XVIIe chapitre (Les XVI premiers seront pour plus tard, urgence oblige.)
par Marie Mouillé
C’est une histoire belge... que même Coluche n’aurait pas imaginée
La Belgique n’a pas de gouvernement depuis près d’un an (record Guinness battu).
La Belgique – neutre pendant des siècles – est infichue de se défendre : quand on l’envahit, elle capitule tout de suite en faisant porter le chapeau au roi en exercice.
Mais elle s’en va faire la guerre – une guerre d’agression, de conquête – à un peuple qui ne lui a rien fait, qui a un gouvernement dont il est content, pour qu’il n’en ait plus.
Prosélytisme ?
La Belgique n’a plus d’argent pour les écoles, ni pour les profs, ni pour la santé, ni pour les hôpitaux, ni pour les routes, ni pour les chemins de fer - un seul train de la SNCB peut y tuer jusqu’à 17 vaches à la fois sur un passage à niveau -, ni pour la justice, elle a vendu sa poste à l’encan, elle loue des prisons en Hollande pour y parquer ses prisonniers, et les Belges vont devoir vivre de l’air (radioactif) du temps pour rembourser une dette nationale pharamineuse, juste après avoir renfloué à leur corps défendant toute une smala de banques... mais elle s’embarque, au premier rang, dans une aventure militaire innommable, qui coûte au bas mot 100 millions de dollars par jour. Coût estimé au départ mais qui pourrait grimper, que dis-je, qui a grimpé dès le premier F15 abattu, car les pertes possibles n’avaient pas été prises en compte.
Et qui donc a reçu mission d’annoncer l’exaltante nouvelle aux paysans du Danube de ce côté-ci du Quiévrain ? Madame Juliette Boulet. Écolo. Vous ne connaissez pas ? Moi non plus. Bien qu’elle ait été mentionnée par Catherine dans les Niouzes de notre post précédent.
Madame Boulet se croisant les bras, pendant que la conscience de son pays fait le trottoir.
Or donc ladite Madame Boulet a soudain envahi les ondes nationales, interviewée ici, interviewée là, ne sachant plus où donner du micro, pour nous vendre les F16 belges en train de larguer des bombinettes sur des populations civiles heureusement bien à l’abri sous leurs tentes, et s’écrier – à répétition – avec une fougue humanitaire digne d’un final de Richard Wagner : « qu’on ne pouvait quand même pas rester les bras croisés pendant que des populations civiles étaient en train de se faire massacrer », qu’il « fallait faire vite pour empêcher le pire » et que «euh, oui, bien sûr, il y aurait des morts, mais que c’était inévitable, et qu’on essayerait qu’il y en ait le moins possible» (64 le premier jour). Tout ça d’une traite, sans quasiment reprendre haleine.
Pourquoi elle ?
« La Libye, c’est par là ! » Pieter De Crem en Afghanistan
Pourquoi pas le ministre des guerres, Pieter De Crem, dit Crembo par ceux qui le connaissent (voir ici et là) et pourquoi pas son prédécesseur et rival André Flahaut ? Pourquoi pas le roi ? (Non ! Le roi est occupé à chercher des formateurs de gouvernement, et quand il en aura essayé en vain 11 millions qu’est-ce qu’on fera ? Laissons-le tranquille.).
Pourquoi une obscure députée écolo du sud pour fabriquer du consentement à la guerre d’un ministre catho du nord, pour se salir et nous salir en défendant l’indéfendable ?
Madame Juliette Boulet était inconnue au bataillon (au mien en tout cas) jusqu’à ce qu’elle interroge le ministre de la justice Stefaan De Clerk, sur les écoutes israéliennes installées dans les bâtiments officiels où nous recevons les chefs d’États étrangers. Aurait-elle subi des pressions ? Le Mossad aurait-il trouvé le moyen de la faire chanter - ce serait une explication, pas une excuse – ou Madame la Députée est-elle naturellement une archi-conne doublée d’une salope ?
Que les lecteurs de ce blog me pardonnent d’exprimer de façon, c’est vrai, mal embouchée, un écoeurement qui tourne à l’asphyxie.
Car quelque chose me dit, voyez-vous, que, cette fois, point n’est besoin de charger la barque déjà si lourde du Mossad : Madame Boulet n’est pas la seule à jouer les Attila en se prenant pour saint Louis IX parti arracher le tombeau du Christ aux infidèles. Toute la gauche s’y est engouffrée dans la voie impériale jonchée de cadavres de l’énorme 187e (au moins !) imposture. Toujours les mêmes scénarios éculés, toujours les mêmes rapines, toujours les mêmes sanglantes tartuferies humanitaires. À ce point-là d’ignardise politique et de niaiserie de compétition, ce n’est plus de l’erreur, c’est de la complicité crasse. Et pas seulement toute la gauche ou prétendue telle, mais toute l’autoproclamée (défense de rire) « extrême-gauche » : « présents, chef ! » comme un seul homme, le petit doigt sur la couture du délavé. En ce compris le camarade Mélenchon... R.I.P. la grande espérance du peuple de gauche de France. Puisqu’eux aussi. Non, la relève n’est pas assurée. Il vaut mieux s’y faire et retrousser ses manches. Car, de deux choses l’une : soit ils nous trahissent et se contorsionnent juste un peu différemment des autres, soit ils marchent vraiment dans ces leurres pour enfants de quatre ans trisomiques, et dans ce cas, que font-ils en politique ?
Mais revenons à la Belgique. Car il y a mieux. Je veux dire pire.
Dans un article reçu au courrier d’hier, le Pr. Michel Chossudovsly (GlobalResearch et Mondialisation.ca) rappelle et annonce quelques faits qui font froid dans le dos. Comme personne n’a eu le temps de le traduire, le voici dans sa version anglaise originale :
America's Planned Nuclear Attack on Libya By Prof. Michel Chossudovsky
A war on Libya has been on the drawing board of the Pentagon for more than 20 years. Using nukes against Libya was first envisaged in 1997.
On April 14th 1986, Ronald Reagan ordered a series of bombings directed against Libya under "Operation El Dorado Canyon", in reprisal for an alleged Libya sponsored terrorist bombing of a Berlin discotheque. The pretext was fabricated. During these air raids, which were condemned by both France and Italy, Qadhafi's residence was bombed killing his younger daughter.
Barely acknowledged by the Western media, a planned attack on Libya using nuclear weapons, had been contemplated by the Clinton Administration in 1997, at the height of the Monica Lewinsky scandal.
Il y a plus de vingt ans que la Libye est dans le collimateur du Pentagone, et dix-sept ans que la décision de la bombarder au nucléaire a été prise. Pour diverses raisons. Dont une est qu’il faut bien tester les armes nouvelles «sur un pays réel» et autant celui-là qu’un autre.
C’est le 14 avril 1986 que Ronald Reagan, déjà bien avant dans son Alzheimer, a fait bombarder la Libye (Operation El Dorado Canyon), en représailles d’un prétendu attentat libyen dans une discothèque de Berlin. (Relisez Le loup et l’agneau). Bon nombre de tués chez les basanés, dont une gamine : la plus jeune fille de Muammar Kadhafi. Simple galop d’essai.
Le premier plan d’attaque de la Libye au nucléaire date de 1997, donc de l’administration Clinton (au plus fort de l’affaire Lewinsky) soit quatre ans avant les attentats du 11 septembre qui servent de prétexte à toutes les horreurs du monde depuis dix ans.
Pour faire court : le lobby des armes a poussé il y a lurette les États-Unis à développer une nouvelle génération d’armement nucléaire de précision « à faible puissance » (les 2/3 de la bombe d’Hiroshima), susceptible d’être utilisé dans des conflits conventionnels avec des pays du Tiers-Monde (Federation of American Scientists, 2001, c’est moi qui souligne).
Je saute l’historique des magouilles intérieures U.S. et les précédentes velléités de bombardement de la Libye pour cause de bombardements plus urgents de l’Irak et de l’Afghanistan. Et j’en viens à ce que les Libyens viennent sans doute d’expérimenter en guise de poisson d’avril.
L’armée US appelle ses « mini-nukes » des « bombes humanitaires », car elles « minimisent les dommages collatéraux ». Selon les explications données par les scientifiques du Pentagone, ces bombes sont inoffensives pour la population civile environnante, car elles explosent dans le sol.
Mais en réalité :
La B61-11 est une bombe thermonucléaire en bonne et due forme, une Arme de Destruction Massive (WMD) au strict sens du terme.
Les documents militaires font une distinction entre les bombes NEP (Nuclear Earth Penetrator) qui explosent dans le sol, et les « mini-nukes », qui sont des bombes d’une puissance de moins de 10 kilotonnes (les fameux 2/3 d’Hiroshima) qui explosent, elles, à l’air libre. Les NEP peuvent avoir une puissance qui va jusqu’à 1.000 kilotonnes (70 fois la bombe d’Hiroshima).
Ce qui est sûr, c’est que dans les deux cas de figure, les retombées radioactives sont dévastatrices. Et que, puisque la terre tourne et que les vents existent, elles finissent toujours par revenir à l’envoyeur, ce qui n’est que justice, on en conviendra.
Lequel de ces deux engins a explosé en Libye ce jeudi 31 mars ? Question subsidiaire : a-t-il été largué par un piou-piou belge dépensant en bon père de famille l’argent de nos impôts ?
Libye 31 mars 2011 :
Car...
voici ce que disent les derniers paragraphes du Pr. Chossudovsky :
« Il faut noter que des engins tactiques B61 ont également été déployés par les membres de l’OTAN partenaires des États-Unis : cinq « états non nucléaires » européens, comprenant la Belgique, la Hollande et l’Italie, et qui participent directement à la campagne de bombardements de la Libye, ont des réserves de «mini-nukes» B61 sur leurs territoires respectifs et sous commandement national. (Michel Chossudovsky, Europe’s Five « Undeclared Nuclear Weapons States », 10 février 2010.)
« Ces mini-nukes basés en Europe sont destinés à des cibles situées au Moyen-Orient. Selon les « plans de frappe de l’OTAN » (Nato Strike Plans), les « bousilleurs de bunkers » (bunker busters) thermo-nucléaires B61 stockés en Europe pourraient être lancés « contre des cibles en Russie ou dans des pays du Moyen-Orient comme la Syrie et l’Iran ». On observera que la Libye n’est pas mentionnée. (cf. National Resources Defense Council, Nuclear Weapons in Europe, Février 2005)
« Dans le contexte de la guerre en cours contre la Libye, « toutes les options sont sur la table », y compris l’option nucléaire « préemptive » (bushisme pour préventive, NdT), dans le cadre d’un « mandat humanitaire » destiné à sauver des vies civiles innocentes. (Notons que les victimes civiles innocentes d’une telle bombe peuvent se compter par centaines de milles, NdT).
(...)
« L’utilisation de B61-11 contre la Libye au cours de l’actuelle campagne militaire, telle qu’elle a été initialement envisagée par le Département de la Défense en 1997 et ensuite incorporée au Nuclear Posture Review (NPR) de 2001, n’est donc pas exclue. »
J’espère que mes lecteurs ont bien compris mon charabia et mes citations plic-ploc : des piles de bombes thermonucléaires ont été stockées en Belgique au début des années 80, dans l’intention bien arrêtée de les utiliser un jour contre la Russie et/ou divers pays du Moyen-Orient, non dans le cas où l’un de ces pays attaquerait les États-Unis ou l’Europe, mais comme ça, pour le plaisir, parce que nous sommes les plus forts et que nous voulons ce que vous avez.
Vous souvient-il des manifestations monstres d’opposition à ce stockage sur notre sol ? Du million de personnes dans la rue rien qu’à Bruxelles ? Des attentats des CCC* censés fédérer, soutenir et accompagner cet immense rejet national ? Alors que les WMD (Armes de Destruction Massive) étaient déjà sous nos pieds.
Ce qu’on nous avait caché et qui s’étale aujourd’hui dans toute son obscénité, c’est que nous nous étions engagés non seulement à les stocker mais aussi à les larguer. Sur des cibles qui nous seraient désignées, par - et pour le compte de - nos maîtres étrangers. « Nous » ? Euh... ceux à qui nous délivrons des blancs seings en allant voter sur des slogans débiles. Mais nous ne nous rebiffons pas n’est-ce pas ? Et nous continuons à leur verser des impôts pour servir à ces choses. Dont nous sommes par conséquent directement responsables.
David Cameron vient d’annoncer aux contribuables anglais qu’il allait, pour financer cette humanitaire entreprise, leur faire cracher (pour commencer) 3 millions de £ par jour.
Combien va siphonner aux chômeurs en fin de droits français l’avatar de Badinguet ?
Quant au prince Laurent...
La Belgique, les mains plongées dans le sang jusqu’aux clavicules, se passionne pour une Nième frasque du prince Laurent, fils cadet de la famille royale.
Les lecteurs de magazines pour midinettes n’ignorent rien de son amour des bêtes (la Fondation Prince Laurent fait gentiment concurrence à la SPA) ni de sa propension a meubler sa maison aux frais de la marine, ni de son goût pour les voitures qui roulent à 220 kms en ville (depuis qu’il n’a plus de permis, il prend le bus). Cette semaine, gross skandal : le prince s’en est allé au Congo, en jet privé et aux frais de la présidence, planter des arbres ici et là.
Les gazettes : « Le prince Laurent s'est rendu mi-mars en République démocratique du Congo (RDC), à Kinshasa, dans le cadre d'une mission de l'Asbl qu'il préside la GRECT (Global renewable energy and conservation trust), et ce, contre l'avis du gouvernement belge et du Palais royal. »
Oui, il paraît qu’on le lui avait interdit et qu’il l’a fait quand même. Énorme tollé dans Landerneau. Les plus bienveillants parlent de légèreté, les autres de lui supprimer sa dotation. Fichtre.
Mais pourquoi lui a-t-on interdit d’aller au Congo ? Les hypothèses ne manquent pas si on aime ce petit jeu :
L’asbl qu’il préside est un machin de la CIA occupé à s’immiscer dans les relations entre le Congo et la Belgique...
Le prince se fait manipuler par des hommes d’affaires douteux qui se servent de lui pour leurs magouilles et risquent de discréditer à travers lui la famille royale...
On a décidé de descendre le président Kabila, et le prince Laurent, désormais l’obligé des autorités congolaises, a mis ses grands pieds où il ne fallait pas...
Etc.
Quoi qu'il en soit : trop unanimes et vertueux pour être honnêtes, à mon avis, nos ministres toutes-étiquettes-confondues et nos médiateux en gilet rayé.
Et si cette tempête dans un verre d'eau n'était qu'une manoeuvre de diversion ?
Et si « l’affaire prince Laurent » n’avait pour but que de créer un écran de fumée destiné à faire avaler à ce bon jobard de public belge une guerre inqualifiable, pulvérisant – après tant d’autres – tous les records de viols de lois et de morale publique ?
Je répète ma question :
Les F16 belges qui ont pris d’innocents civils pour cibles et en ont tué un nombre qui dérange (ce n’est pas moi qui le dis, c’est le Pentagone, même si Pieter De Crem piaille que " c'est pas vrai ! "), ont-ils aussi largué au moins une «mini-nuke» ou une NEP sur une population désarmée, c’est-à-dire commis un crime contre l’humanité ? Et sinon, est-il vraiment exclu qu’ils le fassent ?
__________________
* Des CCC très astucieusement amalgamées aux tueurs du Brabant, qui n'ont, eux, jamais été inquiétés. Non, Daniele Ganser, les CCC n'ont pas été manipulées - elles n'étaient pas manipulables - elles ont été utilisées. C'est le pays tout entier qui s'est laissé manipuler. Et, il faut le dire, hélas, avec énormément de bonne volonté dans la jobardise. Autre débat.
*
Il est un peu tard, tant de jours après le déclenchement du collectif méfait, pour mettre en ligne ceux qui n’ont pas acccepté de dire adieu à leur raison et de hurler avec les loups. Je vais le faire quand même. Rien que pour que les enfants sachent de qui ils n’ont pas à rougir.
Les Belges...
On ne présente plus Jean Bricmont qu'à ceux qui débarquent : docteur ès sciences, chercheur, professeur à Princeton (New Jersey) et actuellement professeur de physique théorique et de physique mathématique à l'U.C. de Louvain, distingué par plusieurs prix scientifiques et auteur de plusieurs ouvrages de réflexion politique, etc. (v. Wikipedia). L'article qui suit a déjà paru dans beaucoup d’endroits (tant mieux !) et l’interview accordée à Investig'action aussi. Il n’importe. Nous sommes fiers de lui. Plus il sera lu, mieux cela vaudra :
La Libye, la gauche européenne et le retour de l’impérialisme humanitaire
Jean BRICMONT
12 mars 2011
Douze ans plus tard, c’est l’histoire du Kosovo qui se répète. Des centaines de milliers de morts irakiens, l‘OTAN mise dans une position intenable en Afghanistan, et ils n’ont rien appris ! La guerre du Kosovo a été lancée pour stopper un génocide inexistant, la guerre afghane pour protéger les femmes (allez vérifier leur situation actuellement) et la guerre d’Irak pour protéger les Kurdes. Quand vont-ils comprendre qu’on a toujours affirmé que les guerres sont justifiées par des raisons humanitaires ? Même Hitler «protégeait les minorités» en Tchécoslovaquie et en Pologne.
Note : Une première version de ce texte a paru en anglais sur le site Counterpunch (http://www.counterpunch.org/bricmont03082011.html) et a été traduite en français. Cette version-ci développe et précise la précédente.
La Libye face à l’impérialisme humanitaire. Entretien avec Jean Bricmont
Investig’action
24 mars 2011
Kosovo, Irak, Afghanistan : les partisans d’une intervention en Libye n’auraient-ils pas retenu la leçon ? Jean Bricmont, auteur d’un ouvrage sur l’impérialisme humanitaire, nous explique pourquoi le droit d’ingérence est incompatible avec la paix dans le monde et dessert les causes humanitaires. À moins bien-sûr, que ces causes ne soient que des prétextes.
Interview : Grégoire Lalieu
Pouvez-vous nous rappeler en quoi consiste l’impérialisme humanitaire ?
C’est une idéologie qui vise à légitimer l’ingérence militaire contre des pays souverains au nom de la démocratie et des droits de l’Homme. La motivation est toujours la même : une population est victime d’un dictateur, donc il faut agir. On nous sort alors les références à la Deuxième Guerre mondiale, à la guerre d’Espagne et j’en passe. Le but étant de faire accepter l’intervention. C’est ce qui s’est passé pour le Kosovo, l’Irak ou l’Afghanistan.
Post-scriptum : Sur la gauche française et la guerre en Libye
par Jean Bricmont
Mondialisation.ca, Le 5 avril 2011
Divers lecteurs m'ont fait remarquer que la première version de l'interview publiée sur le site d'Investig'Action était trop rapide et procédait à des amalgames en ce qui concerne les positions de la gauche. Voyons donc plus en détail ces positions.
(Voir l'interview ci-dessus.)
Le député européen Mélenchon, qui est sans doute l'homme politique le plus important à gauche du PS, appuie la guerre et refuse même d'utiliser ce terme, parce que la guerre est autorisée par l'ONU[1].
Bahar Kimyongür, belge d’origine turque, historien et militant anti-impérialiste, a déjà passé quelque temps de sa jeune vie dans les prisons du royaume, puisqu’il est un des premiers justiciables à avoir été poursuivi en vertu de la législation anti-terroriste, pour avoir traduit du turc en français des communiqués publiés par le DHKP-C, une organisation révolutionnaire turque mise par les USA et l'UE sur leur liste des "organisations terroristes" (si vous refusez de leur céder votre quatre heures ils vous y mettront aussi). Son arrestation aux Pays-Bas, alors qu’il se rendait à un concert, organisée dans ce pays voisin par les services de sécurité belges, afin qu’il pût être extradé vers la Turquie (ce qui était impossible de son pays natal) a défrayé la chronique et ajouté une plume douteuse au chapeau d’une ministre de gauche. (Ce n’est pas que les politiciens de gauche aient moins envie de mal faire que leurs homologues de droite, c’est qu’ils s’y prennent plus mal.) Heureusement pour Bahar, le juge hollandais devant lequel il s’est retrouvé a estimé «fantaisiste» la demande d’extradition turque. Ali Aarass n’a pas eu la chance, hélas, de tomber sur un ministre aussi maladroit dans l’arbitraire et croupit toujours dans les geôles du tortionnaire roi du Maroc.
Le citoyen Kimyongür est une de ces petites grâces que la Belgique ne mérite pas, mais dont le Ciel ou le Diable la gratifient quelquefois. Sang neuf, neurones en éveil, conscience exigeante et coeur grand comme ça, cadeau d’un exilé de la minorité arabe alaouite de Turquie venu travailler dans les mines de charbon de La Louvière et d’une ouvrière saisonnière des plantations de coton.
Bahar et ceux qui lui ressemblent : embryon de cette vraie classe politique dont nous avons si mortellement besoin.
Rouges et Verts européens sur la Libye :
Verts militaire mais pas rouges de honte
Par Bahar Kimyongür
Mars 2011
Quelques rodomontades d'un colonel déboussolé, une pincée d'images poignantes de ses victimes gisant au sol ou contraintes à l’exil, des manifestants surarmés appelant au secours (on est curieusement loin du pacifisme des manifestants tunisiens, yéménites ou égyptiens) et nous voilà embarqués dans une nouvelle odyssée coloniale.
ATTENTION : Le groupe parlementaire de gauche du Parlement européen : Gauche Unitaire Européenne / Gauche Verte Nordique qui regroupe notamment le PCF, le Parti de gauche, Izquierda Unida, Die Linke...) n'a pas voté à l'unanimité en faveur de l'intervention.
14 contre : Angourakis, Ernst, Ferreira João, Figueiredo, Hadjigeorgiou, Händel, Klute, Lösing, Meyer, Ransdorf, Scholz, Toussas, Wils, de Jong –
2 abstentions : Rubiks, Triantaphyllides. pas d’info sur Le Hyaric et Jacky Heni - Précision d'un lecteur pour Investig'Action
Un sacré équipage tout de même que notre invincible armada : au gouvernail, d’Obama à Sarkozy, tout le gratin de l’humanisme désintéressé, des chasseurs-bombardiers munis de missiles aussi vertueux et intelligents que le philosophe à la chemise blanche qui les téléguide, les habituels caniches de la presse et puis, quelques cheikhs pour faire bonne figure devant les masses arabes. Il y a comme un air de déjà-vu.
Pourtant, qui voit-on au fond de la cale ? Notre brave gauche institutionnelle, écologistes inclus, dans le rôle de moussaillons zélés. Au 8e anniversaire de l'invasion criminelle de l'Irak qui entraîna la mort de centaine de milliers d'innocents, la paupérisation, le dépeçage et l'humiliation d'une nation, des hostilités inter-ethniques et interconfessionnelles insurmontables et j'en passe, fallait le faire. Oserons-nous encore dire que nos partis européens « de gauche » se sont fait avoir comme des bleus ?
Cette fois encore, nos belles âmes rouge-vert se sont rangées dans le camp des vainqueurs.
Main dans la main avec Sarkozy, elles contribuent sciemment à l’élargissement territorial de la Françafrique et offrent un nouveau show-room à l'entreprise Dassault, à savoir, l'espace aérien libyen. L’avionneur français peut désormais faire étalage de ses Rafales et de ses Mirage 2000 et redorer son blason face aux F 16 qui « en jettent plus ».
Elles donnent à l'entreprise Total une occasion unique de s'engraisser sur le pétrole libyen face aux menaces de rupture de contrat proférées par Kadhafi.
«Il faut sauver les habitants de Benghazi» nous disent-elles. En postant une force d'interposition, c’est-à-dire en occupant de facto le territoire libyen ?
Et puis quoi ? Risquer la partition du pays et des représailles plus violentes de la part du gouvernement libyen à l'égard de ceux qui se sont rendus coupables de «trahison à la» ?
« Oui, mais c'est un fou prêt à tout ». Ni plus ni moins fou qu'un Bush, un Sharon, un Liebermann, un roi Abdallah d'Arabie saoudite ou un seigneur de guerre africain.
« Kadhafi a quand-même dit qu'il nettoierait tout » : « beyt beyt, dar dar, zenga zenga », chaque foyer, chaque maison, chaque ruelle... Il ne faut pas être grand-clerc pour constater que les vociférations de Kadhafi n’ont pas d’incidence directe sur la stratégie libyenne de ces derniers jours.
En tant que patriarche sénile de la révolution jamahiriyenne, Kadhafi est une autorité morale, un symbole plus qu’un décideur politique. Preuve en est qu’il parle de guerre quand son état-major décrète un cessez-le-feu et d’offensive quand son armée bat en retraite. Ce coup de gueule démentiel du trublion de Tripoli n’est finalement rien de plus que la version théâtrale et anticoloniale du nettoyage au kärcher défendu par Sarkozy.
A l’inverse, à Jénine en avril 2002, ce fut carrément « beyt beyt », « dar dar » et «zenga zenga ». Fallujah connut le même sort en 2004. Et Gaza en 2009 et 2010. Y a-t-il eu pour autant la moindre frappe aérienne décidée par la communauté internationale contre Tel-Aviv ou Washington malgré leurs perpétuelles violations des résolutions des Nations Unies ?
Admettons que l’armée libyenne eût été folle et sanguinaire au point de massacrer les insurgés et leurs familles. C'est hélas souvent le risque que comporte la lutte armée lorsque l'on se bat pour sa liberté. Mais en faisant appel aux armées coloniales, les insurgés ont déjà troqué leur liberté. Avant même d'avoir pris le pouvoir, ils sont déjà endettés envers leurs protecteurs pour tous les frais liés à la guerre. Prévoient-ils de rembourser leurs mercenaires américains, britanniques et français en leur accordant une concession sur le pétrole et le gaz libyen ?
Ce questionnement nous amène à considérer l’engouement douteux des chancelleries européennes à l’égard des dirigeants de l’opposition libyenne.
De ce que l’on a pu glaner dans les médias, outre son ardeur à vouloir collaborer avec l’Occident impérialiste, cette opposition s’acoquinerait avec les héritiers londoniens du roi Idriss Ier, serait israélo-compatible, tribale et ultralibérale. Bref, elle ne serait guère plus libératrice que l’Armée de libération du Kossovo (UCK), l’Alliance du Nord afghane ou le Parti démocrate du Kurdistan (PDK) de Massoud Barzani.
Il n’empêche que tout Libyen a bien entendu le droit de résister et de renverser le pouvoir tyrannique de Kadhafi. Et l’on doit garder l’espoir que cette opposition se décantera.
Mais devant une telle confusion, on est en droit de demander tant à nos social-colonialistes qu'à nos écolonialistes s’il n’eût pas été plus sage de se démarquer de nos marchands de canon en soutenant la proposition avancée par le président du Venezuela Hugo Chavez : une médiation entre les belligérants libyens des deux camps sous l'égide de pays plus neutres que « nos » gouvernements cupides.
Cette proposition raisonnable avait obtenu l’aval de la Ligue arabe, de l’Union africaine et de l’ALBA. Elle nous aurait permis d’éviter l’irréparable. Alba signifie justement «aube » en espagnol.
Malheureusement, au lieu de se tourner vers l’aube de la paix, notre gauche parlementaire a fait cap vers l’ «aube de l’odyssée». Une odyssée incertaine à bord d’un navire battant pavillon amiral. Une odyssée qui entraîne l’humanité dans de nouveaux drames.
Une fois de plus, "camarades" rouge-verts, vous faites honte aux damnés de la terre. Quant au bouffon de nos rois si débonnaires, grâce à vous, il redevient le lion du désert.
*
Le docteur Pascal Sacré, médecin belge, anesthésiste-réanimateur, collabore régulièrement à Mondialisation.ca, mais ses articles paraissent également sur Le Grand Soir en France et sur Investig’action en Belgique. Je reprends celui-ci sur Le Grand Soir :
La Belgique part en guerre sans gouvernement
par Pascal Sacré
29 mars 2011
Nous, Belges, partageons avec l’Irak le triste record du nombre de jours en crise, sans gouvernement.
« Après 249 jours de crise en Irak en 2010, les sunnites, les chiites et les Kurdes se sont accordés sur le partage du pouvoir. Mais 40 jours supplémentaires ont été nécessaires pour former une coalition à Bagdad. » [1]
En Belgique, la crise est toujours en cours et si les sunnites, les chiites et les Kurdes d’Irak ont su trouvé un terrain d’entente après des années de guerre et d’embargo, les politiciens flamands et wallons, non, mais comme le précise Yves Leterme (2), premier ministre sortant, la vie du Belge moyen n’en est pas complètement transformée. Finalement, il ne le sent pas trop, le Belge moyen, que son pays n’a pas de gouvernement. Il ne sent pas trop non plus sa participation à la nouvelle boucherie organisée par l’Occident « libérateur ». Le Palestinien ne l’intéresse pas, mais le Libyen oui. Enfin, quel Libyen ?
Pour nos journalistes en phase avec nos politiciens « humanitaires », toujours friands de ce genre de formule, je cite : « La Belgique » est « unanime pour intervenir en Lybie » [3]. Belgique unanime, moins moi.
Il y a des mots qu’ils ont du mal à prononcer : « guerre civile ».
La Libye connait une guerre civile. Les États-Unis et l’Union Européenne et l’OTAN – la Sainte Trinité – sont en train d’intervenir, de manière sanglante, dans une guerre civile. Pour renverser Kadhafi. La première Sainte Trinité a parlé d’imposer une zone « d’exclusion aérienne ». Après avoir obtenu le soutien des institutions internationales sur ce point précis, ils ont immédiatement déclenché une guerre au quotidien contre les forces armées libyennes et tous ceux qui se trouveraient à proximité. Dans le monde du commerce, on appelle ça « faire mordre le client à l’hameçon ».
À propos de la Libye et de beaucoup d'autres choses
Justin Raimondo Antiwar.com
30 mars 2011
Je n’ai pas supporté de regarder le discours « Pourquoi nous sommes en Libye » du Président à la télévision. C’est le printemps après tout, et mon jardin avait besoin que j’y plante des choses. Priorités, priorités, priorités si importantes, en politique et dans la vie.
Nous avons tous nos priorités : j’ai les miennes, et le président des États-Unis a les siennes. À titre d’indication de ces dernières, je note qu’Obama a attendu toute une semaine après le déploiement des forces US avant de daigner expliquer ses actes au peuple américain. Il lui reste à aller devant le Congrès pour en demander l’autorisation, quoi qu’il ait bien déblayé le terrain avec nos arrivistes alliés et le Conseil de Sécurité de l’ONU. Dès lors qu’il avait reçu ce double feu vert, l’approbation du Congrès n’était plus pour lui qu’une formalité. C’est là la vraie signification du mot « multilatéralisme » : l’opinion du monde est importante, l’opinion américaine pas vraiment.
Quand il a fini par venir devant nous pour justifier ce dernier épisode en date du sauvetage du monde, il ne s’est pas adressé au Congrès mais à l’auditoire le plus servile qu’il a pu trouver, comme James Bovard l’a exprimé de façon si énergique : « Il va parler devant (...) un parterre d’officiers en uniformes à l’Université de la Défense Nationale. La salle sera pleine de gens qui appartiennent corps et âme au gouvernement. Les officiers, qui ont passé leur vie à travailler pour l’oncle Sam, savent que le moindre sifflet pendant la péroraison d’Obama suffirait à mettre fin à leur carrière. »
Il n’était pas question qu'un seul « vous mentez » fuse dans cette mise en scène. Et de telles précautions n’avaient pas été prises pour rien, car pratiquement chaque mot qui est sorti de sa bouche a été soit un mensonge soit une vérité si voilée d’ambiguité qu’elle se révélait un mensonge au plus léger examen.
Il a commencé par une demi-vérité, rendant hommage « au courage, au professionalisme et au patriotisme » de « nos hommes et nos femmes en uniformes », les félicitant d’avoir aidé les Japonais à l’heure du besoin. Aucun Américain ne pourrait contredire cela : mais dans le reste du monde, le comportement des troupes US qui y stationnent est beaucoup moins apprécié. Nous pouvons être accoutumés à leurs atrocités, mais ces photos de centurions US, posant à côté des cadavres de civils qu’ils ont massacrés en Afghanistan, ont été publiées juste le jour avant que le Président exalte le « professionalisme » de l’armée US.
Je laisserai à d’autres le soin de décider s’il s’agissait là d’un mensonge qualifié ou tout au plus d’une craque par omission. Obama est un expert dans l’art de chantourner des non-vérités plausibles. Jamais, depuis que FDR (Roosevelt, NdT), dans les années 30, nous a leurrés à coups de mensonges dans la guerre – et dans beaucoup plus – on n’avait vu un tel maître en duplicité occuper le Salon Ovale. De fait, serti dans son Ode à l’Armée, il y avait un mensonge en bonne et due forme : « Grâce à eux et à nos diplomates dévoués, une coalition a été formée et un nombre incalculable de vies ont été épargnées. »
Les vies que nous avons « sauvées » sont en nombre incalculable parce qu’elles n’existent pas : nous sommes intervenus pour nous opposer à un holocauste qui ne s’est jamais produit, et il n’y a aucun moyen de nous assurer (et beaucoup de raisons de douter) qu’il se fût produit sans l’intervention occidentale. C’est exactement le genre de mensonge que les Américains aiment entendre : il est en train de nous dire que nous sommes des héros et pas des salauds d’Américains.
Littéralement, chaque mot de sa péroraison sur la Libye est un mensonge. Prenez ce paragraphe:
« Pendant des générations, les États-Unis d’Amérique ont joué un rôle unique de garant de la sécurité collective et de champion de la liberté humaine. Conscients des risques et des coûts de toute intervention militaire, nous hésitons naturellement à recourir à la force pour relever les nombreux défis du monde. Mais quand nos intérêts et nos valeurs sont en jeu, nous avons le devoir d’agir. C’est ce qui s’est passé en Libye ou cours des six dernières semaines. »
L’Amérique a joué un rôle dans l’Histoire du monde qui n’est ni unique ni remarquable pour le bénéfice apporté à la cause de la liberté humaine. Les Britanniques, et les Romains avant eux – et avant ceux-là, Alexandre – ont cru qu’ils pouvaient mettre de l’ordre dans le chaos du monde (1), et nous ne sommes tout au plus que les derniers prétendants au trône. Quant à la conscience des « risques » et des « coûts » des interventions militaire, toute assistance autre qu’un parterre d’officiers de l’Université de la Défense Nationale en service commandé aurait eu le plus grand mal à réprimer un formidable éclat de rire. Mais le mensonge réellement époustouflant, celui qui a presque réussi à éclipser tous les autres, a été l’affirmation que « nous hésitons naturellement à recourir à la force pour relever les nombreux défis du monde ». Après le long et persistant déchaînement de notre folie meurtrière post 9/11 sur tout le Moyen Orient, il faudra bien des années avant qu’un Président US puisse tenir ce genre de discours sans faire rire (jaune, NdT). La force, y compris la menace à tout bout de champ d’y recourir, est l’instrument principal de la politique étrangère américaine, nécessité inhérente d’ailleurs à la nature de tout empire quel qu’il soit, et en particulier celle du nôtre, avec ses prétentions à la globalité.
« Quand nos intérêts et nos valeurs sont en jeu, nous avons le devoir d’agir » Quels intérêts, les valeurs de qui – et quelle différence cela fait-il en fin de compte ? Le président consacre le reste de son laïus à danser avec habileté autour de ces trois questions vitales, en se gardant bien de les toucher.
Obama trébuche, cependant, quand il veut nous donner une petite leçon de géographie de ce ton professoral gentiment condescendant qu’il affectionne, lorsqu'il s’adresse directement à nous peuple ordinaire : « La Libye se trouve exactement entre la Tunisie et l’Égypte», apprenons-nous, « deux pays qui ont inspiré le monde lorsque leurs peuples se sont soulevés pour prendre en main leur propre destinée ». Euh, oui... la Libye se trouve « exactement » entre la Tunisie et l’Égypte, mais encore plus exactement entre l’Algérie et l’Égypte – et cette omission en dit long.
L’Algérie, sous la poigne du dictateur autoproclamé socialiste et allié de l’Occident Abdelaziz Bouteflika, fait elle aussi l’expérience de manifestations anti-gouvernementales, qui sont réprimées de la façon la plus brutale. Un peu plus loin dans son discours, Obama met en garde contre la déstabilisation qu’un exode en provenance de la Libye aurait sur les pays voisins, réflexion qui révèle la vraie peur de son administration : qu’un afflux de Libyens à l’esprit révolutionnaire en Algérie ait pour résultat de déstabiliser plus encore le régime de Bouteflika.
« Le mois dernier, l’emprise de la peur orchestrée par Kadhafi a semblé lâcher prise face au désir de liberté. Dans des villes et des bourgades de tout le pays, des Libyens sont descendus dans la rue pour réclamer leurs droits humains essentiels. Comme l’a dit l’un d’entre eux : “Pour la première fois, nous espérons que notre cauchemar qui dure depuis quarante ans va prendre fin.” »
Encore une demi-vérité. Des Libyens sont effectivement descendus dans les rues, mais était-ce réellement pour « réclamer leurs droits humains essentiels» ? Au stade actuel, les revendications des rebelles semblent se limiter à « Kadhafi doit partir ». Et ce qui devrait venir après Kadhafi est autant un mystère après l’intervention occidentale qu’avant. Kadhafi a stigmatisé les rebelles comme «agents d’Al Qaeda », ce qui, curieusement, le place dans le même camp que certains extrémistes néo-cons, qui voient le monde musulman comme étant par essence et incorrigiblement autoritaire, et que certains opposants à l’intervention US, comme Alexandre Cockburn, qui accordent foi à certains prétendus « documents secrets », exhumés par l’espionnage US, affirmant que la Libye servirait de base aux recruteurs d’Al Qaeda. Tout cela parce que quelque autoadoubé « commandant » des rebelles a jadis combattu les Américains en Irak. Plutôt qu’à Ben Laden, les rebelles semblent bien partis pour restaurer la monarchie et l’offrir à l’héritier du roi Idriss (ils en ont deux entre lesquels choisir).
En tous cas, la "bonté" de l’opposition étant une prétention difficile à soutenir, c’est donc là que le président va jouer sa carte maîtresse : l’indiscutable mauvaiseté de Kadhafi.
« Face à cette opposition, Kadhafi a commencé à attaquer son peuple. (...) Face à cette condamnation mondiale, Kadhafi a choisi d’escalader ses attaques, de lancer une campagne militaire contre le peuple libyen. Des innocents ont été ciblés. Des hôpitaux et des ambulances ont été attaqués. Des journalistes ont été arrêtés, sexuellement assaillis, et tués. Les fournitures de vivres et d’essence ont été bloquées. L’alimentation en eau pour les centaines de milliers d’habitants de Misurata a été coupée. Des villes et des bourgades ont été bombardées, des mosquées détruites, et des immeubles d’appartements réduits en ruines. Des avions et des hélicoptères de l’armée ont été utilisés contre des gens qui n’avaient aucun moyen de se défendre contre des attaques aériennes. »
Si, pendant la Guerre Civile (celle de Sécession, NdT) les journaux confédérés ont écrit que Lincoln « commençait à attaquer son peuple », eh bien, ils n’ont pas eu exactement tort. L’énoncé, tel quel, de ce texte, cependant, fait abstraction d’un certain contexte. Des gens innocents sont pris pour cible dans toutes les guerres, y compris dans celles conduites par les États-Unis : prenez le bombardement de la télévision serbe, par exemple, pendant la guerre du Kosovo, un conflit auquel on compare justement assez souvent celui-ci. Les Israéliens, pour leur part, ne se sont pas privés, au Liban, de prendre pour cibles des réserves d’eau, mais aussi des églises et des usines, et pourtant, nous n’avons jamais entendu le moindre piaulement d’aucun politicien d’un certain rang – et sûrement pas de l’aspirant politicien Obama de l’époque – sur ces coups-là.
Pour ce qui est du sort des journalistes dans les zones de guerre : idem. Al Jazeera, prise pour cible par Kadhafi, l’a été par les US en Irak. Des journalistes sont tués par des escadrons de la mort liés au gouvernement dans l’Irak occupé d’aujourd’hui. Quant aux journalistes sexuellement agressés, c’est arrivé, vous vous en souviendrez, sur la place Tahrir, mais d’une manière ou d’une autre, tout cela n’a pas réussi à provoquer une intervention américaine.
Je pourrais continuer à patauger sans fin dans ces miasmes de logique ténébreuse et de double-langage douteux, sans jamais atteindre le noyau central d’affront à la raison qu’ils masquent. Allons-y donc sans plus tergiverser. Après que son évocation des « atrocités » ait atteint des sommets à faire dresser les cheveux sur la tête, le Président redescend en rase-mottes :
« Les États-Unis et le monde se sont alors retrouvés face à un choix. Kadhafi avait déclaré qu’il traiterait ses propres concitoyens « sans pitié ». Il les comparait à des rats, et menaçait de passer de porte en porte pour les punir tous. Or on l’avait déjà vu, par le passé, pendre des civils dans la rue, et tuer plus de mille personnes en un seul jour. Comme nous le constations, les forces du régime étaient arrivées aux portes de la ville. Nous savions que si nous attendions un jour de plus, la ville de Benghazi, qui est à peu près de la taille de Charlotte, serait le théâtre d’un massacre qui retentirait dans la région et salirait la conscience du monde.
« Il n’était pas dans notre intérêt national que cela se produise. J’ai refusé de laisser faire. Donc, il y a neuf jours, après avoir consulté les chefs de file des deux partis du Congrès, j’ai autorisé une intervention militaire pour mettre fin à la tuerie... »
Kadhafi n’a jamais dit qu’il traiterait ses propres concitoyens sans pitié, mais qu’il serait sans pitié pour les organisateurs de la rébellion, selon toute évidence le « conseil » par intérim qui règne aujourd’hui dans Benghazi, en ce compris son ex-Ministre de l’Intérieur. Ce sont eux, les «rats» auxquels il a fait allusion, c’est-à-dire des gens de son propre gouvernement qui l’ont lâché et abandonnent un navire qu’ils estiment, peut-être avec raison, en train de couler.
Contrairement à l’assertion du Président qu’un massacre était imminent, il n’y a aucune preuve crédible que Kadhafi ait été en train de préparer une telle action. Pas l’ombre d’une. De fait, le bon sens et la nécessité militaire auraient suffi à l’en dissuader : après tout, une fois Benghazi reprise, le despote libyen aurait encore dû la gouverner. Il est facile de diaboliser Kadhafi et d’en faire un fou putatif, mais il n’a pas duré toutes ces années sans raison. En fait, il jouit réellement de soutiens très substantiels dans le pays, principalement dans l’ouest, autour de Tripoli, et dans les oasis du Fezzan, au sud.
« Les États-Unis d’Amérique sont différents» dit le Président. C’est pourquoi nous sommes intervenus, parce que nous ne pouvons pas rester les bras croisés pendant que des atrocités sont commises – excepté bien sûr quand c’est nous qui les commettons. Car alors, nous ne restons pas seulement les bras croisés, nous les appelons « libération ».
Chacune de nos interventions dans le monde, depuis la fin de la Guerre Froide, a constitué un précédent qui visait à établir un nouveau principe définissant la notion toujours plus expansive des « intérêts » américains. Cette intervention-ci n’y fait pas exception : elle établit un nouveau standard en envoyant des troupes américaines se battre sous le prétexte d’éviter un « désastre humanitaire » potentiel. Une version un peu différente a été utilisée pour fabriquer le consentement à la Guerre d’Irak, le Président et ses conseillers ne cessant d’invoquer un omniprésent « nuage en forme de champignon » pour la justifier. Cette fois, nous avons droit à un prétendu fou sur le point de massacrer son peuple en masse. La prochaine fois... oh, servez-vous de votre imagination. Toutes sortes de scénarios viennent à l’esprit, basés sur des pseudo-faits de provenance douteuse - et un très grand nombre de cibles potentielles.
Étant données la misère et l’oppression que les gouvernements du monde font peser sur leurs sujets par manière de routine, l’occasion pour les Forces du Bien et de la Lumière d’intervenir dans des guerres nouvelles est effectivement illimitée. En acclamant avec l’enthousiasme de pom-pom girls l’aventure libyenne du Président, ses supporters signent leur engagement dans une guerre perpétuelle.
Bien entendu, enchérissant sur le ton vertueux de son discours, le Président a encore promis une action « limitée », donné l’assurance que nous allions bientôt passer la main à l’OTAN et qu’il n’y aurait pas de troupes sur le terrain. Ceci, soit dit en passant, est un autre mensonge éhonté : si nous n’avons pas des gens de la CIA sur place depuis longtemps, occupés à diriger les rebelles et à coordonner les frappes aériennes et les offensives au sol, alors, il y a quelqu’un qui ne fait pas son travail.
Nous avons déjà dégringolé la moitié de la pente savonneuse qui mène au chaos provoqué en Libye, et nous y sommes déjà si embourbés que je ne nous vois pas en sortir avant longtemps. Le Président aurait affirmé aux membres les plus influents du Congrès que la durée de l’intervention devrait se mesurer « en jours, pas en semaines », et c’est bien là le plus gros de tous ses mensonges, un mensonge qu’il se fait à lui-même autant qu’à nous. L’insurrection libyenne, c’est nous, elle nous appartient. Préparons-nous à porter cet albatros autour du cou pendant pas mal de temps.(2)
(1) « Ordre : immobilisation violente d’un désordre », Henri Guillemin (NdT). (2) Dans Le Dit du vieux marin, de Coleridge (1797), le vieux marin tue d’un coup d’arbalète un albatros dont la présence portait bonheur à son navire. En guise de châtiment, il est condamné à porter l’oiseau mort au cou, à la place de son arbalète, et à voir tous les marins de son équipage mourir de soif l’un après l’autre. (NdT)
*
Un Italien
Un pilote aux commandes d’un bombardier est un « protecteur de civils », mais un enfant qui lance des pierres est un « terroriste ».
Orwell, l’OTAN et la guerre contre la Libye
Domenico LOSURDO
5 avril 2011
Les mots ont-ils encore un sens ? En lisant des articles sur la guerre de Libye dans la presse anglo-saxonne et italienne, Domenico Losurdo a été frappé par l’inversion des signifiés. La propagande de l’OTAN, comme celle imaginée par George Orwell dans son célèbre roman d’anticipation, 1984, passe d’abord par un grossier trucage sémantique.
En 1949, tandis que fait rage une guerre froide qui risque de se transformer d’un moment à l’autre en holocauste nucléaire, George Orwell publie son dernier livre et plus célèbre roman : 1984. Si le titre donne dans l’anticipation, la cible est clairement constituée par l’Union Soviétique, représentée comme le « Grand frère » totalitaire, qui rend vaine toute possibilité de communication, en subvertissant le langage et en créant une « novlangue » (newspeak), dans le cadre de laquelle tout concept se renverse en son contraire. En publiant son roman l’année même de la fondation de l’OTAN (l’organisation militaire qui prétendait défendre même la cause de la morale et de la vérité), Orwell apportait ainsi sa brave contribution à la campagne de l’Occident. Il ne pouvait certes pas imaginer que sa dénonciation allait se révéler beaucoup plus pertinente pour décrire la situation advenue, quelques années seulement après 1984, avec la fin de la Guerre froide et le triomphe des USA. De même que sa surpuissance militaire, la superpuissance multimédiatique de l’Occident ne semble pas non plus rencontrer d’obstacle : le renversement de la vérité vient s’imposer par un bombardement multimédiatique incessant et omniprésent, de caractère absolument totalitaire. C’est ce qui émerge clairement de la guerre en cours en Libye.
Bellicisme impérial : canonnière, mensonges et vidéo...
Georges STANECHY
« Operation Earnest Voice (OEV) est le programme fondamental qui regroupe moyens et ressources pour synchroniser nos activités opérationnelles d’Information […] via les médias traditionnels, mais aussi les sites internet ou encore les blogs. Dans chacun de ces domaines, nous suivons le principe que nous avons appliqué en Irak, celui d’essayer d’être "les premiers avec la vérité" ».
General David H. Petraeus (1)
Dupés. Bernés. Floués.
Reconnaissons-le.
Encore une fois, l’opinion publique conditionnée, tétanisée, dans son écrasante majorité, a foncé tête baissée dans le panneau. Avec une remarquable maestria, une foudroyante réactivité, la propagande de l’Empire a su faire assimiler son agression coloniale en Libye à la "protection" d’une révolte populaire semblable à celles de la Tunisie ou de l’Egypte.
Car, il n’y a pas plus de volonté de protéger le peuple Libyen par les Occidentaux qu’il n’y a eu de massacres de population libyenne par son dictateur. Ainsi qu’en témoignaient les réactions des premiers "expatriés européens" à leur descente d’avion, devant micros et caméras. Témoignages rapidement occultés, par la suite…
« Quel pauvre grand et malheureux peuple, comme on le mène à sa perte ! »
Lettre deJean-Joseph Fyon, général de brigade, à Laurent-François Dethier, député de l'Ourthe, en 1813, à propos des Français, à qui nous avions voté notre rattachement à 95% des voix sous Robespierre.
« Pauvre, grand et malheureux » pays a bien l’air d’être en ce moment la Russie.
En effet, tous les peuples doués d’un grain de bon sens et d’un grain ou deux de compassion en sont restés bouche bée, quand Naboléon IV et l’avatar post-moderne de William Pitt son compère se sont jetés sur l’infortuné peuple libyen, apparemment de leur propre chef et pas du tout – mais non – pour tirer les marrons du feu au bénéfice de leurs maîtres étatsuniens, qui en sont mine de rien à 81 guerres illégitimes (1) sur le grill (75 héritées de Reagan & Bush + 6 depuis l’accession du Prix Nobel de la Paix à la présidence US), et les vendent de moins en moins facilement, malgré leur énorme machine à décerveler, à un peuple américain de plus en plus exsangue. Enfoncé, Ubu !
Bouche bée ils sont encore davantage restés quand la Russie et la Chine se sont abstenues d’opposer leur veto à la sanglante aventure. Non que ledit veto eût rien empêché, mais au moins, allié aux condamnations latino-américaines sans équivoque, eût-il marqué au fer, comme il se doit, les criminels et les eût-ils isolés aux yeux du monde et de leurs propres peuples.
Pour la Chine, le Pr. Domenico Losurdoa une explication, qui est peut-être la vraie mais ne saurait constituer une excuse.
Pour la Russie, il importe de se rappeler que ce genre de décision est du domaine du Président, et que, dans le cas présent, son premier ministre s’est désolidarisé de la honteuse abstention et l’a fait savoir en termes sans équivoque. Tout ce qu’y ont vu nos admirables médias en laisse, c’est que le coup d’envoi pour la campagne des présidentielles russes de 2012 venait d’être donné. Qu’un des deux hommes semble avoir des principes et l’autre pas leur est apparemment passé par-dessus la tête. Principes ? Kéksèksa ?
Ils n’ont pas davantage informé – surtout correctement – sur le limogeage, par le Président, de son ambassadeur en Libye. Motif allégué : l’ambassadeur l’aurait appelé « traître » dans un message diplomatique. L’ambassadeur dément le propos. Qu’importe, d’ailleurs, qu’il l’ait ou non tenu, puisque c’est le fait qui compte : le Président de Russie a-t-il, en s’alignant sur le camp occidental, trahi son pays, son allié libyen et le reste de l’humanité dans la foulée, qui disparaîtra ou non selon le camp qui «gagnera». Ceux qui mourront sans l'avoir compris mourront idiots.
Nous ne saurions pas grand-chose de ce bras-de fer entre Russes à principes et Russes sans principes, si l’excellent site COMAGUER (1) ne venait de mettre en ligne et sans doute sur les ondes(2), une interview accordée, après son limogeage, par l’ex-ambassadeur en Libye Vladimir Chamov, à Moskovsky Komsomolets, dont une traduction anglaise a paru sur le site de Left Russia : http://left.ru/index.phtml.
Comme nous l’apprend COMAGUER,
« Ce site qui, de temps à autre, publie quelques textes en anglais peut être considéré comme proche des services secrets russes ou plus précisément de certains secteurs des dits services qui seraient réservés sur la politique, trop accommodante à leurs yeux, de Medvedev vis-à-vis des États-Unis et de l’OTAN.
« Que ces réserves soient l’expression indirecte de celles du premier ministre Vladimir Poutine vis à vis de l’attitude du Président Medvedev est une hypothèse qui a cours en Occident mais à laquelle il est difficile de se rallier si l’on n’a pas un accès direct à des sources en langue russe. Le désaccord, si désaccord il y a, peut évidemment être largement amplifié et instrumentalisé par l’Occident pour peser dans le choix du candidat aux présidentielles russes de 2012. L’Occident peut en effet avoir des préférences pour un candidat jeune et ouvertement hostile au défunt régime soviétique. Pour autant la préoccupation stratégique majeure de l’Occident reste le desserrement de l’alliance stratégique Chine/Russie et il favorisera par tout moyen celui des candidats qui, confronté au dilemme géopolitique traditionnel de la Russie, tournera plus ses regards vers l’Ouest que vers l’Est.
« Ceci précisé, le limogeage de VLADIMIR CHAMOV par MEDVEDEV sur fond de guerre en Libye apparaît bien comme une expression publique forte d’un désaccord entre le président et le premier ministre. (v. l’article publié par le Comité Valmy, joint in fine)
« La publication de cette interview peut donc être considérée, même si les responsables du site, par prudence, s’en désolidarisent, comme la réplique de Poutine au limogeage de Chamov. Mais, même s’il ne faut pas faire abstraction de ce contexte spécifiquement russe, cette interview d’un observateur très attentif de la scène libyenne apporte de nombreux éléments de réflexion sur les origines de la guerre de Libye et sur sa portée mondiale. »
_________________
(1) Seules les vraies guerres de défense sont légitimes. (2) COMAGUER (Comprendre et Agir contre la Guerre) : http://comaguer.over-blog.com/ (3) Les émissions radio de Comaguer sur 88.4 Mhz région marseillaise, ou sur Internet à la nouvelle adresse : http://dev.radiogalere.org
*
Vous trahissez Monsieur le Président.
Sur une interview de Vladimir Chamov donnée à Moskovsky Komsomolets le 23 mars 2011
Cet article est publié pour son intérêt polémique.
Depuis plusieurs semaines, la communauté internationale tout entière, retenant son souffle, suit les développements de la situation en Libye. Que savons-nous de certain sur la Libye ? Rien. Rien que nous aient appris les médias officiels en tout cas. Les médias nous persuadent que Kadhafi est un dictateur sanguinaire. Mais est-il juste d’appeler Kadhafi un dictateur et entre tous les dirigeants arabes, de les « punir » lui et son peuple, par une intervention armée de grande envergure ? Voyons les faits.
Vladimir Chamov accueilli par la presse à son arrivée à Moscou.
L’ambassadeur de Russie en Libye, qui vient d’être limogé, Vladimir Chamov, répondant à une demi-question/demi-affirmation de l’intervieweur sur le point de savoir si Kadhafi avait opprimé ses compatriotes, a répondu : « Mais de quelle oppression parlez-vous ? ! Les Libyens ont été somptueusement gratifiés de crédits de 20 ans sans intérêts pour la construction de leurs maisons, du litre d’essence à 10 centimes, de produits alimentaires pour trois fois rien, et ils pouvaient s’acheter une nouvelle jeep sud-coréenne Kia pour tout au plus 7.500 $. Ce pays-là n’est plus... » (1)
Quels autres faits et quels autres chiffres connaissons-nous, à propos de le Libye et de son dirigeant ?
• Le P.I.B. de la Libye par habitant est de 14.192 $
• À chaque membre de chaque famille, l’État verse un subside annuel de 1000 $.
• Les chômeurs touchent 730 $ d’allocations par mois.
• Le salaire mensuel d’une infirmière hospitalière est de 1000 $
• Chaque nouveau-né reçoit une dotation de 7.000 $
• Les nouveaux-mariés reçoivent 64.000 $ pour s’acheter un appartement.
• Un particulier qui crée une entreprise reçoit un subside unique de 20.000 $.
• Les taxes et les droits trop élevés sont interdits.
• L’éducation et les soins de santé sont gratuits.
• Les études et les frais d’internat à l’étranger sont à la charge du gouvernement.
• Pour les familles nombreuses, il existe des chaînes de magasins qui vendent les produits alimentaires de base à des prix symboliques.
• La vente de produits périmés est punie de fortes amendes et, dans certains cas, par la détention.
• Certains médicaments sont distribués gratuitement.
• La contrefaçon de médicaments est considérée comme un crime.
• Le paiement de loyers n’existe pas.
• La population ne paie pas l’électricité à usage domestique.
• La vente et la consommation d’alcool sont interdits. La « prohibition » a force de loi.
• Les prêts pour l’achat d’une voiture ou d’un appartement sont accordés sans intérêts.
• La spéculation immobilière est interdite.
• Si un particulier décide de s’acheter une voiture, l’État lui en paie jusqu’à la moitié. Il en paie 65% aux miliciens.
• L’essence est moins chère que l’eau. Un litre d’essence coûte 0,14 $. (2) Les bénéfices rapportés à l’État par la vente du pétrole ont été dépensés pour le bien-être et l’élévation du niveau de vie de la population.
• Kadhafi a amassé plus de 143 tonnes d’or. Son plan était de créer une zone affranchie du dollar et d’utiliser le dinar-or comme valeur de référence dans les transactions avec les autres pays. (3)
• La Libye dépense d’énormes sommes d’argent pour irriguer de plus en plus de terres grâce à ses eaux souterraines, dont le volume est d’environ 100 fois le débit annuel du Nil. Par son ampleur sans précédent, ce projet mérite le surnom qui lui a été donné de «huitième merveille du monde». Il fait circuler 5 millions de m3 d’eau par jour à travers le désert, accroissant ainsi considérablement l’étendue des terres irriguées. 4.000 kms de conduites sont enterrées très profondément pour les préserver de la chaleur. Tout ce qui était nécessaire à l’accomplissement de ce projet a été réalisé principalement par la Libye elle-même. Rien n’a été acheté à l’Empire ni à ses satellites qui, jamais, n’ont aidé un pays en voie de développement à améliorer son sort ou, quand ils l’ont fait, ne l’ont fait que pour asservir, en fin de compte, les pays receveurs. Avec ce projet de l’eau, la Libye s’est donné les moyens d’entreprendre une « révolution verte » au sens littéral du terme, capable de résoudre bien des problèmes alimentaires de l’Afrique, et, chose non moins importante, d’y apporter stabilité et indépendance économique. Kadhafi a déclaré un jour que son projet de l’eau était «la réponse la plus cinglante que pouvait faire la Libye aux États-Unis qui l’accusaient de soutenir le terrorisme». (4)
• En 2010, Kadhafi a présenté une motion à l’Assemblée Générale de l’ONU, par laquelle il réclamait une enquête sur les circonstances qui ont conduit à l’agression de l’Irak par les USA et l’OTAN, et exigeait que les responsables de violations massives des droits de l’homme dans ce pays soient traduits en justice. Il a également soumis un projet de résolution sur la responsabilité des anciens états coloniaux vis-à-vis de leurs ex-colonies pour leur exploitation au cours de la période coloniale, et réclamé le paiement, par eux, de dommages compensatoires. (5)
La propagande occidentale a diabolisé Muammar Kadhafi, dont elle a fait un tyran pathologique et un ennemi implacable des aspirations du peuple libyen. Cela n’est pas vrai. Il existe, dans ce pays, des mécanismes de contrôle populaire et de démocratie : les conseils de citoyens élus et les communautés autogérées (les communes). Tout cela, sans la nomenclature de parti à la soviétique, sans bureaucratie hypertrophiée et avec un très haut standard de vie et de sécurité sociale de ses citoyens. Quelque chose qui, par bien des côtés, ressemble à une vraie société communiste. Est-ce pour cela que la Libye devait être diabolisée et attaquée par les vieux pouvoirs impérialistes ?
Qu’on me permette de citer un passage de l’article de Sigizmund Mironin, « Pourquoi ils bombardent la Libye » : « La Libye, qu’on prend pour la dictature militaire de Kadhafi, est en réalité l’état le plus démocratique du monde. C’est là, en 1977, qu’a été proclamée la Jamahiriya, c’est-à-dire la forme de démocratie la plus haute, où les institutions de gouvernement traditionnelles sont abolies et où tout le pouvoir appartient au peuple, directement et à travers les comités populaires et les Congrès du peuple. L’État est composé de beaucoup de communautés auto-gouvernées, « mini-états » dans l’État, qui exercent pleine et entière autorité sur leur district, y compris en matière de distribution des ressources budgétaires. Récemment, Muammar Kadhafi a proclamé des idées plus démocratiques encore – sur la répartition des revenus budgétaires entre les citoyens, de façon égale et sans intermédiaires... Cette disposition, selon le leader de la Révolution libyenne, a pour effet d’éliminer la corruption et le parasitisme bureaucratique. » (6)
C’est vrai pourtant qu’il y a eu des affrontements avec certains groupes rebelles. Pourquoi, et qui sont ces groupes ? La réponse, étayée de nombreuses preuves, semble être la suivante : Il y a en Libye plusieurs clans (traditionnels, NdT). Apparemment, les États-Unis, par leurs multiples canaux, ont poussé certains éléments à se battre (contre la nation, NdT), pour le contrôle du pétrole libyen. Ensuite sont apparues – appelons un chat un chat – des bandes de mercenaires spécialement entraînées, quelques «snipers inconnus», et – bingo ! – nous voilà avec une «révolution». Soyez assurés qu’il n’a pas été facile de recruter assez de « rebelles ». En réalité, ils sont très peu nombreux. La grande majorité de la population est satisfaite du régime. C’est pourquoi l’intervention étrangère était nécessaire si on voulait arriver à créer assez de chaos.
Donc, quelles sont les raisons de l’inévitable « intervention directe » ? Mettant de côté les raisons spéciales de la Grande Bretagne et de la France (et la première semble jouer les premiers violons, tandis que la seconde, avec d’autres pays, fait l’orchestre), concentrons-nous sur les États-Unis. Voici ce que suggère Mironin mentionné ci-dessus :
La raison immédiate la plus importante de l’agression de la Libye par le camp occidental semble être la nécessité urgente de combler un trou dans la dette US. Comme vous le savez sans doute, avant mars 2011, le Japon était l’un des principaux acheteurs d’obligations US, principalement sous forme de bons du trésor. Il a accumulé de ces valeurs pour plus de 880 milliards de $. Dans la mesure où les dommages causés par les catastrophes cumulées de plusieurs tremblements de terre, de tsunamis et de l’accident nucléaire à Fukushima sont estimés à ± 300 milliards de $, il est naturel de supposer que ces réserves d’ « or » seront utilisées par le Japon pour réparer ses désastres. Il va sans dire que les hauts fonctionnaires américains ont fermement recommandé aux autorités japonaises de ne pas déverser ces trésors sur les marchés mondiaux. Mais il n’en reste pas moins que le retrait inévitable du Japon, qui était un acheteur très actif de «valeurs» américaines, va provoquer, dans les marchés un « trou », qui ne pourra être comblé que par les pays arabes producteurs de pétrole, par la Russie et par la Chine. Cela impliquera forcément une nouvelle hausse du prix du pétrole et, par voie de conséquence, une forte demande en dollars. Scénario qui, selon toute apparence, devrait s’accomplir grâce à une intervention militaire en Libye, sous mandat des Nations Unies.
L‘ambassadeur Chamov accuse Medvedev de trahison en Libye
Vladimir Chamov et Vladimir Poutine
Lundi 28 mars 2011.
L’ambassadeur de Russie à Tripoli, Vladimir Chamov, a été relevé de ses fonctions par le président Dmitry Medvedev. Il l’aurait qualifié de « traître » dans un télégramme diplomatique, ce que le diplomate dément.
Toutefois, arrivé à l’aéroport Sheremetyevo de Moscou, M. Chamov a déclaré à la presse que la Russie ne pouvait pas se permettre de perdre un partenaire commercial comme la Libye. Moscou et Tripoli ont en effet conclu des contrats de plusieurs dizaines de milliards de dollars pour la décennie à venir. Outre l’exploitation des hydrocarbures, il a évoqué 4 milliards de dollars de contrats d’armement et 3,1 milliards de dollars pour la construction du chemin de fer.
Qui donne raison à Justin Raimondo et confirme les mensonges de Barak Obama.
Le groupe de combat amphibie Bataan Ready a quitté la base navale de Norfolk en Virginie, mercredi 23 mars 2011, en direction des côtes libyennes (voir photo parue dans la presse locale).
Placé sous le commandement du commodore Steven Yoder, le groupe comprend les trois bâtiments Bataan (navire de classe Wasp, 104 officiers, 1004 marins, 1894 Marines embarqués, 8 avions hybrides MV-22 Osprey et des hélicoptères de type et de nombre indéterminés), Mesa Verde (navire de classe San Antonio, 28 officiers, 333 marins, 699 Marines embarqués, probablement 2 avions hybrides MV-22 Osprey) et Whidbey Island (navire de classe Whidbey Island, 22 officiers, 391 marins, 504 Marines embarqués, 4 navires de débarquement sur coussins d’air LCACs). Il a embarqué le 22e corps expéditionnaire des Marines, basé à Camp Lejeune en Caroline du Nord, avant de partir pour la Méditerranée.
Il rejoindra le groupe de combat amphibie Kearsage (mêmes caractéristiques que le précédent), déjà sur zone. C’est ce groupe qui a récupéré le pilote de l’US Air Force qui s’est éjecté au-dessus de la Libye. L’opération de secours a mobilisé un V-22 Osprey qui s’est donc posé sur le sol libyen.
Au total, ce sont plus de 4 000 Marines qui se préparent à débarquer sur le sol libyen. Evidemment c'est pour le bien être des libyens, l'exportation de la démocratie est le cheval de Troie de l'impérialisme.
Le Pentagone déploie un appui aérien rapproché pour des troupes au sol
L’état-major états-unien a décidé de déployer des avions AC-130 et A-10 en Libye.
Le Lockheed AC-130 est est un appareil gunship d’attaque au sol et d’appui aérien rapproché pour des troupes au sol. Il est armé de canons de 20, 40 et 105 mm (photo).
Le Fairchild A-10 Thunderbolt II est un appareil d’appui aérien rapproché. Il est équipé d’un canon de 30 mm ayant une cadence de tir de 3 900 coups/minute, et de diverses sortes de roquettes et missiles.
Ces aéronefs devraient permettre d’attaquer l’armée libyenne et de soutenir les insurgés, toutes actions sans lien avec la zone d’exclusion aérienne et la résolution 1973.
*
Enterrons le passé et les espoirs de l’Afrique
L'Égyptien Nasser (G), le Soudanais Nimeiri et le Libyen Kadhafi (D) décident d'unir leurs trois pays en un État fédéral et de soutenir la cause arabe en Palestine, lors d'un meeting le 8 juin 1970 à Khartoum, au Soudan.
*
Vous la trahissez Monsieur le Président
*
Pour qu’il y ait une femme, dans cette infantile histoire d’hommes, un peu moins nulle que Madame Boulet...
Aicha, seule fille vivante de Muammar Kadhafi. Agée de 35 ans, elle est connue par sa fondation Wa attamissou, qui lutte contre la faim en Afrique. Mais elle est aussi avocate internationale, et à ce titre, elle a participé à la défense de Saddam Hussein. Ambassadrice de bonne volonté de l’ONU depuis 2004, elle vient de se voir retirer cette fonction en février dernier, avec une élégance rare, par « le Machin » aux ordres. Pour la punir préemptivement sans doute des crimes qu'allait bientôt menacer de commettre son père.
*
Et pour finir...
Les joyeux drilles radiophoniques du Jeu des Dictionnaires et de La Semaine infernale (ce sont les mêmes - RTBF/La Première) ont, ce samedi, élu pour leur "couillon de la semaine"... Qui ? Je vous le donne en mille : Dieudonné ! Pourquoi ? Parce qu'il a décidé d'aller à Tripoli soutenir (au moins moralement) le colonel Kadhafi.
Ce n'est pas qu'ils manquent d'esprit à La semaine infernale... ni de talent.. ni même d'intelligence... C'est juste qu'ils sont un tantisoit conformistes dès lors que les choses se passent un peu loin par rapport à chez eux. Ils ont alors tendance à faire, à toutes fins utiles, dans l'anti-poutinisme-chavisme-castrisme primaire, voire à cracher sur les martyrs des FARC pour les yeux de merlan frit de l'ennuyeuse Ingrid Bettencourt. Cette fois, emportés par leur élan humanitaire à distance et parce que le colonel Kadhafi ne s'habille pas comme eux, ils ont oublié que Dieudonné n'a pratiquement jamais tort, même s'il a choisi une fois pour toutes le style affreux jojo et la provoc-à-bourgeois pour délivrer ses messages.
Mais supposons que ce soit lui qui, comme d'habitude, ait raison. Ce serait qui, alors, les couillons de la semaine ?
Mieux vaut les entendre « à leur mieux », quand ils s'en prennent à l'une ou l'autre des marionnettes belgeoises - du nord, du sud ou de l’est. Là, ils se trompent rarement. L'autre samedi, ce fut la fête à Pieter « Crembo » De Crem, celui qui à l'instar du lìder minimo des voisins a resserré les liens de la Belgique moribonde avec l'OTAN et la mafia atlantiste. Le flingueur est Sergio Honorez :
Titre original : The Road to 9/11 : Wealth, Empire and the Future of America
Peter Dale SCOTT né le 11 janvier 1929, universitaire canadien et professeur émérite de Littérature anglaise à l’Université de Berkeley, Californie, est l’auteur de près d’une douzaine de livres, capitaux pour la connaissance des mécanismes du pouvoir U.S. : une mine pour qui veut comprendre ce qui se cache sous l’inversion orwellienne de la rhétorique pseudo-démocrate.
Pour la première fois, un de ces livres vient d’être publié en français. Grâces en soient renduesz aux vaillantes éditions Demi-Lune. C’est un événement. Et c’est pourquoi je vous propose de lire, pour faire sa connaissance, l’interview que l’auteur vient d’accorder au Réseau Voltaire :
Droits de l’homme, droit d’ingérence, droit du plus fort
Bruxelles, ADEN, 2005
Noam CHOMSKY Jean BRICMONT
RAISON CONTRE POUVOIR LE PARI DE PASCAL
Paris, Cahiers de L’Herne, 2010
Sans oublier le réjouissant et indémodable :
Alan SOKAL Jean BRICMONT
IMPOSTURES INTELLECTUELLES
Paris, Odile Jacob, 1997
Domenico LOSURDO
STALINE Histoire et critique d'une légende noire
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio Postface de Luciano Canfora
Bruxelles, ADEN, 2011
Depuis la mort de Louis Aragon – et sans doute même avant – personne n’avait plus osé prononcer le nom de Staline sans cracher dessus. C’est que les petits Machiavels de la Guerre Froide – éblouis par la divine surprise du « Rapport Krouchtchev » - avaient fait le nécessaire pour que les propagandistes stipendiés n’y aillent pas avec le dos de la louche dans l’entreprise de démonisation qui dure encore. On était donc passés du tabou Staline-intouchable des PCF, PCI, PCB & C° au tabou Staline-cracra frère jumeau d’Hitler. Et chacun d’oublier que nul autre que lui – aidé de toute l'URSS et au prix de 25 millions de morts, certes – n’avait pu vaincre Hitler, et ainsi éloigner de l’Europe, pour au moins un demi siècle, le spectre du nazisme. Et si le spectre du nazisme est revenu, à qui la faute ?
Staline fut-il un enfant de choeur ? Sûrement pas. Je me permets de rappeler ici la constatation laconique et plus que jamais d’actualité de mon camarade Saint-Just : « Personne ne gouverne innocemment ». Je me souviens par ailleurs d’un Henri Guillemin sur la fin de sa vie, répétant passionnément : « Je voudrais bien savoir qui était Staline ». Grâce à Domenico Losurdo, qui fait enfin sauter le verrou du terrorisme intellectuel, nous avons une petite chance de le savoir un jour. Il ne reste plus aux jeunes et aux futurs historiens qu’à chercher honnêtement, dans sa foulée, ce qui se rapproche le plus de la vérité historique. Quelles furent les circonstance ? Quels furent les dilemmes ? Quels furent les choix ? Quelles les erreurs ? Quelles les réussites ? Bref, un vrai travail d’historiens.
Cet essai, dit l’éditeur, est une approche à la fois historique, historiographique et philosophique – qui, comme en Italie à sa sortie, ne manquera pas de susciter de vives polémiques.
Les polémiques ont, en effet, déjà commencé. Voir, par exemple, l'article de Jean-Jacques Marie, dans La Quinzaine littéraire (n°1034, du 16 au 3& mars 2011), intitulé "Le socialisme du goulag".
Professeur d’histoire de la philosophie à l’université d’Urbino (Italie), Domecico Losurdo dirige depuis 1988 la Internationale Gesellschaft Hegel-Marx für dialektisches Denken, et est membre fondateur de l’Associazione Marx XXIesimo secolo.
*
Qu’on me permette encore de mentionner ici deux livres sortis depuis quelque temps, mais qui m’ont causé un plaisir extrême. Plaisir amer – ceux qui les liront comprendront pourquoi – mais certain.
José SARAMAGO
le cahier
Textes écrits pour le blog. Septembre 2008 – Mars 2009
Traduit du portugais par Marie Hautbergue Préface d’Umberto Eco
Paris, Le Cherche midi, 2010, 243 pages.
José Saramago est devenu blogueur à 87 ans. Ce livre est la mise en volume de ses « posts » quotidiens pendant huit mois. Écrites au fil de la plume et des humeurs, mais aussi – et même surtout – de l’actualité, les réflexions et les indignations du cahier sont l’exact pendant portugais des conversations italiennes de Camilleri et Lodato qui suivent.
Andrea CAMILLERI e Saverio LODATO
UN INVERNO ITALIANO Chronache con rabbia 2008-2009
« Je ne crois pas que nous en soyons déjà au pire des mondes possibles. Mais nous faisons tout notre possible pour qu’il le devienne. » (Andrea Camilleri)
« À la mi-novembre 2008, je suis allé trouver Andrea Camilleri, que je connais depuis La linea della palma (Rizzoli, 2002), le livre dans lequel il m’avait raconté sa vie. Que pouvions-nous encore faire ensemble ? Que pouvions-nous inventer pour offrir à quelque lecteur de bonne volonté une «pilule» quotidienne d’indignation civile ? Un petit kit de survie dans une mer démontée de lieux communs, de vérités domestiquées et de versions du régime ? Les vieux auteurs d’histoires de mer racontent que, dans les cales des bateaux, il y avait toujours toute une provision de barils d’huile, qui, en cas de bourrasque, servaient à faire tenir les flots tranquilles, au moins à l’entour du bateau, donnant ainsi à l’équipage le temps de décider ce qu’il fallait faire. Que ce soit vérité ou légende, l’exigence, pour nous, était exactement celle-là : éviter d’être quotidiennement submergés par le flot des bavardages, l’océan du grand guignol, réussir à élever un petit brise-lames qui dure au moins vingt-quatre heures. C’est ainsi qu’est née la rubrique « Lo chef consiglia » (« Le plat du chef »). Que la direction de L’Unità ait accepté avec enthousiasme d’héberger dans sa petite cale cet insolite chargement de barils d’huile est un honneur dont nous lui savons gré. » (Saverio Lodato).
Andrea Camilleri, né à Porto Empedocle (Sicile) en 1925, est un auteur et un metteur en scène de théâtre, de télévision et de radio, devenu mondialement célèbre sur le tard grâce à ses romans policiers mettant en scène le commissaire sicilien Montalbano. Ses livres sont entrés de son vivant dans la prestigieuse collection Meridiani, équivalent italien de La Pléiade. Ils sont généralement traduits en français par Serge Quadruppani. Andrea Camilleri vit à Rome avec son épouse. Il a trois filles et quatre petits-enfants.
Saverio Lodato, né à Reggio Emilia en 1951, est un journaliste qui a commencé sa carrière, en 1979, à L’Ora. En 1980, il est entré au quotidien L’Unità, pour lequel il écrit toujours. Il a été arrêté en 1988 pour avoir publié le journal du maire de Palerme Giuseppe Insalaco et les confessions du repenti Antonino Calderone. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, publiés chez Rizzoli, Garzanti et Mondadori, traitant presque toujours de la vie politique dans son pays et de la mafia. Je me risquerai à dire que les livres de Saverio Lodato sont à l’Italie ce que ceux de Peter Dale Scott sont aux États-Unis.
Commentaires
Merci. J'espère que les suivants ne te décevront pas.
Écrit par : Catherine | 27/10/2011
Les commentaires sont fermés.