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29/06/2018
match stade vomero

 

 

Aux origines de la situation actuelle en Italie

Curzio Malaparte –« Battibecco », Il Tempo – 24 novembre 1955

 

 

  [C’est nous qui soulignons, NdGO]

 

Le match au stade du Vomero n’est qu’un prétexte

 

Dans le plus grand quotidien de Naples, Il Mattino, en date du mardi 8 novembre, a paru en première page un éditorial d’une demi-colonne pour protester contre les journaux de Rome et de Milan, lesquels, à propos des graves incidents auxquels a donné lieu dimanche 6 novembre le match Naples-Bologne au stade du Vomero, avaient publié des informations et des commentaires jugés par Il Mattino exagérés et peut-être aussi de mauvaise foi. La protestation du plus grand quotidien de Naples a pu paraître bien étrange parce que les journaux de Rome et de Milan avaient dit la vérité sans aucune exagération, mais aussi parce que la chronique d’Il Mattino avait donné les mêmes informations publiées par la presse romaine et lombarde. Quelle était donc la raison particulière qui avait bien pu inspirer la protestation d’Il Mattino ? Très certainement la préoccupation de cacher la vérité sur l’état d’esprit qui règne dans l’Italie méridionale et dont les faits du Vomero ne sont qu’une conséquence parmi d’autres.

La tâche d’un écrivain n’est pas celle de rapporter la chronique d’un événement mais d’enquêter, dans la masse des faits nationaux, sur ce qui échappe à un examen superficiel extérieur, d’en rechercher les causes intimes, en particulier quand ces causes sont sciemment passées sous silence, ou bien masquées. Qu’il me soit donc permis d’exprimer quelques doutes sur les origines déclarées des incidents du Vomero, car si l’occasion, l’étincelle, le prétexte, d’où sont nés ces faits douloureux sont effectivement à rechercher dans la conduite de jeu de l’arbitre Maurelli, les raisons vraies et profondes sont bien plus probablement du côté de l’état d’esprit qui s’est peu à peu créé au cours de ces dernières années, non  seulement à Naples, mais dans toute l’Italie méridionale.

Certains me reprochent de faire œuvre, dans mes Prises de bec, de critique stérile, et non de critique « constructive » (reproche bien ingénu, puisque la critique honnête est toujours constructive : elle consiste, en effet, à mettre en lumière ce qui ne devrait pas l’être et met par conséquent implicitement en lumière ce qui devrait l’être). Je vais donc essayer, pour une fois, en brisant la pointe de mes flèches, de collaborer avec tous ceux qui ont, en Italie, la responsabilité de l’ordre social, de la bonne administration de la liberté, de la justice, de la démocratie, pour les aider à reconnaître, et à comprendre, les raisons véritables et profondes des faits du Vomero.

 

 

Les surprises du conformisme

 

Je ne me suis encore pas lassé, et espère ne me lasser jamais, de répéter que la situation en Italie, et en particulier en Italie du Sud, n’est pas claire. Il est dangereux d’ignorer, ou de feindre d’ignorer, ce qui se cache et ce qui fermente sous la croûte du conformisme obligé. Dans notre vie publique, nombreux sont les problèmes très graves, dont il faut discuter ouvertement, librement, dans un esprit démocratique afin d’éviter les mauvaises surprises. Il est inutile de passer sous silence, de masquer ou feindre d’ignorer, en invoquant quelque critère erroné caractéristique de la prudence politique et sociale adoptée par la classe dirigeante et par le gouvernement qui en est l’expression, ou encore en raison de la crainte très répandue au sein du peuple italien de voir son emploi ou son salaire menacé et avec celui-ci la survie de sa propre famille. Les mauvaises surprises surviennent quand tout semble tranquille. Elles viennent rompre un ordre et une quiétude qui ne sont que superficiels. Quand le gouvernement et la classe dirigeante se fient, comme ils le font en ce moment, à l’optimisme qui est de mise au sein des rapports des autorités provinciales, ils se bercent de la confortable illusion que les masses sont résignées ou bien qu’elles ne désirent rien d’autre, que l’opinion publique est somnolente. Je suis convaincu que les mauvaises surprises naissent du conformisme, qui a toujours été et est encore aujourd’hui le pire mal dont souffre l’Italie.

   Certaines composantes de notre classe dirigeante croient malheureusement que la défense de leurs intérêts politiques, économiques et sociaux consiste à nourrir l’illusion que le peuple italien est stupide, qu’il ne comprend pas les vrais problèmes de notre vie nationale, qu’il ne voit ni n’entend rien, et qu’il ne parle pas parce qu’il n’a rien à dire. Mais le peuple italien, en particulier celui du Sud, est tout sauf stupide. L’Italie méridionale n’a pas d’écoles, pas d’hôpitaux, pas de maisons, pas de routes, pas d’aqueducs, elle n’a pas d’industrie, elle est gouvernée par des camarilla locales fidèles à des systèmes féodaux, souvent avec la connivence tacite, pas toujours désintéressée, des autorités du lieu. Mais, comme par un effet de compensation, l’Italie méridionale est habitée par un peuple qui sait fort bien pour quelles raisons il n’a ni écoles, ni hôpitaux, ni routes, ni aqueducs, ni industries, pourquoi il est gouverné par des camarilla locales fidèles à des systèmes féodaux. Croire que le peuple ne parle pas parce qu’il n’a rien à dire, ou parce qu’il ne voit rien, n’entend rien et ne comprend rien, ou parce qu’il est résigné ou ne désire rien d’autre, est par conséquent aussi stupide que dangereux.

Il est vrai que le gouvernement, depuis la fin de la guerre jusqu’à aujourd’hui a fait et continue de faire, pour l’Italie méridionale, ce qui n’a pas été fait auparavant depuis 1860. Mais il est aussi vrai que la Caisse du Mezzogiorno (le plus puissant des différents organes créés pour la renaissance de l’Italie méridionale) est réduite à néant à cause surtout de résistances et de sabotages de toutes sortes, dont le plus grave est la corruption. Des torrents d’argent public se perdent dans les méandres des clientèles locales ou refluent par des voies secrètes (bien connues de tous pourtant), et à cause d’un phénomène facilement explicable, en direction de Rome, quand ce n’est pas en direction de l’Italie septentrionale. La Caisse du Mezzogiorno mérite d’être louée pour ce qu’elle a fait jusqu’à maintenant. Mais elle aurait pu faire et elle ferait bien davantage si elle n’avait heurté depuis le début les intérêts non seulement des camarilla locales mais aussi ceux de la grande industrie du Nord. Intérêts, pour ces derniers, en grande partie légitimes, dont l’État doit toutefois freiner, avec les lois existantes et avec de nouvelles lois s’il le faut, la tendance naturelle au monopole de toute la vie économique, et donc aussi sociale et politique, de la nation. (Ce que je dis ici n’est pas nouveau : le même discours a été tenu par Mario Missiroli, actuel directeur du Corriere della Sera, il y a quelque trente ou trente-cinq ans, et on ne peut le soupçonner, de par son tempérament, d’une quelconque démagogie « sudiste ».)

Que l’on considère par exemple, le problème de l’industrialisation du Sud. On comprend que les plus grandes résistances à cette industrialisation viennent du Nord (désormais, en Italie du Sud, même les pierres l’ont compris !) En particulier, après les récents résultats du congrès du CEPES, qui s’est tenu à Palerme, durant lequel les plus grands représentants de l’industrie du Nord ont ouvertement insisté sur la nécessité de ne pas créer, avec l’industrialisation du Sud, des implantations et des industries qui viendraient en doublons faire de la concurrence aux implantations et aux industries septentrionales. Le congrès, comme on pouvait le prévoir, s’est conclu avec la création d’un Comité, qui avec le prétexte de seconder le gouvernement dans son œuvre d’industrialisation du Sud (en particulier de la Sicile dont l’avenir fait peur à la grande industrie du Nord), a en réalité la tâche d’empêcher que ne se construise dans l’Italie du Sud une industrie capable de concurrencer celle de l’Italie du Nord. Ce Comité n’est donc que la réplique de ce fameux Organisme corporatif créé en 1936 pour la discipline et le contrôle des implantations industrielles. Nous sommes par conséquent en plein État corporatiste et l’objectif poursuivi aujourd’hui en 1955, est le même qu’en 1936, à savoir continuer à maintenir l’Italie méridionale dans la condition d’un marché de consommation, bien qu’il soit facile d’opposer, comme on lui opposa autoritairement et inutilement, déjà en 1936, que l’Italie méridionale, où le revenu est très bas et par conséquent le pouvoir d’achat des populations inexistant, ne peut pas être un véritable marché de consommation au sens honnête et légitime du mot, mais plutôt un marché d’exploitation de type colonial. On a vu, hélas, durant la dernière guerre, quelles terribles conséquences ont eu pour l’Italie la criminelle erreur de n’avoir pas promu et d’avoir même empêché l’industrialisation du Mezzogiorno et de la Sicile en particulier.

 

Conditions d’infériorité

 

Pour revenir aux incidents du Vomero, je dirais qu’à Naples et dans tout le Mezzogiorno, il n’est pas une personne intelligente, sérieuse, honnête, libre de toute compromission, détachée de tout intérêt politique et économique partisan, qui face à la réaction soudaine, inattendue, violente du public napolitain contre la conduite de jeu partial de l’arbitre Maurelli (réaction excessive, disproportionnée par rapport à l’humiliation subie, mais c’est justement en cela que réside sa gravité, et c’est justement cela qui permet de déceler son caractère intrinsèque, qui n’est pas seulement sportif) qui échappe à la question suivante : une telle explosion de violence populaire ne révèle-t-elle pas quelque chose de plus profond qu’une simple affaire de tifosi, et n’est-elle pas, par conséquent, une réaction inconsciente (je dis bien inconsciente) à un état de choses devenu intolérable, à une condition d’infériorité dans laquelle le peuple napolitain et toutes les populations méridionales, ont de nombreuses et de sérieuses raisons de croire être maintenues ? Je veux dire que tous se demandent si l’arbitrage partial de Maurelli, loin d’être la vraie raison des faits du Vomero, n’est pas plutôt le prétexte, si les sportifs de Naples n’ont pas réagi de façon inconsciente à tout un ensemble de faits politiques, sociaux, économiques, qui depuis trop longtemps provoquent offense et humiliation contre Naples et le Mezzogiorno. Et non pas seulement les sportifs, les tifosi, mais tout le peuple napolitain, particulièrement sensible aux innombrables injustices dont souffre l’Italie méridionale : car il est vrai, malgré l’étrange démenti du Mattino, qu’il soufflait sur la ville, dans la soirée de dimanche et durant toute la journée de lundi,  un vent de sédition. Si les journaux de Rome et de Milan ont parlé d’une sorte d’état de siège, ils n’étaient pas très éloignés de la réalité : les rassemblements furent interdits, les forces de police furent mobilisées en grand nombre pour surveiller les abords des clubs et des associations sportives, les bâtiments publics, et d’importantes patrouilles de carabiniers parcouraient les rues du centre, dispersant les attroupements qui se formaient en divers endroits, dans la plus grande agitation.

Le ministre Tambroni a agi et c’est une bonne chose. C’est un homme sérieux et intelligent qui n’est pas lié à des groupes financiers ni à des intérêts économiques, et qui sait voir au fond des choses. Il a commissionné une enquête sur les raisons réelles, directes ou indirectes, des faits obscurs du Vomero. Il s’est personnellement rendu à Naples pour s’entretenir avec le préfet, avec le chef de la police et les autorités municipales. Quelques journaux ont protesté contre l’intervention du gouvernement dans les affaires sportives. Comme s’il ne s’agissait que de sport ! Il s’agit d’un problème bien plus complexe et particulièrement grave, un problème de vie, que les sportifs napolitains ont tout à coup porté sur le devant de la scène. Le sport est conscience civique, sentiment de dignité, école de liberté et de justice, et je suis du côté des sportifs napolitains, parce que je suis du côté des populations du Mezzogiorno dans leur difficile et très ancienne lutte pour un avenir de justice, de liberté et de bien-être.

(24 novembre)

 

Prises de bec, Les Belles Lettres, pp.265-270

 

 

63 ans plus tard…

 

Certes, l’Italie tout entière n’est plus qu’un vaste laboratoire de guerre de l’OTAN et des USA, mais la Sicile – pour ne citer qu’elle dans le Mezzogiorno –  a débarrassé le Nord de deux belles épines dans le pied : la base aérienne (US) de Sigonella et la base navale (US) de Niscemi. Entre autres…

 

Base d’attaque USA/OTAN en Sicile

 

Manlio Dinucci

 

https://www.mondialisation.ca/sicile-base-dattaque-usaotan/5581001

 

 

... saisie de la station satellitaire du MUOS (Mobile User Objective System) installée à l'intérieur de la base militaire de l'US Navy à Niscemi (Sicile).

 

De quoi les Siciliens se plaindraient-ils d’ailleurs, puisqu’ils ont même été choisis en 2017 pour recevoir l’ex-G8 devenu G7.

 

Melania Trump au G7 de Taormina – Mai 2017

 

 

 

Voilà qui devrait les consoler de n’avoir pas été industrialisés.

Bien sûr, ils sont la poudrière de l’Italie, et en cas de riposte russe, orientale ou moyen-orientale...

 

 

 

 

 

Juin 2018

 

 

 

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