20/09/2012

Liberté de l'art version turque

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Liberté de l'art version turque

 Elles s'apparentent plus à Victor Jara qu'aux Pussy Riot. Elles sont turques et musiciennes. Elles viennent de se faire torturer, menottées dans le dos, par la police, au point que l'une a eu les tympans crevés et l'autre un bras écrasé. C'est la chanteuse qui n'a plus de tympans et la violoniste qui est sans bras droit. Les dictatures se copient sans même faire preuve d'un peu d'imagination. Peut-être Madame Cécile Duflot voudra-t-elle faire quelque chose en leur faveur ? Ou Monsieur Laurent Fabius, récemment l'hôte de leur pays ? Ou, qui sait, même Amnesty International ?

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Selma Altin et Ezgi Dilan Balci,

respectivement chanteuse et violoniste de Grup Yorum, ont été arrêtées vendredi devant l'institut de médecine légale d'Istanbul avec 27 autres manifestants qui demandaient la restitution du corps d'Ibrahim Çuhadar, auteur présumé d'un attentat-suicide contre un poste de police.

Commis le 11 septembre, cet attentat, qui a tué un policier et blessé plusieurs personnes, a été revendiqué par le Parti-Front révolutionnaire de libération du peuple (DHKP-C), considéré par la Turquie, les Etats-Unis et l'Union européenne comme une organisation terroriste.

Selon les déclarations de leur avocat, Me Taylan Tanay, les deux musiciennes « ont été victimes de tortures dès les premiers moments de leur arrestation: elles ont été jetées au sol et sévèrement battues ». 
Mais les coups ont redoublé après qu'elles eurent été embarquées
 dans un véhicule de la police anti-émeute. « Ce qui est frappant, c'est que la chanteuse de Grup Yorum Selma Altin a été frappée aux deux oreilles jusqu'à en faire exploser les tympans alors qu'elle avait les mains menottées dans le dos. Et la violoniste du groupe, Ezgi Dilan Balci, a eu le bras broyé parce qu'elle jouait du violon », a ajouté Me Tanay.
 On lui a aussi cassé les doigts.

 Bref, les escadrons de la mort à la turque les ont froidement et délibérément estropiées pour qu'elles ne puissent plus jamais exercer leur art.

Les autres gardés à vue, dont 5 enfants, on tous été, eux aussi, violemment battus.

Erdogan dans les bottes de Pinochet ? Bof, au point où on en est...


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Rappel historique

Le mouvement communiste de Turquie, incarné par le Parti révolutionnaire de libération du peuple (DHKP) et son Front armé (DHKC), se bat depuis trente-cinq ans, pour la libération sociale des peuples turc, kurde, arabe, laze, circassien, bosniaque, géorgien, abkhaze, grec, rom, arménien, chaldéen, assyrien et autres, qui cohabitent en Turquie.

« Le 20 octobre 2000, le DHKP-C lance un mouvement de grève de la faim contre la réforme des prison, laquelle vise à transférer les prisonniers politiques vers des établissements pénitentiaires de haute sécurité (prisons de type F) inspirés du modèle US et répondant officiellement aux normes européennes. Les prisonniers du DHKP-C entrent en « jeûne jusqu’à la mort » pour protester contre leur mise en isolement dans des cellules individuelles où il se plaignent des mauvais traitements. Le 19 décembre 2000, 20 prisons-dortoirs (prisons de type E) sont prises d’assaut par les militaires. Au cours du programme de déportation de plus de 3000 prisonniers politiques insurgés qui s’ensuivit, 28 détenus périront criblés de balles, torturés, asphyxiés par les gaz lacrymogène ou carbonisés par les lance-flammes. Cette résistance s’achève le 22 janvier 2007 et aboutit à une solution négociée avec le ministère de la Justice sous forme de circulaire permettant aux détenus isolés de se rencontrer par groupe de dix à raison de 10 heures par semaine. Mais durant ces sept années de résistance passive, pas moins de 122 militants dont plus de 100 membres du DHKP-C perdent la vie.

Au printemps 2004, une opération conjointe des polices turque, belge, allemande, néerlandaise et italienne, fondée sur 56.000 heures d’écoutes téléphoniques, aboutit à l’arrestation d’une quarantaine de personnes, suspectées de cinq attentats commis en Turquie pendant l’année 2003. » (Wikipedia)

Procès du DHKP-C en Belgique :

En 2006-2010, une série de jugements, en première instance puis trois en appel après deux arrêts de cassation, ont eu lieu à l’encontre de membres présumés du DHKP-C dont Fehriye Erdal et Bahar Kimyongür.

On se rappellera que Bahar Kimyongür, de naissance et de nationalité belges, réclamé par la Turquie pour avoir traduit en français un tract du DHKP, fut naguère attiré - par l'alors ministre de la justice que nous ne nommerons pas pour ne pas faire à cette dame trop de publicité chez les Blackwaters qui risqueraient de nous priver de ses talents en la recrutant car ils en ont les moyens et qu'est-ce que nous ferions sans elle - dans un guet-apens, en Hollande, afin qu'il pût en être extradé, puisque n'étant pas citoyen hollandais. Heureusement, un juge de ce pays lui sauva la vie en refusant de déférer à une réclamation aussi délirante et, faut-il le dire, déshonorante.

Grup Yorum

(Yorum = « commentaire » en turc) est une formation musicale fondée en 1985, à İstanbul, par des étudiants, dans le but de réagir au coup d'Etat militaire de 1980. Le groupe, influencé au début par Ruhi Su, Mahzuni Serif, Inti Illimani, Victorr Jara, Quilapayùn et Theodorakis, a été formé « pour être la voix de la terre et des peuples d'Anatolie, où le groupe est né, avec une infusion de musique révolutionnaire et socialiste ». En peu de temps, Yorum est devenu un nom crucial pour l'opposition et la lutte des droits et des libertés.

Chaque année depuis 1987, le groupe a aussi bien sorti des albums et donné de nombreux concerts en Turquie et en Europe, que participé à des centaines de protestations de masse, manifestations de rue, grèves, et occupations d'usines et d'universités. Les membres du groupe ont fait face à de nombreuses gardes à vue, arrestations et interdictions dus à la nature organisationnelle-révolutionnaire-activiste du groupe et du sens contestataire de leur musique.

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Plusieurs membres de Yorum ont été torturés à maintes occasions et condamnés à de nombreuses années d'emprisonnement; « même les CD et les cassettes du groupe ont été fusillés par les forces de sécurité ».

En dehors du turc, Yorum chante aussi en kurde, arabe ou circassien, militant ainsi pour le droit à l'usage de ces diverses langues.

Yorum utilise des instruments locaux tels que le ney (le petit hautbois de l'Anatolie de l'est), le bağlama (luth à manche long), le kaval (flageolet, flûte de berger), mais aussi beaucoup d'autres instruments non-locaux tels que le violon, le hautbois et surtout la guitare. Leur musique, essentiellement vocale et instrumentale, est basée sur des compositions rythmiques solides et des mélodies fluides. Pouvant être définie comme du folk-rock, elle contient des timbres rappelant les chansons folkloriques locales, les mélodies méditerranéennes, les hymnes latino-américains et le rock.

Pour davantage d'informations sur les activités du groupe et sur l'acharnement dont il est l'objet, voir Wikipédia (discographie complète en prime) et, bien sûr, les articles suivants :

 

entre autres.

 

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En mai dernier, Grup Yorum a donné un concert de soutien « à la Syrie réelle », en opposition à la politique d'AKP-Erdogan,

malgré l'arrestation préventive de plusieurs de ses membres.

 

Rien à voir, on en conviendra, avec le casting prétendument moscovite des talent scouts d'Hollywood, ne fût-ce que pour la qualité de la musique.

 

Le groupe, chantant  malgré la censure,

El Aparecido, de Victor Jara,

devant 55.000 personnes au stade Besiktas d'Istanbul.

La chanteuse est Selma Altin.


 

 

Paroles de El Aparecido (« L'Apparu », hommage à Che Guevara)

 

Abre sendas por los cerros, 


Deja su huella en el viento, 


El águila le da el vuelo 


Y lo cobija el silencio.


Nunca se quejó del frío, 


Nunca se quejó del sueño, 


El pobre siente su paso 


Y lo sigue como ciego.





Correlé, correlé, correlá 


Por aquí, por allí, por allá, 


Correlé, correlé, correlá, 


Correlé que te van a matar, 


Correlé, correlé, correlá.





Su cabeza es rematada 


Por cuervos con garra de oro 


Como lo ha crucificado 


La furia del poderoso. 



 

Hijo de la rebeldía 


Lo siguen veinte más veinte, 


Porque regala su vida 


Ellos le quieren dar muerte.

 

Ce qui signifie à peu près :

« Il ouvre des sentiers dans les collines,

Il laisse sa trace dans le vent,

L’aigle lui donne l’envol,

Et le silence le protège.

 

Jamais il ne se plaint du froid

Jamais il ne se plaint d'avoir sommeil,

Le pauvre sent sa présence

Et le suit comme un aveugle.

 

Cours, cours, fuis, sauve-toi,

Cours par ici, cours par là,

Cours, ils vont te tuer !

Cours, cours, fuis, sauve-toi.

 

Sa tête est couronnée

De corbeaux aux serres d’or,

Tel que l'a crucifié

La furie du pouvoir.

 

Fils de la révolte,

Ils le traquent par vingtaines.

Parce qu'il offre sa vie,

Ils veulent lui donner la mort. »

 

 
In memoriam

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Victor JARA

Né le 28 septembre 1932.

Mort le 16 septembre 1973, ses mains de guitariste coupées,

au stade Estadio Cile, Santiago du Chili.



Mis en ligne le 20 septembre 2012

par Catherine.