM. Foulon et Berthier, la Journée du 6 octobre 1789, l’assassinat juridique de M. de Favras, les meurtres  commis à Nîmes, Montauban, etc., la Glacière d’Avignon et autres jolis massacres constitutionnels. Mademoiselle Théroigne est dans le négligé le plus galant ; elle a des pantoufles de maroquin rouge, des bas de laine noire, un jupon de damas bleu, un pierrot de bazin blanc, un fichu tricolore et un bonnet de gaze couleur de feu surmonté d’un pompon vert.»  Les Actes des Apôtres régalent leurs lecteurs de Théroigne et Populus ou le Triomphe de la démocratie, drame national en vers civiques. Le Petit Gautier l’appelle « charogne ambulante ».
C’est que Théroigne portait une idée : elle était, dans la Révolution, le parti de la femme. Dans le déchaînement de la Liberté, elle appelait la femme à l’émancipation, à l’usurpation. Elle demandait que le civisme lui fît des devoirs, l’héroïsme des droits. Elle voulait hautement, et la première, faire sortir son sexe du ménage, pour le faire entrer dans la patrie. »


L’histoire détaillée de toutes les propositions qu’elle fit, des concours qu’elle obtint, de ceux qui la soutinrent puis la lâchèrent, reste à faire.

 


Je me contenterai d’évoquer ici une des péripéties les plus mal connues de sa carrière météorique.

En juin 1790, elle quitte Paris par la diligence pour se rendre à Liège :

« Je me plaisais beaucoup à Paris, mais je n’avois plus d’argent pour y rester et j’étois pourtant toujour chargée de tous mes frères que je ne voulois point abandonner. On ne payoit point ma rente de 5000 livres et je ne savois quand on me la payerois, j’avois anticipés sur ma rente de mille écus à peut près pour deux ans et mis tous mes diamans en gages
5, je devois déjà beaucoup; je n’avois plus qu’un collier et 25 louis d’un derniere bague, que j’avois engagée pour vivre, moi et ma famille, payer la pension d’un de mes frères que je laissai à Paris pour continuer d’apprendre la peinture auprès de M. d’Avit ...6 ».

Elle rentre dans son village où elle est ravie de retrouver ses amies d’enfance, mais elle ne peut s’empêcher, en cours de route, à Liège, à Saint-Hubert, à Marcourt, de parler révolution, justice, égalité, droits du peuple. Aux Français qu’elle rencontre, elle demande de quel parti ils sont, pas toujours très prudemment. Devant un ancien dragon autrichien de son village, elle déblatère contre les rois et manque passer un mauvais quart d’heure. Le bruit commençe à courir qu’elle est chargée par les révolutionnaires français de soulever le pays. Un de ses frères vient la voir et la conduit au village de la Boverie, près de Liège, où il lui a trouvé un  logement pas trop ruineux (sa rente ne vient toujours pas et son banquier – Perregaux - ne semble pas répondre à ses lettres). Mais ses allées et venues au Pays de Liège, dûs à ses soucis d’argent, provoquent la méfiance du Comte de Mercy Argenteau, plénipotentiaire aux Pays-Bas Autrichiens (Bruxelles), qui écrit le 6 février 1791 au chancelier Kaunitz :

« Il nous arrive des prédicateurs... le nommé Cara7, ennemi de toute autorité est dans le pays, je le fais guetter... On m’annonce aussi la nommé (sic) Théroigne de Mericourt qui était à la tête des assassins de la Reine dans les journées des 5 et 6 octobre ; elle doit se trouver dans la province de Luxembourg et entretenir des correspondances avec nos enragés, avec ceux de Paris et de Liège. Un Français, muni de bonnes lettres de recommandation, est venu me demander permission de l’enlever secrètement, elle et ses papiers : j’y ai donné les mains et j’en fais soutenir l’expédition par une escouade de la Maréchaussée. Si la capture se fait, on la conduira à Fribourg pour y attendre ce qui sera décidé à son égard. ».

Les stratèges de la CIA croient peut-être avoir inventé les extraordinary renditions et les black sites...

Dans la nuit du 15 février, deux émigrés, le chevalier Maynard de la Vallette8 et le comte de St. Malou frappent à la porte de l’auberge de la Croix Blanche, à la Boverie.  – « Au nom de S.M. l’Empereur, ouvrez » ! Ils s’introduisent dans la chambre de Théroigne, la persuadent de se lever et de s’habiller, car elle est sous le coup d’une arrestation. Ils s’emparent bien entendu de ses livres et de ses papiers, et fouette cocher ! Ils essayent en route de lui faire avouer qu’elle a pris part à un complot contre la Reine, mais ils en sont pour leurs frais.

Kidnappeurs et prisonnière arrivent à Fribourg en Brisgau le 25 février (dix jours de route) et la voilà enfermée à l’auberge du Nègre, pendant que le commandant de la place demande des instructions à Vienne. Ordre lui est donné de la conduire à la forteresse de Kufstein, dans le Tyrol. Elle y arrive le 17 mars. Elle n’y est pas mise au cachot mais dans une chambre fort honnête. Elle est correctement nourrie et on lui laisse les trois livres qu’elle a pu emporter en dépit de ses ravisseurs : Sénèque, Platon et l’Abbé Mably. Elle obtient même la jouissance d’un piano. Ce qui la contrarie le plus dans cette aventure, c’est de n’avoir pu renouveler ses engagements aux Monts de Piété de Paris et de Liège et d’avoir ses bijoux vendus à vil prix. Perregaux étant toujours aux abonnés absents, son ancien maître (celui dont elle élevait les enfants), le baron de Selys Fanson, lui vient en aide : il dégage un collier à Liège et prête diverses sommes à son frère.

C’est seulement le 28 mai que M. de Plank, conseiller aulique, arrive à Kufstein pour l’interroger. Il ne lui faut pas longtemps pour se rendre compte que cette jeune femme n’a commis aucun délit, et en conclusion de son enquête, il conseille au gouvernement impérial  de la remettre en liberté.

Cela ne fait pas l’affaire du chevalier Maynard de la Valette, qui voit sa prime de prise lui échapper et qui soutient mordicus qu’il a mis la main sur une dangereuse conspiratrice. Il vient à Kufstein, armé d’un dossier de sa confection, qu’il a intitulé « Dires et aveux de demoiselle Théroigne » où il est révélé qu’elle est à la solde des Jacobins et a pour mission de propager les idées révolutionnaires dans les Pays-Bas. Elle y est aussi accusée d’avoir comploté avec Mirabeau, ainsi qu’avec les ducs d’Orléans, de Liancourt et de Broglie, car à quoi bon lésiner. M. de Plank organise une confrontation entre l’accusée et l’accusateur et en retire la certitude que c’est ce dernier qui ment. Elle n’a pu connaître aucun des personnages qu’il invoque.

En août 1791, sous une identité d’emprunt, elle quitte Kufstein en la garde du conseiller, pour être conduite à Vienne, où on la loge chez un bourgeois. Un de ses oncles d’Allemagne, Campinado, qui est banquier, vient la voir et use de son influence pour qu’elle puisse être entendue par le Chancelier Kaunitz., et ensuite, par l’empereur Leopold lui-même. Les deux hommes, après l’avoir interrogée longuement, lui rendent sa liberté, avec une somme d’argent nécessaire à son retour à Liège.

Le 15 décembre 1791, le Journal général annonce ainsi sa libération : « La crapuleuse créature qui se fait appeler Théroigne de Méricourt est maintenant à Bruxelles. Elle s’est présentée chez le respectable ministre de Metternich9. Sa barbare audace n’a pas diminué dans les prisons d’où elle sort ; l’apparition de cette charogne ambulante indigne tous les honnêtes gens de ce pays. Elle loge à l’enseigne de « l’homme sauvage », qui jamais ne fut aussi sanguinaire qu’elle. »

À Paris, une loi d’amnistie a été votée le 15 septembre, qui lui permet de rentrer sans crainte en France et, le 28 janvier, elle est reçue en triomphe aux Jacobins.

Pendant sa détention, il lui avait été demandé de mettre sa défense ou auto-justification par écrit. C’est ce qu’elle a fait. Cette « confession », comme on l’appelle, écrite au crayon sur du papier qui a mal vieilli, se trouve aux  Archives de Vienne. En 1892, M. Strohl-Ravelsberg l’a publiée, en tout ou en partie, sous le titre Les conf
essions de Théroigne de Méricourt, la belle Liégeoise confessions, dont le baron Camille Buffin a plus tard prélevé des extraits pour les publier dans ses Récits d’hier et d’aujourd’hui. C’est là que j’ai lu le peu que je connais de cette plaidoirie, qui m’a donné la très forte envie de publier (ou republier) la totalité du document. Il y a quelques années, une âme généreuse, de passage à Vienne, m’a fait parvenir l’intégralité de ce document sur micro-film. Les machines à lire les micro-films ne courant pas les rues de mon trou provincial et le nerf de la guerre manquant, ce texte intégral attend toujours d’être décrypté. Mea culpa.
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Paris 1792 – 1793 – 1794...


Les choses s’envenimaient, entre les Jacobins et ses amis. Juin 1793 vit la chute des girondins et de ce Brissot, qui l’avait tant influencée. Elle prit la précaution - sur quels conseils ? - de se faire admettre dans une clinique psychiatrique. Cela se fit beaucoup alors dans les milieux contre- anti- ou hérético-révolutionnaires, où l’on jugea expédient de se soustraire aux possibilités d’une guillotine en se faisant admettre dans la villa bien protégée de quelque aliéniste de renom. Il suffisait d’en avoir les moyens : les certificats de complaisance coûtaient cher mais valaient bien leur pesant d’assignats. Théroigne fut donc «internée».

Au bout d’un temps, soit qu’elle crût la voie libre, soit qu’elle n’y tînt plus, elle sortit. Et ne mit pas longtemps à se faire arrêter. Il n’y fallait pas grand-chose, les temps étaient troublés et le cabinet de Saint-James avait graissé les pattes qu’il fallait pour que fût extraite des prisons (Danton étant ministre de la Justice) toute une pègre de droit commun, qui ne chôma pas à dénoncer à tours de bras n’importe qui dans tous les sens, le but étant de « déstabiliser » la République, selon l’euphémisme actuel. Non, ce qui se passe en Iran n’est pas nouveau non plus.

Théroigne, donc, fut arrêtée et – c’est une hypothèse personnelle – prit en prison la mesure de ses erreurs de jugement. De se retrouver gardée peut-être par des gens de sa classe, au milieu d’autres dont elle s’était crue l’égale ? Qui le sait...  C’est de là qu’elle écrivit la fameuse lettre à Saint-Just, que tout le monde, depuis deux siècles, s’obstine à décréter « lettre de folle ». Or, cette lettre n’est pas plus insane que n’importe quel appel à l’aide envoyé par quelqu’un ne disposant pas de sa liberté et craignant ceux qui l’entourent – une première lettre étant restée sans réponse - à quelqu’un d’autre censé comprendre, à mots couverts, s’il y est fait allusion à des choses que seuls les deux correspondants peuvent connaître. Les archives et la littérature sont pleines de telles lettres, envoyées de tous temps et en tous lieux, par des prisonniers, des résistants, voire des pensionnaires, à d’hypothétiques sauveurs. Mais il est tellement plus facile d’appeler divagation ce que l’on ne comprend pas, et la race des moutons de Dindenault n’est pas éteinte.

Il est d’ailleurs facile d’en juger, car la voici. Il n’y a pas dans cette lettre un mot qui permette de conclure à la folie (l’orthographe a sans doute été corrigée par M. Laport) :

« Citoyen Saint-Just, je suis toujours en arrestation. J’ai perdu un temps précieux. Je vous ai écrit pour vous prier de m’envoyer deux cents livres et de venir me voir ; je n’ai reçu aucune réponse. Je ne sais pas beaucoup de gré aux patriotes de me laisser ici, dénuée de tout. Il me paraît qu’il ne devrait pas leur être indifférent que je sois sans rien faire. Je vous ai envoyé une lettre où je dis que c’est moi qui ai dit que j’ai eu des amis jusque dans le palais de l’empereur, que j’ai été injuste à l’égard du citoyen Bosque, mais que j’en suis fâchée. On m’a dit que j’avais oublié de signer cette lettre, c’est défaut d’attention. Je serais bien charmée de vous voir un  instant. Si vous ne pouvez venir où je suis, si votre temps ne le permet point, ne pourrais-je point me faire accompagner jusque chez vous ? J’ai mille choses à vous dire. Il faut établir l’union. Il faut que je puisse développer tous mes projets, continuer d’écrire ce que j’écrivais. J’ai de grandes choses à dire. Je puis vous assurer que j’ai fait des progrès. Je n’ai ni papier, ni lumière, ni rien ; mais quand même il faut que je sois libre pour pouvoir écrire ; il m’est impossible de rien faire ici. Mon séjour m’y a instruite, mais si j’y restais plus longtemps, si je restais plus longtemps sans rien faire, sans rien publier, j’avilirais les patriotes et la couronne civique. Vous savez qu’il a été question de vous et de moi, et que les signes d’union demandent des effets. Il faut beaucoup de bons écrits qui donnent une bonne impulsion. Vous connaissez mes principes. Je suis fâchée de n’avoir jamais pu vous parler avant mon arrestation. Je me suis présentée chez vous. On me dit que vous étiez déménagé. Il faut espérer que les patriotes ne me laisseront pas victimes de l’intrigue. Je puis encore tout réparer si vous me secondez. Mais il faut que je sois où je serai respectée, car on ne néglige aucun moyen de m’avilir. Je vous ai déjà parlé de mon projet. En attendant que cela soit arrangé, que j’aie trouvé une maison où je serai à l’abri de l’intrigue, où je serai dignement entourée de la vertu, je demande qu’on me remette chez moi. Je vous serais mille fois obligée de me prêter deux cents livres.
« Adieu. !
                                                                              Théroigne ».


Lettre enfiévrée sans doute. Projets irrationnels peut-être, utopiques en tout cas, mais elle en avait fait déjà, qui nous paraîtraient entachés de naïf idéalisme aujourd’hui, et qui furent pourtant, pour certains, signés « Marie-Joseph Chénier, Gilbert Romme, Théroigne, David, Hion, etc. »

Quant à avoir les nerfs à vif, elle ne fut pas la seule, et de loin. Ce même Saint-Just à qui elle écrit n’a-t-il pas, moins de huit jours après avoir décrété que « l’avenir est aux flegmatiques », dans une altercation avec Carnot, piétiné et jeté au feu son chapeau ?

Ce qui touche ici au ricanement sardonique des dieux de la tragédie, c’est que Saint-Just ne reçut jamais cette lettre, puisque, au moment où elle lui était envoyée, il avait les mains attachées et attendait l’aube de son exécution.

Anne Terwagne survécut à Thermidor, mais ceux de ses anciens amis qui n’étaient pas morts avaient d’autres chats à fouetter : ils touchaient enfin au pouvoir, et ce pouvoir n’aurait que faire d’égalité, de vertu ou de justice. Il lui restait des bijoux en gage et le lancinant problème de la fameuse « rente Persan » qui n’arrivait plus depuis si longtemps, jamais envoyée ou détournée.

Laurent-François Dethier, avocat et géologue, père spirituel de la Révolution Franchimontoise - qui fut une expérience radicale très peu connue - et député du département de l’Ourthe sous le gouvernement français, a écrit d’elle : « ...elle fut enfermée comme folle sous le gouvernement consulaire dans une maison de force où elle est morte ».

« Comme folle » ? et « Sous le gouvernement consulaire » ? Dethier n’a jamais parlé pour ne rien dire et pesait ses mots. Rien, aucune pièce indiscutable ne prouvant qu’elle était folle au moment de son internement, on pourrait penser qu’elle gênait Bonaparte, lequel n’a jamais fait le moindre sentiment quand il s’est agi de se débarrasser d’une ou de très nombreuses personnes.
      
Mais le baron Buffin (dont j’ignore les sources) raconte, au début du XXe siècle, une autre histoire :

« D’après un décret du Comité révolutionnaire de la Section Le Peletier, elle fut arrêtée le 27 juin 1794 et enfermée dans la maison sise rue Laloy, 278. » C’est juste un mois avant sa lettre à Saint-Just. Sur quelles bases le décret ? Ou sur quelle dénonciation ?

« Le 30 juin suivant, (soit trois jours plus tard) Joseph Terwagne (qui dépendait d’elle pour sa subsistance) demanda au tribunal du 1er arrondissement de Paris la réunion d’un conseil de famille pour donner son avis sur la nominationn d’un curateur à Anne-Josèphe sa soeur, incapable de gérer ses biens (c’est moi qui souligne) par suite de son état de démence. »

Quelle suite fut réservée à cette demande ? Qui fut le curateur s’il y en eut un ? Que signifie cette démarche ?

- tentative de sauver sa soeur de l’échafaud en la faisant passer pour folle ?
- tentative de mettre ses biens à l’abri de la confiscation, pour le cas où elle serait condamnée ?
- manoeuvre conjointe à celle de l’arrestation ?

Demande-t-on souvent l’internement de quelqu’un qui vient de se faire arrêter ?

Nous ne savons, dans cette affaire, qui est qui et qui fait quoi. Seuls Anne et Joseph sont dans la lumière. Qui se tient dans la coulisse ?

« Le 20 septembre
(trois semaines après sa dernière lettre et la mort des robespierristes) l’officier de santé de la section Le Peletier constate l’aliénation de Théroigne. (Qui l’officier ? Compétent ? Pas compétent ? Intègre ? Corruptible ? De quelle faction ?) Elle est placée dans une maison de santé du Faubourg Marceau, (Privée ? Cette question !) puis transférée successivement en 1797 à l’Hôtel-Dieu, en 1799, à la Salpêtrière, enfin le 11 janvier 1800 aux Petites Maisons, où elle resta jusqu’à son retour à la Salpêtrière le 7 décembre 1807. »

Si cette chronologie était la bonne, alors, Anne aurait été arrêtée un mois avant Thermidor pour des motifs inconnus, et ne serait sortie de sa prison que pour être internée. Définitivement.

Dans ce cas, toutes les descriptions de son état – le tapage, l’auto-enfermement dans une mansarde, le refus de voir quiconque, le scandale public, les plaintes des voisins et l’intervention de la maréchaussée forçant pratiquement un malheureux frère, dépassé, à demander qu’on la mette en lieu sûr – ne seraient qu’affabulation et rien d’autre. Le fait est qu’aucun historien que je connaisse n’a jamais produit le moindre petit procès-verbal de police, qui eût sanctionné des faits, une bonne fois pour toutes.

Il y a des benêts qui croient que Staline a inventé l’enfermement psychiatrique des opposants. Il y en a d’autres qui préfèrent ignorer qu’il existe des motivations pas nécessairement politiques aux internements abusifs, la cupidité étant le plus courant. Il y en a même qui croient qu’il n’y a pas d’internements abusifs du tout. Et il y en a qui ignorent qu’il y a, en Belgique, au début du XXIe siècle, bien plus de fous en prison, évidemment sans soins, que de prisonniers à l’asile. Les moeurs politiques vont et viennent.

De l’état réel d’Anne, du 30 juin 1794 à sa mort, nous n’avons que les descriptions qu’en a laissé « le grand aliéniste Esquirol ». On sait ce qu’était alors un grand aliéniste. On sait surtout qu’il avait, sur ses «délirants» autant de pouvoir que Dieu et je ne sache pas que personne ait jamais mis en cause les traitements – quels qu’ils fussent – appliqués (infligés ?) à ceux qu’il faut bien appeler leurs prisonniers par « les grands aliénistes ». Celui-là était monarchiste10. Il a tenu à sa merci,  pendant près de deux décennies, « la charogne ambulante » qui avait voulu boire le sang de la Reine.

Ce ne sont pas des conclusions que j’énonce, ce sont des données du problème. Un problème jamais posé et par conséquent jamais résolu.

Tout ce dont nous pouvons êtres sûrs, c’est qu’une femme de 32 ans fut internée sans son consentement (car « incapable de gérer ses biens  par suite de son état de démence »), état constaté par un seul officier de santé de la section Le Peletier, d’où avait émané, quelques jours plus tôt, l’ordre de l’arrêter; nous sommes sûrs qu’elle le fut sur demande écrite d’un de ses demi-frères, qui ne savait ni lire ni écrire ni signer (il signa d’une croix), et que la demande fut rédigée par son propre banquier, lequel avait avancé au demi-frère de quoi s’établir blanchisseur.et pouvait, s’il voulait, lui en réclamer restitution immédiate. Le banquier s’appelait Perregaux. Il allait, cinq ans plus tard, avec la bénédiction de ses employeurs britanniques, financer un regime change, dont le bénéficiaire le remercierait, après un délai décent de deux mois, en le nommant gouverneur d’une banque pseudo nationale, grâce à laquelle les Français auraient le droit de lui rembourser, avec usure, sa mise de fonds.

Le problème particulier d’Anne Terwagne ne peut être posé qu’en n’oubliant pas que l’internée possédait un certain nombre de bijoux de prix encore en gage dans divers Monts de Piété, lorsqu’elle est sortie de la nébuleuse de sa « rente Persan » évanescente pour entrer dans la nuit. Que ces bijoux aient constitué une fortune d’un certain poids au moment où elle en fut dépouillée est attesté par les nombreuses et de plus en plus anxieuses lettres qu’elle écrivit à l’homme qu’elle avait chargé de la défense de ses intérêts, y exprimant sa crainte que ses diamants fussent vendus à vil prix si elle ne les dégageait à temps, alors qu’était si grand le besoin qu’elle en avait pour soutenir l’existence » de ses demi-frères.

Deux exemples à trois ans d’intervalle :


Gênes, 9 mars 1789


Monsieur,

« Je vous suis très reconnoissente des peines que vous vous êtes donné, pour me faire payer de Mr de Persan.

«Je joint mon sertifiqua de vie bien en forme, afin qu’il ne puisse plus trouver de détour, est que vous puissiez, en qua du moindre retar à me payer les six moins échus et ceux qui vont échoire le mois d’avril prochain, que vous soiez en droit, dis-je, d’en agir avec riguer pour le forser à s’acquiter avec moi toutes de suite.

« Je vous suis fort obligée, monsieur de la bonté que vous avez de me permete de tirer sur vous, en attendant que je sois payée, je vous prie donc d’envoyer une traite de cent loys à votre correspondant à Genes avec ordre de payer M. Dourazzo, et de me donner le reste pour mon voyage jusquj’à Rome, et en meme temps il seroit à propos que vous eussiez la bonté de m’envoyer une lettre pour votre correspondant à Rome par qui vous me ferez tenir là mon argent quand je serai payée.

« A l’égard de mes diaments, je les enverrai chez vous, quand je serai à Rome, et vous les garderai jusqu’à ce que mes talents me permete de retourner en Angleterre.

« Si vous voulez avoir la bonté de m’envoyer des lettres de recommandation pour Rome et pour Naples, ou je conte aller quand j’aurai resté à Rome quelque temps, je vous aurai infiniment d’obligation, j’écrirai également à Mr Hammerslys de m’en envoyer. Il m’a déjà recommandé à sont correspondant à Genes ; je lui dois beaucoup à cause de toutes les marques d’estime qu’il m’a donnée ; j’ai eu l’honneur de diner hier avec votre ami le consul anglois qui, à votre considération, m’a toujours fait beaucoup de politesse depuis que je suis à Genes.

« Je vous demande pardon de tant vous annuyer. J’ai cependant encore autrre chose à vous demander. J’ai imaginé que vous pouriez me rendre ce servisse. Cela me seroit d’autant plus agréable que je n’aurai pas besoins de recourir au servisse de mes prétendus amis.

« Je suis venue en Italie pour chanter et étudier : j’ai conduis avec moi mes trois frères, l’un étudie la peinture et les deux autres le commerce. Comme je suis obligée de toujours voyager, je voudrois établir l’aîné à Liège, où nous avons des parans qui sont dans le commerce. J’aurai besoin de trois mille livres ou trois mille livres et demis pour acheter une plase de controleur à mon frère aîné, afin que le revenu de cette petite plase fournise à ces besoin pandant qu’il étudiera dans un contoire.

« Cependant je fait reflexion que si je mourois vous perderiez votre argent, je voudrois rendre service à mon frère et je suis assez embarasée, si vous vouliez seulement les avanser pour un ant, vous les retienderiez chaque six mois la moitiez avec les ainteret et vous seriez entièrement remboursé à conter du mois prochain dans un ant. Si vous vouliez faire cela pour moi avec les ainteret et je vous assure que je vous serois fort obligée, j'an aurai priez Mr Hammerslys, mais comme mes revenu sont en Frence j'ai crus qu'il étoit plus simple de vous en faire la proposition. Je vous prie de me faire réponse à cette egard par le même couryer. Par que je ne prendrai aucune résolution sant savoir vos sentiment.

« Votre servante

« Anne Josephe THEROIGNE


« je vous prie d'adresser votre réponse au consul anglois votre correspondant à Genes. »


 

5 janvier 1792


Monsieur,

« A présent que je suis libre, je suis sûre que je puis aller où je veux : si je suis contente de la justice de l’empereur, je dois aussi dire que, pendant tout le temps de mon injuste détention, on m’a traitée avec douceur.

« Quant à vos aristocrates , ils ont employé les moyens les plus ba, les intrigues les plus infâmes pour tacher de me faire perdre la liberté pour toujours. Je vous assure que, s’il n’avait tenu qu’à eux, je serais encore dans la forteresse de Kufstein. Des chevaliers français tel est le caractère.

« Je vous serais obligée, Monsieur, de m’envoyer de l’argent, trente louis que vous échangerez à Paris. Si vous n’avez que des assignats, j’y perdrai moins qu’ici. Je vous prie en grâce de m’envoyer ce que je vous demande par le même courrier, car je n’ai plus un liard pour payer mon logement, ni ma pension. Vous adresserez votre réponse poste restante Bruxelles.

«  En attendant, je suis avec estime, Monsieur, votre servante.


                                                                            Théroigne ».

 
Quel homme de finance n’aurait pu tourner autour de son petit doigt avec la plus grande facilité un jeune paysan illettré qui n’avait jamais été capable d’assurer sa propre subsistance et qu’affolait la perspective de perdre sa planche de salut ?

Quoi, un banquier faisant interner une de ses clientes, victime de ses détournements ?  Ces choses-là n’arrivent pas, voyons !

Je ne dis pas qu’elles se sont passées ainsi. Je dis que personne ne s’est jamais soucié de connaître la vérité à la manière de von Ranke, sur la fin d’une femme qui, à tous égards, méritait autre chose. De ses contemporains et de la postérité.

Une consoeur postmoderne du Dr.Esquirol a écrit tout un livre sur « le cas » Théroigne de Méricourt. Louable intérêt. Elle a juste omis de s’assurer au préalable que sa patiente souffrait bien d’une quelconque pathologie au moment de son internement.

muscadins.jpgAh, oui, la fameuse fessée... Une des fables les plus prisées veut que Théroigne ait été un jour, dans la rue, troussée et battue de verges par des tricoteuses, puis sauvée in extrémis (de quoi ?) par Marat. Le choc aurait été trop fort pour elle, d’où sa folie, etc. etc.

Elle y aurait mis le temps : Marat était mort depuis un an. Arrêtons de prendre les désirs de ces Messieurs pour des lanternes. Les femmes du peuple n’ont jamais fessé publiquement personne. Ce sont les Muscadins qui l’ont fait.


Rappelons qu’en Thermidor An II, la Terreur Blanche faisait rage depuis de nombreuses semaines ; qu’en province, des bandes armées s’attaquaient aux républicains et qu’à Paris, les Muscadins, au costume extravagant hautement symbolique, dont la pièce maîtresse était le gourdin, s’attaquaient courageusement et en bandes eux aussi, aux épouses des représentants jacobins qui avaient eu l’imprudence de sortir de chez elles, pour les trousser et les fesser en effet.

musc et gourdins.jpgEn d’autres termes, ils tenaient la rue, un peu à la manière de leurs descendants de celle d’Assas à Paris au début des années 1960 et à la fin des années 1980. Même cheptel, mêmes méthodes. « Musc & gourdins... Muscadins ! », dit-on joliment chez CanalMythos11.

 Si Théroigne a été fessée dans la rue, ce dont je doute, car elle sortait rarement seule, c’est par quelques courageux contre-révolutionnaires. Elle n’aurait fait que partager ainsi le sort de maintes femmes respectables, et elle en avait vu d’autres. Les monarchistes au gourdin leste et à la conscience élstique, elle connaissait, merci, elle sortait même d’en prendre. Il n’y avait pas là de quoi devenir folle, sinon de rage. En aucun cas de mélancolie. Ah, la mélancolie, si à la mode alors chez les aliénistes... Reste la question que personne n’a osée : Kidonkéfou ?

Quant à ce qu’ont dit d'elle Messieurs les hommes, de Suleau à ses ravisseurs et de Lamartine à Ghelderode, c’est à couper le souffle : un seul et même fantasme ! Résignons-nous-y Mesdames, l’imaginaire des mâles en matière de nous est désespérément privé  d’originalité. Je ne vais pas ici enfiler ces perles, ce serait fastidieux. Aussi bien Baudelaire les a-t-il toutes résumées en quatre vers :

 

Avez-vous vu Théroigne, amante du Carnage,

Excitant à l'assaut un peuple sans souliers,

La joue et l'oeil en feu jouant son personnage,

Et montant, sabre au poing, les royaux escaliers ?

 

Au moins ne la traite-t-il pas de panthère, de bacchante, de ménade buveuse de sang, et ne salive-t-il pas sur sa semi-nudité dans l’action. Curieusement, un des hommes les plus incontinents en matière de fantasmes a eu pour elle des paroles justes, et cet homme-là c’est Michelet :

 « Tragique histoire, horriblement défigurée par Beaulieu et tous les royalistes. Je prie les Liégeois de réhabiliter leur héroïne. »


Autre exception, le baron Camille Buffin (noblesse belge, on fait avec ce qu’on a) résumait ainsi, au début du XXe siècle, son sentiment :

« En étudiant l’histoire de Théroigne, on doit reconnaître que cette femme montra en toute circonstance une remarquable énergie et l’on ne peut se défendre d’avoir pour elle une certaine sympathie. Jetée dans la vie à 17 ans, sans appui, sans instruction, sans argent, livrée par sa beauté à toutes les tentations, exposée à toutes les séductions, elle parvint non seulement à devenir un orateur politique, mais à acquérir une influence populaire incontestable.

« Au milieu des événements dramatiques de la Révolution Française, elle groupa autour d’elle des hommes éminents, tels que J.M. Chénier, le peintre David, Danton, Pétion, Desmoulins, Siéyes, etc., et finit par prendre une part importante aux délibérations des assemblées. Il est pénible de penser que pendant les 24 années qu’elle passa dans un asile d’aliénés, réduite à l’alimentation des indigents, vêtue uniquement d’une chemise, aucun de ses anciens amis ne se souvint d’elle et ne lui accorda un secours, aucun des frères, qu’elle avait nourris si longtemps, ne lui fit une visite. Ingratitude cruelle ! Son nom s’était effondré sous les injures et les quolibets. Représentée tour à tour comme hideuse ou stupide, ivre, dévêtue, obscène, empoisonnant le sang français, personne n’osait plus la connaître. Et cependant Théroigne était innocente de la plupart des accusations portées contre elle par les adversaires de la Révolution, comme par exemple l’accusation du dessinateur Gabriel, d’avoir fait guillotiner un artiste qui avait peint d’elle un portrait peu ressemblant.

« Sa vie privée ne fut certes pas exempte de fautes, mais elles sont imputables en partie à l’abandon de sa famille pour laquelle elle se montra toujours bonne et généreuse. Quant à son rôle politique, il est difficile à apprécier. Fut-elle comme on l’assure, l’agent inconscient d’hommes intrigants qui, à diverses reprises, utilisèrent son influence réelle sur le peuple ? Ce qui semble certain, c’est qu’elle était sincère dans ses convictions républicaines, sans ambition, ni intérêts, elle croyait en soutenant les révolutionnaires, défendre les droits des pauvres et des opprimés et si elle poussa l’amour de la patrie jusqu’au crime, quelle est sa part de responsabilité ?»


Théroigne Salpêtrière.jpgIl se trompe sur un point, le baron Buffin : Théroigne reçut bien, au cabanon, au moins deux  visites. Celle de Sièyes, venu la regarder comme une bête en cage, à qui elle dit son fait de façon telle qu’il s’enfuit, décomposé. Celle ensuite de l’artiste qui a dessiné d’elle ce dernier portrait. Qui était ? Ce Gabriel, qui l’avait calomnieusement accusée d’avoir fait guillotiner l’auteur d’un « portrait peu ressemblant.».

Fut-elle, comme Buffin rapporte qu’on l’assura, « l’agent inconscient d’hommes intrigants qui, à diverses reprises, utilisèrent son influence réelle sur le peuple » ? Il est difficile d’en douter. On a beau se dire que lorsqu’elle appelait les femmes à s’armer et à s’entraîner aux Champ de Mars, elle était sincèrement persuadée des dangers qu’elle annonçait, qu’elle les pressentait, les voyait, tels qu’en effet ils finirent par déferler. Mais la France n’était pas encore en guerre, alors, et les jacobins robespierristes s’y opposaient avec l’énergie du désespoir, conscients que leur pays – en aussi complète déréliction que les États-Unis aujourd’hui – n’était pas en état de l’affronter.

C’étaient ses amis, Brissot en tête, qui la voulaient, sans expressément le dire, bien sûr, se contentant de crier au loup, à l’invasion imminente, comme l’ont fait de tout temps les va-t-en guerre (Napoléon pendant toute sa carrière, Hitler hier, les USA cinquante fois et Israël aujourd’hui). Quand la banqueroute est là et que l’empire auquel on prétend est sur le point de s’effondrer, le recours à la guerre, pour ceux qui sont au pouvoir, est la toute dernière carte qui reste à jouer. À condition bien entendu de passer d’avance par pertes et profits une partie non négligeable de la population en âge de porter les armes et de condamner de gaîté de coeur la majorité du reste à la plus extrême misère. C’est ce que se préparaient à faire les Girondins, se voyant déjà, par la grâce de ce miraculeux conflit, en train de piller l’Europe jusqu’à en rétablir les finances publiques françaises. Leurs finances privées ne se portaient pas trop mal, merci. Ces armateurs, ces colons,  ces planteurs, ces négriers n’étaient pas sectaires : que les colonies fussent très loin à l’Ouest ou très près à l’Est importait peu, et quoi de plus excitant que de conquérir et dépouiller l’Europe en brandissant les idéaux de la Révolution ! (Eh, non, cela non plus n’est pas nouveau.) « Démocratie »... « Liberté » (pour soi, sinon pour les autres)... Pour l’égalité et la fraternité, il n’y avait pas le feu.. Quand le peuple sortirait de sa croisade messianique, il ne serait heureusement plus en état d’embêter le monde avec ces billevesées. Il serait trop heureux en fait qu’on le laisse rentrer dans ses tanières pour y lécher ses plaies. En attendant, cette petite excitée était bien utile pour fabriquer le consentement dont on avait besoin.

Les robespierristes, en dépit d’efforts héroïques, n’allaient pas pouvoir épargner à leur pays cette épreuve. Tout au plus réussiraient-ils à le débarrasser des Girondins d’abord, de Danton ensuite, mais pas avant que ce dernier eût réussi à dégarnir Paris de ses éléments les plus radicaux, grâce à l’idée géniale de la levée en  masse. Combien furent-ils, alors, à tomber dans le même panneau que l’innocente?

La guerre une fois déclarée par la France girondine, il revint aux jacobins de la faire, de la faire défensivement et de la gagner. C’était donc eux qu’il faudrait ensuite éliminer pour que, de défensive, elle pût devenir de conquête, chose que mènerait à bien un ambitieux petit caporal. Le délicat Sièyes, qui depuis si longtemps cherchait un sabre, l’avait enfin trouvé.

Devant l’ampleur du désastre qu’elle avait à la fois redouté et contribué à faire advenir, Théroigne se mit à recommander la modération. Trop tard. Mais c’est grâce à elle et à d’autres abusés comme elle que des générations d’historiens à lunettes en bois ont pu faire passer Danton et les Girondins pour les modérés qu’ils ne furent jamais.

Ceux qui survécurent à la lutte à mort entre camp de la guerre et camp de la révolution la trouvèrent assurément plus gênante qu’utile, dès qu’ils n’en eurent plus besoin. Se rendit-elle jamais compte ? Difficile à dire. Sa sincérité ne fait aucun doute. Et quel qu’ait été son discours, sa fraternité fut également indiscutable. Pour le reste...

Incidemment : l’élimination  des révolutionnaires opposés à la guerre avait commencé de la blanche main de Charlotte Corday. S’est-on jamais avisé que ces deux femmes, qui ont joué et perdu leur vie pour des causes si opposées, ont été instrumentalisées par les mêmes hommes ? Toutes deux ont payé le plus haut prix qui fût leurs convictions respectives. Au moins la Liégeoise ne s’est-elle pas mis de sang sur les mains pour les yeux de merlan frit d’un bellâtre à la Barbaroux.


teroigne 2.jpg

À celle qui a peut-être été la première victime de Thermidor, je n’ai rien à offrir en guise de monument expiatoire, mais je puis au moins lui rendre, une dernière fois, la parole :

 

D I S C O U R S

PRONONCÉ  à  la  Société  Fraternelle des Minimes,
le  25  mars  1792,
l’an quatrieme de la liberté,


Par  Mlle  THÉROIGNE,

En  présentant  un  Drapeau  aux  Citoyennes
du  Faubourg  S.  Antoine.

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CITOYENNES, quoique nous ayons remportées des victoires, qu’un Tyran soit mort, qu’un Ministre prévaricateur soit accusé de haute trahison, & que l’Assemblée Nationale montre une énergie qui ranime l’espérance des Amis de la Patrie, nous sommes cependant toujours en danger. Sans entrer à cet égard dans des détails qui vous sont connus, je vous répéterai seulement ce que je crois ne pouvoir être trop rappelé à votre souvenir, afin de vous inviter à réfléchir sérieusement sur notre situation ; à ne pas perdre de vue que les torches de la guerre civile sont prêtes à s’allumer ; que l’étendart de la contre-révolution est arboré dans plusieurs parties de l’Empire ; qu’il est visible que par-tout, mais particulièrement dans Paris, des scélérats soudoyés ont un plan de division intestine qu’ils suivent avec la plus grande activité, afin de préparer des partis qui seront toujours funestes à la liberté, si votre vigilance ne déjoue pas les trames criminelles ourdies par nos ennemis.

Citoyennes, n’oublions pas que nous nous devons toutes entieres à la Patrie ; qu’il est de notre devoir le plus sacré de resserrer entre nous les liens de l’union, de la confraternité ; & de répandre les principes d’une énergie calme, afin de nous préparer avec autant de sagesse que de courage à repousser les attaques de nos ennemis.

Citoyennes, nous pouvons, par un généreux dévouement, rompre le fil de ces intrigues. Armons-nous ; nous en avons le droit par la nature & même par la loi ; montrons aux hommes que nous ne leur sommes inférieures ni en vertus, ni en courage ; montrons à l’Europe que les Françoises connoissent leurs droits, & sont à la hauteur des lumieres du dix-huitieme siecle ; en méprisant les préjugés, qui par cela seul qu’ils sont préjugés, sont absurdes ; souvent immoraux, en ce qu’ils nous font un crime des vertus.

Les tentatives que le pouvoir exécutif pourra faire par la suite pour regagner la confiance publique, ne seront que des piéges dont nous devons nous défier : tant que nos moeurs ne seront pas d’accord avec nos lois, il ne perdra pas l’espérance de profiter de nos vices pour nous remettre dans les fers. Il est tout simple, & vous devez même vous y attendre, on va mettre en avant les aboyeurs, les folliculaires soudoyés, pour essayer de nous retenir, en employant les armes du ridicule, de la calomnie, & tous les moyens bas que mettent ordinairement en usage les hommes vils pour étouffer les élans du patriotisme dans les ames foibles. Mais, françoises, actuellement que les progrès des lumieres vous invitent à réfléchir, comparez ce que nous sommes avec ce que nous devrions être dans l’ordre social. Pour connoître nos droits et nos devoirs, il faut prendre pour arbitre la raison, & guidées par elle, nous distinguerons le juste de l’injuste. Quel seroit donc la considération qui pourroit nous retenir, nous empêcher de faire le bien lorsqu’il est évident que nous le pouvons & que nous le devons ? Nous nous armerons, parce qu’il est raisonnable que nous nous préparions à défendre nos droits, nos foyers, & que nous serions injustes à notre égard & responsables à la Patrie, si la pusillanimité que nous avons contractée dans l’esclavage avoit encore assez d’empire pour nous empêcher de doubler nos forces. Sous tous les rapports, vous ne pouvez douter que l’exemple de votre dévouement ne réveille dans l’ame des hommes les vertus publiques, les passions dévorantes de l’amour de la gloire & de la Patrie. Nous maintiendrons ainsi la liberté par l’émulation et la perfection sociale résultante de cet heureux concours.

Françoises, je vous le répete encore, élevons-nous à la hauteur de nos destinées ; brisons nos fers ; il est temps enfin que les Femmes sortent de leur honteuse nullité ; où l’ignorance, l’orgueil, & l’injustice des hommes les tiennent asservies depuis si longtemps ; replaçons-nous au temps où nos Meres, les Gauloises & les fieres Germaines, délibéroient dans les Assemblées publiques, combattoient à côté de leurs Époux pour repousser les ennemis de la Liberté. Françoises, le même sang coule toujours dans nos veines ; ce que nous avons fait à Beauvais, à Versailles, les 5 & 6 octobre, & dans plusieurs autres circonstances importantes & décisives, prouve que nous ne sommes pas étrangeres aux sentimens magnanimes. Reprenons donc notre énergie, car si nous voulons conserver notre Liberté, il faut que nous nous préparions à faire les choses les plus sublimes. Dans le moment actuel, à cause de la corruption des moeurs, elles nous paroîtront extraordinaires, peut-être même impossibles ; mais bientôt par l’effet des progrès de l’esprit public & des lumieres, elles ne seront plus pour nous que simples & faciles.

Citoyennes, pourquoi n’entrerions-nous pas en concurrence avec les hommes. Prétendent-ils eux seuls avoir des droits à la gloire ; non, non... Et nous aussi nous voulons mériter une couronne civique, & briguer l’honneur de mourir pour une liberté qui nous est peut-être plus chere qu’à eux ; puisque les effets du despotisme s’appesantissoient encore plus durement sur nos têtes que sur les leurs.

Oui... généreuses Citoyennes, vous toutes qui m’entendez, armons-nous, allons nous exercer deux ou trois fois par semaine aux Champs-Elisées, ou au Champ de la Fédération, ouvrons une liste d’Amazones Françoises ; & que toutes celles qui aiment véritablement leur Patrie, viennent s’y inscrire ; nous nous réunirons ensuite pour nous concerter sur les moyens d’organiser un Bataillon à l’instar de celui des éleves de la Patrie, des Vieillards ou du Bataillon sacré de Thèbes. En finissant, qu’il me soit permis d’offrir un Etendart tricolore aux Citoyennes du faubourg Saint-Antoine.

~~~~

D I S C O U R S

Imprimé par ordre de la Société Fraternelle de
patriotes, de l’un & l’autre sexe, de tous
age & de tout état, séante aux Jacobins,
rue Saint-Honoré.

_________________________     

A  P A R I S
______  

1 7 9 2.

 

 

Un mois et cinq jours plus tard, la France déclarait la guerre à l’Autriche.

Un an presque jour pour jour plus tard, c’est la défaite, pour ne pas dire la déroute : le général girondin Dumouriez, après avoir été battu à Neerwinden et à Louvain, s’entretient avec le prince de Saxe-Cobourg Gotha, son vainqueur, comme si de rien n’était. L’assemblée lui envoie quatre représentants pour le destituer et l’arrêter . C’est lui qui les arrête et les livre aux Autrichiens. Il se prépare à marcher sur Paris, pour y mettre au pas l’Assemblée et s’emparer de la dictature. Les soldats du rang, les fameux volontaires enrôlés grâce à Danton, refusent de le suivre et crient à la trahison. Il ne lui reste plus qu’à passer à l’ennemi avec tout son état-major.

Depuis des mois, Marat l’accusait lui aussi de trahison. Ses amis politiques – le gouvernement de la France, à ce moment-là, c’est eux – décrètent Marat d’arrestation. Appelé à la barre de l’Assemblée pour y répondre des forfaits dont on l’accuse, Marat se défend seul et sort en triomphateur de l’épreuve : le peuple qui l’attend dehors le porte en triomphe. Robespierre réclame la mise en accusation des ministres girondins pour complicité avec Dumouriez, et l’obtient.

Est-ce juste avant, est-ce pendant ou juste après ces journées cruciales – insurrectionnelles – des 31 mai et 2 juin 1793 qu’elle fit placarder l’appel qui suit ? Elle y mentionne son retour d’Allemagne « il y a à peu près dix-huit mois ». Ces dates coïncident.

Essayait-elle de sauver ses amis ou simplement d’empêcher, comme elle le dit, la guerre civile ?

C’est sous la pression de l’émeute populaire que, le 2 juin, vingt-neuf députés girondins et deux ministres sont décrétés d’arrestation (leur procès aura lieu en octobre). Placés en résidence surveillée à leur domicile, plusieurs s’enfuient et s’en vont soutenir les insurrections fédéralistes de Normandie, de Bretagne, du Sud-Ouest et du Midi, c’est-à-dire y fomenter cette guerre civile qu’elle semble redouter plus que tout. Il est donc possible que ce soit là le premier désaveu qu’elle exprime à leur égard. Ils rencontrent, dans leur cavale, Charlotte Corday, qu’ils se mettent à catéchiser. Marat n’a plus un mois à vivre.


 

«  AUX 48 SECTIONS,

 

« Citoyens,

« Écoutez, je ne veux point vous faire de phrases, je veux vous dire la vérité pure et simple.

« Où en sommes-nous ? Toutes les passions que l’on a eues à Paris l’art de mettre aux prises nous entraînent, nous sommes presque au bord du précipice.

« Citoyens, arrêtons-nous et réfléchissons, il est temps. À mon retour d’Allemagne, il y a à peu près dix-huit mois, je vous ai dit que l’Empereur avoit ici une quantité prodigieuse d’agens pour nous diviser, afin de préparer de loin la guerre civile, et que le projet étoit de la faire éclater au moment que ses satellites seroient prêts à faire un effort général pour envahir notre territoire. Nous y voilà ; ils sont au point de dénouement, nous sommes prêts à donner dans le piège. Déjà des rixes précurseurs de la guerre civile ont eu lieu dans quelques sections : soyons donc attentifs et examinons avec calme quels sont les provocateurs, afin de connoître nos ennemis.

« Malheur à vous, citoyens, si vous permettez que de semblables scènes se renouvellent. Si on peut se donner des coups de poings, se dire des injures indignes de citoyens, bientôt on  osera davantage...

« Citoyens, arrêtons-nous et réfléchissons ou nous sommes perdus. Le moment est arrivé où l’intérêt général de tous veut que nous nous réunissions, que nous fassions le sacrifice de nos haines et de nos passions pour le salut public. Si la voix de la patrie, la douce espérance de la fraternité n’ébranlent point nos âmes, consultons nos intérêts particuliers. Tous réunis nous ne sommes pas trop fort pour repousser nos nombreux ennemis du dehors et ceux qui ont déjà levé l’étendard de la rebellion. Cependant je vous préviens que nos ennemis ne distinguent point les partis et que si nous sommes vaincus nous serons tous confondus au jour de la vengeance.  Je puis dire qu’il n’y a pas un seul patriote qui se soit manifesté dans la révolution, sur le compte duquel on ne m’ait interrogée. Tous les habitants de Paris sont indistinctement proscrits, et j’ai ouï dire mille fois par ceux qui me vouloient faire déposer contre les patriotes, qu’il falloit exterminer la moitié des François pour soumettre l’autre...

« Les plus petites choses conduisent quelquefois aux plus grandes. Des femmes romaines ont désarmé Coriolan et sauvé leur patrie.

« Rappelez-vous citoyens qu’avant le dix août, aucun de vous n’a brisé le fil de soye qui séparoie la terrasse des Feuillans du jardin des Thuileries. La moindre chose arrête quelquefois le torrent des passions avec plus de succès que tout ce qu’on peut leur opposer.

« En conséquence je propose qu’il soit nommé dans chaque section, six citoyennes les plus vertueuses et les plus graves par leur âge, pour concilier et réunir les citoyens, leur rappeler les dangers de la patrie ; elles porteront une grande écharpe où il sera écrit AMITIÉ ET FRATERNITÉ. Chaque fois qu’il y aura assemblée générale de section, elles s’y rassembleront pour rappeler à l’ordre tout citoyen qui s’en écarteroit, qui ne respecteroit point la liberté des opinions, chose si précieuse pour former un bon esprit public ; ceux qui ne sont qu’égarés, mais qui cenpendant ont de bonnes intentions, aiment leur patrie, feront silence. Mais si ceux qui sont de mauvaise foi et apostés tout exprès par les aristocrates, par les ennemis de la démocratie et les agens des rois, pour interrompre, dire des injures et donner des coups de poings, ne respectent pas plus la voix de ces citoyennes que celle du président, ce seroit un moyen de les connoître. Alors on en prendroit note pour faire des recherches sur leur compte. Ces citoyennes pourroient être changées tous les six mois ; celles qui montreroient le plus de vertu, de fermeté, de patriotisme dans le glorieux ministère de réunir les citoyens et de faire respecter la liberté des opinions pourroient être réélues pendant l’espace d’une année. Leur récompense seroit d’avoir une place marquée dans nos fêtes nationales et de surveiller les maisons d’éducation consacrées à notre sexe.

« Voilà, citoyens, un  projet que je soumets à votre examen.
« Théroigne. »


Quelle femme de Baghdad ne pourrait tenir aujourd’hui ce discours ?

Charlotte Corday et Théroigne de Méricourt ne furent  pas les seules à être utilisées sans états d’âme par les mêmes ambitieux sans scrupules. Il en est d’autres qui l’ont été tout autant, même si elles l’ont payé moins cher. Je veux parler des deux soeurs Fernig, Marie-Félicité (1770-1841) et  Marie-Théophile (1775-1819).

soeurs fernig portrait à l'huile Valenciennes ter.JPGNatives de Mortagne, dans le Nord, filles d’un capitaine et soeurs d’un futur général, ces deux jeunes femmes exceptionnellement douées pour le métier des armes ont d’abord combattu sous les ordres du lieutenant-général Beurnonville, futur ministre de la guerre, pour être assez vite – à l’âge respectif de 17 et de 22 ans – élevées au rang d’aides de camp du général Dumouriez . Lorsque celui-ci, forcé de jeter le masque et de passer à l’ennemi avec seulement son état-major pour le suivre (exemple rare de toute une armée refusant d’obéir à son chef), Marie-Théophile et Marie-Félicité furent de la chevauchée. Sachant ce qu’elles faisaient ? J’en doute. Des récits biographiques disent qu’à peine arrivées à Bruxelles, elles comprirent qu’elles venaient d’émigrer et n’eurent plus qu’une seule idée : repasser les lignes, s’expliquer et se faire réintégrer dans les rangs républicains.
Elles finirent par mener à bien leur évasion, mais non à convaincre totalement de leur bonne foi. Elles ne furent pas punies de leur défection temporaire, mais ne furent pas réintégrées non plus : leur carrière militaire était finie. Toutes deux sont plus tard retournées vivre à Bruxelles, sous occupation française il est vrai, mais en qualité de civiles (Marie-Félicité mariée, Marie-Théophile célibataire). C’est là qu’elles sont mortes, la cadette sous l’occupation hollandaise, l’aînée sous la  monarchie belge.

(Les soeurs Fernig, portrait à l'huile. Musée de Valenciennes)

 


Stèle Marcourt

  Stèle érigée par le village de Marcourt à sa plus célèbre citoyenne.

 

*

 

« On reconnaît la grandeur et le caractère d’une nation à la manière dont elle traite ses animaux». Gandhi

«On n'a pas deux cœurs, l'un pour l'homme, l'autre pour l'animal… On a du cœur ou on n'en a pas».
Lamartine

«La chasse est le moyen le plus sûr pour supprimer les sentiments des hommes envers les créatures qui les entourent ».
Voltaire

«Les animaux sont mes amis et je ne mange pas mes amis ».
G.B. Shaw

«De l'assassinat d'un animal à celui d'un homme, il n'y a qu'un pas».
Tolstoï

«Les problèmes posés par les préjugés raciaux reflètent à l’échelle humaine un problème beaucoup plus vaste et dont la solution est encore plus urgente : celui des rapports de l’homme avec les autres espèces vivantes… Le respect que nous souhaitons obtenir de l’homme envers ses semblables n’est qu’un cas particulier du respect qu’il faudrait ressentir pour toutes les formes de vie… ».
Levi-Strauss

Etc. etc. etc.

 

brigittebardotetunphoquereference

 

.....«Que d’applaudissements ! Mais aussi quels rires ! Quelle proie que la “Muse de la Démocratie”, que cette “Vénus donnant des leçons de droit public” pour les moqueries et les huées ! » auraient pu redire les Goncourt, s’il eussent connu Brigitte Bardot.

Ne dénonçons pas les Rivarol, les Peltier, les Champcenetz, les Suleau et les Marchand d’aujourd’hui, qui ne tarissent pas « d’ironies, de soufflets, de gorges chaudes et d’ordures » à son sujet.

Il est vrai qu’elle y a prêté le flanc en  adoptant, depuis son dernier mariage, le discours de ceux qui l’entourent. Elle n’est pas la première, nous venons de le voir, à subir l’influence d’hommes peu recommandables. Ni la dernière. Et, certes, elle a répété, sur ceux qui sont, que cela plaise ou non, l’avenir de la France, d’assez consternantes sottises. Elle a pris, comme tant d’autres, la couleur de son environnement..

Qu’elle ait, à un moment de sa vie où une très jolie femme devient fragile, fait l’objet d’une OPA malintentionnée serait très cruel à lui dire, et au fond, ce n’est peut-être même pas vrai. On ne devrait jamais vieillir. On ne devrait jamais se mettre à boire pour ne pas voir que le temps vous outrage, alors qu’on ne lui a rien fait. Que celui qui ne s’est jamais trompé lui jette la première pierre. Après tout, le grand Vallès lui-même a bien écrit un livre sur l’argent, pour essayer de se persuader que les capitalistes avaient raison...

Pourtant, « Muse de la Démocratie », elle l’a bel et bien été quand ce mot signifiait encore quelque chose. Et cette Vénus a vraiment donné des leçons de droit public ! Ou n’y a-t-il que moi qui se souvienne de cette mi-décembre de 1961, où, seule, elle a osé répondre par un non catégorique au chantage de l’OAS? Croit-on peut-être que ce n’était rien et qu’il n’y fallait pas de courage ? « Si vous ne voulez pas être plastiquée »... (Sartre venait de l’être)... « Payez secrètement »... Combien de ses vertueux censeurs d’aujourd’hui ont-ils payé alors « secrètement » pour être laissés en paix, et tant pis pour les Algériens et tant pis pour le contingent ? A-t-on oublié ses mots d’alors à L’Express : « ...les inspirateurs de ce genre de lettres seront rapidement mis hors d’état de nuire s’ils se heurtent partout à un refus net et public de la part des gens qu’ils cherchent à terroriser par leurs menaces et leurs attentats (paroles réactivées, et de quelle manière, par les femmes algériennes des années 1990) En tout cas, moi, je ne marche pas, parce que je n’ai pas envie de vivre dans un pays nazi. » A-t-on oublié le billet d’André Wurmser en première page de L’Humanité, lorsqu’un de ses films fut sifflé dans un cinéma d’Alger, et sa photo, pendant plusieurs jours en page politique du même quotidien, sans compter les autres ? Lui en a-t-on prêté des motifs, alors qu’elle n’était tout simplement pas intimidable ! Déjà célèbre de toutes les manières, y compris par la liberté de ses moeurs, elle l’a été à ce moment-là d’une manière toute nouvelle et pas « people » pour un sou, qui a forcé le respect jusque hors de France. (Je rappelle en passant que c’est un autre acteur, Peter Ustinov, qui a cassé le pouvoir d’intimidation du McCarthysme, en répondant par de spirituelles insolences au questionnaire qu’on lui fit remplir à son entrée aux États-Unis.) On peut penser ce qu’on veut des dérives de la Bardot d’aujourd’hui, et je n’en pense pas de bien, mais comment oublier, en même temps, qu’aux instants du vrai danger – pas du chantage à l’insécurité ! – elle n’a ni émigré à Hollywood ni planqué son magot en Suisse, mais est restée au contraire à travailler en France, et à y payer ses impôts ?

Par ailleurs, il est un point sur lequel personne, jamais, n’aura pu l’influencer, c’est sa défense, bec et ongles, des innocents entre tous, dont le martyre perpétuel passe nos capacités d’imagination et d’encaissement. Nous voulons bien laisser faire, mais nous ne pourrions pas savoir sans tomber dans les pommes.

Là, non seulement elle n’a subi aucune influence, bonne ou mauvaise, mais c’est elle qui a pesé – qui pèse encore – sur son siècle. Je n’ai, pour ma part, vu un  tel déni d’anthropocentrisme que chez deux autres personnes, que je vénère pour cela et que j’admire pour beaucoup d’autres raisons : Paul Léautaud et John Cowper Powys. Pourquoi sont-ils si rares, ceux qui comprennent que, si les animaux n’ont que deux miroirs à leur cerveau quand nous en avons plusieurs, cela nous donne des responsabilités supplémentaires, pas des droits ?

Je me souviens comme si c’était hier – pas vous ? – de sa toute première manifestation dans ce sens. C’est en 1962, à la télévision, qu’elle est apparue dans l’émission d’Éliane Victor « Les femmes aussi », pour flanquer la torture des animaux de boucherie dans l’assiette de millions de patates de divan. Elle n’a plus jamais arrêté depuis. Combien de présidents de la République est-elle allée voir pour tenter de les persuader de légiférer un peu, un tout petit peu, contre la barbarie à pleins tubes ? Cinq ? Six ? Tiens, fume ! Et voilà qu’au moment où elle s’y attendait peut-être le moins, il y en a un, enfin, qui l’a entendue, et qui vient d’interdire la chasse aux bébés phoques sur le territoire de son pays, qui se trouve être le plus vaste du monde  – non, bien sûr, ce n’est pas en France – et à qui elle a écrit :  «Monsieur le Premier Ministre, qui restez mon Président de coeur, merci ».
 
Et si on lui donnait un petit coup de main ?

« Monsieur le Premier Ministre et Président de coeur de Brigitte Bardot, encore un effort ! Maintenant que vous leur avez sauvé la vie, empêchez qu’on en fasse des orphelins. Rendez ce plus grand de tous les services à vos compatriotes : aidez-les à grandir. Qui sait... peut-être alors feront-ils tache d’huile... D’avance, toutes les femmes dignes de ce nom vous remrcient. Et comment va Mashenka-Milashka ?

« Salutations déférentes. »

 

*

 

Il paraît que Jean Ferrat (on n'est plus tout à fait le 8 mars) avait appelé son âne « Justice sociale ».
Dans ce cas, c’était une ânesse, pas un âne.


Les Antraiguois s’en occupent-ils, maintenant que son humain n’est plus ?


anesse + carotte

Magne-toi, Justice sociale si tu veux des carottes !

 

 


J’aurais voulu parler de tant d’autres...


STAS - Mauvaise graine bis

Mauvaise graine, collage d’André Stas.

 
J’aurais voulu parler de la veuve de Marat, Simonne Evrard, épousée « sur l’autel de la Nature », et de la soeur de Marat, Albertine. Car c’est avec ces deux femmes, réfugiées après la défaite dans un petit bourg suisse et « vivant ensemble d’une rente minuscule sur l’État et du travail de leurs mains », que Philippe Buonarrotti a entrepris de mettre sur pied une quantité de sociétés secrètes qui, sous le Consulat, sous l’Empire et sous la Restauration, ont détourné la franc-maçonnerie à des fins politiques, dans le but de républicaniser l’Europe. Si indignes qu’elles en soient devenues, toutes les gauches européennes sont sorties de leurs mains. Sans lui, et sans elles, ni Marx, ni Bakounine, ni Élisé Reclus, ni Lénine n‘auraient trouvé le moindre auditeur..

J’aurais voulu parler de ma très chère May Picqueray, de Louise, la Canaque d’honneur, de Séverine, qui tant impressionna Léautaud, de la mère d’Haroun Tazieff, qui fut la première chimiste en jupons de Russie, docteur en sciences politiques et athée, qui épousa un Tatar musulman, le perdit à la guerre, devint membre du Komintern et sauva, pendant la guerre suivante, des petits enfants juifs et ceux de Maurice Thorez pêle-mêle (alors, Frédéric, cette biographie, ça vient ?).

J’aurais voulu parler de Silvia Cattori, de Mona Chollet, de Paula Jacques et de toutes celles qui, comme elles, pensent que le talent ne suffit pas, s’il n’y a pas une conscience pour aller avec. Et, tiens, à propos, j’aurais bien aimé parler des cailles coyphées, des belles thélémites, des fillettes de par icy et même des Gargamelles de mon très cher aussi maître François, ce sera pour une autre fois, et puis il le fait si bien lui-même. Misogyne ? Vous ne savez pas lire !

J'aurais voulu parler des Anglo-Saxonnes, presque toutes des femmes de lettres, qui, au moment où Zetkin et Armand posaient politiquement le problème de l'égalité des sexes et de la libération des moeurs, ont choisi de le faire de façon expérimentale, au prix d'un tribut souvent très lourd : les Virginia Woolf, les Violette Trefusis, plus tard les Virginia Townsend Warner et les Mary Renault, mais aussi les femmes de la mouvance de D.H. Lawrence et celles du clan Powys - celles du noyau et celles de la couronne, les Marian et Gertrude Powys, les Frances Gregg, Phillys Playter, Alyse Gregory et Gamel Wolsey, sans oublier Hilda Doolittle et Isadora Duncan. Combien d'autres encore...

J’aurais voulu parler de Marie N’Diaye, qui pense en même temps qu’elle écrit. Ça existe encore, ça, un écrivain qui pense, à part M. Michon ? Madame, surtout, ne lâchez pas la langue française ! C’est un Stradivarius des langues, mais elle a terriblement besoin de votre sang neuf, de vos mots neufs, de vos tournures neuves et de votre façon de penser, sinon elle mourra, car ceux qui en ont hérité lui préfèrent le pidgin qu’ils prennent pour de l’anglais. Ne leur laissez pas nous faire ce coup-là !

J’aurais voulu parler de Pascale Vandegeerde, qui a tiré quinze ans de prison dans l’indifférence générale pour sauver les Belges du déshonneur, qui est allée jusqu’au bord de la folie mais sans broncher sur ses principes, et qui maintenant fait des jardins comme si personne ne lui devait rien.

Que dire de Joëlle Aubron ? Peut-être que, pendant que j’écris ceci, elle fume des asphodèles avec  Rachel Corrie.

Quant à celles qui sont au pouvoir... « Une femme au pouvoir, qu'il s'agisse du pouvoir politique ou économique, est un homme » (José Saramago). Une femme châtrée en tout cas.

J’ai dit que je ne parlerais pas de paix, mais je veux bien parler de guerre à la guerre...

C’est quand qu’on rejoue Lysistrata, version mondiale ?

Voilà. Désolée d’avoir empiété sur l’année de l’homme.

 

Marie Mouillé

 

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Notes

1. Dans William Shakespeare.

2. On les appelle aussi refusniks, n’en déplaise aux joyeux drilles du Jeu des Dictionnaires.

3. « agenbite of inwit !... Ils ont beau me dire que c’est tout simplement «conscience» en vieil anglais. Conscience ! Il me semble entendre quelque Déméter à tête de jument hennir son dédain mystique  pour le  derner mot des Mystères d’Éleusis ! » John Cowper Powys, James Joyce’s Ulysses – An appreciation.

4. On appelait d’ailleurs cette station thermale « le Café de l’Europe ». Entendez : son tripot. On y jouait des sommes colossales. Artois et Provence y perdirent, certains soirs, de quoi nourrir tous les pauvres de France pendant plus d’un an. Une de leurs distractions, à la sortie du « Wauxhall », était de jeter dans la Hoëgne des piécettes de cuivre aux gamins, à condition qu’ils allassent les y chercher avec les dents.

5. En moins d’un an, elle avait emprunté 8000 livres.
 
6. Louis David, qui, pendant la Révolution, dirigea les Beaux-Arts.

7. Jean-Louis Carra, journaliste et conventionnel, qui sera guillotiné avec les Girondins en 1793.

8. « Le chevalier, un homme de 34 ans environ, avait le talent d’indisposer tout le monde contre lui... Il était indiscret, insolent, fanfaron et savait mentir avec le plus grand sang-froid... il tournait de jour en jour au chevalier d’industrie. » (M. Strohl Ravelsberg)

9.
Elle voulait demander des comptes à Mercy-Argenteau, ignorant qu’il avait entretemps été remplacé par Metternich.

10.
Pour Dora Weiner, Esquirol est plus qu’un élève de Pinel, il est aussi un rival qui sort vainqueur de ce qu’elle appelle « la joute du vocabulaire ». Ils sont opposés aussi par des traditions politiques différentes : alors que Pinel reste associé à l’utopie de la Révolution, Esquirol est monarchiste. Avec les changements politiques post-révolutionnaires en France, Pinel est progressivement relégué, alors qu’Esquirol devient le centre de l’organisation nationale du monde asilaire avec la Restauration. À partir de 1817, Esquirol est au zénith en ce qui concerne la folie et son vocabulaire supplante de plus en plus celui de Pinel. Esquirol ne s’embarrasse pas de finesses hippocratiques démodées et l’heure n’est plus à la vocation universaliste de guérir la manie en tant que problème de l’humanité, mais d’administrer une folie qui est devenue un problème national. (Diego Alcorta, Dissertation sur la manie... aiguë ?)

11. http://canalmythos.blogspot.com/ ...
        http://canalmythos.blogspot.com/2007/02/de-lorigine-de-lexpression-jeunesse.html

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LIVRES

Sur ou de Clara Zetkin :

Clara Zetkin, Selected Writings, 1991 (en anglais)
Dorothea Reetz, Clara Zetkin as a Socialist Speaker, 1987. (en anglais)

Sur Inès Armand :

Jean Fréville, Une grande figure de la Révolution russe : Inessa Armand, Paris, Éditions sociales, 1957.

Georges Bardawil, Inès Armand : La deuxième fois que j’entends parler d’elle, Paris, J.C. Lattès, 1983.

R.C. Elwood, Inessa Armand, Revolutionary and Feminist, Cambridge University Press, 1992 et 2002.

Sur Rachel Corrie : 

Je m'appelle Rachel Corrie, Texte d'après les écrits de Rachel Corrie adaptés par Alan Rickman et Katharine Viner, traduits en français par Séverine Magois. (Représentations dans divers théâtres de France, de Suisse et de Belgique. Aucune publication en français !)

Sur les femmes et l’Afghanistan :

Nadeem Aslam, La vaine attente, Paris, Seuil, 2009 (roman traduit de l’anglais, auteur pakistanais en exil).

Nous espérons pouvoir revenir plus tard sur l’extraordinaire floraison de talents littéraires qu’offrent, en ce moment, l’Inde, l’Afghanistan et le Pakistan.

Victor Hugo sur Tacite (à propos d’Aline de Diéguez) :

C’est dans William Shakespeare, in Oeuvres complètes de Victor Hugo, Paris, Hetzel – Quantin, 1864. En ligne http://fr.wikisource.org/wiki/William_Shakespeare_%28Victor_Hugo%29
Les curieux y liront, sur William Pitt, une page d’anthologie (chapitre « L’Histoire réelle », pp. 315-316 de l'édition sus-citée.).

Sur les Shministim :

Des sites et des vidéos (taper "shministim" dans Google).

Celui-ci est en anglais :  http://december18th.org/

John Cowper Powys, James Joyce’s Ulysses – An Appreciation, Londres, The Village Press, 1975.

Sur Théroigne de Méricourt
:

Edmond et Jules de Goncourt, Portraits intimes du dix-huitième siècle, Paris, Flammarion & Fasquelle, 1857 (Les citations de Théroigne à l'orthographe non retouchée : d'après la collection des Goncourt.)

Strohl-Ravelsberg, Les Confessions de Théroigne de Méricourt, la belle Liégeoise. -  Extrait du procès-verbal inédit de son arrestation au pays de Liège, qui fut dressé à Koufstein (Tyrol), en 1791 (208 p. fol.). (Ouvrage édité en 1892 à Paris, d'après une autobiographie écrite au crayon par Théroigne et reposant aux Archives de Vienne.)

Baron Camille Buffin, Récits d’hier et d’aujourd’hui, Renaix, Leherte-Courtin & Fils, s.d. (1900 -1920).

Georges Laport, La vie trépidante de Théroigne de Méricourt, Mézières-Charleville, Les Cahiers Ardennais, 1931.

Notice biographique officielle de la Principauté de Liège en ligne :
http://perso.infonie.be/liege06/12douze10.htm

Théroigne de Méricourt, La lettre-mélancolie, Paris, Verdier, 2006, Texte édité par Jackie Pigeaud, transcription de Jean-Pierre Ghersenzon. (Voir ici le compte-rendu qu’en fait Maïté Bouyssy, pour Les Annales historiques de la Révolution Françaisehttp://ahrf.revues.org/6643 )

Bibliographie non exhaustive.

Sur Perregaux, espion suisse :

Robert Darnton, L'aventure de l'Encyclopédie, 1775-1800, un best-seller au siècle des Lumières, Paris, Perrin, 1982

Sur Perregaux, espion anglais et banquier de la France :

Albert Mathiez, « Le Banquier Perrégaux », Annales révolutionnaires, XI, mars 1920, p.242-252.
Albert Mathiez, « Encore le banquier Perrégaux », Annales révolutionnaires, XII, avril 1920, p. 237-243.
Henri Guillemin, Napoléon tel quel, Paris, Trévise, 1969 – Réédition Utovie, 2005.
Olivier Blanc, La Corruption sous la Terreur, Paris, Robert Laffont, 1992.
Olivier Blanc, Les Espions de la Révolution et de l’Empire, Paris, Perrin, 1995.

De Brigitte Bardot :

Noonoah, le petit phoque blanc, Éditions Grasset jeunesse, 1978.

Initiales B.B., Éditions Grasset. Mémoires (Tome 1 - de 1934 à 1973), 1996.
Le Carré de Pluton, Éditions Grasset. Mémoires (Tome 2 - de 1973 à 1998), 1999.
Un cri dans le silence, Éditions du Rocher, 2003
Pourquoi ?, Éditions du Rocher. A l'occasion du 20ème anniversaire de sa Fondation, Brigitte Bardot retrace tout son combat pour la protection animale - plus de 300 photos, 2006. 

Sur Brigitte Bardot :

Prière de se reporter à Wikipédia.

Sur Vladimir Poutine, les phoques et les tigresses :

http://www.russiablog.org/2009/03/putin-bans-seal-hunt-ca...

http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/20080901.OBS965...

(Aux dernières nouvelles, la tigresse va bien, a eu un petit, a été perdue pour cause de collier désactivé, a été retrouvée, a un nouveau collier, a recommencé à circuler sur l’écran du Premier ministre.)

http://www.videos.nouvelobs.com/video/iLyROoafYHHy.html

(La petite tigresse de deux mois a maintenant plus d'un an et se trouve dans la réserve naturelle de Krasnogorsk.) 

De José Saramago :

Interview accordée à Aliette Armel pour Le Magazine littéraire (Mars 2010 - N°495)

Le cahier, chroniques parues sur Internet entre septembre 2008 et mars 2009, préface d'Umberto Eco, traduit du portugais par Marie Hautbergue, Paris, Le Cherche Midi, 2010.

Le voyage de l'éléphant, traduit du portugais par Geneviève Leibrich, Paris, Seuil, 2010


Commentaires

Quelle fréquence ? C'est intéressant mais pas fréquent.
Vous postez tous les combien ?

Écrit par : Hans | 01/04/2010

C'est intermittent. Selon nos possibilités.
Si vous vous inscrivez à notre lettre d'information (par un mail portant le simple mot "Inscription"), vous serez avisé de chaque parution.
Quand vous ne voulez plus recevoir ces avis, vous nous envoyez un mail avec, pour objet : "Désinscription".
C'est simple et ça fonctionne.
Cordialement

Écrit par : Webmaster | 01/04/2010

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