04/10/2013

CULTURE-TURECUL

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Ce tableau ne s’intitule pas « L’origine du monde » ni « L’origine de la guerre » mais « Loosing your Marbles on the Ship of Fools »

 

CULTURE-TURECUL

ou

Le retour d’Alcibiade

 

«Telles étaient les populations grecques et barbares qui habitaient la Sicile. Telle était l'étendue du pays contre lequel les Athéniens s'apprêtaient à faire la guerre. En réalité, ils voulaient le soumettre entièrement, mais ils couvraient leurs intentions du spécieux prétexte de porter secours à des gens de leur race et antérieurement leurs alliés. »

Thucydide, Guerres du Péloponnèse (Livre VIe).

 

En l’an de grâce païenne ± 415 avant Qui-Vous-Savez, un scandale secoua de bon matin la population d’Athènes.

Que s’était-il passé ? En une seule nuit, tous les Hermès de la ville avaient été châtrés, certains, même, privés de leur nez.

Pour les enfants décervelés par les Éducations Nationales, précisons qu’un Hermès était une borne de forme quadrangulaire, surmontée de la tête du dieu des métamorphoses, des messages, du commerce, des voleurs, etc., et d’où se dressait fièrement un phallus en érection.

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                       Hermès en bronze

 

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                                                                                             et en marbre

Les Athéniens vouaient au Trismégiste (Trois Fois Grand) non seulement leurs limites territoriales, mais aussi la fertilité de tous et de chacun, autrement dit la survie de l’espèce à laquelle ils appartenaient. Chaque famille avait le sien – somptueux ou modeste – dressé devant sa porte. La maisonnée mettait ainsi la capacité de reproduction du pater familias sous la protection du dieu qui, dans sa fonction de protecteur des jardins et de toute forme de fécondité dans la nature, allait jusqu’à s’appeler Priape.

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Priape se pesant

Pompéi – Maison des Vetii

Qui avait bien pu commettre un tel sacrilège ?  La rumeur publique ne tarda pas à en accuser Alcibiade et quelques chitons dorés de sa bande. Elle vit, dans cet attentat, une provocation des oligarques et un signe avant-coureur de coup d’état contre le demos. En quoi elle ne se trompait pas.

Alcibiade, jeune, beau, né d’une famille riche et puissante, adopté par Périclès et amant occasionnel de Socrate quoique se partageant avec un égal bonheur entre ces dames (hétaïres) et ces messieurs, se croyait tout permis. Il méprisait le peuple et n’en faisait pas mystère. Vous avez dit arrogance ? 

Mais on ne s’attaque pas impunément à la foi des gens. Alcibiade était parti en mer avec la flotte (on était en pleine guerre du Péloponnèse). Il fut rappelé pour être jugé, mais faussa en route compagnie à son escorte et se réfugia chez les Spartiates. Il fut banni par contumace et, après une décennie de trahisons, finit assassiné par ceux en faveur desquels il avait renversé la démocratie athénienne. (Il a bonne mine Vladimir Poutine avec ses malheureux deux ans de cabane pour les Pussy Riot émules du bellâtre !)

On ne voudrait scandaliser personne, mais l’Hermès phallique était aussi sacré pour les Grecs que l’est la lampe du Saint-Sacrement pour les chrétiens ou la Pierre Noire de la Ka’aba pour les musulmans.

On (des historiens spécialistes de l’Antiquité) a voulu relativiser la profanation d’Alcibiade en la faisant passer pour une étourderie de jeunes sots après boire. L’un n’empêche pas l’autre mais les contemporains, eux, ne s’y sont pas trompés. Car le culte du phallus n’était pas seulement populaire, c’était surtout une survivance matriarcale, que le patriarcat en pleine ascension n’avait pu éradiquer.

Le message de ceux qui s’autoproclamaient « aristocrates » était clair, net et précis : «Nous voulons bien des privilèges que nous confère ce membre – le pouvoir absolu pour nous, les femmes au gynécée et les petits garçons pour notre récréation – mais nous ne voulons pas des servitudes qu’il implique, nous ne voulons pas être astreints à des performances « utiles à la société » dont nous nous contrefichons. Ils venaient d’entamer leur longue marche vers la brebis Dolly.

Tout l’art grec témoigne avec éclat de cette volonté de s’affranchir des obligations sexuelles liées à la nécessité de la reproduction : que ce soit dans la statuaire ou la poterie (puisque la peinture est perdue) ce ne sont partout que dieux surdimensionnés, qu’athlètes aux muscles hypertrophiés arborant tous, sans exception, des zizis d’enfants de dix ans, bistouquettes minuscules qui ne correspondent nullement à une esthétique particulière mais à une volonté politique.

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Qui a dit que l’histoire se répète ?

Rosa Llorens est allée voir une exposition au Musée d’Orsay. Elle raconte.

 

1er octobre 2013

Masculin/Masculin : y a-t-il encore une place pour les femmes dans la culture unigenre ?

8. Masculin-Masculin.jpgRosa LLORENS

Même si le musée d’Orsay annonce "un projet innovateur et très ambitieux", les critiques ne semblent pas enthousiastes : "une exposition confuse, parce que dépourvue de toute réflexion historique" (Le Monde), "L’homme nu en mal de sens" (Exponaute), "Dans ce festival de fesses, les oeuvres académiques, hélas, abondent" (Télérama).

La visite a de quoi, en effet, laisser perplexe ; mais on peut, derrière les déclarations affichées, y saisir quelques fils conducteurs, religieux, socio-historiques anti-féministes, qui confirment le rôle que joue aujourd’hui l’homosexualité en tant que nouveau chien de garde.

La première question qu’on se pose porte bien sûr sur le but d’une telle exposition : la présentation officielle insiste sur "les dimensions et les significations du nu masculin dans l’art". Est-ce vraiment une entrée féconde ? Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle ne parvient guère à englober de belles oeuvres ; elle aboutit plutôt à un musée des horreurs pompier, où on nous promène de Bouguereau et Flandrin aux kitschissimes Pierre et Gilles, et à une sorte de réalisme "homo-soviétique" avec Le Bain de Paul Camus et ses deux garçons nus dans une salle de bain, se lavant "après l’amour" (nous informe le commentaire).

Peut-on prendre au sérieux cette volonté pédagogique ? Difficile de s’imaginer conduisant une classe dans cette exposition ; du reste, on peut lire, avant une des dernières sections, un avertissement, assez discret, mais très pertinent : "Attention, certaines oeuvres présentées dans cette section de l’exposition sont susceptibles de heurter la sensibilité du jeune public." (Une visiteuse se félicitait de ne pas être venue avec son fils, ni, d’ailleurs, avec son mari).

Mais c’est toute l’exposition qui dément le prétexte pédagogique : comment s’interroger sur "les dimensions et significations...", etc, alors qu’elle suit une ligne de confusionnisme décidé, encadrant savamment un tableau religieux (le Christ après la déposition) par des corps d’éphèbes langoureux, ou quelques auto-portraits électriques d’Egon Schiele par des photos érotiques ? Nous sommes volontairement égarés le long d’"un parcours thématique aux intitulés interchangeables" (selon l’expression d’Exponaute).

Certains regrettent que l’exposition n’assume pas ce qui est sa véritable finalité : l’exaltation du corps masculin, vu dans le cadre d’un imaginaire homosexuel. Cependant, malgré un saupoudrage d’oeuvres strictement académiques (comme Les Baigneurs de Cézanne), cette orientation est évidente et trouve son "apothéose" dans les photos de grand format aux couleurs fluo de Pierre et Gilles et de David LaChapelle.

Cette exaltation produit-elle du moins des effets subversifs, comme elle voudrait le faire croire ? Les panneaux explicatifs évoquent une épopée dont l’enjeu serait la représentation sans voiles du sexe masculin ! cette lecture héroïque occulte des réalités plus sérieuses.

D’un bout à l’autre de l’exposition, s’affirme une volonté cynique de dégrader tout ce qui est religieux, commune aujourd’hui à toute l’industrie de la propagande (à commencer par la publicité). De chaque tableau religieux, on nous invite à ne retenir que la représentation de la (semi-)nudité masculine et à le considérer comme une préparation aux tableaux ou photos modernes ouvertement homo ; ainsi du thème de l’Ecce Homo, qui aboutit à l’Ecce Homo (version an 2000) de Kelinde Wiley, où un Noir dévoile tendrement un autre Noir qui regarde le spectateur : que peut-il bien avoir à nous dire ?

On sait que le thème du Saint Sébastien a souvent donné lieu à des tableaux ambigus, avec des martyrs trop beaux qui, selon une lecture psychanalytique, reçoivent avec volupté les flèches qui les blessent. Mais les peintres et photographes homo prennent cette lecture au pied de la lettre, et on voit, dans l’Ex-voto à saint Sébastien, d’Alfred Courmes, un jeune marin d’une esthétique Jean-Paul Gaultier, en béret à pompon, et marinière qui met en valeur ses fesses nues. Et on termine l’exposition sur une toile gigantesque, L’Ecole de Platon, de Jean Delville, où Platon est représenté comme un Christ entouré de 12 jolis disciples androgynes.

Mais le comble de l’odieux est atteint avec une des photos-tableaux vivants de LaChapelle : Wouldbe Martyr and 72 Virgins, où un beau Gulliver noir est ficelé par 72 poupées Barbies voilées, sur un sol jonché de pierres, de cocktails molotov et d’un bazooka : la prétendue transgression homosexuelle sert à reconduire les pires clichés de la presse bien-pensante, avec son association obsessionnelle entre Islam, violence et fanatisme (le terroriste dont la seule finalité serait de goûter au Paradis d’Allah !).

Malgré l’esthétisme de l’expo, le contexte socio-historique ne peut pas être occulté, sous peine d’ aboutir à l’apologie de comportements jugés "élégants" à l’époque symboliste mais qu’on doit aujourd’hui qualifier de criminels. On s’extasie sur le Jeune Homme au bord de la mer de Flandrin (1836) et la communion de l’homme et la nature qu’il traduirait ; mais, une section plus loin, on apprend que le tableau était devenu une icône dans "les cercles homosexuels de l’avant Première Guerre mondiale" ; on revient alors sur une photo de Wilhelm von Gloeden, Nu masculin à Taormine, qui représente un jeune berger en pagne, dans la même position foetale, et on comprend que ce photographe faisait partie de ces riches Européens du Nord qui allaient chercher dans les pays méridionaux et maghrébins des amours homosexuelles bon marché, tel Gide en Algérie. La décontextualisation esthétisante vise à nous faire oublier l’exploitation sexuelle des pays colonisés.

Dans la même veine, un critique qui trouve que l’expo ne va pas assez loin dans l’exhibition du sexe masculin et son activité, cite comme un exemple d’audace la danse érotique et le sexe enrubanné d’un jeune noir dans Paradis : Amour, d’U. Seidl ; mais il ne pense pas à le resituer dans le contexte de l’exploitation touristique, y compris sexuelle, du Kenya.

Mais, parmi tous les exclus de l’expo, il faut citer aussi les femmes : "du désir féminin, il n’est quasiment jamais question", remarque Exponaute ; en fait, les artistes femmes présentes ne font qu’aller dans le sens des fantasmes homoérotiques, de façon parfois encore plus crue (c’est en cela que consiste un certain porno-féminisme). Et cette absence va beaucoup plus loin : l’exposition nous enferme dans un univers d’où les femmes sont exclues, parce qu’on n’a plus besoin d’elles. Le dernier fil conducteur de l’expo semble être que les hommes les remplacent avantageusement dans tous les domaines.

Sur le plan esthétique, d’abord, un des panneaux explicatifs nous fait savoir, d’emblée, que le corps masculin, plus ferme et musclé, a l’avantage. Ce que confirme la photo Pin-up. Jennifer Miller as Marilyn Monroe, de Zoé Léonard, où un transsexuel s’étire voluptueusement sur un tissu rouge, montrant en effet des courbes dignes de Marylin ! De même, Pierre et Gilles remplacent le mythe de Léda (fécondée par un cygne) par celui de Ganymède, où le bel éphèbe câline son aigle.

Sur le plan sexuel et affectif, aussi, on voit les photos de couples masculin/masculin se multiplier. Mais on va plus loin : les hommes peuvent aussi remplacer les femmes dans leur fonction de maternité, et en tant que symboles de fécondité. Ainsi, George Platt Lymes montre, dans un montage-photo, une Deuxième naissance de Dionysos. Certes, c’est un thème mythologique, mais, tandis que, dans l’iconographie classique, Zeus garde toute sa majesté, ici, au moment où le petit Dionysos sort de sa cuisse, il se tord dans les douleurs de l’enfantement - fantasme homosexuel illustré, mais sur un mode grotesque, par Malaparte, dans La Peau.

On peut aussi citer le tableau de Lucian Freud : Parties de Leigh Bowery, sorte de réplique parodique à L’Origine du monde, où le sexe masculin remplace le sexe féminin. (Le thème est aussi décliné par une artiste, Orlan, où la même image est intitulée : L’Origine de la guerre, ce qui conduit à se demander jusqu’à quand on va continuer à iconiser ce tableau de Courbet, qui avait d’abord trouvé sa place dans un harem égyptien).

Curieuse présentation que celle de l’exposition, où le sous-titre savant et objectif - le nu masculin dans l’art- est contredit par l’enfermement et le prosélytisme du titre- Masculin / Masculin (l’exposition de Vienne qui a servi de modèle était plus directe : Nackte Männer, Hommes nus). La glorification du corps masculin y apparaît comme une cause héroïque à défendre : auprès d’elle toute culture et croyance religieuses deviennent dérisoires, et elle doit passer avant les luttes de libération des peuples. Enfin, en intégrant ce qu’il y a de plus contestable dans la vision de la femme (la réduction de la personne à un corps-objet érotique) et en s’annexant ses spécificités, elle exclut les femmes de façon radicale.

Rosa Llorens

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Pendant qu’on y est…


L’AFFAIRE DU BANKSY DÉCOUPÉ. À QUI APPARTIENT LE STREET ART ?

9. Mural de Banksy  volé - à qui appartient le Street art.jpg

10. Banksy 2.jpg

NEWS NEWS NEWS Dans la nuit du 16 au 17 février 2013, un mural peint au nord de Londres par le célèbre peintre de rue Banksy  est découpé. Quelques jours plus tard, le morceau de mur peint réapparait dans une galerie de Miami, mis en vente pour 500,000 dollars. Les habitants du quartier manifestent, Banksy proteste, les galeristes affirment que l'oeuvre leur a été vendue par le propriétaire du mur. A qui appartient donc le "street art" ? Enquête (une version courte de cet article est parue dans Le Monde).

C’est un garçonnet pied nus, en chemise déchirée, cousant à la machine une guirlande de petits drapeaux anglais. Le pochoir s’appelle « Slave work », « travail d’esclave ». D’un mètre carré environ, il a été peint en juin 2012 sur un mur de Haringey, au Nord de Londres, pour se moquer des festivités du Jubilé de diamant de la Reine. Les médias anglais l’ont beaucoup montré. Son auteur est le plus fameux artiste de rue d’Angleterre, et le plus coté, l’invisible Banksy. On retrouve sa patte : de l’émotion, un humour noir, très politique.

Au cours du week-end du 16-17 février 2013, « Slave work » disparaît, découpé dans le mur, à la grande surprise des habitants. Quelques jours plus tard, il est mis aux enchères pour 500000 $ (375000 €) sur le catalogue de la salle de ventes, Fine Art Auctions Miami, aux Etats-Unis. Aussitôt, un élu de Haringey, Alan Strickland, écrit au Arts Council d’Angleterre, en charge de la promotion et la défense des artistes anglais, pour lui demander de s’opposer à la vente. Il lance sur tweeter la pétition Saveourbanksy (Sauvez notre Banksy) : « La communauté de Haringey estime que cette œuvre nous a été donnée gratuitement, et qu’elle doit la garder.»

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Source : http://fredericjoignot.blog.lemonde.fr/2013/03/02/laffair...

 

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11. Des films - TITRE.JPG

Mais – revenons-y – Rosa Llorens, critique d’art, est aussi notre critique de cinéma préférée. Que voilà une belle occasion de vous servir ses derniers délectables comptes-rendus.

Moisson de l’été

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24 septembre 2013

Cinema Komunista : hommage à la Yougoslavie.

12. Cinéma Komunista.jpgRosa LLORENS

Deux films de mémoire sortent cette semaine : Cinema Komunisto, de Mila Turajlik et : Barcelone, avant que le temps ne l’efface, de Mirèia Ros. Tous deux auraient pu se référer, en sous-titre, au livre de G. Orwell, Hommage à la Catalogne.

Malheureusement, le deuxième se contente de dérouler les souvenirs de quelques grandes familles de la bourgeoisie industrielle et mécène de l’époque moderniste (fin XIXe-début XXe) ; il apporte certes des informations intéressantes et même amusantes, ainsi l’étymologie du mot "culé" (supporter du Barça) : le choix du terrain du nouveau stade, le futur Camp Nou, s’était porté sur un champ de choux, "col" en catalan ; "coler", amateur de choux, s’est ensuite déformé en culé, qui se prononce de la même façon. Mais c’est un film narcissique, et on a du mal à partager la nostalgie des auteurs (du film, et du roman qui l’a inspiré) qui semblent penser que la fin des grandes dynasties bourgeoises est la fin de Barcelone (pas la moindre allusion au projet de deuxième Renaissance catalane à travers la revendication de l’indépendance).

Au contraire, Cinema Komunisto est un hommage au peuple yougoslave et au projet fédérateur de la Yougoslavie. Avec l’histoire des studios Avala de Belgrade (qui rivalisaient avec Cinecittà), c’est toute l’histoire de la Yougoslavie (1945-1991) qui défile sous nos yeux, à travers les souvenirs d’un directeur d’Avala, un acteur idole du public yougoslave, Bata Zinojenovic, et, surtout, le projectionniste privé de Tito, Leka Konstantinovic, qui, pendant plus de 30 ans, lui a montré un film par jour.

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Source : http://www.legrandsoir.info/cinema-komunista-hommage-a-la...

 

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5 août 2013

Offline : un Passé conjugué en flamand.

13. Offline - flamand.jpgRosa LLORENS

L’été est déprimant au cinéma : dans Journal intime, Nanni Moretti, resté à Rome, constate qu’il a le choix entre films d’horreur américains et pornos. Le Nouvel Observateur, lui, nous conseille les rééditions. Mais il y a plus stimulant : découvrir des "petits" films, plus visibles, maintenant que nous ne sommes plus assommés par de grosses campagnes de pub. Plutôt que Wolverine et autres loups-garous, vampires et amateurs de tronçonneuses américains, pourquoi ne pas aller voir du côté des voisins belges, tellement plus surprenants que les Persans en habits parisiens estampillés par les médias officiels ?

Que peut-on en effet trouver chez des Iraniens qui ont renié leur pays et qui ne tournent que pour le public européen et, plus spécialement, le Tout-Paris ? des clichés insipides comme de la world food, autour, par exemple, d’une famille recomposée suivant les canons du sociétalement correct.

Dans Offline, par contre, tout a la saveur du réel, l’accent du vrai : nous sommes à Gand (mais nous ne verrons pas de canaux, seulement des quartiers de grands ensembles), en territoire flamand ; Rudy est spécialisé dans la réparation de machines à laver, sa femme est coiffeuse, son meilleur ami, Rachid, un immigré francophone connu en prison, est chauffeur de taxi. Pas de familles recomposées ici : Rachid tient à la réussite de son mariage, dont sont nés trois garçons. Quant à la famille de Rudy, elle reste décomposée depuis sa condamnation à la prison : sa femme vit seule, dans le chagrin et la rancoeur, leur fille Vicky essaie de financer ses études (bien compromises) grâce à la messagerie rose, sous le pseudo de Sweetlips.

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Source : http://www.legrandsoir.info/offline-un-passe-conjugue-en-...

 

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28 juin 2013

Diaz, les G8 et le vrai visage de la démocratie.

14. DIAZ.jpgRosa LLORENS

Après Piazza Fontana, de M.T. Giordana, Daniele Vicari vient encore illustrer avec force le genre du cinéma politique italien : bien que Diaz, Un crime d’Etat, concerne les terribles événements du G8 de Gênes en 2001, sa sortie pendant le récent G8 qui s’est tenu en Irlande lui redonnait une pleine actualité.

On peut sans doute faire des reproches au film (Vicari en a reçu aussi bien de la droite et de la police, que de l’extrême-gauche qui lui reproche de ne pas avoir assez parlé de son projet politique) ; mais on a trop besoin de ce type de film pour ne pas le saluer avec gratitude, alors que les medias traditionnels ne sont plus que bourrage de crâne, et en ces temps de trahison des clercs : dimanche dernier, l’inénarrable Michel Serres dissertait sur France-Info (à propos de récentes manifestations) sur Expertise ou Vérité et Opinion, suivant l’opposition scolastique entre Logos et Doxa (pont aux ânes de tout candidat au Bac de philo), pour conclure que les chiffres donnés par la police, relevant de l’Expertise, et donc de la Vérité, sont incontestables, tandis que ceux donnés par les organisateurs des manifestations, relevant de l’Opinion, ne devraient pas être cités (car les mettre en parallèle avec les premiers serait offusquer la Vérité).

Il ne reste donc, pour ouvrir de petites fenêtres sur la réalité, que le cinéma. Le G8 de Gênes a fait un mort, un jeune de 22 ans, Carlo Giuliano, tué d’une balle, mais aussi écrasé à deux reprises par un véhicule de la police. Ceci a marqué les esprits ; mais qui se souvient de la suite ? C’est de cette suite que traite le film.

Diaz s’ouvre sur une scène énigmatique (qu’on reverra plusieurs fois et qui ponctue la première partie du film) : un jeune lance une bouteille qui vient s’écraser à côté d’un véhicule de la police, selon une trajectoire qui se déroule au ralenti et à l’envers : c’est en effet le petit incident fatidique qui va aboutir à un déchaînement de violence policière. Après la mort de Giuliano, les autorités italiennes, voulant en finir avec les jeunes qui continuaient à tenir tête à la police, multipliaient les provocations, cherchant un prétexte : cette bouteille leur permet de se présenter comme menacées et d’utiliser un certain article de loi pour justifier une vaste opération, l’assaut de l’Ecole Diaz. Des centaines de policiers, de Gênes, mais aussi des renforts venus de plusieurs autres villes, attaquent pendant la nuit moins d’une centaine de jeunes anti-système qui dormaient dans le gymnase. La caméra, très mobile, nous plonge dans la violence, la confusion et la panique de cette nuit : elle suit l’irruption des hordes de policiers, les coups de matraques qui s’abattent sur garçons et filles indifféremment, mais aussi sur des médecins et des journalistes, la chasse à l’homme dans les étages de l’école, où on débusque de petits groupes de leurs précaires cachettes, et les mares de sang qui s’élargissent (d’où le sous-titre italien : Don’t clean up this blood) : et tout cela est scrupuleusement exact, il suffit de comparer le film aux vidéos tournées sur le vif.

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Source : http://www.legrandsoir.info/diaz-les-g8-et-le-vrai-visage...

 

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19 juin 2013

La Bataille du Chili, 40 ans après.

15. Bataille du Chili.jpgRosa LLORENS

Le 11 septembre 2013, il y aura 40 ans du coup d’État de Pinochet et de la mort d’Allende, mais c’est aussi les 40 ans du Coup d’État du 27 juin 2013 en Uruguay (petit pays dont on parle moins souvent mais où la dictature militaire a mené une répression plus sanglante, proportionnellement au nombre d’habitants, qu’en Argentine). Grâce à la Coordination "40 ans après", on a pu revoir au cinéma Action Christine La Bataille du Chili, de Patricio Guzman.

Le film, tourné pendant la présidence d’Allende, dans des conditions dramatiques, pourrait s’intituler Chronique d’un Coup d’État annoncé : effectivement, dès la victoire d’Allende aux élections de septembre 1970, les partis politiques de droite, les secteurs radicaux de l’armée et la CIA avaient mis au point la stratégie du chaos qui devait conduire au coup d’État.

La grande difficulté, pour l’équipe de tournage, dit P. Guzman, était le décalage entre le peu de moyens matériels (le film fut tourné grâce à la pellicule offerte par Chris Marker, et monté, après le coup d’État, à Cuba) et la masse d’événements et l’effervescence des années 70-73 : il fallait choisir et planifier ce qu’on allait couvrir ; les choix furent judicieux, puisqu’on suit le film dans l’angoisse, l’estomac noué, revivant les possibilités extraordinaires de cette période, tout en pensant aux tragédies humaines auxquelles elle a abouti ; mais on assiste aussi, au-delà du documentaire, à de grands moments de cinéma.

Les séquences font alterner trois groupes, trois centres de pouvoir : les ouvriers dans leurs usines, la droite parlementaire appuyée sur l’armée, et, entre les deux, Allende et le gouvernement d’Unité Populaire.

Face à la stratégie de tension et de sabotage de la part de la droite, Allende ne pouvait compter que sur le peuple : il a donc encouragé les ouvriers à s’organiser, ce qu’ils ont fait avec une détermination et une efficacité impressionnantes ; les usines passent entre les mains du peuple, constituant les nouveaux "cordones", où le travail est inséparable des actions de défense : on voit les ouvriers dresser des barricades et obliger la police mais aussi le gouvernement, qui voulait revenir sur ces nationalisations sauvages, à reculer.

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Source : http://www.legrandsoir.info/la-bataille-du-chili-40-ans-a...

 

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16. Rohani vs Bibi.jpg

Sans raison. Juste parce qu’elle nous fait rire.

 

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Jean-Sébastien-Bach et Fats Waller

 

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Mis en ligne le 6 septembre 2013.







22:09 Écrit par Theroigne dans Actualité, Général, Loisirs, Musique, Web | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

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