04/12/2014

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PARIS-MATCH et BACHAR AL-ASSAD

Une interview comme Paris les aime

On est toujours émerveillés et, malgré soi, malgré tout, incrédules, quand on constate de visu (ou « des aureilles ») la persistance dans l’autisme, dans la condescendance et dans l’inconsciente arrogance des merdias parisiens (qui ont beaucoup d’homologues hors Hexagone, reconnaissons-le). La persistance aussi de leur servilité volontaire dans l’auto-aveuglement.

Au lieu de leur botter les fesses, les chefs d’État les plus éprouvés prennent pourtant la peine de leur répondre, avec patience et civilité (mais où vont-ils les chercher ?)

Bref, Paris-Match a obtenu, d’un  Bachar al-Assad en guerre avec ce qu’il y a de pire au monde (l’État Islamique et ses sponsors anglosionistes), une interview. Que voilà, intégralement rapportée en français par SANA, l’Agence Syrienne d’Information. (Merci au Comité Valmy, qui nous l’a communiqué)


4 novembre 2014

« Les Syriens n’accepteront jamais que leur pays devienne un jouet entre les mains de l’Occident ! »

 

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Le président Bachar al-Assad a affirmé que la Syrie attaque le terrorisme là où il se trouve, sans prendre en considération ce que font les États-Unis ou la coalition, précisant que les Syriens n’accepteront pas que leur pays devienne un jouet entre les mains de l’Occident. « C’est un principe fondamental pour nous », a-t-il insisté.

Dans une interview accordée au magazine français Paris Match, le président al-Assad a précisé qu’on ne peut pas mettre fin au terrorisme par des frappes aériennes. Des forces terrestres qui connaissent la géographie et agissent en même temps sont indispensables. C’est la raison pour laquelle il n’y a pas eu de résultats réels. « Ce n’est donc pas vrai que les frappes de la coalition nous aident », a-t-il affirmé.

Et le président al-Assad d’ajouter : « Le terrorisme est une idéologie qui ne connaît pas de frontières et non pas des organisations ou des structures. Il y a vingt ans, le terrorisme s’exportait depuis notre région, en particulier depuis les pays du Golfe comme l’Arabie Saoudite. À présent, il nous vient d’Europe, et notamment de France », a-t-il indiqué, précisant que le plus gros contingent de terroristes occidentaux venus en Syrie est français.

Paris Match – Monsieur le président, après trois ans de guerre, au point où nous en sommes aujourd’hui, regrettez-vous de ne pas avoir géré les choses différemment au début, lorsque les premiers signes de révolte sont apparus en mars 2011 ? Vous sentez-vous responsable ?

Le président Al-Assad – Dès les premiers jours, il y avait des martyrs de l’armée et de la police. Nous avons donc, dès cette époque, fait face au terrorisme. Il y avait certe des manifestations, mais pas en grand nombre. Notre seul choix était de défendre le peuple contre les terroristes. Il n’y en avait pas d’autre. Nous ne pouvons pas dire que nous le regrettons car nous luttions contre le terrorisme dès les premiers jours. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas eu d’erreurs commises dans la pratique. Il y a toujours des erreurs. Parlons aussi franchement : si le Qatar n’avait pas financé dès le début ces terroristes, si la Turquie ne leur avait pas apporté un soutien logistique et l’Occident un soutien politique, les choses auraient été différentes. La Syrie connaissait des problèmes avant la crise, ce qui est normal, mais cela ne signifie pas qu’il faille trouver aux événements une origine intérieure.

- Durant cette guerre, on reproche à votre armée d’avoir utilisé massivement la force. Pourquoi bombarder des civils ?

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- Lorsqu’un terroriste vous attaque, croyez-vous que vous pouvez vous défendre par le dialogue ? L’armée a eu recours aux armes lorsque l’autre partie en a fait usage. Notre but ne saurait être de frapper les civils. Comment peut-on résister pendant quatre ans en tuant des civils, c’est-à-dire son propre peuple, et en même temps combattre les terroristes et les pays hostiles qui les soutiennent, à savoir ceux du Golfe, la Turquie et l’Occident ? Si nous ne défendions pas notre peuple, nous serions incapables de résister. Par conséquent, il n’est pas logique de dire que nous bombardons les civils.

- Des images satellites de Homs ou de Hama montrent des quartiers oblitérés. L’ONU, une organisation à laquelle adhère votre pays, parle de 190.000 morts au cours de cette guerre. Les habitants de ces quartiers étaient-ils tous des terroristes ?

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- D’abord, il faudrait vérifier les statistiques des Nations Unies. Quelles en sont les sources ? Les chiffres qui circulent aujourd’hui dans le monde, notamment dans les médias, sont exagérés. Ils sont faux. Ensuite les images de destruction ne sont pas seulement des photos satellites, mais des photos prises sur le terrain. Ces destructions sont réelles. Lorsque des terroristes pénètrent dans une région et l’occupent, l’armée doit la libérer. Des combats sont alors engagés. Il est donc normal qu’il y ait destruction. Dans la plupart des cas, lorsque les terroristes s’installent, les civils prennent la fuite. En vérité, le plus grand nombre de victimes en Syrie se compte parmi les partisans de l’État, et non l’inverse. Beaucoup ont été tués lors d’attentats. Quand vous avez la guerre et le terrorisme, il y a hélas des victimes innocentes. Ça arrive n’importe où, d’ailleurs. Mais il n’est pas concevable qu’un État vise ses propres citoyens.

- Toujours selon l’ONU, trois millions de Syriens sont réfugiés dans les pays limitrophes, soit un huitième de la population syrienne. Est-ce que ce sont tous des alliés des terroristes ?

- Non, non. La plupart de ceux qui ont quitté la Syrie l’ont fait à cause du terrorisme. Parmi ces réfugiés, certains soutiennent les terroristes, d’autres l’État. Ces derniers ont quitté le pays pour des raisons de sécurité. Une grande partie des réfugiés ne soutient personne.

- D’un point de vue militaire, avez-vous les moyens de gagner la guerre ?

- A présent, nous combattons des États, pas seulement des bandes. Des milliards de dollars leur sont versés. Des armes leur ont été fournies par des pays comme la Turquie. Il ne s’agit pas d’une guerre facile d’un point de vue militaire. Pourtant, l’armée syrienne progresse dans beaucoup de régions. Personne ne peut encore prévoir quand cette guerre prendra fin, ni comment. Nos adversaires pensaient, au début, gagner le cœur des Syriens. Ils n’y sont pas parvenus. Ils ont perdu le soutien de la population locale. C’est précisément ce qui a permis à l’armée de progresser. Nous devons envisager la guerre d’un point de vue militaire, social et politique.

- Mais ils n’ont pas encore perdu, puisque la moitié de votre pays vous échappe ?

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- L’armée syrienne ne peut être partout à la fois. Là où elle n’est pas présente, les terroristes en profitent pour franchir les frontières et s’infiltrer dans telle ou telle zone. Mais à chaque fois que l’armée décide de reprendre une région, elle y parvient. Il ne s’agit pas d’une guerre entre deux armées, où l’une occupe un territoire et l’autre un autre. Il s’agit d’un autre type de guerre. Nous avons affaire à des groupes terroristes qui s’infiltrent dans une ville ou dans un village. Cette guerre sera donc longue et difficile.

- Beaucoup disent que la solution c’est votre départ. Avez-vous vous-même envisagé que votre départ soit la solution ?

- Partout dans le monde, un chef d’État arrive au pouvoir par un mécanisme constitutionnel, et il le quitte par le même mécanisme. Un président ne peut ni s’imposer ni quitter le pouvoir par le chaos. La preuve tangible, ce sont les conséquences de la politique française en Libye avec la décision d’attaquer Kadhafi. Quel en a été le résultat ? Après son départ, il y a eu le chaos. Son départ était-il la solution ? La situation s’est-elle améliorée ? La Lybie est-elle devenue démocratique ? L’État est comme un navire : dans la tempête, le capitaine ne prend pas la fuite. Il ne quitte pas le bord. Si les passagers doivent s’en aller, alors il sera le dernier à partir.

- Cela veut dire que le capitaine est prêt à mourir. Vous avez évoqué Mouammar Kadhafi, est-ce que vous avez peur de mourir de la même façon que Saddam Hussein ou que Kadhafi ?

- Le capitaine ne pense pas à la mort, ni à la vie, il pense à sauver son navire. S’il fait naufrage, tout le monde mourra. Il vaut donc mieux tout faire pour sauver son pays. Mais je voudrais souligner une chose importante. Mon but n’est pas de rester président, ni avant, ni pendant, ni après la crise. Mais quoiqu’il arrive, nous autres Syriens, n’accepterons jamais que notre pays devienne un jouet entre les mains de l’Occident. C’est un principe fondamental pour nous.

- Parlons du groupe État Islamique. On entend dire parfois qu’au départ, le régime syrien a encouragé la montée des radicaux islamistes pour diviser l’opposition. Que répondez-vous?

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- D’abord, en Syrie, nous avons un État, pas un régime. Soyons clair sur la terminologie. Si nous supposons que cela est vrai, et donc que nous avons soutenu l’État Islamique, cela revient à dire que nous leur avons demandé de nous attaquer, d’attaquer nos aéroports militaires, de tuer des centaines de nos militaires, d’occuper nos villes et nos villages. Où est la logique là-dedans ? Qu’avions-nous à gagner dans tout cela ? Diviser et affaiblir l’opposition, comme vous le dites ? Nous n’avions pas besoin de le faire. L’Occident lui-même reconnaît que cette opposition était fantoche. C’est ce qu’Obama lui-même a dit. L’hypothèse est donc fausse. Mais alors, où est la vérité ? En réalité, l’État Islamique a été créé en Irak en 2006. Ce sont bien les États Unis et non la Syrie qui occupaient l’Irak. Abou Baker al Baghdadi était dans les geôles américaines et non dans les prisons syriennes. Qui a donc créé l’État Islamique ? La Syrie ou les États-Unis ?

- Les Syriens que nous rencontrons à Damas font plus allusion aux cellules dormantes djihadistes en Occident qu’à la guerre contre l’État Islamique. C’est étonnant, non ?

- Le terrorisme est une idéologie et non des organisations ou des structures. Or, l’idéologie ne connaît pas de frontières. Il y a vingt ans, le terrorisme s’exportait depuis notre région, en particulier depuis les pays du Golfe comme l’Arabie Saoudite. A présent, il nous vient d’Europe, et notamment de France. Le plus gros contingent de terroristes occidentaux venus en Syrie est français. Ils commettent des attentats en France. En Belgique, ils ont attaqué le musée juif. Le terrorisme en Europe n’est plus dormant, il s’est réveillé. 

- Les Américains sont aujourd’hui, contre l’État Islamique, des alliés tactiques. Considérez-vous toujours leur intervention comme une violation du territoire syrien ?

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- Vous avez utilisé le mot tactique, et c’est là un point important. Vous savez bien qu’une tactique n’a aucun sens sans une stratégie. Car elle seule n’arrivera pas à venir à bout du terrorisme. Il s’agit d’une intervention illégale, d’abord parce qu’elle n’a pas reçu l’approbation du Conseil de sécurité, ensuite parce qu’elle n’a pas tenu compte de la souveraineté d’un État qui est la Syrie. La réponse est « oui », c’est une intervention illégale, et donc une violation de la souveraineté nationale.

- L’AFP rapporte que votre aviation a effectué 2000 sorties aériennes en moins de 40 jours, ce qui est énorme. Quand vos avions croisent leurs avions, par exemple en allant bombarder Raqqa, existe-t-il un protocole de non agression ?

- Il n’y a pas de coordination directe. Nous attaquons le terrorisme là où il se trouve, sans prendre en considération ce que font les États Unis ou la coalition. Vous seriez sans doute surpris d’apprendre que le nombre quotidien de sorties de l’aviation syrienne pour frapper les terroristes est supérieur à celui de la coalition. Donc, d’abord, il n’y a pas de coordination. Ensuite, les frappes de la coalition ne sont que cosmétiques. 

- Mais ces frappes-là vous aident. La démission du Secrétaire Américain à la Défense Chuck Hagel s’explique en partie parce qu’il pensait qu’elles renforçaient votre gouvernement et vos positions.

- Notez que votre question contredit celle dans laquelle nous sommes accusés de soutenir Daech. Ça veut dire plutôt que nous sommes des ennemis de Daech.

- J’ai dit  qu’on entend qu’au départ, vous avez soutenu Daech pour diviser l’opposition.

- Je ne vous accuse pas, je fais plutôt allusion à ceux qui le pensent. 

- Maintenant, une des conséquences était cette démission, du point de vue américain. Estimez-vous quand même que les frappes de la coalition vous aident ?

- On ne peut pas mettre fin au terrorisme par des frappes aériennes. Des forces terrestres qui connaissent la géographie et agissent en même temps sont indispensables. C’est la raison pour laquelle il n’y a pas eu de résultats réels après deux mois des campagnes menées par la coalition. Ce n’est donc pas vrai que les frappes de la coalition nous aident. Elles nous auraient certainement aidés si elles étaient sérieuses et efficaces. C’est nous qui menons les combats terrestres contre Daech, et nous n’avons constaté aucun changement, surtout que la Turquie apporte toujours un soutien direct dans ces régions.

- Le 14 juillet 2008, vous étiez à la tribune sur les Champs-Élysées, en marge du sommet de la Méditerranée. Aujourd’hui, le gouvernement français vous considère comme un paria, comment vivez-vous cette situation ?

- Les bonnes relations entre 2008 et 2011 n’étaient pas le résultat d’une initiative française. Il y a eu d’abord les Américains qui ont chargé l’administration française, à l’époque, de faire pression sur la Syrie au sujet de l’Iran. Il y a eu ensuite le Qatar, qui poussait la France à améliorer ses relations avec la Syrie. Entretenir de bonnes relations avec nous n’émanait donc pas d’une volonté indépendante de la France. Aujourd’hui,  les choses n’ont pas changé. Hollande, comme Sarkozy, n’agit pas de son propre gré.

- François Hollande continue de vous considérer comme un adversaire, est-ce que vous pensez qu’à un moment le contact pourra être renoué ?

- Ce n’est pas une question de relations personnelles. D’ailleurs je ne le connais même pas. Il s’agit de relations entre États et institutions, et dans l’intérêt des deux peuples. Nous traiterons avec tout responsable ou gouvernement français dans l’intérêt commun. Mais l’administration actuelle œuvre à l’encontre des intérêts de notre peuple et de ceux du peuple français. Je ne suis ni l’ennemi personnel ni le rival de Hollande. Je pense que c’est plutôt Daech qui est son rival, puisque leurs cotes de popularité sont très proches. 

- Oui ou non, y a-t-il aujourd’hui en Syrie des armes chimiques ?

- Non, nous l’avons très clairement déclaré, et lorsque nous avons décidé de renoncer aux armes chimiques, c’était de manière définitive et totale.

- Pourtant le secrétaire d’État américain John Kerry vous accuse d’avoir violé le traité en faisant usage de chlore. Est-ce vrai ?

- Vous pouvez trouver du chlore dans n’importe quel foyer syrien. N’importe quelle faction peut l’utiliser. Mais nous, nous ne l’avons pas utilisé, car nous avons des armes conventionnelles plus efficaces, que nous employons dans notre guerre contre les terroristes. Nous ne le cachons pas, car c’est notre droit. Ces accusations ne nous surprennent pas. D’ailleurs, depuis quand les Américains disent-ils la vérité à propos de la crise syrienne ?!

- Avez vous utilisé des armes chimiques ?

- Nous n’avons pas utilisé ce genre d’armes, autrement il y aurait eu des dizaines, voire des centaines de milliers de morts, pas simplement 100 ou 200 personnes, comme on l’a dit l’année dernière, surtout dans des régions peuplées de centaines de milliers, voire de millions de Syriens.

- A l’occasion de votre dernier séjour à Paris en novembre 2010, j’avais interviewé votre femme Asma. Est ce que ça vous manque de ne plus pouvoir voyager hors de vos frontières ?

- Je ne suis pas un amateur de voyage, et mes visites n’étaient pas pour faire du tourisme.  Ce qui me manque vraiment c’est la Syrie  telle quelle était. Ce qui nous manque, bien sûr, c’est un monde différent où règnent des relations logiques et morales. Nous avions, à l’époque, de grands espoirs de développer notre région, de lui assurer une plus grande ouverture intellectuellement. Nous pensions que la France était, par son patrimoine culturel, la mieux placée pour jouer ce rôle avec la Syrie au Moyen-Orient. 

- Votre femme se voyait comme une ambassadrice de la modernité, comment vit-elle cette situation, maintenant qu’elle est recluse en Syrie ?

- Comme tous les Syriens, comme moi, elle éprouve de la douleur en voyant la destruction et le sang versé. Nous avons de la peine de voir notre pays revenir des décennies en arrière, et devenir un foyer de terrorisme après avoir été parmi les cinq premiers pays sur le plan de la sécurité. Tous les deux, nous sommes navrés de voir l’Occident, qu’on croyait capable d’aider à l’ouverture et au développement, prendre la direction inverse. Pire encore, que ses alliés soient des pays moyenâgeux du Golfe, comme l’Arabie Saoudite et le Qatar.

- On vous décrit comme quelqu’un d’extrêmement proche de ses enfants, comment leur expliquez-vous ce qui se passe dans votre pays le soir en rentrant chez vous ?

- Ce dialogue se déroule dans chaque foyer syrien. Le plus difficile est lorsqu’on a affaire avec des enfants dont la conscience sociale s’est formée durant la crise. Les deux principales questions qu’ils posent sont les suivantes : Comment des gens qui croient ou disent défendre Dieu et l’Islam peuvent-ils tuer et décapiter ?  C’est une contradiction difficile à expliquer. Les enfants demandent aussi si ces gens-là savent qu’ils se trompent. La réponse est que certains le savent et exploitent la religion à des fins particulières, d’autres sont des ignorants qui ne savent pas que la religion c’est le bien, et non le meurtre. Ils nous posent une dernière question : « Pourquoi l’Occident nous attaque et soutient les terroristes ? ». Ils ne parlent évidemment pas de l’Occident en tant que tel, mais évoquent des pays précis comme les États-Unis, la France, la Grande Bretagne. « Pourquoi agissent-ils de la sorte ? Est-ce qu’on leur a fait du mal ? ».  Nous leur expliquons alors que les peuples c’est une chose, et les États, c’en est une autre.

Source : http://www.sana.sy/fr/?p=18018

 

٭

Avec raison, Bachar Al-Assad parle, dans cette interview, de la Turquie comme d’un ennemi de son pays.

Mais que va-t-il se passer, maintenant qu’Ankara vient de se livrer à un aussi spectaculaire renversement d’alliances avec l’affaire du South Stream ? Quelle attitude MM. Erdogan et Davutoğlu vont-ils adopter à l’égard de leur voisin ? De l’Iran ?...

Ces questions, et quelques autres, Nebojsa Malic (Antiwar.com) vient de se les poser au bénéfice de Russia Today (RT). 

C’est en anglais (sorry). Si nous trouvons le temps de vous les traduire, nous les mettrons demain ici-même. Sinon, vous devrez demander à vos traducteurs personnels.

Severed Streams

Nebojsa Malicpour RT4 décembre 2014

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Russia's decision to cancel South Stream came as a surprise, though it should not have been. Yet the pipeline's demise creates more questions than it answers – for Turkey and the Balkans more so than Europe and Russia.

A year after the ground-breaking ceremonies in Serbia and Bulgaria, the South Stream gas pipeline is no more. Monday's announcement by President Vladimir Putin – on a state visit to Turkey – that Russia was abandoning the project due to continued obstruction by the EU came as a shock and surprise to many. It shouldn't have been: Brussels has been against the pipeline from the very beginning, and Washington even more so.

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En français :

Alimentations coupées

par Nebojsa Malic – RT4 décembre 2014

La décision  de la Russie d’annuler la construction du South Stream a été une surprise, bien qu’elle n’eût pas dû en être une. Cela dit, la suppression du pipeline suscite plus de questions qu’elle n’apporte de réponses, pour la Turquie et les Balkans davantage encore que pour l’Europe et la Russie.

Un an après les cérémonies d’inauguration en Serbie et en Bulgarie, le pipeline South Stream n’est plus. L’annonce qu’a faite lundi le président Vladimir Poutine, en visite officielle en Turquie, que la Russie abandonnait le projet à cause de l’obstruction continue de l’Union Européenne, a été un choc et une surprise pour beaucoup. Cela n’aurait pas dû : Bruxelles a été hostile au projet depuis le début, et Washington plus encore.

South Stream avait été envisagé pour pouvoir approvisionner l’Europe Centrale et Occidentale en gaz, sans courir le risque d’une obstruction ukrainienne. En plusieurs occasions – la dernière date de 2009 – le refus de Kiev de payer son gaz avait provoqué une interruption dans les livraisons à l’Europe. Plutôt que de, mettons, provoquer un « changement de régime » à Kiev ou d’y installer un gouvernement fantoche – solutions préférées de ses « partenaires » occidentaux - Moscou avait décidé de construire des pipelines qui contourneraient ce pays. Le premier, Nord Stream, est devenu opérationnel en septembre 2011, reliant la Russie à l’Allemagne par la mer Baltique. South Stream était supposé traverser la Mer Noire, la Bulgarie, la Serbie et la Hongrie, et continuer vers l’ouest à travers l’Autriche.

Washington a tenté de contrer South Stream en proposant un autre pipeline appelé « Nabucco », qui aurait relié l’Autriche, la Hongrie, la Roumanie et la Bulgarie à l’Azerbaïdjan via la Turquie. Mais les fonds nécessaires n’ayant pu être réunis, non plus que – détail ennuyeux – une autre source de gaz trouvée, le projet Nabucco fut abandonné à la mi-2013. C’est alors que les officiels US et UE ont commencé à faire pression sur la Hongrie, la Serbie et la Bulgarie, pour que ces pays concourent à faire avorter le projet South Stream. Officiellement, le fait que Gazprom, propriétaire du gaz, allait être aussi celui de South Stream, était contraire aux lois de l’UE, lois passées, figurez-vous, après les accords sur la construction du pipeline.

Les trois pays ont répondu de manières différentes : la Hongrie a refusé de se laisser intimider. La Serbie, qui n’est pas membre de l’UE mais qui est gouvernée par des loyalistes à l’Union, prêts à sauter avec empressement au moindre aboiement de Bruxelles, a eu recours à la langue de bois et s’est mise à traîner les pieds. Après quelques asticotages de Washington, sous les espèces du sénateur John McCain, la Bulgarie s’est couchée et a dit qu’il fallait que le contrat soit modifié pour être mis en conformité avec les lois de l’UE.

Là, Moscou en a eu assez. Lorsqu’il a annoncé l’abandon du projet South Stream, Vladimir Poutine a dit que la Bulgarie « avait été privée de l’opportunité de se conduire en nation souveraine », rendant par là, nettement, Washington et Bruxelles responsables du fiasco.  La Russie allait donc, en conséquence, passer au contrat avec la Turquie. Oui, la Turquie. L’ennemi historique de la Russie et le pays même où la Guerre froide a sans doute commencé, en 1947, avec  l’inauguration de la « Doctrine Truman ».

On ne peut que conjecturer pourquoi la Turquie a choisi de déserter. Peut-être est-ce pour avoir été considérée comme allant de soi par Washington et Bruxelles, ou peut-être à cause des pourparlers d’accession à l’UE, qui traînent depuis des dizaines d’années, visiblement destinées à durer toujours sans issue concrète, ou alors parce que les desseins de Washington laissaient peu de place à ceux d’Ankara en vue d’une domination turque de la région. Quelle qu’en soit la raison, les Turcs ont opté pour un accord avec leurs anciens ennemis, plutôt que continuer à soutenir les diktats de Bruxelles et de Washington.

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Considérant le fait que la Turquie n’a pas été qu’un allié-clé de l’OTAN mais aussi le pivot de tous les efforts américains pour contourner la Russie par des pipelines de rechange tant pour le pétrole que pour le gaz (Nabucco, Bakou-Tbilissi-Ceyhan), le contrat signé par Ankara avec la Russie fait, de la renonciation au South Stream, une défaite cuisante pour Washington. Bruxelles aurait perdu de toutes les façons : l’Europe n’a aucune alternative au gaz russe ; son opposition à South Stream n’a donc jamais été que de la politique d’extorsion sans rapport avec aucune logique économique. La Serbie et la Bulgarie vont avoir à affronter les amères conséquences de leur comportement de républiques bananières ; la Hongrie souffrira aussi, mais la faute en reviendra à l’UE plutôt qu’à Moscou.

La défection de la Turquie pourrait également rebattre les cartes en ce qui concerne la crise syrienne : alors que Moscou a été le soutien principal du gouvernement de Damas, Ankara n’a cessé de seconder les efforts US pour le renverser. Mais, tandis que la rébellion syrienne se métamorphosait en « califat islamique », utilisé comme prétexte par Washington pour lancer une campagne aérienne illégale en territoire syrien, la Turquie s’est montrée réticente à se joindre à l’action, une de ses raisons étant que l’ISIS combattait auparavant les Kurdes, en révolte depuis des dizaines d’années pour obtenir leur autonomie et même l’indépendance pour plusieurs provinces du Sud-Est sous contrôle turc.

Une alliance russo-turque, même si elle n’est qu’économique, pose aussi de nouvelles questions pour les Balkans. Déjà très appauvries et déstabilisées par les intrusions constantes des USA et de l’UE, la Serbie et la Bulgarie vont avoir à affronter la possibilité que la Turquie se mette en tête de faire un come-back dans les Balkans, un siècle après qu’une alliance de la Serbie, du Montenegro, de la Bulgarie et de la Grèce, soutenue par la Russie, y ait mis en pièces les armées de l’Empire ottoman et libéré presque tous les leurs de la domination turque. Le Premier ministre turc, Ahmet Davutoglu, ne cachait pas*, il y a seulement quelques années, alors qu’il était ministre des Affaires étrangères, sa nostalgie ottomane.

De plus, la possibilité que le nouveau pipeline russo-turc bifurque vers l’Europe du Sud via la Grèce ne résoud pas la question de savoir comment il pourra y arriver, les routes vers l’Italie et la Serbie étant bloquées au passage par les Albanais, clients frénétiques de Washington comme on sait.

Quand la poussière soulevée par l’annonce de l’abandon de South Stream sera retombée, toutes ces questions et bien d’autres seront là, en attente de solutions.

______________________   

* Voir Israël Shamir : « Vue sur le Bosphore » et « Cessez le feu les Turcs ! » dans notre post du 26 décembre 2012

 

Source : http://rt.com/op-edge/211539-pipeline-south-stream-balkan...

Traduction c.l. pour Les Grosses Orchades

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Nebojsa Malic est un analyste en politique étrangère et un blogueur, qui travaille à Washington DC. Il est chroniqueur pour Antiwar.com et pour  Strategic Culture Foundation. Il apparaît quelquefois sur RT-télévision (qui émet de Washington).

 

 

 

Un lecteur serbe n’a pas aimé qu’on traite son pays de république bananière :

Commentaire de :

Tomislav Jelnic

-         Qu’est-ce qu’il raconte ce type ? Il est saoûl ou seulement si arrogant qu’il n’a aucune idée de ce que sont l’honnêteté, la vérité et les autres valeurs qu’un homme civilisé doit avoir ? La Serbie a toujours voulu la réalisation du projet South Stream et en a même commencé la construction et l’expropriation des terrains nécessaires au placement du pipeline. Oui, il y a eu des pressions de l’UE et des USA, mais la position est restée fermement qu’il était dans l’intérêt national que le South Stream soit construit.  Et non seulement cela, mais la Serbie a aussi vendu 51% de sa Société Nationale d’Essence à Gazprom pour pouvoir accepter le projet au prix très sous-évalué de 400 millions au lieu d’un milliard, et maintenant quoi ? Ce sont justement ces types louches comme l’auteur de l’article, si on peut l’appeler comme ça, qui ont pris position pour l’UE et qui essayent maintenant d’inverser la vérité. C’est insensé, et pourtant, ce type est serbe, pour autant qu’on puisse le savoir, mais c’est le genre de gens qui, il y a très très longtemps, se sont embarqués dans toutes sortes d’ONG, et c’est évident : on peut voir d’où il opère maintenant. Ce qu’un homme peut faire pour une poignée de dollars !

 

Qui a raison ? Qui a tort ? Ce qui est sûr, c’est que les petits pays comme la Serbie, la Bulgarie, la Grèce et la Hongrie sont trop faibles et trop vulnérables pour pouvoir tenir tête efficacement aux abus de pouvoir de l’Empire et de son appendice européen. Même en s’opposant courageusement et en prenant des risques, ils ne font pas le poids. Il suffit que saute le maillon le plus faible de la chaîne…

Dans cette affaire, le sénateur McCain n’a pas ménagé ses efforts pour intimider les uns et les autres. Il faut dire qu’il a le plus grand grand intérêt à faire suivre à son pays sa détestable politique d’ingérence tous azimuts et de guerres sans fin : à l’instar des Rothschild, il est un des cinq hommes les plus influents de la planète et à la tête d’une partie non révélée du lobby des armes.

 

٭

Pendant ce temps-là, à New York, autre manif monstre (hier), à propos d’un autre noir, Eric Garner (qui vendait des cigarettes à la sauvette) étranglé par un autre policier, que le Grand Jury a décidé de ne pas poursuivre non plus.

Vidéo

http://rt.com/in-motion/211371-us-protest-jury-chokehold/

 

٭

Peut-être à demain…

 

 

Mis en ligne le 4 décembre 2014.

 

 

 

 

23:48 Écrit par Theroigne dans Actualité, Général, Loisirs, Web | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

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